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Chapitre I dernière partie: Le poème des larves 



(...) Fallait que je copie leur style de parole ampoulé à la « gnan gnan gnan ».
   
    « - Vous croyez que vos discours pompeux me font quelque chose ? Arrêtez de pérorer à tout va ! Vous êtes pas les premières à vous prendre pour les sauveurs de l’humanité, vous valez pas mieux que moi ou les clochards et les fous qu’on croise à chaque coin de rues avec leurs pancartes en papier mâchés par la pluie. Bandes d’esbroufeurs visqueux ! Et, je comprends rien à vos histoires de trous, vous nous prenez pour des tenues à enfiler ou quoi ? Je suis pas un de ces gouffres bon qu’à bourrer les queutards ! Prenez quelqu’un d’autre, vous m’impressionnez pas.
   
    -C’est toi qu’on a choisi, ton corps juvénile et gringalet qu’on veut, tu crois qu’on va prendre la vioque ? Elle est déjà finie elle, regarde-là à moitié morte en train de baigner dans ses fluides. Elle n’a pas ta jeunesse ardente, on peut encore tout faire de toi et t’éviter de devenir ce vieux tas de cambouis qu’est ta vioque ou, pire encore, finir insipide comme les autres. Mais pour ça, faut que tu nous laisses pénétrer ta douce chair, ton fessier callipyge, qu’on remplisse tes pores. Grâce à nous, tu la sentiras la plénitude de l’être.

    -Combien de fois je devrais vous le bisser, je suis pas une dinde qu’on fourre comme ça ! Vous êtes pas les premières à vouloir me combler, rentrez dans la file et faites la queue comme les autres si vous voulez m’enfiler.

    -On voit bien que tu joues au petit insurgé mais pas la peine avec nous, regarde-toi, t’es déjà pâle et en sueur. T’attendais que nous, tu l’as toi-même dit :« ça nous tombe dessus, on peut rien y faire, c’est pour la vie et jusqu’à la mort. Je vous jure, je me sacrifierai entièrement pour elle.» Tu n’as qu’à nous engloutir et on te promet que tu ne le regretteras pas ! T’es le premier à vouloir faire le cobaye pour n’importe quelle substance, pourquoi tu nous résisterais plus qu’à une autre ? Laisse-toi aller et tu nous supplieras de te tringler jusqu’à ta mort. Ton trou ne demande qu’à être garni et à nous laisser baigner dans la mélasse de ton corps pour finir dans une osmose lyrique.

    -Mais vous fouinez ma vie depuis combien de temps les vermines ? Bandes voyeuses lubriques. J’ai pas de trou à garnir pour vous.

    -Alors qui le fera ? Personne te veut, tu es seul et la vioque va bientôt claquer. Quant à tes amis, ils sont bien trop occupés à trouver leur propre sauveur ! Ton père t’a laissé pourrir dans ce trou, ta mère vis une vie végétative à l’hôpital et t’essaye, seul, de fuir le vide qui te guette avec toutes les mixtures qui te tombent sous la main. On est les seules à même d’annihiler toute ton angoisse invivable. »

    La discussion continua quelques temps mais c’était vain : chacune de leurs paroles étaient de plus en plus lancinantes, j’étais à deux doigts de m’écrouler sur mon propre territoire. Il fallait qu’elles se taisent, c’était intenable. Mon cœur battait si fort, c’était vivre à coups de marteau. Je voulais m’enfuir mais elles me suivraient où que  j’aille. Elles me suivent depuis déjà si longtemps, je ne les avais juste jamais remarquées ces foutues larves. J’ai jamais voulu les voir mais elles ont toujours été là, en germes, juste auprès de moi. Depuis, que ma mère est tombée dans le coma, depuis que je vis seul avec la vioque, elles me guettent c’est sûr. J’ai joué à l’aveugle bien trop longtemps, mais elles reviennent d’un coup sec. C’est l’horreur qui me renvoie mon plaisir refoulé en pleine trogne. Ça ne vous fait sûrement rien à vous, traitez-moi de faible, de lâche, de couard si vous le voulez mais je vous le jure, j’en pouvais plus. Elles continuaient de se tortiller dans leur petite boîte. Mais quelle danse ! Quelle voix ! Le sort était jeté, c’était trop tard, je ne pouvais plus rien faire. J’avais beau résister, ça ne marchait plus, j’avais déjà résisté bien trop longtemps et elles le savaient. Dès que je m’étais résigné à les voir, je ne pouvais plus rien faire. La crasse était là depuis trop longtemps, et elle avait eu le temps préparer ce moment de la manière la plus larvée qui soit. Le vide, le trou, la béance, le néant peu importe ça venait des tréfonds, des égouts de l’existence et elles me le rappelaient toutes grâce à leur spectacle shamanique. J’allais m’abattre au sol quand tout à coup, elles se mirent à rechanter le même poème à tue-tête :

    « Quinze minutes pour combler le trou,
    Deux cent-soixante-dix jours pour sortir du trou,
    Des années pour masquer le trou,
    Quelques secondes pour rouvrir le trou,
    Quinze minutes pour refermer le trou. » (...)

    Elles n’arrêtaient plus de m’en seriner les zozores, ça ne s’arrêtait pas. Je n’entendais plus que ça dans ma tête, même mon corps je ne le remarquais plus. Les battements de mon cœur, les sueurs froides, le mal de tête, le ventre qui se tord et se détord en boucle, plus rien de tout cela ! Seulement leurs vers démoniaques qui m’envahissaient jusqu’à me faire faire perdre tous mes repères.

    « Quinze minutes pour combler le trou,
    Deux cent-soixante-dix jours pour sortir du trou,
    Des années pour masquer le trou,
    Quelques secondes pour rouvrir le trou,
    Quinze minutes pour refermer le trou. » (...)

    Ma seule accroche c’était leurs voix qui s’unissaient dans une harmonie maléfique. Je ne pouvais plus rien faire d’autres que m’oublier. Il fallait que je reprenne le contrôle ! Si je ne faisais pas quelque chose, elles m’absorberaient en un rien de temps. Je me devais bien de les gober avant qu’elles ne me pompent et ne me liquéfient entièrement, pour sûr.

    « Quinze minutes pour combler le trou,
    Deux cent-soixante-dix jours pour sortir du trou,
    Des années pour masquer le trou,
    Quelques secondes pour rouvrir le trou,
    Quinze minutes pour refermer le trou. » (…)
   
    Je les pris alors d’un coup sec dans ma grosse paluche, les amenai à ma gueule tel un ours enragé, et les gobai tout de go. L’action s’était déroulée avec une telle vigueur et rapidité que tout mon corps entier en tremblait. Il fallait que je sorte m’aérer, je ne pouvais plus rester ici. Un gargouillement monstre sortit alors de mes tripes, je ne le contrôlais pas. Mais, je savais ce qu’il disait :
   
    « Quinze minutes pour combler le trou,
    Deux cent-soixante-dix jours pour sortir du trou,
    Dix-neuf années pour masquer le trou,
    Quelques secondes pour refermer le trou. ».

Catégorie : Poèmes - 03 avril 2019 à  19:36



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