J'ai commencé en soirée. Je suis une grosse fêtarde et je tiens plutôt bien l'
alcool. Alors le jour où , un pote de fac, m'a proposé « un petit rail », je n'ai pas vraiment hésité. Après tout, je n'étais pas du genre à m'écrouler ivre morte dans un coin de la boÎte, je savais me tenir et j'avais l'impression de connaÎtre parfaitement mon corps. Je n'avais encore jamais perdu mes moyens, alors un rail de
coke, c'est bête mais ça ne me faisait pas peur, Vincent m'a proposé, l'air de rien, « t'en veux ? » Je crois que cette phrase, même si elle a l'air anodine, devrait être prise très au sérieux. « T'en veux ? », ça ne veut pas juste dire « Hé, est-ce que tu veux t'amuser un peu ? » mais aussi « Hé, est-ce que tu veux prendre le risque de faire du mal à ton corps, prendre le risque de finir en badtrip, prendre le risque de laisser ton organisme mal réagir, ou encore, prendre le risque de banaliser cette consommation jusqu'à ne plus pouvoir te retenir d'en prendre ? » Mon regret principal se situe à cet instant précis. Il m'a demandé « T'en veux ? » et j'aurais dû dire non. Ce soir-là , j'avais quelques Mojitos, le double de bières et des shots de whisky dans le sang. Ce soir-là , je venais d'essuyer une déception amoureuse. Ce soir-là , je voulais faire la belle et montrer à celui qui m'avait quitté que j'allais bien, que j'étais heureuse et capable de rire à gorge déployée. Alors j'ai suivi Vincent dans les toilettes, et j'ai pris le rail qu'il m'avait préparé sur le rebord de la fenêtre. J ai ressentie une Une euphorie incroyable et beaucoup d'énergie. Je suis retournée au milieu de la boÎte, et j'ai dansé pendant plusieurs heures sans m'arrêter. Je me sentais incroyablement bien : apaisée, légère, vide et pleine à la fois. J'étais super sociable avec les gens autour de moi, je me souviens avoir pris Vincent plein de fois dans mes bras. Il me portait, je riais, il me faisait tourner sur moi-même, je riais encore. Quand je me suis engouffrée dans un taxi au petit matin, je me souviens avoir souri tout le long du trajet, un peu comme si je venais de passer la meilleure soirée de ma vie. Ma rupture ressemblait à un lointain souvenir : je me sentais déjà mieux, je relativisais, pire, je me fichais de savoir que ce mec, que 24h plus tôt j'aimais encore, venait de salement me larguer. Plus rien n'avait d'importance. Le lendemain au réveil j'étais de nouveau triste. J'avais froid. Un peu honte de ce que j'avais pu faire la veille – mais peu importe puisque je ne me souvenais pas de tout. Devant mon café, j'ai quand même souri : la soirée avait vraiment été bonne et j'avais passé mon temps à rire comme si j'étais possédée. Objectif atteint, donc : mon ex m'avait forcément vu pleine de joie de vivre. C'est tout ce que je voulais.Mais le samedi soir d'après, j'en ai repris. Même schéma de soirée : beaucoup de musique, l'envie de faire la fête jusqu'au petit matin, quelques verres qui commençaient gentiment à me faire tourner la tête. Mais cette fois-ci, l'envie de prendre de la C est arrivée par moi-même : j'étais pas fatiguée, et j'avais envie que la soirée dure plus longtemps. Et j'avais encore le souvenir de la soirée d'avant, pleine de folie. Je pense que la deuxième fois est l'un des moments les plus importants dans le début de la consommation banalisée. Tu te rappelles à quel point la première a été dingue, et tu cherches à reproduire la même situation. Alors tu en reprends et c estit mon cas j en voulais encoré e encoré.
Au bout de plusieurs mois, je me suis mise à « penser » ma consommation. J'en prévoyais à l'avance, histoire de « faire des économies » en arrêtant d'en acheter plein pot en soirée. J'en achetais en bonne quantité, et partait en soirée avec quelques dizaines de grammes. Autre chose : je me suis disputée avec les potes qui se sont inquiétés pour moi. Je les accusais de ne pas me comprendre, d'être trop coincés ou de ne pas vouloir « être jeunes et vivre dans leur temps ». Je me suis mise à exclusivement sortir avec Vincent, ses potes et d'autres copains rencontrés en soirée… soit uniquement des gens pour qui la drogue ne faisait pas débat. J'avais un discours détestable et égocentrique : au lieu de réaliser que mon entourage s'inquiétait pour moi je préférais les accuser d'être faibles et peureux. Dans l'histoire, la fille forte et indépendante, c'était moi.J'avais l'impression de vivre dans un film, ma vie était intense et je me sentais l'
héroïne désoeuvrée mais sentimentale d'une incroyable saga, à côté de laquelle tous les gens trop sages passaient. L'addiction a vraiment commencé le jour où l'équation n'a plus été «
cocaïne = plaisir » mais « pas de
cocaïne = malaise ». Tu vois la subtilité ? Avant, la
cocaïne était un plus. Puis, elle est devenue une condition sine qua non à mon état de plénitude. Le pire à chaque fois, c'était la
descente : je me sentais moche, nulle, lourde, inutile. Tout l'inverse de ce que je ressentais lors de la libération de
dopamines : irrésistible, légère, investie d'une mission. Paradoxalement, le seul médicament que j'avais trouvé à cette
descente, c'était la
cocaïne. Tu mesures l'absurdité de la chose ? Je guérissais la
cocaïne… par la
cocaïne. C'est à ce moment là que ma consommation ne s'est plus restreinte à la fête. Même chez moi, seule, un mardi soir, il m'arrivait de me faire une petite trace.En soirée, un rail ne suffisait plus à m'amuser. Il m'en fallait toujours plus. Mon euphorie était moindre, ou alors elle durait moins longtemps. Bref, ça n'avait plus rien à voir avec les premières fois. C'était devenu glauque.Mon sommeil aussi a changé. Je dors moins bien. Je me sens plus souvent fatiguée. Je suis devenue très lunatique. J'étais assez easy-going, je suis devenue difficile à vivre.Ça fait quelques moi que je tapais entre 4 et 6 fois par semaine. J'ai beaucoup maigri, j'ai perdu des relations fortes, je suis devenue anxieuse, j'en ai marre de trembler quand je bois ne serait-ce qu'un ballon de vin à table avec ma famille. Je voudrais arrêter cette dépendance : elle ne me grandit pas, elle m'affaiblit. La
coke me libère au sens où elle me fait me sentir mieux et me désinhibe, mais quand elle part, elle m'enlève encore plus que ce qu'elle m'apporte. Je veux arrêter ces dépendances inutiles, cet affaiblissement de mon organisme, cette perte de contrôle. Et je veux retrouver mes amis. S'ils peuvent croire en moi de nouveau et me pardonner, alors la moitié du travail sera faite. Pour le reste, je suis prête à me battre. AIDEZ MOI