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La Géorgie devant le Portugal ?
Le cannabis en Géorgie, ou comment passer de la tolérance zéro à l’une des politiques les plus prometteuses d’Eurasie.
Les montagnes du Caucase et les plantes à drogues ont une histoire commune très riche. En effet, la myriade de peuples présents depuis des centaines de milliers d’années dans cette région a depuis toujours utilisé notamment le cannabis pour la spiritualité, la médecine, la nutrition, ainsi que pour ses qualités fibreuses exceptionnelles.
La Géorgie est une ancienne république soviétique séparée géographiquement du sud de la Russie par des montagnes plus hautes que les Alpes. Son histoire récente, depuis l’indépendance en 1991, n’a pas été de tout repos, et c’est peu de le dire (coup d’état, séparatisme, tensions armées avec la Russie…), comme ce fut plus ou moins le cas pour toutes les anciennes républiques d’URSS.
L’héritage communiste et sa position stratégique convoitée par les Etats-unis firent de ce petit pays une zone particulièrement propice à l’épanouissement d’une prohibition sauvage, avec son cortège d’effets secondaires néfastes : stigmatisation des usagers, santé publique délétère, corruption… En bref le lot des citoyens des pays signataires de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961.
Jusqu’en 2015, une répression intense
Pire encore, depuis 2007, la répression s’est intensifiée, rationalisée, avec la prison systématisée pour les usagers, la mise en place de centres de tests urinaires par lesquels passèrent des dizaines de milliers de Géorgiens chaque année, une situation extrême de tolérance zéro bien utile pour faire régner la peur et le silence, un contrôle social idéal pour un pouvoir aux abois.
Alors comment, dans ce contexte, en arrive-t-on à recevoir des nouvelles positives de la Géorgie sur le front de la légalisation du cannabis et de la décriminalisation des drogues ?
Pour comprendre, nous avons interrogé David Subeliani, militant cannabique depuis 2013 du « Mouvement du 2 juin », puis l’un des moteurs du White Noise Movement, un groupe très organisé travaillant sur toutes les drogues. Cette association fut à l’origine en 2015 d’une première porte enfoncée, gagnant le cas constitutionnel d’un des leaders de l’ONG, qui risquait plusieurs années de prison pour 70 grammes de cannabis. La Cour stipula que la peine de prison pour les usagers de drogues n’était pas conforme à la Constitution, une victoire sur laquelle s’appuyèrent les activistes pour s’engouffrer dans la brêche de la décriminalisation à la portugaise.
Un peuple se soulève
Avant 2015 nous raconte David, la situation était catastrophique : prisons remplies d’usagers, leurs droits civiques bafoués en sortant (interdiction de posséder un permis de conduire, de travailler dans une administration, d’être élu…), hépatite C et sida en progression constante, apparition de nouvelles substances et l’un des ratios de consommateurs problématiques les plus importants au monde.
Pourtant, il se développait depuis quelques années la conscience d’une autre voie possible. Le mouvement White Noise émergea des exemples étrangers de réduction des risques, d’auto-support des consommateurs, de spécialistes se formant à une autre vison de la politique des drogues, ainsi que des évidences concrètes que la répression était totalement contre-productive. Les militants se mirent en mode « combat » suite à la décision de la Cour constitutionnelle, se fixant un but bien précis : la décriminalisation de l’usage et de la possession de petites quantités de drogues.
Pour l’atteindre, ils entrèrent en confrontation avec les autorités, unissant les groupes existants, s’interposant physiquement lors des « raffles » visant à tester les gens, pratiquant les directs sur les réseaux sociaux lors des opérations policières, gagnant des procès dont l’un décriminalisant de fait l’autoproduction de cannabis.
Cannabis libre en 2018 ?
En plus de leurs campagnes d’information aupès de la population et de leur « harcèlement » des décideurs politiques, leur activisme qu’ils qualifient eux-mêmes de « guerrier » fit rapidement grossir leurs rangs, jusqu’à 10000 manifestants pour une population de moins de 4 millions d’habitants.
La presse et la société civile suivirent et 40 organisations formèrent la Georgian National Drug Policy Platform, une seule voix comme interlocuteur du gouvernement. Aujourd’hui, devant un tel élan aussi bien populaire qu’intellectuel, les députés sont de plus en plus au fait des problématiques de politique des drogues, certains ont même été amenés au Portugal pour prendre conscience des alternatives à la prohibition.
Après tant d’efforts des militants et deux ans de tergiversations, le Parlement travaille sur un projet de loi qu’ils ont contribué à élaborer, sur la décriminalisation de la consommation et la possession de drogues, ainsi que l’autoproduction de cannabis. Ils espèrent être rendus d’ici le printemps, le processus législatif étant particulièrement tortueux.
Il ne fait pas de doute que cette victoire annoncée est bien le résultat d’un travail sans relâche des activistes, que leur détermination sans faille a pu faire basculer l’opinion publique et les élites non corrompues. Voilà une nouvelle démonstration du pouvoir potentiel des peuples sur leur destin commun, contre un système politique, la prohibition, qui les broie sans scrupule !
Emmanuelle Macronne
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Source : SoftSecrets
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