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Solitude, mienne à jamais 



Il fut un temps où je passais mes journées seul, chez moi. Chaque heure, chaque minute, chaque seconde, je les passais seul. Certes, je travaillais. Mais j'avais énormément de temps. Énormément de temps. Et je n'ai rien fait. Je n'ai pas bougé. Loque en stock, bibi dans son gourbi. Aucune rencontre, sinon celle des dramaturges, des philosophes, des romanciers, des poètes, des cinéastes, des musiciens, des peintres... au travers de leurs œuvres.

Aujourd'hui, ma vie est remplie de rencontres. Peut-être même trop. La quantité, mais pas la qualité. Tant de rencontres, et pourtant... Je n'ai pas rencontré l'amour. Oui, l'amour. Je n'ai rien à envier à qui que ce soit, sinon l'amour.
Personne ne m'aime. Oui, c'est ce que je crois. Mais cette croyance est plus forte que la réalité, elle est ma vérité. Et peut-être que j'ai tort, et peut-être que j'ai raison. En tout cas, l'amour fusionnel qui anime deux personnes, celui qui virevolte entre deux âmes sœurs mutuellement élues par le biais de je-ne-sais-quelle mystique, oui, cet amour mystique et mythique qui distingue une vie malheureuse d'une vie heureuse, celui-là, bordel, reste pour moi un grand mystère.
Je ne le connais pas. Je ne la connais pas. C'est un fait. Un terrible fait qui me hante, nuit et jour.

Je me vois marcher sur les trottoirs humides. Je me vois, là, avancer d'un pas pathétique. Comme dans les séries B peu inventives, une voiture manque de m'éclabousser. Sauf que là, c'est la réalité.
Je suis seul à faire mon linge, seul à cuisiner, seul à écouter de la musique, seul à dessiner, seul à faire du sport. Seul à dormir, seul à manger, seul à boire, seul à vivre, bordel. En cette soirée difficile, je suis seul, là, à écrire ce texte pitoyable. Et la pluie raisonne sous les toits tandis que les araignées tissent leur toile bruyamment.

Et pourtant, il y a tant de personnes autour de moi. Des personnes? Oui. Une copine? Non. Le soir, plus personne. Les week-ends, plus personne. Et alors? Pourquoi me plaindre? Avant, j'étais seul tous les jours de la semaine, toutes les semaines du mois, tous les mois de l'année.
Eh oui! Je n'ai jamais été moins seul et pourtant je ne me suis jamais senti aussi seul. L'ironie de ma vie.

Je me sens terriblement, atrocement mal aimé. J'aimerais 'partager'. Partager, les choses les plus simples. Ne serait-ce qu'entendre la respiration de l'élue lorsque je me lève. Lui témoigner ma présence d'une simple et tendre caresse, aussi douce que la brise d'un vent d'automne. Rien que cette mélodie humaine qu'est le souffle de l'être aimé, rien qu'elle m'apporterait le plus grand bien.

Le dimanche, je me lève... Comme tout le monde. Non, pas comme tout le monde. Je me lève seul. Jamais, ô grand jamais je me suis levé avec quelqu'un à mes côtés. Ah! Avant je fantasmais, m'imaginant baiser une fée, et je me réveillais en sursaut comme un abruti, seul à forniquer mon lit. Maintenant, je fantasme d'entendre la respiration d'une fille à l'aube, à mes côtés. Et ça ne m'est jamais arrivé. J'ai 22 ans. L'ironie de ma vie. N'est-elle finalement qu'une vaste farce?

Une fois, je me suis senti aimé. Elle était belle, trop belle. Un mannequin. Je n'oserai la décrire tant j'ai peur que mon écriture maladroite la salisse. Et puis... il y avait ce sentiment mythique de mystique. Quand son regard croisait le bien, je savais, elle savait. Nous étions "sur la même longueur d'onde", comme ils disent.
Mais ça n'a jamais été qu'une amourette. Je n'ai fait que frôler ce qui aurait pu être un grand amour. Puis elle m'a laissé, et je l'ai laissée. Nous nous sommes séparés. Ou plutôt la vie nous a séparés. Ou plutôt les circonstances de la vie nous ont séparés. Pourtant, j'aurais pu influencer ces circonstances. J'aurais pu, même si cela relevait du fantasme plutôt que de la réalité. J'aurais pu, et même si j'avais tout perdu, elle serait peut-être encore à mes côtés. Qui sait?

Mais je n'ai rien fait. Lâche que j'étais. Et depuis, plus rien.
Plus rien. J'ai l'impression d'avoir gâché ma vie, car depuis ce jour, plus une once d'amour ne s'est éprise de moi. Oui, j'ai fait mon deuil. Mais rien n'y fait. Plus le temps passe, plus je sais que je vais mourir seul. Seul, parmi la jungle urbaine, la jungle sociale. Avec une seringue dans le fion, probablement. D'une overdose, assurément.

Toutes ces personnes qui me tournent autour mais qui ne sont pas l'élue, et pour lesquelles je ne suis pas l'élu.
De leur cœur. De mon cœur. Banalité des mots, et pourtant morne réalité.

Solitude, seule, tu es mienne à jamais.
A vous,
A toi,

Catégorie : Tranche de vie - 04 décembre 2018 à  20:15

Reputation de ce commentaire
 
Très beau texte dans lequel je me reconnais, merci / Away
 
tellement bien écrit. tu m'inspires, bravo /technogonzo
 
Bien écrit, chapeau! Avantage: à notre âge on a encore le tps de trouver ;) /MG



Commentaires
#1 Posté par : Tête de crêpe 04 décembre 2018 à  23:21
Bonsoir,

De très nombreux passages de ton post me parlent. Plus que ça, j’aurais pu les écrire mot pour mot. En ce moment plus que jamais.

Merci pour ce texte. Je ne le trouve pas pitoyable. Je le trouve sincère, sans fard, il semble venir du ventre. Et une fois lu, étrangement il me donne du courage. Il me donne envie de croire à nouveau que tout n’est peut être finalement pas condamné, qu’on peut encore être surpris. J’espère en tout cas vraiment que c’est encore possible.

Bonne soirée

 
#2 Posté par : technogonzo 05 décembre 2018 à  15:34
la solitude me connait aussi, je me reconnais dans ton texte. moi aussi j'avais rencontré une princesse trop belle pour moi. on a vécu heureux un an mais elle m'a laissée car je consommai trop de drogue. j'en suis encore traumatisé.
dis toi que tu as déjà la chance d'être entouré et moins seul que tu ne l'étais ce qui n'est pas le cas de toutes les victimes de la solitude!
d'ailleur c'est très bien écrite continue d'écrire, t'as de l'avenir!
l'amour te tombe dessus quand tu t'y attends le moins, quand tu as perdu tout espoir. j'espère que tu le trouveras vite

 
#3 Posté par : psychodi 05 décembre 2018 à  16:25
Ygrek

tu as 22 ans ? ça te laisse quand même de la marge pour, fortuitement, sans t'en rendre compte peut-être, rencontrer un jour ou l'autre une autre fée, une autre "mannequin" au détour d'une ruelle...?

j'ai un pote, il était seul...il a juste taxé une clope à une fille, dans la rue, comme ça...et il est resté 5 ans avec elle...

j'ai aussi connu la solitude après que la mère de ma 1ère fille m'ait lâchement largué pour d'autres horizons (avec un mec qui se drogue pas et qui avait une voiture, lui !)
j'avais pas loin de ton âge...
j'ai cumulé à cette période des petites aventures sans lendemain, des "amitiés sexuelles"...
et j'ai un jour, sans le décider, rencontrer celle qui est devenue ma compagne et la mère de mes 2 autres enfants
avec des hauts, des (très) bas depuis plus de 12 ans
et le risque de me retrouver seul à nouveau un jour...sauf que je sais ce que c'est maintenant et que je sais aussi qu'il n'y a pas de fatalités sauf si on le décide peut-être

c'est dur d'être seul même si, comme l'écrivait jean Rostand "être adulte, c'est être seul"
être seul, c'est être uniquement avec soi...autant s'y sentir à l'aise puisqu'on passe quand même la majeure partie du temps avec soi-même
ne désespère pas
tu écris si bien que si tu causes comme tu écris, ça serait étonnant qu'une demoiselle ne succombe pas à ton discours
non ?

psychodi (accroc à l'espérance, parfois un peu trop)

 
#4 Posté par : Ygrek 07 décembre 2018 à  07:58
Merci pour vos retours. Je suis content que certains se soient reconnus dans mon texte. En plus d'extérioriser mes sentiments, le but était aussi de partager, d'universaliser cette sensation qu'est la solitude, ce avec des mots simples.

C'est bien d'être accro à l'espoir, je pense. J'aimerais bien avoir cette addiction aussi.

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