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Soit un point G sur une droite D' 



Bonjour à  toi, lecteur.

Bonjour et sache que je te suis reconnaissant de me lire, reconnaissant du temps que tu m'accordes. Parce que tu as peut-être mieux ou plus urgent à  faire, mais tu as décidé de t'arrêter ici, et pour la certitude que j'ai que tu vas poursuivre ta lecture, sois remercié du fond du cœur. Au fond, si tu n'étais pas là , je ne serais sûrement pas là  non plus.

Voilà . J'ai raconté mon histoire ICI et . Mon histoire est une histoire banale. Celle d'un polytoxicomane qui a construit sa vie malgré tout, une vie bien bancale, certes, et bien précaire, mais une vie tout de même. Une vie presque normale, vue du dehors, bien que vécue clandestinement sous l'emprise quasi-permanente de l'alcool, des opiacés, des benzos.

Je suis un type banal qui vit une existence banale, dont un pan entier est caché à  la vue d'autrui. Autrui, c'est une femme que j'aime au-delà  de tout et de tous les mots. Autrui c'est une belle-fille que j'aime comme si je l'avais faite. Autrui ce sont les amis, les proches, les gens qui sont là , tout autour et qui ne se doutent pas une seule seconde de ce que je suis.

Je suis un type que le mensonge permanent et que la nécessité de prolonger le mensonge ont fini par user. Je suis un type pas loin de craquer. Un type en miettes. Un type en sursis. Je vois ce blog comme une soupape. Je le commence aujourd'hui pour y raconter tout ce que je ne peux pas raconter ailleurs. Tout ce que je ne peux pas mettre sur mon site officiel. Car j'ai un site officiel. Une sorte de vitrine prétentieuse et narcissique. Un endroit où mon ego peut s'exprimer. Je suis auteur, traducteur et photographe. Je dirige aussi une petite maison d'édition spécialisée dans les livres d'artiste. Bref, j'essaie de donner un peu de sens à  l'existence. J'ai surtout l'impression de brasser du vent pour éviter de me regarder vraiment en face.

Je suis ce qu'on pourrait appeler un drogué inséré. Une espèce de drogué indétectable et clandestine, de celle que vous croisez chaque jour et dont vous ne soupçonnez pas le degré de dépendance qu'elle a pour certains produits, illicites pour certains mais parfaitement licites pour la plupart. Bref, je suis un drogué.

Je suis un drogué inséré. Je suis inséré socialement, tant et si bien que la République Française a même décidé, il y a quinze ans de ça, de me confier la responsabilité d'éduquer ses enfants. Au quotidien, je vis sous une croûte lisse, sous un vernis impeccable. Ce qu'il y a dessous, je suis le seul à  le savoir. Je suis le seul à  le subir. Je suis le seul à  en souffrir. Je suis un drogué. J'aime la drogue autant qu'elle me déteste. Je suis un drogué inséré, mais je me sens surtout inséré dans la drogue. J'ai le sentiment de plus en plus prégnant que la drogue me fait passer à  côté de ma propre vie.

Je suis un point qu'on appellera G, pour le plaisir qu'il (se) procure, placé sur une droite D' (prononcer D prime) pour les effets de ce plaisir à  long terme. Sur cette droite on a délimité un segment [UD]. Le point G est placé à  équidistance des deux points U et D. Aussi loin de l'origine que proche du terme. Du grand dénouement. Je sais à  peu près comment l'histoire a commencé. Je t'en reparlerai sans doute. Par contre, je ne sais pas encore comment elle se termine. Je ne l'ai pas encore écrite. Ma vie est un éternel work in progress. Un brouillon de ce qu'elle pourrait être. L'addiction en est une clé de voûte. C'est ça que je cherche à  comprendre. C'est ça que je finirai pas comprendre.

Il le faut.

(à  suivre)


Catégorie : Témoignages - 07 février 2016 à  08:39



Commentaires
#1 Posté par : shagahm16 07 février 2016 à  09:05
Je comprend tellement ce que tu dit .
Moi aussi polytoxs inséré qui cache cette partie de moi (injection skenan, hero, 3mmc etc...) je bosse en cuisine j'ai de super collègue et de quoi me faire une petite vie tranquille.

Sauf que moi aussi je sens que je passe à  côté de ma vie j'arrive pas à  sortir voir des gens , mon appartement resemble à  un taudis... Bref pas facile d'être un drogué inséré .

 
#2 Posté par : Syam 07 février 2016 à  11:55
Hello Poly,

Mon cher ami si tu penses qu'il faut être drogué pour mentir dans ce qu'on montre de soi-même, tu es très naïf. Ce que tu racontes-là  est la vie de tout le monde, déchiré entre une image imaginaire qu'on veut afficher et une autre image imaginaire qu'on pense "être vraiment" et qui n'a pas plus de sens que l'autre. Les deux sont des délires. Le problème est qu'on a tellement emmerdé les consommateurs qu'ils ne supportent pas ce mensonge et qu'à  force de s'entendre voués aux Gémonies, ils finissent par passer leur temps à  s'imaginer que sans la drogue tout irait mieux. Mais c'est rien d'autre qu'un écran de fumée, à  la fin tu es exactement comme n'importe qui, et te mensonge, OSEF (on s'en fout). Juste les mêmes êtres humains, ces différences sont juste imaginaire et leur gravité aussi.

Met d'abord fin à  cette culpabilité imaginaire implantée là  par des discours intolérants, ensuite seulement si tu as envie d'arrêter (d'arrêter de te droguer ou d'arrêter de mentir) tu sauras comment faire car la fièvre du délire entre ces identités imaginaires sera retombée.

Shagam : "pas facile d'être un drogué inséré"

Pas facile d'être inséré tout court mon bel ami! L'insertion n'est qu'un mensonge pour tous les insérés, l'idée que c'est la drogue qui pose problème est une simple idée, c'est juste imaginaire. Et vous vous mortifiez pour cette idée imaginaire alors qu'à  la fin, tous les "insérés" voient bien qu'ils ne font que mentir. Ce n'est pas un problème, la vie consiste à  jouer ce rôle, ce "mensonge", de son mieux, mais sans jamais s'y identifier réellement. Il faut se souvenir qu'on est juste humain et que ce n'est qu'une façade, un crépi de surface. Certains peuvent vivre sans ce crépi, mais en général on n'est pas prêt. Alors continuons de maintenir ce crépi, mais arrêtons de nous accabler que c'est un mensonge. Ce mensonge est nécessaire, on apprend à  nos enfants à  faire pareil parce qu'il faut bien jouer ce jeu pour vivre ensemble etc. Mais apprenons-leur aussi qu'ils sont avant tout humain - et non pas professeur, cuistot, photographe, éditeur etc... Le crépi de surface ce n'est pas nous, cela ne l'a jamais été. Et le drogué ce n'est pas nous non plus, c'est juste un autre costume qu'on enfile quand on n'est plus au bureau, en classe ou en cuisine. L'expérience de chacun c'est d'être, peu importe ce qu'on dessine par-dessus. Personne ne passe à  côté de "je suis". Peu importe les crépis, les masques, les costumes, la seule chose à  se rappeler, c'est qu'on n'est pas cela, et pareil pour les autres, se souvenir que l'autre est avant tout humain, qu'il est juste le même humain, le même "moi", avec des crépis différents, qu'on ne doit pas juger.

Mais croyez-moi les amis, le mensonge est le même pour tous, nous avons juste tous exactement la même expérience, drogués ou non n'y change rien. Acceptons paisiblement ce mensonge et n'oublions pas "je suis" (au-delà  du mensonge).
C'est triste qu'on n'explique pas tout ça aux gens dès le départ, ensuite tout le monde se sent coupable et croit être un menteur et rater sa vie alors qu'il n'y a rien d'autre à  faire que jouer ces rôles avec coeur et se souvenir qu'on est juste humain. Qu'en fait la vie, c'est juste "je suis", c'est... ce qui se passe en dessous des crépis et qui est le même "JE" pour tous. Peu importe les crépis, aucun ne peut tenir car aucun n'est réel...

Sois juste fier d'être qui tu es Ploy, sans te préoccuper des crépis. Ta gamine sera fière de toi si tu joues ton rôle -aussi artificiel soit-il- de ton mieux mais sans jamais te laisser berner à  le prendre pour réel. Ca se passera bien, tu verras. Tu trouveras les mots (ou le langage silencieux qui est encore meilleur) le moment venu pour lui expliquer tout cela et vous vous comprendrez.
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force ait de constater qu'une grande réflexion émet de ce "je"

 
#3 Posté par : bighorsse 07 février 2016 à  11:58
À chaque fois que je fus insérée grâce à  mes combats pour vivre libre et travailler en rapport avec mes capacités on m à  coupe l herbe sous les pieds...j ai été dénonce deux fois alors que j occupais une fonction que j adorais , pour laquelle j étais faite ..psychologue....on m a. détruit ma vie ...alors j ai fini par aller bosser dans des usines..en intérim....en cachant qui j étais ..
Même ça me fut retiré à  cause d un charlatan qui m à  volé aussi cette vie...depuis qu il m a opérée en 2007 je n ai plus jamais pu retravailler , ni vivre normalement....je passe ma vie entre les opérations toutes plus inutiles les unes que les autres ...
Mais....malgré eux. Je vis toujours ...mal, sous morphine pour pas crever de douleurs mais encore la ...
Alors surtout conserve ton insertion, même si elle T apparaît être du vernis....je pense que c est le contraire....elle est ta vie ton identité...simplement tu as un autre aspect cache de toi même....qui s il se révèle peut te faire tout perdre....
Chacun à  droit à  un jardin secret....non?
Et puis ici ce jardin tu peux en cultiver des parcelles sans que personne ne te juge ou ne mette ton activité sociale en danger ....
À bientôt de te lire ..

PS je suis assez hermétique à  la géométrie ...désolé... Mais si je comprends tu es sur D prime...ce qui signifie qu il existe son corollaire en D ..l autre étant une projection de la première....c est une façon de parler de tes deux vies ?
Comme deux droites ne se croisent jamais ça me parait peu juste...car en D tu subis obligatoirement les effets de G ...non ? Enfin...je m égaré sûrement ...

 
#4 Posté par : Syam 07 février 2016 à  12:05
Le vernis de l'insertion, BigHorse, est aussi artificiel et illusoire que les autres. Mais je pense que nous nous entendons très bien malgré la différence de formulation puisque j'ai dit moi aussi qu'il faut juste jouer ce rôle là  de son mieux, sans culpabilité et sans jamais oublier que c'est juste un rôle. Il n'y a pas à  s'en vouloir, il n'y a que des rôles, et au-delà  des rôles, nous sommes tous le même "je suis". Dans ton cas les rôles ont volé en éclat bien malgré toi, tu es donc bien placée pour savoir qu'on ne sait pas de quoi demain sera fait, mais qu'on peut seulement jouer au mieux le rôle qui nous est assigné aujourd'hui sans savoir ce qui nous attend. Nous jouons en ce moment un autre rôle avec une autre identité virtuelle sur un forum. Laisse-moi te dire que tu joues celui-là  fort bien BigHorse, tes interventions ont toujours beaucoup de sens et de profondeur humaine. Les expériences extrêmes comme la tienne, même si on ne souhaite cela à  personne, donnent une profondeur incontestable aux discours, aux autres rôles qu'on va jouer. Dans un sens c'est une chance - en tout cas on peut aussi le voir comme ça. Prends soin de toi, tes interventions ici sont précieuses.

Et Poly, toi aussi continue, tu arrives à  mettre des mots sur l'expérience que peu de gens savent exprimer. C'est excellent ce blog.

 
#5 Posté par : polytoks 07 février 2016 à  16:18

bighorsse a écrit

Je suis assez hermétique à  la géométrie ...désolé... Mais si je comprends tu es sur D prime...ce qui signifie qu il existe son corollaire en D ..l autre étant une projection de la première....c est une façon de parler de tes deux vies ?
Comme deux droites ne se croisent jamais ça me parait peu juste...car en D tu subis obligatoirement les effets de G ...non ? Enfin...je m égaré sûrement ...

Bonjour Bighorsse.
Non, non tu ne t'égares pas, c'est moi qui ne suis pas clair, et pour cause : j'ai toujours été archinul en géométrie, depuis mon plus jeune âge... ^^ Mon raisonnement n'allait donc pas aussi loin que le tien : il s'agissait juste d'un jeu de mots pourri. Du genre Point G et Déprime, quoi.

Cela dit deux droites finissent toujours bien par se croiser, du moment qu'elles ne sont pas parallèles ? Non ? o_O

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Oui deux droites se croisent...bien sur

 
#6 Posté par : Syam 07 février 2016 à  17:21
Seulement si elles sont coplanaires. wink

 
#7 Posté par : polytoks 07 février 2016 à  18:54

Syam a écrit

Mon cher ami si tu penses qu'il faut être drogué pour mentir dans ce qu'on montre de soi-même, tu es très naïf. Ce que tu racontes-là  est la vie de tout le monde, déchiré entre une image imaginaire qu'on veut afficher et une autre image imaginaire qu'on pense "être vraiment" et qui n'a pas plus de sens que l'autre. Les deux sont des délires. Le problème est qu'on a tellement emmerdé les consommateurs qu'ils ne supportent pas ce mensonge et qu'à  force de s'entendre voués aux Gémonies, ils finissent par passer leur temps à  s'imaginer que sans la drogue tout irait mieux. Mais c'est rien d'autre qu'un écran de fumée, à  la fin tu es exactement comme n'importe qui, et te mensonge, OSEF (on s'en fout). Juste les mêmes êtres humains, ces différences sont juste imaginaire et leur gravité aussi.
[...] Met d'abord fin à  cette culpabilité imaginaire implantée là  par des discours intolérants, ensuite seulement si tu as envie d'arrêter (d'arrêter de te droguer ou d'arrêter de mentir) tu sauras comment faire car la fièvre du délire entre ces identités imaginaires sera retombée.

Bonsoir Syam,

Je vais d'abord te répondre sur la forme, parce que ça me parait important. Je suis nouveau sur PA et je ne sais pas quel est ton "statut" sur ce site, ni de quelle aura tu jouis ici, mais je vais être franc et te dire d'emblée que je n'aime pas du tout ce ton professoral et condescendant que tu emploies. Rien que ta première phrase... Sérieusement. Relis-toi. Et tous tes posts sont dans la même veine.

En fait, ce ton me dérange beaucoup car il laisse transparaître un certain complexe de supériorité, et une plus grande promptitude au jugement qu'à  l'empathie. Car tes conseils ne sont rien d'autre que des jugements déguisés. On y perçoit ta certitude de penser juste là  où les autres, qui pensent différemment, pensent faux. Beaucoup plus gênant, tu as tendance aussi à  juger ce que ressentent les autres. C'est limite.

Tout cela est peut-être involontaire ou inconscient de ta part, mais tu t'exprimes comme si tu était drapé dans la sagesse, le savoir, la sapience... De fait, tu donnes beaucoup de leçons et de conseils alors que personne dans ce fil ne demande à  être instruit ou conseillé. Ni même rassuré. Tu n'as pas à  faire à  des gosses demeurés et incultes mais à  des adultes à  peu près aussi éclairés, lucides et intelligents que toi.

Bon, voilà  pour la mise au point formelle. Je le dis sans aucune animosité, et je suis désolé d'être aussi direct, mais ça m'a vraiment démangé en te lisant.

Pour le reste, je n'ai pas grand chose à  répondre. Sinon que je ne suis pas naïf, loin s'en faut. J'ai envie de dire : hélas. J'aimerais l'être, ce serait sans doute plus simple.

Je n'ai écrit nulle part que le mensonge était le propre des toxicos. Néanmoins, les gens qui s'alcoolisent et se défoncent en cachette sont plus nombreux que ceux qui mangent du chocolat en cachette. Et même si manger du chocolat est socialement admis, je ne pense pourtant pas que la société soit seule responsable de la clandestinité dans laquelle agissent les drogués et les alcooliques. Il y a autre chose. Car sinon, comment expliquer qu'il y ait aussi des gens qui boivent et se défoncent en public, alors que d'autres mangent du chocolat en cachette ? Peut-être tout simplement parce qu'ils sont boulimiques et qu'ils mangent de façon morbide et compulsive, d'une manière qu'ils savent nuisible et dangereuse pour eux-mêmes. D'une manière dont ils ont honte parce qu'ils sont aussi dépendants à  la bouffe que moi à  la codéine.

Le problème, c'est la morbidité de la démarche de celui qui se drogue. Quelle que soit sa drogue. Le problème, c'est de sentir que quelque chose qu'on ne maîtrise pas du tout domine l'âme et le corps. La dépendance porte bien son nom. Dépendre de. Et quand la (sur)vie dépend d'un produit, il y a de quoi déprimer. La société n'a rien à  voir là -dedans. Le problème du mensonge se situe sur un autre plan. Ma culpabilité n'a rien d'imaginaire. Elle ne m'a pas été inculquée par la norme sociale. Elle est le fruit de mon aliénation radicale à  la codéine. Elle est le résultat de ma défaite.

Le mensonge et la dissimulation sont avant tout des stratégies inconscientes qui ne sont pas motivées nécessairement ou entièrement par le seul respect des usages sociaux. Chez moi, il y a l'aspect familial plus que social au sens large. Mais se cacher, c'est aussi un moyen de ne pas donner "corps" à  l'addiction, de ne pas accorder d'importance à  la dépendance. De faire comme si ça n'existait pas. Illusoire, certes, mais tellement humain.

Alors non, mon cher ami, ce n'est pas une idée qu'on m'a mis dans le crâne : je suis certain que tout irait beaucoup mieux sans la drogue et sans l'alcool. Je vivrais tellement mieux et tellement plus tranquille. J'aurais plus d'argent, j'aurais toute ma tête et ma disponibilité d'esprit, et j'aurais un foie en bon état. Alors que là , plus je continue, et plus tout ça se dégrade.

Et je ne suis pas fier de ce que je suis, non plus. Par contre, je vois autour de moi des gens fiers d'un type sensé avoir arrêté la défonce et l'alcool depuis 2008. Moi... Des gens persuadés que je suis clean. Des gens que j'aime. Tu vois bien que ce n'est pas juste un problème abstrait d'ordre social ou ontologique. C'est très concret. Et c'est ma vie. Et c'est ce que je ressens au plus profond.

Bien à  toi.


 
#8 Posté par : bighorsse 07 février 2016 à  19:31
Syam
Je suis assez peu preneuse de l idée de rôle...surtout pour PA où il n y a aucun rôle, aucun jeu, juste de la sincérité sans pour autant tout raconter de moi...ce qui est nécessaire car on ne peut pas se raconter entièrement ...

 
#9 Posté par : bighorsse 07 février 2016 à  19:37
Polytox
Que comptes tu faire ? Quel rapport entretiens tu avec tes addictions ? As tu envie de rompre avec elle ou n y parviens tu pas ?

 
#10 Posté par : polytoks 07 février 2016 à  19:52

bighorsse a écrit

Polytox
Que comptes tu faire ? Quel rapport entretiens tu avec tes addictions ? As tu envie de rompre avec elle ou n y parviens tu pas ?

J'ai rendez-vous dans un CSAPA mardi, avec un psy. Je verrai un addicto dans la foulée. J'ai envie de décrocher, mais en même temps, j'ai pas envie de vivre sans, ou plutôt, je ne m'en sens pas capable. C'est aussi pour ça que je culpabilise. Alors je ne sais pas trop qu'on me proposera, cure dégressive de Dicodin jusqu'à  l'arrêt, ou TSO. J'ai lu un paquet de témoignages... Honnêtement, je suis un peu paumé pour l'instant. Je sais que je vais en chier, dans tous les cas, et je fais pas le malin... o_O


 
#11 Posté par : Syam 07 février 2016 à  20:38
Précisément, BigHorse, c'est avant tout la sincérité que je valorise en disant cela. Certainement pas le mensonge : la vie nous met dans des situations, essayons simplement de faire de notre mieux avec ces situations, on ne sait pas de quoi demain sera fait, mais en jouant la situation présente avec toute la sincérité possible, alors au moins on fait correctement ce qui nous incombe là  maintenant. C'est aussi ce que je valorise dans tes interventions.

Poly, je ne retire rien de ce que j'ai dit sur la qualité de tes interventions : ton blog est très bon, tout ce que tu exprimes est très intéressant, plus intéressant que mes considérations théoriques puisque ton témoignage est un témoignage pratique donc supérieur à  la théorie. J'approuve y-compris ta critique parfaitement bien argumentée de mon intervention, en fait elle expose les limites et dangers de mon discours, toutes choses qui sont tout à  fait justes (je l'approuve) sans pour autant me dissuader de le tenir. Pour ma décharge je ne t'ai jamais cru naïf, et mon gout pour la provocation -non pas dans une optique de supériorité d'une pensée sur une autre, mais plutôt de la vertu du changement de paradigme, m'a rendu bien maladroit. Si je voulais résumer ma pensée, le vrai sens de mon intervention, je dirais ceci : je suis moi-même blessé et terriblement triste de voir les consommateurs de drogue se sentir misérables comme s'ils étaient honteux alors que pour moi tout le monde, vraiment tout le monde, est au même niveau, tiraillé entre l'image qu'il souhaite donner et celle qu'il croit donner - et cette déchirure est la mère de toutes les souffrances. Ma réelle motivation est de soulager cette déchirure, et oui, ma conviction est qu'elle est réellement basée sur un mythe sans validité morale. Si la condescendance est bien condamnable et j'accepte la critique, il est vrai que je continuerai de dire que pour moi nous sommes tous, toxico ou non, exactement le même être humain avec simplement des habits et rôles différents pour lesquels nous n'avons pas eu tellement le choix (un système dans lequel il n'y a pas de place pour une quelconque supériorité de qui ou de quoi). Je maintiens cette conviction et je continuerai de le dire ainsi, car je la crois réellement capable de soulager des souffrances inutiles même si j'admets qu'elle peut aussi occasionnellement faire l'opposé (et je blâme ma maladresse en ce cas sans complaisance car j'en suis bien responsable).
Je maintiens aussi ce que tu as déjà  pu lire de ma part ici où là  et qui t'a sans doute choqué aussi : pour moi, la croyance que la "vie normale" est tellement meilleure que la vie avec la dépendance, fait énormément de tort. Je crois, moi (et si ma conviction n'a pas plus de valeur que la tienne, elle reste ma conviction) que c'est à  cause de ce mythe de la "vie normale" posée sur un piédestal par les consommateurs, que les toxicomanes ont tellement de mal à  réussir les sevrages. Parce qu'après quelques jours, semaines ou mois d'efforts considérables pour se sevrer, qui sont une dure bataille, ils se retrouvent face à  la "vie normale" qui n'a finalement rien du rêve qu'ils en avaient. Sans quoi ils ne rechuteraient pas. Les gens ne sont pas bêtes, si la vie sans était si facile et idéale, ils ne rechuteraient pas. Ils accusent le produit, moi j'accuse l'illusion de la 'normalité' qui n'est qu'une idée sans fondement. Donc je continue de proposer aux toxicomanes qui vont et viennent ici, de remettre en question ce dogme de la "vie normale" si facile et merveilleuse, parce que je crois que c'est un des obstacles majeurs pour se libérer durablement de la dépendance. Je vais même plus loin : je crois que c'est souvent cette vision idéale dont ils se sont sentis exclu dès le début, qui les a poussés vers la consommation puis l'abus de produits, c'est à  dire qu'elle est souvent la cause même du problème. Dans le même ordre d'idée, je dis régulièrement que la culpabilité se fait passer pour le sauveur qui va nous libérer alors qu'elle est en réalité l'obstacle à  cette libération. J'ai sincèrement beaucoup de peine et de tristesse à  lire partout cette culpabilité dans les témoignages des UD, avec mon sentiment, ma conviction à  chaque fois, que cette culpabilité est une intruse, qu'elle ne règle rien, qu'elle fait souffrir et qu'elle ferme les portes de la liberté en faisant croire aux gens qu'elle va les aider pour mieux les esquinter.

Je saurai me retirer sur la pointe des pieds si ma conviction humaniste heurte d'une façon ou d'une autre et te laisserai très volontiers le dernier mot -précisément parce que ma conviction est l'égalité sans supériorité d'une croyance sur une autre et que par conséquent ta conviction vaut bien la mienne- surtout si ma position te semble toujours agressive, je n'y reviendrai pas. Je ne me dédierai certes pas car je crois tout ce que j'ai dit ici, mais je ne m'imposerai pas et ne dévaloriserai pas non plus ta position qui a toute noblesse à  mes yeux.

En revanche je ne sais pas s'il est utile (dans le sens "corriger le mal qui est fait") de m'excuser pour l'aspect blessant, surtout après avoir persisté et signé, ce sera peut-être vu comme une hypocrisie de plus, mais je te présente quand même mes excuses sincèrement pour mon manque de lucidité dans la façon de m'exprimer. Et comme je le dis, je n'insisterai pas au-delà  de ma présente réponse. C'est ton blog, il mérite tout le respect possible.

D'autre part, je ne m'imagine pas non plus que mes théories vont sauver le monde, si je pouvais aider de façon pratique, cela me satisferait plus que de tenir des discours théoriques. C'est donc par impuissance pratique que j'ai recours aux discours. J'espère que tu recevras au CSAPA une aide vraiment utile comparée à  mes discours dérisoires. Il est difficile d'exprimer une situation unique quand on est face à  une institution -aussi bienveillante soit-elle-. Ayant eu un parcours de soin très compliqué, je sais qu'il faut s'accrocher à  ce qu'on à  à  dire et que c'est vraiment pas simple, qu'il faut parfois beaucoup de temps pour arriver à  définir une approche qui convient. C'est à  toi que revient le dernier mot dans tous les cas.

 
#12 Posté par : YourLatestTrick 07 février 2016 à  20:59

polytoks a écrit

J'ai lu un paquet de témoignages... Honnêtement, je suis un peu paumé pour l'instant. Je sais que je vais en chier, dans tous les cas, et je fais pas le malin... o_O

Franchement c'est normal d'avoir un peu d'appréhension, après des années de conso et d'habitudes. Parceque même si la décision de consulter en CSAPA vient de toi, il y a quand même d'autres personnes qui vont intervenir dans ton parcours de soin (pas évident, quand on s'est planqué en gérant seul pendant longtemps).

Néanmoins y'a des certitudes que tu peux avoir, comme le fait que tu peux toujours refuser ce qu'on te proposera. En fait, une bonne chose c'est d'y aller en s'étant renseigné un max, pour pouvoir formuler des demandes éclairées et adaptées (quitte à  ce que ce soit réajusté). On te laissera d'ailleurs probablement l'initiative de formuler les raisons de ta présence, et je pense que si tu démêle un peu le tout (soucis physiques, psychologiques, socio, financiers... évaluer les risques liés à  tes pratiques...), ça aidera à  trouver la bonne direction plus rapidement.

Par exemple, même sans envisager de sevrage, rien que passer de la codé au sub (ou méthadone, même si pour une primo prescription de TSO chez un non-injecteur, beaucoup vont être réticents...) aurait de bonnes chances de te soulager sur certains aspect (ne plus avoir à  vivre la tournée des pharmacies, ne pas avoir à  t'inquiéter du stock, du manque ; claquer considérablement moins de fric, avoir l'occasion de consulter des professionnels de santé gratuitement et régulièrement... en plus d'autres bénéfices qui te sont propres).


 
#13 Posté par : polytoks 07 février 2016 à  21:13
Re Syam !

Tu n'as pas à  t'excuser, camarade. On discute, on est d'accord ou pas, mais on débat avec des arguments et toute notre honnêteté, et c'est bien tout ce qui compte. Je crois sincèrement que des idées qui ne sont jamais contredites n'ont jamais l'occasion de s'exprimer pleinement. C'est le débat qui créé la réflexion, pas l'inverse.

Aussi, ce que tu dis là , un peu reformulé, m'apparait beaucoup plus clair, et je te rejoins tout à  fait à  propos de la "vie normale" qui n'a rien d'un eldorado et de la culpabilité qui est un obstacle au décrochage.

Cette "vie normale", disons safe, on en rêve un peu tous, même si elle ne fait pas rêver dans l'absolu. Elle est fade et terne, mais la drogue est un danger et un souci permanent. Alors à  choisir... Ce que tu écris à  propos de la rechute, je l'ai déjà  constaté. J'ai déjà  arrêté un paquet de trucs un paquet de fois, et bon, j'en suis encore là  aujourd'hui. Comme tu dis : les gens ne sont pas idiots, il y a bien une raison à  leur rechute. La lucidité qu'on gagne en arrêtant nous fait aussi ouvrir les yeux sur le monde. On se dit aussi que c'est peut-être pas pour rien qu'on se défonçait...

Pour ce qui est de la culpabilité, c'est une constante, et qu'elle soit un frein, c'est un peu la double peine, parce qu'elle est inéluctable chez certains. Et puis se greffent par dessus les regrets, les remords, les si j'avais su et les j'aurais jamais dû... Du coup, il est difficile de lutter contre ce sentiment-là . Ma démarche en direction du CSAPA, c'est un peu le premier pas dans l'acceptation de moi. Et pour sortir du même coup de cette logique de culpabilité.

Je vais voir.

J'ai commencé ce blog pour essayer de comprendre les mécanismes de l’addiction et aussi rendre compte du parcours qui va être le mien à  partir du moment où je vais entrer dans une démarche de soin. Et ce que tu dis m'apporte du grain à  moudre. C'est donc bien que tu continues de poser tes mots ici.

Bien à  toi.

 
#14 Posté par : polytoks 07 février 2016 à  21:25

YourLatestTrick a écrit

Par exemple, même sans envisager de sevrage, rien que passer de la codé au sub (ou méthadone, même si pour une primo prescription de TSO chez un non-injecteur, beaucoup vont être réticents...) aurait de bonnes chances de te soulager sur certains aspect (ne plus avoir à  vivre la tournée des pharmacies, ne pas avoir à  t'inquiéter du stock, du manque ; claquer considérablement moins de fric, avoir l'occasion de consulter des professionnels de santé gratuitement et régulièrement... en plus d'autres bénéfices qui te sont propres).

Oui, peu importe ce qu'on retiendra comme méthode, je crois que l'envie de gagner en tranquillité et en sérénité, c'est vraiment ça qui m'a décidé à  reprendre contact avec eux. Faire en sorte, dans un premier temps, que ça cesse déjà  d'être un problème matériel pour se concentrer sur le reste.
J'ai déjà  été suivi dans ce CSAPA pour d'autres addictions, il y a plusieurs années. Je me souviens d'un équipe vraiment sympa.
Plus que deux jours...


 
#15 Posté par : Syam 07 février 2016 à  21:30
Puisque j'ai ta permission, je continue et je caresse même l'espoir qu'en identifiant ma motivation, tu as peut-être vu le vrai sens de ma provocation de départ, horriblement maladroite mais pleine de bonnes intentions. Je suis le premier à  me réjouir de voir que j'ai enfilé mon bonnet d'âne (c'est pas une manière de me dévaloriser, c'est l'illustration de ma théorie qu'il faut accepter n'importe quel rôle dans lequel la vie nous pousse et l'accepter de bon coeur comme étant aussi noble que tous les autres) non pas parce que je défendais des bêtises, mais parce que je prêchais un convaincu qui n'avait donc pas du tout besoin de mes conseils, encore moins de mes provocations condescendantes wink

Pour le CSAPA, et là  aussi je vais parler d'expérience personnelle, même si l'idée au début peut sembler assez surréaliste, je crois que la partie du suivi qui peut vraiment révolutionner ce cercle vicieux de la culpabilité c'est le suivi d'un psy. Parce que savoir théoriquement que monsieur culpabilité est un imposteur, un monstre déguisé en bienfaiteur, ne suffit pas pour y mettre fin, on l'a tous constaté. Or c'est où je dis que la théorie ne vaut jamais la pratique : le psy permettra de plonger dans la pratique avec souvent des résultats qui dépassent de beaucoup les attentes. Parfois quelques mots débloqueront ce que des heures de réflexion théorique échouent systématiquement à  dénouer.

Du coup j'ai un peu peur désormais, si je donne un conseil, qu'il soit de la "condescendance", mais quitte à  "jouer mon rôle de mon mieux" au risque de remettre mon bien-aimé bonnet d'âne, je vais quand même t'encourager à  saisir cette opportunité si tu as la chance qu'elle te soit proposée. wink
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Ça va, maintenant, je sais distinguer les conseils et les jugements ;)

 
#16 Posté par : menez luc'h 07 février 2016 à  23:16
salut polytox,tu utilises dans l'un de tes posts,le mot de défaite.s'il te plait n'utilise pas ce termes.en te lisant,je me suis aperçu que ta démarche de créer ce post n'était pas anodine.

elle fait suite à  ton envie de te soigner,pour cela tu à  engagé une démarche en csapa,et tu tes posé des questions sur les raisons de tes addictions.il me semble que dans le travail que tu as entamé,tu as déja trouvé quelques réponses à  ces questions.

continu à  te construire sur ces fondations.pour ma part je ne saurais que trop t'y encourager.je ne connais pas les opiacé,mais j'ai bien connu, très bien connu l'alcool et les benzos.je m'en suis soigné,il y a une part de bonheur à  aller chercher et mème si ce monde s'en va à  l'envers et que sans défonce on s'en rend d'autant plus compte,je pense qu'une fois que l'on comprend l'éssentiel pour soi,il est plus facile de vivre dedans.

a plus et surtout continu à  poster.

 
#17 Posté par : polytoks 08 février 2016 à  06:01

menez luc'h a écrit

il y a une part de bonheur à  aller chercher.

Du bonheur ?! N'emploie pas des gros mots comme ça, s'il te plait.

Je plaisante, bien sûr. big_smile

Oui, j'ai dû parler de défaite je ne sais plus où, tellement je cause depuis quelques jours... Tout sort un peu en vrac.

J'ai souvenir d'une période, il y a sept-huit ans, où j'ai été clean. Puis j'ai replongé progressivement à  la faveur d'évènements difficiles. Je pense que j'ai vécu ça comme une défaite, oui, même si ma démarche actuelle montre que je ne m'avoue pas (encore) (totalement) vaincu.

à +


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