Bonjour,
Encore une nuit sans sommeil et une question: "Pourquoi les hommes politiques en exercice éludent les questions relatives aux drogues?"
Un peu partout de par le monde, tous les hommes politiques au pouvoir font la promotion de la répression comme réponse prépondérante au problème de l'usage de drogue. Depuis les années 1970, les Etats-Unis ont imposé au reste du monde leur vision répressive sans concessions au problème du trafic de drogue en instituant leur "Guerre contre la drogue" comme l'unique modèle acceptable sensé régler le problème. Ils ont réussi à imposer cette politique aux nations occidentales via la diplomatie et aux nations en développement par le conditionnement des prêts accordés par la Banque Mondiale ou le FMI (ou plus simplement des aides financières massives aux pays producteurs pour éradiquer le trafic), laissant de fait l'organisation du trafic au crime organisé. La personne qui consomme de la drogue devient un délinquant.
Cette mise en perspective éradique complètement l'usage récréatif de drogue, le toxicomane devient une personne nuisible prête à tout pour se procurer sa drogue, la "sorcière" de la fin du 20ème siècle. Et à grand renfort d'histoires et de faits divers glauques, sordides et, souvent, très exceptionnelles le grand public est matraqué avec cette image du toxicomane menteur, voleur et sans scrupules. À tel point que certains toxicomanes de cette génération se persuadent qu'il ne sont pas de "vrais" toxicomanes si ils n'adoptent pas ce stéréotype. Cela facilite aussi grandement le travail de la police, trop contente d'avoir des délinquants constamment en infraction et corvéables à merci (d'après eux) dès qu'ils sont en manque. Cela fournit aux forces de l'ordre une source quasiment inépuisable d'informateurs redoutant par dessus tout un
sevrage en maison d'arrêt (lorsqu'il n'y avait pas de
TSO). Les usagers de drogue(s) sont donc souvent déchus du droit de vote. Personne ne remet en cause cette criminalisation de l'usage de drogue comme exclusion de la société qui pourrait être plus problématique que la seule consommation.
Les hommes politiques qui briguent le pouvoir ou sont pouvoir, quelle que soit leur vision personnelle du problème, savent qu'une remise en question du "tout répressif" ou même d'une faiblesse (humanité) sur un problème de drogue leur sera d'office défavorable. Premièrement, parce que le grand public qui ne connait le problème que par les films souvent outranciers, les récits épiques de quelques "marginaux" et les faits divers souvent déformés par la presse, ne comprendrait pas ce relent d'humanité envers des "délinquants sans scrupules qui arrachent les sacs des petites vieilles" (stéréotype très en vogue dans ces années-là ). Secondement, les opposants politiques de ce téméraire humaniste sauteront sur l'occasion pour le taxer de laxisme ou d'être lui-même un (ex-)usager de ces produits défendus qui ont entamé son "bon sens". Comme le courage politique est une chose rare et à employer avec grande parcimonie, les quelques politiques ayant défendu peu ou prou le
cannabis en usage raisonné, ont eu une carrière politique réduite à néant ou presque après leurs confidences basées sur la raison et oubliant momentanément la charge symbolique et émotionnelle du problème. Il faut dire aussi que le corps médical, hormis quelques acteurs médiatiques en ayant fait un "fonds de commerce", que ce soit par méconnaissance, par préjugés ou par appréhension, n'a pas fait grand-chose pour arrêter la
stigmatisation des usagers de drogue(s). Il faut dire que les usagers de drogues étaient réputés pour être des "cas difficiles" et que chaque praticien avait dans ses connaissances un collègue qui avait eu une très mauvaise expérience avec un toxicomane. Là encore, il est raisonnable de se demander si la
stigmatisation, le renvoi automatique à un stéréotype peu reluisant, l'infantilisation des UD et même, parfois, le refus de soins n'induisaient pas chez les toxicomanes une répulsion globale du corps médical.
Or pendant toutes ces années, une drogue dure restait en vente au vu et au su de tout le monde sur tout le territoire français, l'
alcool. Comment expliquer l'énormité de cette hypocrisie alors que l'
alcool cause directement nettement plus de morts que toutes les drogues illégales réunies, cause des cas de maltraitance grave et de violences intrafamiliales? On va sans doute me répondre que c'est culturel, traditionnel ou économique... Mais est-il raisonnable de d'entretenir une telle différence de traitement entre l'usage raisonné de
cannabis et la consommation responsable d'
alcool?
Ce qui me fait venir à la conclusion (momentanée) de mon raisonnement: si en fait la concession faite sur le terrain du
cannabis impliquait, dans l'esprit des gens au pouvoir, une sorte de reconnaissance ou d'aveu d'un pouvoir limité, dépendant sur beaucoup de sujets de groupes d'experts choisi dans les rangs d'une élite souvent étrangère aux réalités de terrain? Si faire des concessions sur quelques points remettait en cause chez certains la valeur de tout l'appareil politique, qui depuis quelques années ne cesse de démontrer son inaptitude à réguler la spéculation outrancière? Si faire des concessions sur cette question remettait en cause chez certains la "validité" de la loi et de l'autorité?
Voilà , je n'ai pas la réponse mais enfin les Etats-Unis font des essais de
dépénalisation de la production, du commerce et de l'usage du
cannabis récréatif. Beaucoup de regards sont maintenant tournés vers ces états "pionniers" pour en tirer un enseignement basé sur des faits, pour le meilleur ou pour le pire (chacun décidera).
seba59