Le "pourquoi" du "comment" de l'addiction 



Contexte : je réponds à un ami avec qui nous entretenons un dialogue "littéraire".

J’ai un peu de mal avec la tournure de ta phrase. Si je comprends bien en somme, tu me demandes : qu’est-ce qui est en jeu dans ma consommation massive de drogues diverses que je mélange comme un chimiste fou ?

Il y a plusieurs hypothèses, formulées par moi ou par toutes sortes de gens plus ou moins compétents plus ou moins habiles sur les question d’addictologie. Peut-être suis-je plutôt qu’un chimiste : un alchimiste. À la recherche d’un remède universel qui soignerait tous mes maux, à la recherche de la pierre philosophale. Parce que se droguer c’est se soigner. C’est un rapport paradoxal d’auto-médication autodestructrice. La substance vient se poser sur des plaies. C’est parce que je ne supporte plus ma réalité qu’il m’ait devenu insupportable d’y survivre sans produit. C’est un fait universel chez les toxicomanes, nous somme tous des traumatisés. Ça, je l’ai appris lors de la dernière cure de désintox que j’ai fait - la quatrième en deux ans - dans l’hiver froid de la Picardie. Là, on était vingt-cinq et en plus des groupes de parole matin et après-midi on écrivait chacun notre autobiographie qu’il fallait lire devant tout le monde - on appelait ça les récits de vie. Et donc, de récit en récit, un fait s’impose : tous parlent dans leur enfance de viols, d’humiliations, de maladies graves, de familles dysfonctionnelles, de parents qui consomment aussi de la drogue… La liste est longue. Et tous, donc, nous venons guérir nos cicatrices, les symptômes psychiques et physiques qui découlent des traumatismes. Je suis mon propre médecin dans un monde où la médecine est bien incompétente face à ma maladie. De là peut-être le fait que certains puissent consommer occasionnellement sans conséquences trop graves pour leurs vies et que d’autres et moi tombons dans la dépendance. Ça dépend de là où la substance s’infiltre dans l’esprit. Si elle vient tout soigner dans ta vie, tu es bien parti pour être dépendant.

Deuxième hypothèse, approuvée par les urgences psychiatriques de Saint-Anne - où je me suis retrouvé la semaine dernière après une overdose de GHB - et par mes deux meilleures amies, l’hypothèse de la dépendance comme suicide à petit feu. J’aurais inconsciemment envie d’en finir et je m’y prendrais très bien pour atteindre très vite cet objectif - d’overdose en overdose, j’ai frôlé la mort un certain nombre de fois. Je ne crois pas que je sois suicidaire. J’aime la vie. Je crois juste être peu soucieux de la mienne et que j’oublie le danger, entretenant un déni titanesque qui me colle au cul comme le chewing-gum sur la chaussure. Je ne sais pas prendre soin de moi, c’est un rapport au monde qui m’est totalement étranger. Aucun respect pour la survie, aucun plan de carrière, aucune projection à long terme. Je ne sais pas me dire « Ça suffit, tu as assez traîné dans cet after où il y a toutes sortes de drogues et où tu baises sans capotes avec des étrangers, rentre chez toi mange quelque chose pose toi devant un film et profite du bon repos, du sommeil réparateur. » Je ne me répare pas. Voilà, je pourrais gloser à l’infini sur ce sujet du « pourquoi ». Et il y a d’autres hypothèses, que je t’exposerai peut-être plus loin. Mais la question la plus urgente est le « comment ». Comment ne pas mourir d’ici ma prochaine cure dans un mois et demi. Comment maintenir des amitiés qui n’en peuvent plus de moi et de ma consommation - j’ai si peur de me retrouver seul. Comment assurer la tournée de mon livre en février sans tomber dans les pommes dans une librairie en publique. Comment arrêter de prendre des risques judiciaires démesurés quand je me ballade avec de grosses quantités dans les rues de la capitale policière.

Comment stopper l’hémorragie ?

Catégorie : Tranche de vie - 15 janvier 2023 à  12:31

#dépendance mélanges overdoses

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Très touchant. Nineta



Commentaires
#1 Posté par : DVA5-2Tls 15 janvier 2023 à  18:01
Bien écrit; quelques fautes quand même, d'autant plus gênantes, mais je n’ai pas vraiment d'avis sur le fond.

 
#2 Posté par : Thlo 15 janvier 2023 à  20:56
Bonjour,


Je trouve ce sujet très intéressant. Le "pourquoi" est effectivement la clef de la résolution.

Certaines personnes prennent des substances de manière occasionnelle et arrivent tout à fait à gérer leur consommation. Et d'autres... Tombent dedans !

Pour cette partie là, bien évidemment, la drogue permet de panser des blessures. Ce n'est pas pour rien que l'on appelle ça "paradis artificiel".

Je pense qu'aucune personne dépendante à des substances n'a jamais agit de la sorte si elle n'avait pas à maquiller des blessures.

C'est pour ça qu'il est indispensable de réfléchir sur les sentiments et les causes qui poussent à consommer. Sans soigner l'origine du mal, il est impossible de sortir de la dépendance.

Il ne faut pas oublier qu'il y a également la "force d'esprit" qui rentre en ligne de compte quand une personne veut s'en sortir. La personne battante et combative aura plus de facilité à quitter une situation de dépendance car elle a plus de faciliter à changer le fil des choses grâce à sa force d'esprit, à s'engager dans des changements.


La biz !

 
#3 Posté par : Échec Scolaire 17 janvier 2023 à  04:53
Bonjour,

Vous trouverez suivant le lien un article, très long, sur la drogue comme instrument.
Peut-être y trouverez-vous aussi quelques réponses.

https://www.didyouno.fr/2020/01/12/inst … -p-muller/

Comme l’article est vraiment long, pénible à lire et que finalement personne ne le lira, voici les principales raisons avancées (résumé) :

POURQUOI CONSOMMER DES DROGUES ?

Les addicts sont perçus de manière négative, il est intéressant de comprendre pourquoi ils consomment. Ce n’est pas aussi simple que : “ils consomment pour oublier” ou “ils consomment parce qu’ils ont un problème mental”. Nous allons pouvoir nous servir des différents points énumérés par Hanna Pickard qu’elle retient de Christian Muller et de Gunter Schumann.

1. Amélioration des interactions sociales.
2. Facilitation de l’accouplement et du comportement sexuel.
3. Amélioration des performances cognitives et lutte contre la fatigue.
4. Facilitation de la récupération et de la gestion du stress psychologique.
5. Automédication des problèmes de santé mentale.
6. Curiosité sensorielle, élargissement des horizons expérimentaux.
7. Euphorie et hédonisme.
Hanna Pickard considère que l’addiction serait mieux caractérisée comme impliquant des choix pouvant être expliqués en reconnaissant les fonctions que servent les drogues et en les contextualisant avec d’autres facteurs, incluant les troubles psychiatriques, les opportunités socio-économiques limitées, une myopie dans la prise de décision, le déni et l’identité personnelle. Cette liste est fortement détaillée dans un papier de 2020 écrit par Chrisitan Müller, où il rajoute deux points supplémentaires :

8. Attractivité et apparence physique améliorées.
9. Facilitation des activités religieuses et spirituelles.
1. Amélioration des interactions sociales.

Beaucoup de personnes consomment de l’alcool pour lubrifier les liens sociaux en soirée, d’autres se sont mis à fumer du tabac pour faire comme les autres et pour ne pas être seuls à la pause au boulot, d’autres encore aiment beaucoup les entactogènes comme la MDMA pour cette sensation de se sentir plus proches des autres. De nombreuses études sont en ce moment même conduites sur les effets des psychédéliques, de la MDMA ou encore de la psilocybine afin d’étudier les effets thérapeutiques de ces substances. Bien entendu,  l’environnement contrôlé dans lequel on teste ces substances avec une thérapie associée est bien différent de l’environnement réel des gens qui consomment régulièrement ou non. Pour autant les données vont toutes dans le même sens, il y a un potentiel énorme et il suffit de faire un tour sur les subreddits relatifs aux drogues ou encore Erowid pour voir que beaucoup de gens retirent des expériences positives de leurs consommations, qu’ils soient seuls ou entourés d’ailleurs.

2. Facilitation de l’accouplement et du comportement sexuel.

De la même manière que de nombreuses drogues aident sur le plan social, beaucoup permettent une deshinibition parfois nécessaire pour certaines personnes afin de démarrer une relation sexuelle. Bien sûr il peut y avoir un effet pervers où l’on associe la sexualité avec la drogue (comme dans le cas de nombreux chemsexeurs ayant du mal à coucher sans subsances). Bien qu’il y ait des consommations trop importantes, il y en a aussi des modérées. Déjà une simple bière peut permettre d’être plus loquace et d’oser se lancer (et la modération est bien le maitre mot ici, puisque trop boire peut rendre les gens cons et même empêcher l’érection). Etre trop intoxiqué apporte son lot de risques, que ce soit avec l’alcool, les opiacés ou encore un entactogène comme la MDMA ou une cathinone. Pour autant le fait est que consommer une substance peut rendre une expérience sexuelle plus intense et appréciable, même ponctuellement.

3. Amélioration des performances cognitives et lutte contre la fatigue.

Des étudiants consomment de la ritaline pour préparer un partiel, des serveurs consomment de la cocaïne pour performer et tenir la cadence, des routiers seraient prêts à s’injecter de la caféine dans les veines… Les stimulants sont prisés par la plupart des gens, de la nicotine à la cocaïne en passant par l’amphétamine parfois prescrite.

4. Facilitation de la récupération et de la gestion du stress psychologique.

Arrivé ici, on a compris la logique. Il existe des effets recherchés dans la plupart des domaines psychologiques dans lesquels les gens ont un intérêt personnel. Le cannabis par exemple aide certaines personnes à s’endormir, d’autres ont besoin de benzodiazépines pour leur action gaba-érgique (freiner leur activite mentale, en gros). Chacun ayant une vie, une expérience et un monde mental unique (même si semblable aux autres humains), il y a autant de raisons de stresser et donc de consommer (ce qui ne veut évidemment pas dire que tout le monde doit ou même peut consommer, mais des raisons existent néanmoins).

5. Automédication des problèmes de santé mentale.

Il n’est effectivement pas rare que des personnes consomment afin d’atténuer un trouble mental, notamment à cause de douleurs. Cela comporte de nombreux risques, comme celui de prendre une drogue pouvant aggraver un trouble mental, ou bien démarrer une addiction aux antidouleurs opioïdes par exemple. Cependant, une fois de plus, ce n’est pas sans raison que la consommation a commencé et il est donc important de prendre en compte que la personne a pu faire son propre calcul des pours et des contres. Il peut être rationnel de choisir d’avoir une addiction si cela permet d’éviter autre chose que l’on considère pire (même si, d’un regard extérieur, cela peut paraître insensé ou dangereux).

6. Curiosité sensorielle, élargissement des horizons expérimentaux.

Certains s’identifient comme des psychonautes, des explorateurs de leur propre psyché. D’autres cherchent simplement à voir le monde différement. Terrence McKenna et Timothy Leary sont par exemple connus pour avoir fait la promotion des psychédéliques, dans une optique d’ouverture d’esprit.

7. Euphorie et hédonisme.

Ce dernier point va de pair avec le précédent. Beaucoup de gens consomment des drogues parce que ça leur fait tout simplement plaisir et qu’ils en retire souvent une expérience positive et bénéfique. De plus, une consommation peut entraîner une amélioration de l’humeur, qui sans être forcément nécessaire est un effet agréable. Bien sûr le plaisir n’est jamais simple à comprendre et interpréter, puisque certains peuvent aimer souffrir, et que le plaisir peut précéder l’addiction.

8. Attractivité et apparence physique améliorées.

De nombreuses personnes consomment certaines substances afin de faciliter leur changement physique pour mieux coller aux canons de beauté. Ainsi les stimulants comme la nicotine ou les amphétamines sont parfois utilisés pour perdre du poids, notamment chez les femmes. Chez les hommes c’est plutôt la testostérone qui va être utilisée afin de développer les muscles et l’estime de soi.

9. Facilitation des activités religieuses et spirituelles.

Avec les drogues hallucinogènes, il est possible de vivre des “expériences mystiques”, c’est-à-dire des expériences où l’on aura l’impression d’avoir vécu une connexion intense avec la nature et/ou le divin. Cela peut se faire dans le cas de rituels religieux ou bien dans le cadre d’une expérience personnelle. Et comme en attestent de nombreux trip reports sur erowid ou même r/drugs, ce n’est pas sans risque que de modifier à ce point sa perception même sur un temps très court, tant l’expérience peut être “life-changing” (littéralement modifier durablement la vision que l’on a du monde, une sorte d’intospection extrême).

On pourrait rajouter à cette liste la tentative de réduire l’angoisse et l’anxiété, mais on peut également considérer que cette idée se retrouve dans la ligne ”gestion du stress” ou ”santé mentale”.
On peut aussi penser à l’ennui ou malheureusement parfois, au désespoir, vu le manque d’alternatives à la prise de drogues dans certaines conditions, en particulier lorsqu’on est à la rue.

Dans ce résumé, il n'est pas question de neurobiologie ou de traumatisme, pour cela il faut lire l'article, et pas seulement celui-ci.
L’histoire qu’on t’a servie sur le suicide, c'est immensément culpabilisant, pour moi c'est une très mauvaise réponse, probablement marquée par la psychanalyse. Dit comme ça brusquement, c'est n'importe quoi en tant que généralité mais peut-être y-a t’il du vrai dans ton cas, compte tenu des OD.
Je dirais à l’inverse que l'on peut éventuellement consommer car la vie est dure et qu’on peut avoir du mal à y faire face, plutôt que de vouloir en finir plus vite avec elle en prenant des substances. Ce n’est pas la même chose. 



Bonne journée.
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génial résumé qui permet de casser les mythes
 
Texte mis dans les morceaux choisis de Psychoactif. (pierre)

 
#4 Posté par : Nils1984 18 janvier 2023 à  11:55
Extrêmement bien résumé.

 
#5 Posté par : pierre 19 janvier 2023 à  18:55

Échec Scolaire a écrit

POURQUOI CONSOMMER DES DROGUES ?

Merci c'est exactement ce que nous disons la et que nous commençons à conceptualiser. Donc cet article nous aide.

https://www.psychoactif.org/blogs/Vos-b … html#b7088


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