Cannabis « médical » contre cannabis « récréatif » : une vision trop simpliste

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filousky homme
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Les usages du cannabis ne peuvent se répartir simplement entre « médicaux » ou « récréatifs ».

Ponctuel ou régulier, seul ou en groupe, pour soulager une souffrance ou chercher une convivialité… L’usage du cannabis diffère selon que sa finalité est médicale ou non médicale. En France, l’usage médical du cannabis, sous forme de médicament, est autorisé depuis 2013, sous forme de spécialités pharmaceutiques.

Cet usage médical est généralement opposé à l’usage dit « récréatif ». Cependant, si cette description simplifiée facilite les questions de réglementation, elle ne permet pas, du point de vue de la santé publique, de proposer un accompagnement adapté aux personnes consommant cette plante et ses dérivés.

En effet, un grand nombre d’usagers échappent partiellement ou totalement à ces deux catégories. Difficile de qualifier de « récréatif » le fait d’utiliser le cannabis pour soulager des angoisses irrépressibles ou atténuer les effets indésirables d’une chimiothérapie, quand bien même ces consommations ne correspondent pas aux critères actuels définissant une utilisation « médicale »…

Comprendre les raisons pour lesquelles certaines personnes utilisent le cannabis ou ses dérivés et nommer correctement les différents usages est un premier pas indispensable pour sortir d’une vision trop caricaturale.

L’usage médical : des médicaments sur prescription

L’usage médical du cannabis (sous forme de plante entière ou d’extraits) et des cannabinoïdes requiert des preuves scientifiques : il s’agit, après avoir constaté un bénéfice individuel, de s’assurer de qu’il existe aussi un bénéfice au niveau de la population.

Actuellement un seul médicament est disponible en France, pour traiter deux formes sévères d’épilepsie : l’Epidyolex, qui est uniquement à base de cannabidiol (CBD). Cependant, la loi de financement de la sécurité sociale 2020 propose d’autoriser et d’évaluer l’usage de cannabis médical dans certaines indications ou situations cliniques réfractaires aux traitements indiqués et accessibles.

Ce changement aurait lieu à titre expérimental, pour une durée de deux ans. Une partie des usages non médicaux autothérapeutiques basculeraient ainsi dans la catégorie des usages médicaux. Ce qui permettrait aux Français concernés de bénéficier d’un accompagnement médical pour soulager au mieux leurs souffrances, à moindre risque.



L’usage non médical : social et autothérapeutique

Selon Marie Jauffret-Roustide, sociologue et chercheure à l’Inserm, l’usage non médical probablement le plus fréquent est un usage qui s’inscrit dans des sociabilités

« Ce sont des consommations à l’adolescence ou au début de l’âge adulte où le cannabis peut être un rituel de passage. Alors le cannabis peut remplir des fonctions sociales : s’intégrer dans un groupe, partager des sensations collectives, faciliter les interactions avec les autres, et en ce sens, il peut être festif. »
Cela en lien avec les effets psychoactifs du cannabis. Les risques associés existent néanmoins, comme pour tout usage, même irrégulier, de substances psychoactives.

Un autre usage non médical du cannabis est l’usage à visée autothérapeutique, qui a pour but la recherche d’un apaisement, d’un autosoulagement, en dehors de tout contexte social et festif. Il peut par exemple s’agir, dans le cadre de problématiques adolescentes, d’utiliser le cannabis comme moyen d’anxiolyse voire d’anesthésie de la pensée : il s’agit alors d’utiliser la « défonce » comme remède à certains symptômes dépressifs ou anxieux. Ce type de consommation est plus régulière et souvent solitaire. L’usager s’éloigne souvent de ses activités habituelles et sa vie sociale est plutôt pauvre. Cet usage peut masquer des troubles psychiatriques graves.

D’autres situations, comme les douleurs chroniques réfractaires, les épilepsies résistantes ou les effets indésirables des chimiothérapies du cancer sont les principaux motifs d’usage autothérapeutique de cannabis par des patients souffrant d’une pathologie chronique mal soulagée par des thérapeutiques conventionnelles et autorisées. Parmi eux, des patients n’ayant jamais consommé de cannabis.

Une partie de ces usages, qualifiés ici de « non médicaux autothérapeutiques » ont déjà basculé, dans certains pays, dans la deuxième grande catégorie d’usage médical du cannabis. En effet, il n’y a rien de très « récréatif » dans la recherche du soulagement d’une souffrance physique ou psychique par le cannabis

L’addiction, autre usage non médical

Un autre usage non médical du cannabis est celui qui s’impose au consommateur en cas d’addiction. Dans cette situation, le manque de cannabis se traduit par des troubles du sommeil, des tremblements, de l’anxiété… La prise vise alors à pallier ces symptômes, et à répondre aux envies irrépressibles de consommer. Sans autre finalité, si ce n’est, parfois, la recherche d’un soulagement des complications psychiques liées à cette addiction, qui peut être une source d’angoisse pour le consommateur.

Ce qui renforce la spirale de l’addiction : l’usage du cannabis procure un soulagement immédiat mais provisoire, qui au final entretien la souffrance psychique du consommateur, lequel devient encore plus dépendant, mais aussi plus anxieux, plus dépressif, perd en qualité de sommeil, etc.

Autant de troubles qui résisteront aux traitements psychotropes conventionnels en l’absence de sevrage en cannabis. Il n’y a, là encore, rien de très « récréatif » non plus dans l’emploi du cannabis dans un contexte d’addiction… Les frontières sont en revanche moins claires s’agissant des usages du cannabis liés au « bien-être ».



Le cannabis ou le chanvre « bien-être »

Depuis maintenant deux ans, le cannabis, en réalité plus souvent le chanvre, voire l’un de ces composants, le cannabidiol est présenté comme une source potentielle de « bien-être ».

En pratique, cette dénomination regroupe des produits et des objectifs très différents. De la cosmétique vantant les propriétés hydratantes de l’huile de graines de cannabis, en passant par des produits alimentaires argumentant la richesse en oméga-3 de cette même huile jusqu’à des produits bruts (fleurs) ou transformés (huiles) flirtant avec des allégations thérapeutiques autour de propriétés apaisantes attribuées au cannabidiol.

Mais de quel bien-être parle-t-on ? Celui de l’OMS, qui considère que la santé ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité, mais est un « état de complet bien-être physique, mental et social ? »

Faut-il également prendre en compte la définition de la santé mentale, toujours selon l’OMS, qui serait un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté » ?

Bref, cette finalité d’usage qualifiée de « bien-être » se positionne à la frontière du médical et des produits de confort. Elle devra sûrement faire l’objet d’une définition plus précise, voire d’une reformulation (de même que son association avec le mot « cannabis »). Cela pour deux raisons principales : éviter toute ambiguïté avec ce que sera le cannabis médical en France, et ne pas participer à la banalisation des risques liés aux usages non médicaux de cette plante.

Sortir du tout récréatif

Dernier point, et non des moindres : l’emploi du mot « récréatif » va à l’encontre de la politique de répression des usages de cette substance illégale en France.

Elle confère en effet à cette substance une image particulièrement attractive. Or, au-delà de l’interdiction d’usage et de trafic, le législateur a interdit la promotion de la drogue (article L3421-4 du code de la santé publique), en identifiant notamment l’infraction de « présentation sous un jour favorable » de l’usage de stupéfiants.

En théorie, donc, parler de cannabis « récréatif » devrait tomber sous le coup de la loi, car l’associer à un divertissement, à un produit festif, incite notamment les plus jeunes à le consommer avec une fausse impression de sécurité.

Alors que les premières prescriptions de cannabis médical en France sont prévues en 2020, des actions de communication devront être réalisées pour expliquer comment une plante considérée comme une drogue illicite peut aussi faire l’objet d’un usage médical.

Dans l’attente des conclusions de la mission parlementaire

Mieux nommer et décrire les finalités et les modalités d’usages de cette plante pour mieux comprendre et accompagner les diverses utilisations constituera une étape importante pour accompagner les évolutions de l’emploi du cannabis.

Ce sera probablement l’un des objectifs premiers de la mission d’information parlementaire mise en place pour « explorer les enjeux liés aux différents usages du cannabis (thérapeutique, bien-être et récréatif) et à la filière du chanvre ».

Composée d’une trentaine de parlementaires de tous bords, son travail se basera notamment sur les expériences des autres pays qui ont déjà réglementé les divers usages du cannabis et de ses dérivés, non seulement au sein de l’Union européenne mais aussi en Amérique du Nord. Ses conclusions sont attendues pour le second semestre de cette année.

Source : theconversation.com

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bigorneau homme
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bonjour

merci pour l'article.

L'auteur dit qu'il n'y a rien de récréatif à vouloir calmer des douleurs physiques ou psychiques.

De mon point de vue, je dirais les choses autrement, c'est parce que c'est récréatif que c'est thérapeutique. Si le cannabis améliore aussi bien mon état anxieux, c'est parce qu'il me donne le smile, parce qu'il est récréatif. C'est un peu le serpent qui se mord la queue, c'est des questions sémantiques.

Pour moi le cannabis est récréatif et thérapeutique, c'est les 2 faces d'une même pièce.

bien à vous

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Mister No homme
Pussy time
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L'auteur dit qu'il n'y a rien de récréatif à vouloir calmer des douleurs physiques ou psychiques.

C'est vrai aussi pour la morphine, quand je prenais des doses adaptées à la douleur, je n'entrais pas dans une démarche récréative.
L'attente d'un patient et d'un médecin qui utilisent les cannabinoïdes sont différents de ceux d'Agartha qui va faire le tour des clubs de Barcelone. fume_une_joint

L'attente d'une victime d'accident de la route qui souffre et dont la douleur va être prise en charge par des bolus de morphine est différente d'une envie de passer quelques jours sous skénan pilé.
J'ai testé les deux.
Le set and setting peut rendre l'expérience agréable et addictive, ou au contraire désagréable et sans addiction.

Maintenant, cannabis ou morphine, en plus de bloquer le signal de la douleur ont des effets psychologiques aussi sur l'acceptation de cette dernière.
Les effets récréatifs d'un traitement  que l'on peut parfois percevoir contribuent aussi à l'utilité thérapeutique, mais le thérapeutique et le récréatifs répondent très souvent à des besoins différents.

Le ministère Hollandais de la santé commercialise aussi bien en pharmacie des fleurs d'un clone d'un cultivar Jack Herer Sensi seeds que d'autres ratios infrarécreatifs, des préparations qui ne font pas planer quoi.
Dans le thérapeutique, tu peux avoir aussi bien l'excellence du récréatif que des strains ou préparations inintéressants pour s'allumer.
Même quand le gratin du récréatif donne ses cultivars au thérapeutique, les médecins et les patients souhaitent un produit, des fleurs qui ne connaissent pas de variations dans leur contenu en cannabinoïdes.
Une herbe jugée récréative à bien sa place dans les pharmacies pour les patients qui en ont besoin, mais avec une garantie de continuité d'effets du traitement, ce qui est opposé à la nature du marché du récréatif.
Un patient par exemple en "chambre stérile" suite à une chimios doit pouvoir vaporiser des fleurs sans agent pathogène, ce que ne garantie pas la filière recré, cela reviendrait à Interdire les fromages au lait cru.

Les normes pharma et récréatif sont différentes par nature.

Dernière modification par Mister No (25 janvier 2020 à  10:24)


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