Engagement d'usagers dans la réduction des risques en Suisse

Catégorie : Réduction des risques
10 avril 2017 à  12:25
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Je regrette le fait que les professionnels suisse de la réduction des risques soient réticents à  l'idée d'engager des usagers.

Environ 90% des usagers n'ont pas une consommation problématique de substances psychoactives (selon l'OMS). Il s'agit donc de bien choisir les personnes qui occuperont des postes qui nécessitent une certaine régularité et éviter d'engager des personnes qui pourraient se mettre en danger en occupant certains postes, mais leur proposer autre chose. Certains usagers qui ont un usage problématique de substances ne sont pas en mesure de travailler une journée entière sans utiliser de substance. Cependant, ils pourraient très bien le faire pendant 3 heures. Donc, cela serait tout-à -fait envisageable d'exiger que les usagers ne soient pas sous l'effet de produits pendant le travail, et d'augmenter le temps de travail au fur et à  mesure que les personnes qui ont un problème de dépendance reprennent pied. Tous les employeurs pourraient avoir des craintes d'engager un usager (par exemple, à  cause de l'utilisation de machines potentiellement dangereuses). Il faut donc ouvrir aux usagers une réelle porte d'entrée à  l'emploi (et ils ont de réelles compétences en ce qui concerne les drogues et la réduction des risques), tout en s'adaptant à  chaque personne et en lui laissant la possibilité d'évoluer à  son rythme au niveau professionnel. Mais si l'on veut faire de l'insertion, il faut proposer de réelles opportunités d'emploi et pas simplement de l'occupation.

En fait, j'ai beaucoup de mal avec l'hypocrisie et quand des professionnels de la RDR écrivent des articles pour dire que les patrons doivent engager des usagers ou des ex-usagers, alors qu'ils ne le font pas eux-mêmes, cela m'énerve au plus haut point. Surtout qu'au début, je pensais que tous ces discours étaient sincères, que je me suis mis à  parler de mon expérience d'usager et que personne ne m'a engagé. Le fait qu'ils ne sont pas conséquents avec eux mêmes a pour le moment comme résultat que je me suis fait chier pour rien en faisant un master en sciences sociales. Personne ne veut m'engager depuis que j'ai commencé à  parler de mon expérience d'usager. D'un côté, j'ai quand même le sentiment amer d'avoir été trahi...

Mon conseil aux autres usagers serait de ne pas trop faire confiance aux professionnels des addictions et de la RDR et de ne pas croire tout ce qu'il disent. En fait, ils ont les mêmes préjugés sur les usagers de drogues que le reste de la société. Le problème, c'est qu'eux, ils disent le contraire. Donc, si on leur fait trop confiance, cela peut se retourner contre nous. Il ne faut pas trop s'ouvrir avec eux. Il vaut mieux garder une certaine distance et les considérer uniquement comme des professionnels qui délivrent un service. Leurs discours condescendants sur le fait qu'il ne faut pas exclure les usagers, etc. Ce n'est que du blabla... Ils ne sont pas convaincus par ce qu'ils disent...

Par ailleurs, en ce qui me concerne, je n'ai jamais eu d'autre dépendance que la clope, même si j'ai consommé des drogues diverses et variées au cours de ma vie (et ça, ils le savent).



Commentaires
Salut Jean C,

Je ne sais pas de quelle canton tu parles, mais travaillant dans la réduction des risques à  Genève je n'ai pas le même vécu, ni le même ressenti.

Pour ma part, il y a 4 ans, quand j'ai postulé à  Nuit Blanche, j'ai orienté ma lettre de motivation et mon entretien dans ce sens (ex usager) et je peux te dire que j'ai été engagé. Et je travaille avec d'autres personnes qui consommaient ou consomment encore (pas au travail bien sur).

Donc ton expérience est ton expérience, pas une généralité

Peut être que ton profil ne correspond pas tout simplement ou que ta communication est à  revoir, je sais pas

INB


Pour te répondre, il y a quelques années, j'ai discuté avec quelqu'un de l'Association Première Ligne que je ne citerai pas, mais que tu connais surement. Sans que je lui demande de travail, elle m'a demandé pourquoi je voulais travailler dans la RDR, dans le cadre d'une discussion. Je lui ai répondu que j'avais une histoire dans la consommation de drogues. Elle m'a alors répondu que je ne pourrais ni travailler à  Première Ligne, ni à  Action Nuit Blanche. Elle n'a même pas cherché à  savoir quelles drogues j'avais consommé et si j'avais eu ou non une addiction: elle m'a juste coupée la parole pour me dire qu'elle ne m'engagerait pas, alors que je ne lui avais pas demandé de travail (A mon humble avis, c'est cette personne qui n'a pas du tout les compétences pour travailler avec des usagers). Sinon, je connais quasiment l'ensemble du réseau en Suisse romande. Je collabore avec eux sur plein de sujets. Ils me connaissent et savent que je ne suis dépendant à  aucune drogue. Je me suis porté candidat à  plein d'offres d'emploi dans le réseau. Et encore dernièrement, j'ai pu me rendre compte de la réticence des professionnels de la rdr à  engager des usagers, en particulier quand il s'agit d'échange de matériel stérile ou pour un local de consommation à  moindres risques. Et pas plus tard qu'hier, une personne influente dans le réseau m'a dit qu'elle avait soulevé plusieurs fois cette question dans le réseau, et qu'effectivement, ils sont contre. Alors tu as certainement eu de la chance, ou alors ils ne veulent que des usagers qui pensent comme eux. Mais ils ne veulent surtout pas de personnes qui ne pensent pas comme eux et qui ont leur propre vision des problèmes de drogues, qui vient de leur propre expérience d'usager. Si tu dis ce que tu penses, tu es morts. Tu n'as aucune chance. Et ils ont aussi beaucoup de craintes en ce qui concerne les risques auxquels pourraient être confrontés les usagers en travaillant chez eux, mais en même temps, ils ne sont pas capable d'écouter quand on leur dit que cela ne représente pas un risque pour nous. Chez Bartimée, j'ai postulé pour un stage, une annonce qu'ils avaient publiée sur le site internet de l'Unil. Comme j'avais une bonne expérience en lien avec les politiques des drogues, les addictions et la rdr, j'aurais dû avoir ce stage. Comme je n'avais pas de nouvelles de ma candidature, j'ai rappelé plusieurs fois, et à  chaque fois, on me disait qu'on me tiendrait au courant. Finalement, j'ai appelé l'Unil et ils m'ont dit que Bartimée les avait averti qu'ils ne prendraient pas de stagiaire cette année-là . Ici, ce n'est pas pour de la rdr, mais un stage en centre de thérapie résidentielle...


Encore une fois, c'est ta propre expérience !

Non je n'ai pas eu de la chance, j'ai parlé de mon expériences des drogues (au moment ou j'ai postulé, j'avais tout arrêté depuis 14 ans), mais je suis aussi un travailleur dans le milieu socio médical depuis 15 ans, donc non, c'est pas de la chance, c'est du travail et de l'expérience (personnelle et professionnelle).

La Rdr s'ouvre de plus en plus envers les pairs donc je comprends pas bien les barrières que tu rencontres. Ceci dit, ne parler que de ça, doit déranger. Mieux vaut s'appuyer sur sa pratique, son relationnel et son ouverture d'esprit que d'axer son discours uniquement la dessus.


Intervenant Nuit Blanche a écrit

Encore une fois, c'est ta propre expérience !

Non je n'ai pas eu de la chance, j'ai parlé de mon expériences des drogues (au moment ou j'ai postulé, j'avais tout arrêté depuis 14 ans), mais je suis aussi un travailleur dans le milieu socio médical depuis 15 ans, donc non, c'est pas de la chance, c'est du travail et de l'expérience (personnelle et professionnelle).
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En ce qui me concerne, je ne consomme plus d'héroïne depuis 20 ans, même si je n'y ai jamais été dépendant. Autrement, j'ai aidé mon ex à  se sortir de sa dépendance à  l'héroïne et elle ne consomme plus ni héroïne, ni méthadone depuis 12 ans.

J'ai un master en sciences sociales. Une connaissance étendue de la rdr et des politiques des drogues, en Suisse et à  l'étranger, grâce à  un stage chez ceux qui vous forment et organisent vos plateformes et dans une ONG internationale basée à  Londres, active dans le domaine des politiques des drogues et qui représente plus de 170 ONG dans le monde. J'ai aussi une expérience pratique dans l'insertion, acquise lors d'un stage dans une fondation basée à  Morges que tu dois connaître.

T'en connais beaucoup des usagers qui travaillent dans les locaux de consommation à  moindres risques et d'échange de matériel stérile? (Il y a les paroles et il y a des actes).

Et si je peux me permettre une question, à  part toi, il y a encore combien d'usagers ou d'ex-usagers qui travaillent à  Quai 9? Ou si tu travailles seulement à  Action Nuit Blanche, sais-tu s'il y a des usagers qui travaillent à  Quai 9 et, le cas échéant, combien ils sont et s'ils ont été engagé récemment (il y a moins de 4 ans)? Et bon si tu travailles seulement à  Action Nuit Blanche (RDR en milieu festif), c'est vrai qu'ils recherchent des pairs. Par contre, je suis convaincu que si tu avais voulu travailler à  Quai 9, ils t'auraient dit non. J'ai eu un écho comme quoi ils ont fait le test par le passé et qu'il y a eu des problèmes. Au lieu de réfléchir à  des solutions, il me semble bien qu'ils ont abandonné l'idée d'engager des usagers (et je ne sais pas si c'est parti de là , mais il y a des réticences plus étendues dans le réseau). Mais en ce qui me concerne, vu la réaction de la personne dont j'ai parlé plus haut, il est évident que quand j'ai dit "j'ai une expérience de la consommation de drogues", elle a directement assimilé ça à  UN PROBLEME de drogues et elle n'a même pas cherché à  en savoir plus. La discussion était close. En plus, je ne lui avait même pas demandé de travail, alors c'était particulièrement déplacé de dire ça.


En résumé, tant qu'ils n'ont pas l'impression de prendre un risque (RDR en milieu festif, ou proposition de faire de la RDR pour le cannabis) il veulent bien montrer qu'ils engagent des usagers, et même bénéficier de leur expérience d'usagers. Mais dès qu'ils doivent prendre un risque, ils refusent, sans toutefois hésiter à  enjoindre les autres employeurs à  prendre ce risque.

Je trouve ça minable...


Oui je travaille uniquement pour Nuit Blanche et ils ont engagés quelques pairs ces dernières années. Je suis ancien consommateur de produits de synthèse et du milieu festif donc ça me correspond.

Pour le Quai 9, je n'ai jamais voulu bosser la bas donc je ne peux pas savoir même si j'ai eu des échos. Je ne connais pas toute l'équipe mais une partie et je connais pas leurs parcours. Il y a eu, il me semble, en effet des problèmes par le passé et s'ils veulent poursuivre leur action, ils doivent se protéger de certains problèmes internes donc moi ça ne me choque pas. Ils ont un mandat, et doivent rester professionnels, sinon les politiques leur tombe dessus et c'est leur dotations qui saute !

Le but à  mon sens est de préserver l'action sans se charger de problèmes internes à  l'équipe, c'est déjà  un sacré boulot de s'occuper des usagers.

De cet évènement, je trouve que tu en as tiré des conclusions et des jugements assez sévères. Ca t'appartient, mais pour moi, c'est plus complexe que ça et ce n'est pas du tout de la ségrégation comme tu as l'air de penser.

Le monde du travail reste le monde du travail, et au delà  d'un statut d'ex usager ou d'usager, c'est des personnalités qu'ils recherchent et des compétences humaines et surtout professionnelles.


En ce qui concerne le jugement sévère, ce n'est pas toi qui t'es donné la peine de faire des études universitaires et de tout donner pour reprendre pied dans la société, de commencer à  travailler dans le domaine des addictions, de croire ce que je lisais dans les articles et, sur cette base, de penser que les mentalités des professionnels avaient considérablement évolué depuis les années 1990 (en fait, elles ont évolué mais du mauvais côté), de te livrer à  eux sur cette base pour découvrir ensuite que ce qui est écrit dans les articles ne correspond pas à  la réalité.

En ce qui concerne le fait de protéger leur action, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas su engager des usagers une première fois, qu'ils ne doivent pas continuer d'essayer. Ils partent directement du principe que le problème est venu des usagers. Mais pourquoi ne se demanderaient-ils pas plutôt si ce n'est pas eux qui n'ont pas su voir suffisamment tôt que certaines personnes étaient à  risques et n'ont pas su le gérer (une petite période de repos pour que ces personnes reprennent leur esprit aurait peut-être pu éviter que la situation dégénère...

Et en ce qui concerne ce qui s'est passé avec la personne de Quai 9 (le fait de demander à  quelqu'un pourquoi il recherche du job dans le domaine, et quand il commence à  dire qu'il a une expérience de la consommation de drogues, lui couper la parole et lui dire qu'on a pas de travail pour lui, alors qu'il n'en a pas demandé), je considère que c'est de la discrimination, de la stigmatisation et de l'exclusion, et que les personnes qui font ce genre de choses ne devraient pas travailler avec des usagers.

Il faut bien comprendre que depuis que je leur ai fait confiance et que je me suis livré à  eux, je n'arrive pas non plus à  trouver du travail dans d'autres domaines. Donc, il faut bien être conscient que leur manque de consistance peut avoir un impact extrêmement négatif sur la vie des personnes qui, comme moi, ont fait tous les efforts pour reprendre pied dans la société et ont fait abusivement confiance aux professionnels des addictions et de la RDR... Leur manque de consistance a ruiné tous mes efforts pour participer à  la société.


Bon je crois que c'est pas la peine de continuer, c'est stérile comme échange !
J'essaie de te donner un autre point de vue, mais tu reste braqué sur ton vécu... Pour ma part, j'essaie plutôt d'être objectif par rapport à  mes expériences et celles d'autres personnes. 

Trop d'études éloigne parfois des réalités du terrain et de sa complexité !
J'ai un parcours assez contraire, j'ai 15 ans de terrain et je vais maintenant reprendre mes études universitaires, je vais surement me prendre des baffes également.


Non, c'est toi qui reste bloqué sur ta position alors que je te donne une quantité d'info pour expliquer mon expérience à  ce niveau (mais aussi les discussions que j'ai eues avec des personnes du réseau). Un peu d'objectivité, ça ne fait pas de mal...


A mon avis, c'est la médicalisation des domaines de l'addiction et de la RDR qui nous ont mené à  cette situation: les professionnels sont des personnes qui ignorent les aspects fondamentalement sociaux des "problèmes de drogues" et qui voient tout à  travers une perspective médicale, alors qu'il s'agit avant tout de problèmes sociaux. En plus, bien souvent, il me semble que les personnes qui ont un background médical ont peu de compétences sociales qui leur permettraient d'agir de manière non-stigmatisante envers les usagers. C'est pour ça que je pense que les mentalités ont régressé depuis les années 1990-2000 (quand il y avait une urgence sanitaire, quand on pouvait acheter son cannabis en magasins, quand on pouvait fumer son joint dans le train, etc.), même si la RDR a progressé, au niveau de l'offre. La médicalisation des addictions et de la RDR n'est pas une bonne chose. Et de fait, en Suisse, la situation sociale des usagers s'est considérablement aggravée. Sans-abrisme, dépendance à  l'aide sociale (alors que dans les années 1990-2000, on pouvait espérer trouver du travail sans cacher son usage de substances et que les centres de thérapie employaient de nombreux ex-usagers).

Je suis tout-à -fait d'accord avec le Prof. Marc Lewis qui relève le fait que de considérer l'addiction comme une maladie n'est tout d'abord pas scientifiquement justifié, mais qu'en plus, cela stigmatise les usagers en les étiquetants comme des malades qui auraient une maladie plus ou moins chronique, ce qui permet de justifier une vision où l'on pense qu'un ex-usager risque à  tout moment de développer une dépendance.

https://www.youtube-nocookie.com/watch?v=sRTL88ZMPBA
 


A mon avis, c'était une grande erreur de considérer l'addiction comme un problème de santé publique, même si cela permet de financer des programmes. L'addiction est avant tout un problème social.


L addiction est un problème de comportement individuel qui impacte (ou pas) les relations familiales, sociales qui peut entraîner des complications sociales, sanitaires, médicales, financières,...

Tu veux enfermer le problème dans une case, il est bien plus vaste et imbriqué dans un mécanisme en interaction avec tellement de facteurs, qu on ne peux le généraliser


Non: tu viens de me donner raison en disant que l'addiction est un problème de comportement individuel. Si tu admets cela, alors tu dois admettre que ce n'est pas une maladie, et pas non plus un problème de santé publique. Après, que cela impact la famille, ok. Mais c'est la conséquence directe de la prohibition et des problèmes sociaux qui mènent à  l'addiction. (Quand tes proches passent leur temps à  te faire chier parce que tu consommes des drogues, il n'y a rien d'étonnant à  ce que tu ne te comportes pas très bien avec eux... et que tu n'en aies rien à  foutre de leurs conseils, remarques rabaissantes et moralisatrices, etc.). Quand les usagers se font stigmatiser dans leur propre famille, il est normal qu'ils ne fassent pas vraiment d'efforts pour des personnes qui passent leur temps à  les rabaisser... Plus on pourrit la vie d'un usager, plus le risque est grand qu'il trouve un refuge dans sa substance de prédilection, et plus il aura envie d'échapper à  une réalité qui pèse sur son moral. Je sais ce que c'est de vivre en tant qu'ado avec une mère complètement parano en ce qui concerne les drogues et de passer son temps à  te surveiller et à  te faire les poches alors que tu ne t'intéresse pas encore aux drogues... après, ce n'est pas entièrement de sa faute: elle a cru toutes les conneries qu'on racontait à  l'époque sur les drogues, elle est devenue complètement parano à  ce sujet, et elle a pris conseil auprès de personnes tout autant parano et mal informées qu'elle.

Donc, tu as raison: l'addiction est un problème de comportements (causé par des facteurs sociaux). Donc, nous sommes d'accord pour dire que l'addiction n'est pas une maladie, pas non plus un problème de santé publique, mais un problème social. C'est cela que signifie ce que tu as écrit.

Par contre, il faut que tu prennes conscience du fait que cela ne correspond certainement pas à  la représentation que s'en font tes patrons et la plupart de tes collègues. Tes collègues parleront de "substance use disorder", donc, d'un trouble psychique, ce qui ne correspond pas à  la réalité, tout en étant extrêmement stigmatisant pour les personnes qui ont une consommation problématique de substance(s) liée à  une situation sociale difficile.

Voilà  comment ils se représentent l'addiction: https://terrygorski.com/2013/10/15/dsm- … e-summary/
http://apps.who.int/classifications/icd … r#/F10-F19

Donc, en caricaturant à  peine, tes patrons et la plupart de tes collègues (au sens large, au-delà  de la RDR en milieu festif) se représentent les personnes dépendantes comme des malades mentaux. Et c'est justement là  que cela ne va pas du tout... En plus, comme ils ne tiennent pas compte qu'environ 90% des usagers (selon l'OMS et l'ONUDC, entre autres) n'ont pas de conso problématique, ils utilisent le terme usager comme un substitut au terme de "toxicomane" en pensant qu'ainsi, ils stigmatisent moins les usagers dépendants, mais ils ne se rendent même pas compte qu'en faisant cela, non seulement ils stigmatisent les usagers dépendants en les considérant comme des malades mentaux, mais en plus, par extension, ils qualifient du même coup TOUS les usagers de malades mentaux.


Burn DSM and CIM!!! (C'est fou ce que ces 2 bouquins ont donné comme pouvoir à  la médecine sur les gens...). N'oublions pas qu'il y a très peu de temps, la psychiatrie considérait l'homosexualité comme une maladie mentale. Avec l'addiction, nous sommes exactement dans le même registre.


Jean C. a écrit

Mais c'est la conséquence directe de la prohibition et des problèmes sociaux qui mènent à  l'addiction.

Donc, tu as raison: l'addiction est un problème de comportements (causé par des facteurs sociaux). Donc, nous sommes d'accord pour dire que l'addiction n'est pas une maladie, pas non plus un problème de santé publique, mais un problème social. C'est cela que signifie ce que tu as écrit.

Par contre, il faut que tu prennes conscience du fait que cela ne correspond certainement pas à  la représentation que s'en font tes patrons et la plupart de tes collègues. Tes collègues parleront de "substance use disorder", donc, d'un trouble psychique, ce qui ne correspond pas à  la réalité, tout en étant extrêmement stigmatisant pour les personnes qui ont une consommation problématique de substance(s) liée à  une situation sociale difficile.

Donc, en caricaturant à  peine, tes patrons et la plupart de tes collègues (au sens large, au-delà  de la RDR en milieu festif) se représentent les personnes dépendantes comme des malades mentaux. Et c'est justement là  que cela ne va pas du tout... En plus, comme ils ne tiennent pas compte qu'environ 90% des usagers (selon l'OMS et l'ONUDC, entre autres) n'ont pas de conso problématique, ils utilisent le terme usager comme un substitut au terme de "toxicomane" en pensant qu'ainsi, ils stigmatisent moins les usagers dépendants, mais ils ne se rendent même pas compte qu'en faisant cela, non seulement ils stigmatisent les usagers dépendants en les considérant comme des malades mentaux, mais en plus, par extension, ils qualifient du même coup TOUS les usagers de malades mentaux.

A mon sens tu fais bcp trop de raccourcis
Ton discours sent la colère et la vengeance
Tu stigmatises toi même les travailleurs sociaux de la Rdr et te plaint qu'ils stigmatisent les usagers, c'est tellement paradoxal

Règle tes problèmes personnels et ouvre toi sur quelque chose de plus collectif

Une addiction est certes un problème de comportement, ça oui, mais les facteurs sont multiples. Tu extrapole complètement quand tu dis que les acteurs de la Rdr voient les usagers comme des malades mentaux. La je peux pas te laisser dire ça, c'est tellement irrespectueux du travail effectué sur le terrain.

Un usager à  la base cherche à  résoudre des problèmes d'angoisse, de confiance, à  apaiser des symptômes physiques, à  se démarquer ou se rebeller face à  la société, est à  la recherche de plaisir, recherche des expériences mystiques, spirituels ou que sais je encore ! Chacun a sa motivation. Et l'addiction arrive quand le produit, la substance, devient une nécessité, une béquille et que le corps, le cerveau, la part émotionnelle ou le psychisme le réclame. C'est valable pour les drogues comme pour d'autres choses : le sport, le travail, le sexe, les jeux, la télévision,...

Est ce forcément lié à  un aspect social ? Pas forcément puisque au départ, c'est un problème entre soi et soi... qui ensuite peux entrainer un déséquilibre social et médical.

Bref, ta vision me semble faussée par quelques petites mauvaises expériences

INB


Tu as lu la définition du DSM et du CIM (qui est la définition qu'ils ont eux-aussi adoptée et qu'on leur enseigne)? Je n'invente rien. Ils voient effectivement les usagers dépendants comme des malades mentaux (car ils basent leur pratique sur la définition du DSM.

Donc, je ne prends pas de raccourci. Et je ne suis pas en train de me venger. Mais je trouve que c'est inacceptable de considérer les usagers dépendants comme des malades mentaux, d'autant plus qu'il n'y a pas vraiment de base scientifique pour l'affirmer. C'est vraiment regrettable, mais même quand de grands spécialistes sont confrontés à  une critique de cette définition, par exemple venant du prof. Marc Lewis, ils reconnaissent généralement que les bases scientifiques pour parler de maladie sont très pauvres, mais ils partent du principe que c'est bien de considérer les usagers dépendants comme des malades mentaux, parce que cela permet de financer les prestations via une politique de santé publique.

L'addiction n'arrive pas par hasard: elle est le résultat d'un long processus de désinsertion, lui-même lié à  une situation sociale difficile (exclusion, stigmatisation, discrimination).

Je n'ai pas de haine. Je ne cherche pas non plus à  me venger. Mais je pense que ce qui se passe est inacceptable. Je suis aussi convaincu que le jour où l'on cessera de stigmatiser et exclure les usagers, il y aura beaucoup moins de problèmes d'addiction.

Ce que les professionnels ne voient pas, c'est que quand les amis d'une personne apprennent que cette personne consomme, par exemple, de l'héroïne, progressivement, ces amis vont cesser de lui rendre visite. Elle sera de plus en plus isolée socialement, stigmatisée et exclue, consommera de plus en plus et aura de grande chance de développer une dépendance. C'est un schéma que j'ai pu observer chez beaucoup de personnes. En bref, mon expérience de l'usage de drogues, longue de 24 ans, et tout ce que j'ai lu sur l'addiction, m'ont amené à  la conclusion que l'addiction est un problème social et que, comme tous les problèmes sociaux, c'est un problème qui est construit socialement.


Donc, de manière générale, j'apprécie les personnes qui travaillent dans la RDR. J'ai du plaisir à  les rencontrer. Mais je me bats surtout pour les usagers et je pense que ce qui se passe aggrave énormément les problèmes sociaux des usagers, même si cela leur permet d'avoir un meilleur état de santé. C'est pour cela que je me bats. Il faut changer de paradigme en ce qui concerne l'addiction et l'usage de drogues, car le paradigme actuel (et les représentations et pratiques qui y sont liées) a pour effet de stigmatiser d'exclure et d'isoler socialement les usagers. En plus, on peut se demander si les professionnels sont réellement conséquents avec eux-mêmes: cela ne leur pose pas de problème de considérer un usager dépendant à  l'héroïne comme un malade mental, mais se voient-ils aussi comme des malades mentaux quand ils fument leur cigarette?


Je sais qu'en Suisse les gens n'osent pas trop dire ce qu'ils pensent et quand général, les discussions ressemblent à  un consensus alors que les personnes ne sont pas du tout d'accord.

Moi, je ne suis pas comme ça. Je dis ce que je pense, parce que c'est le seul moyen d'avancer et qu'il est nécessaire d'avancer. La manière dont la société en général traite les usagers est inacceptable et il est grand temps de les traiter comme des êtres humains et des citoyens à  part entière.


Si je mets l'accent sur les domaines des addictions et de la RDR, c'est avant tout parce que j'estime que c'est à  eux de montrer l'exemple. Ils ne peuvent pas simplement dénoncer le fait que de plus en plus d'usagers n'arrivent plus à  trouver un logement ou un appartement en raison de l'exclusion et de la stigmatisation dont ils sont victimes (et des représentations sociales liées à  la prohibition). En plus, comme ce sont eux qui ont le pouvoir de définir ce qu'est un usager ou un usager dépendant, c'est à  eux de rectifier le tir en changeant de paradigme, tout simplement parce que la définition qu'ils adoptent en ce qui concerne l'addiction conditionne la manière dont le reste de la société se représente l'addiction, et, de fait, cela conditionne l'attitude de l'ensemble de la société vis-à -vis des usagers de drogues. Je n'ai donc aucune haine. Mais j'estime que c'est leur responsabilité de changer de paradigme et qu'ils doivent le faire si leur souci est réellement l'amélioration de la situation sociale des usagers. Et s'ils se permettent d'enjoindre les autres employeurs à  engager des usagers, ils doivent montrer l'exemple (et pas seulement dans la RDR en milieu festif). J'estime que c'est leur responsabilité.


Ainsi, je suis très content de jeter un pavé dans la marre, mais j'apprécie les personnes qui travaillent dans la RDR. Par contre, il y a des choses qui ne vont pas du tout, donc, j'en parle. En plus, c'est moi qui paie les frais, de leur manière de voir les choses.

Personnellement, je n'accepte pas qu'on me stigmatise en me demandant pourquoi je veux travailler dans la RDR, pour me couper la parole après que j'aie commencé à  dire que j'ai une expérience de la consommation de drogues, pour me dire, sans que j'ai demandé de travail, que je ne serais pas engagé à  cause de ça, sans me donner la possibilité d'en dire plus à  mon sujet. Je n'accepte pas non plus que l'on mette une annonce pour un stage sur le site de l'Unil, qu'on ne  me donne pas de nouvelles au sujet de ma candidature quand j'en demande plusieurs fois par téléphone, tout en me promettant de me tenir au courant, et que j'apprenne en appelant l'Unil, que la Fondation qui a mis l'annonce leur a dit qu'ils ne prendraient pas de stagiaire cette année-là  (alors que comme l'offre s'adressait à  des étudiants qui venaient de terminer leurs études, au niveau du CV, c'est moi qui aurait dû avoir le stage). Je n'invente rien. Je parle de ce que je constate sur le terrain.

Je ne pense pas que la volonté des professionnels soit de stigmatiser et d'exclure les usagers. Cependant, je suis convaincu que le paradigme actuel en matière d'addiction a cela comme conséquence.


Après, si tu penses qu'avoir une discussion d'adultes au sujet de la RDR, c'est avoir la haine et vouloir se venger, c'est dommage. Je comprends bien que tu es sur la défensive et que tu protège ton gagne-pain, mais si l'on veut faire évoluer les mentalités et les pratiques, un vrai débat est nécessaire. Et merci de m'avoir poussé à  préciser mon analyse en prenant le temps de discuter de cela avec moi.

Un jour, je regrouperai les publications de ce blog dans un livre. Merci d'y contribuer. Et je suis très content de discuter de ça franchement avec toi. J'ai horreur des discussions où tout le monde donne l'impression d'être d'accord avec tout le monde, mais où en fait, personne n'est d'accord, simplement parce que les personnes n'arrivent pas à  se dire les choses. Je veux un vrai débat, pas des discussions stériles et inconsistantes.

J'aimerais que l'on parle du fond et pas seulement de la forme...


En ce qui te concerne, pour le moment, tu as surtout parlé de la forme, mais si nous parlions un peu du fond: que penses tu de la définition du "substance use disorder" donnée par le DSMV?


C'est bien joli de vouloir améliorer l'état de santé des usagers, mais à  quoi cela  sert si, en raison des représentations sociales de l'usage de drogues (largement conditionnée par les messages que donnent les professionnels à  ce sujet), les usagers ne trouvent ni emploi, ni logement et sont largement exclus socialement s'ils assument leur usage de substance et ne le cachent pas? Ces problèmes, c'est la société qui les crée, et pas les drogues...

Si on bousille la vie des usagers, il ne faut pas s'étonner que certains deviennent dépendants et n'arrivent pas à  s'en sortir. Mettre cela sur le compte des drogues, je trouve que c'est minable. C'est la société qui crée ces problèmes.


Et j'ai suffisamment souffert de tout ça, (sans avoir de problème de dépendance autre que la cigarette), pour ne pas prendre de détours et directement jeter le pavé dans la mare. J'en ai aussi un peu marre que lors des rencontres, des professionnels donnent l'impression de se préoccuper de ma situation professionnelle et m'encouragent à  continuer à  répondre aux offres d'emploi du réseau, mais que quand je me porte candidat à  un poste chez eux, ils ne m'engagent jamais. J'apprécierais un peu plus de franchise. Cela fait bientôt 4 ans que je cherche du travail dans le réseau et que, de toute évidence, on me mène en bateau. Cela me pose un sérieux problème, étant donné que j'ai un garçon de 7 ans et une fille de 12 ans, que je n'ai aucun revenu, que je risque de me retrouver à  la rue dans peu de temps et que je me fais poursuivre parce que je ne suis pas en mesure de payer une pension alimentaire à  mon ex-femme (alors que j'aurais très envie de pouvoir le faire). Donc, désolé si je ne prends pas de pincettes, mais cela fait 4 ans que ça dure. J'en ai marre et c'est toute ma famille, donc aussi mes enfants, qui en pâtit.

Donc, désolé pour le manque de diplomatie, mais je suis arrivé à  un stade où je dois dénoncer ça. C'est quasiment une question de survie. L'attitude du réseau m'empêche de trouver du travail, donc je n'ai pas d'autre choix que de la dénoncer. Ils ont toujours été très sympas avec moi lors des rencontres. Cependant, comme je l'ai dit, ils m'encouragent à  répondre aux offres d'emploi du réseau, mais quand je me porte candidat chez eux, ils ne m'engagent pas. Donc, à  la longue, j'ai un peu l'impression qu'on me prend pour un con et j'apprécierais qu'on soit plus franc avec moi. C'est moi qui me retrouve sans revenu et sans aucune perspective d'avenir après avoir fait de longues études pour pouvoir participer à  la société. Ce sont tous ces efforts qui sont mis en péril parce que j'ai fait l'erreur de me présenter tel que je suis dans le réseau en pensant que les mentalités des professionnels avaient évolué en ce qui concerne les drogues et l'usage de drogues (en me basant sur tous les articles élogieux au sujet de l'évolution de notre politique des drogues). Et s'ils ne sont pas plus francs, il risque d'y avoir encore beaucoup d'autres personnes comme moi, qui verront leur avenir professionnel bousillé parce qu'ils auront pris le risque de parler réellement de ce qu'ils pensent de tout ça en tant qu'usagers.


J'apprécie aussi les débats de fond, donc je viens de te lire et je trouve que tu es plus clair maintenant dans tes propos, j'apprécie ;-)

A aucun moment je n'ai parlé de haine, j'ai parlé de colère et de vengeance !! C'est très différent selon moi

Concernant les acteurs de la Rdr, il y a une hiérarchie comme dans toute organisation et depuis 4 ans, je ne vois pas en bas de la pyramide, donc avec les gens de terrains ce que tu décris. Et rencontrant pas mal de personnes (à  différents niveaux de la hiérarchie) dans ce domaine, je ne ressens pas cela non plus. Les usagers sont perçus comme des êtres humains à  part entière, avec un usage problématique d'une ou de plusieurs substances.

Mon boulot dans la Rdr représente un job à  10%, il n'est donc pas mon gagne pain (je le ferais bénévolement si je n'étais pas payé). J'ai un autre job pour ça, justement avec des personnes en situation de handicap mental, donc tu abordes quelque chose qui me touche d'autant plus. Je t'assure que la stigmatisation du handicap mental est encore autre chose...

Donc non je ne suis pas d'accord avec toi. Tu as peut être fais un amalgame, en prenant quelques exemple pour en faire une généralité, je sais pas.

Si tu es a Geneve, je t'invite a venir me rencontrer et découvrir notre travail sur le stand de Nuit Blanche. Nous serons à  l'Electron, moi j'y serais jeudi et samedi

INB


Merci. Je serai très heureux de te rencontrer à  l'occasion pour discuter de tout ça. Cette semaine, je ne suis pas disponible. Mais volontiers une autre fois.

En attendant, pour te faire aussi une idée plus précise sur le sujet, je t'invite à  demander à  tes collègues, ceux qui ne sont pas  dans la RDR en milieu festif, mais qui s'occupent d'autres types d'usagers, de préciser ce qu'ils entendent exactement quand ils parlent d'usage problématique? L'usage problématique, dans les définitions communes, englobe l'abus de substance et l'addiction. Tu pourrais leur demander quelle est la différence pour eux entre l'abus de substances et l'addiction. En passant, tu remarqueras que sur le site d'Addiction Suisse, la définition qui est retenue pour l'addiction est celle du CIM10, qui définit l'addiction comme un trouble psychique:
http://www.addictionsuisse.ch/faits-et- … ependance/

http://apps.who.int/classifications/icd … r#/F10-F19


Jean C. a écrit

TOUS les usagers de malades mentaux.

Voila ou tu fais l'amalgame :

Le CIM parle de troubles mentaux et de comportement pas de maladie mentale

Travaillant comme éducateur dans le handicap mental, je t'assure que le terme n'est pas du tout le même

Je t'invite a réfléchir la dessus


Si tu me relis, tu verras que j'ai dit tous les usagers, parce que j'ai relevé le fait qu'ils utilisent le terme "usager" à  la place de "toxicomane", parce qu'ils estiment que c'est moins stigmatisant, mais que du coup, en faisant ça, ils font passer tous les usagers pour des "toxicomanes". C'est donc par ce biais-là  que l'amalgame est fait. Après, je ne dis pas que c'est l'idée qu'ils s'en font, mais c'est ce que cela produit, à  tel point que souvent, quand on dit à  un professionnel qu'on s'exprime en tant qu'usager, il pense que l'on s'exprime en tant que "toxicomane"....


Et je ne suis pas d'accord pour dire que les personnes dépendantes sont des malades mentaux, ou des personnes souffrant de troubles psychiques, d'autant plus que les critères utilisés pour le définir sont fortement contestables et subjectifs.


Mis-à -part cet aspect très important, je trouve que les professionnels de la RDR font du très bon travail. Mais je trouve aussi qu'il devraient vraiment se distancer du domaine de l'addiction et faire de la RDR un domaine séparé. Cela permettrait certainement d'éviter une partie des problèmes dont j'ai parlé. Que les professionnels de la RDR ne s'occupent plus d'addiction et qu'ils laissent les professionnels des addictions évoluer de leur côté. A mon avis, il faut séparer les deux et cela pourrait éviter à  la RDR d'être confrontée à  ces problèmes que devront régler un jour ou l'autre les professionnels des addictions.

Je trouve que ce n'est pas du tout une bonne idée d'avoir fait de la RDR une partie du domaine des addictions.

Je pense que les addictions ne devraient pas être une préoccupation de la RDR.

Le domaine de la RDR a ses propres préoccupations. Elle devrait laisser les professionnels des addictions s'occuper d'addiction et régler les gros problèmes liés à  la définition du problème...


Ce n'est pas de la vengeance. C'est un combat contre la stigmatisation, la discrimination et l'exclusion dont les usagers sont victimes dans notre société (cela va plus loin que la simple régulation des marchés des drogues, qui n'est qu'une étape dans le processus).


On peut parler de "problème", comme tu l'as fait. Mais parler de "trouble", c'est entrer dans le domaine de la psychiatrie et considérer les usagers dépendants comme des malades mentaux (les mots ont un poids, et ils reflètent et conditionnent les représentations sociales de l'usage de drogues).


Travaillant dans la Rdr, nous ne rentrons pas dans le domaine de l'addictologie, je ne vois pas de quoi tu parles. A Genève, c'est bien différencié je trouve

Que ce soit Nuit Blanche ou le Quai 9, on laisse les gens consommer tout en transmettant des messages de Rdr et en accompagnant les personnes plus loin, au niveau du réseau, si elles le désirent

Je ne sais pas quel expérience tu as du terrain, mais tu te fais des idées de ceci et de cela... Tu ne peux faire de discours généraliste d'un domaine aussi complexe. Chaque personne a sa vision des drogues, de l'usage, des dépendances et de l'addiction.

Je suis d'accord avec toi (au moins une chose ;-)) sur le poids des mots

Troubles = troubles

Pourquoi tout de suite parler de psychiatrie ?

Les troubles de l'attention, les troubles du comportement, les troubles mentaux, les troubles familiaux ne relèvent pas de la psychiatrie... ils envahissent l'espace social et tout le monde n'a pas un suivi psychiatrique. Tu mets une connotation péjorative sur des mots qui parfois sont juste un constat

Ne pas reconnaitre que certains usagers ont des troubles mentaux, du comportement ou autre ne les aide pas non plus. Défendre les usagers peut être mais ne pas tout accepter d'eux car les pratiques et les comportements sont parfois à  grand risque et dans un processus d'auto destruction très puissant.

Qu'est ce qui est acceptable ou pas ? Jusqu'ou pouvons nous aider en personne ? Enfin, pour moi ça soulève plein de question déontologiques !!


Je parle du fait que le domaine de la RDR, en Suisse, dépend du domaine des addictions, que les plateformes RDR ont lieu dans le cadre d'une association qui représente les professionnels des addictions, etc.

Mon expérience de terrain a duré 24 ans en tant qu'usager et 4 ans en tant que diplômé en sciences sociales qui collabore avec le réseau et se réunit régulièrement avec lui.

Le CIM10 est une classification internationale des MALADIES. Quand on parle de "Troubles mentaux et du comportement liés à  l'utilisation de substances psycho-actives", on parle de maladie mentale.

L'addiction ne devrait pas figurer dans le CIM10, parce que, comme l'on bien montré des experts tels que, par exemple, Marc Lewis, l'addiction n'est pas une maladie.

La médicalisation de l'addiction a un coût social. Et ce coût, ce sont les usagers qui le paient...



Faire de l'addiction une maladie n'est selon moi (et d'autres) pas une bonne manière de financer les prestations fournies par les professionnels. Ces prestations pourraient tout aussi bien, si ce n'est mieux, être financées par des taxes provenant de la régulation des marchés des substances psychoactives.


On a fait de l'addiction un problème sanitaire. Il faut à  présent reconnaître le fait qu'il s'agit d'un problème social, si l'on veut qu'un jour ce ne soit plus un problème ou un problème très limité.


Intervenant Nuit Blanche, pour une rencontre, je risque bien d'être présent à  l'AG de Première Ligne et je serai présent à  celle du GREA, si tu y vas. Autrement, on peut aussi se boire un verre à  l'occasion, si ça te dit. Je les aime bien les professionnels de la RDR. Mais tout ce que j'ai décrit plus haut me fait dresser les cheveux sur la tête.... Et je suis bien conscient du fait que certains n'ont même pas idée des questions que je viens de soulever (mais je sais que certains en sont plus ou moins conscients et font tout ce qu'ils peuvent pour protéger leur approche plutôt que de la remettre en question: cette approche permet de financer des prestations et d'asseoir la domination de la médecine sur le domaine). Donc, rien à  voir avec de la vengeance (un peu de ressentiment, c'est possible), mais je tiens VRAIMENT à  ce que les choses (et les mentalités) changent.


Franchement ce que tu dis soulever, ça me dépasse !! Enfin c'est pas que ça me dépasse, c'est que ça ne m'intéresse pas ce genre de débat stérile. Jouer sur les mots me fatigue à  la longue. Je suis plus pragmatique et concret.

Chacun son domaine... Moi je ne suis pas un homme des politiques sociales, je suis un gars de terrain et comme tu dis, j'essaie déjà  de protéger mon approche de la Rdr face aux consommateurs, aux collègues (pas tous la même approche), aux partenaires, aux parents que je rencontre, qui sont confrontés à  un enfant consommateur, et rien que ça, c'est déjà  un énorme travail...

J'interviens là  ou ça consomme et là  ou j'entend les pires jugements sur la consommation. Je ne défend ni la drogue, ni les consommateurs mais le fait de  choisir librement de vivre des expériences, qu'elles soient liées aux drogues ou pas.

Je n'ai pas vraiment l'envie et le temps de voir les vidéos, surtout que je ne suis pas bilingue.


salut
Loin de moi l'idée de prendre part d'un côté ou d'un autre, neutralité helvétique oblige tongue
Mais le débat m'intéresse, étant issue du milieu médical, je confirme que les personnes dépendantes des produits (#politiquementcorrect) sont considérées comme malades. C'est ainsi que fonctionne la médecine, elle définie le normal par rapport au pathologique, ce qui est "hors-norme" est de fait pathologique.
[HS] Et pour avoir exercé en psychiatrie, je déplore que l'addiction n'y soit pas traitée plus profondément que par la simple abstinence physique contrainte, notamment car addiction et maladies psychiatriques (psychoses, troubles de l'humeur) sont souvent liées. Le cercle vicieux : psychose -> consommation de produits pour diminuer l'angoisse pathologique -> décompensation de la pathologie -> augmentation de l'angoisse -> augmentation des consommations, etc.

Concernant la RDR, je suis d'accord sur le fait qu'elle devrait appartenir prioritairement aux usagers.
Anecdote : Un jeune homme entre dans les locaux d'AIDS, il demande au conseiller RDR des infos sur le plug anal. L'intervenant, non consommateur, ne sait pas ce que c'est. Il demande donc à  son collègue (un ami) consommateur. Lui connait, donc fait son speech RDR en expliquant au jeune comment le plug fonctionne.
" Tu pourrais me préparer le plug et me le mettre ?!
- fache-non-non ici on fait de la prévention, ce n'est pas une salle de consommation, la conso à  l'intérieure est interdite.
- Tu peux venir avec moi dehors alors ?! "
mur

Je me suis permise de traduire en français (excusez le "mot-à -mot", j'ai fais vite) l'introduction de "Biology of Desire - Why addiction is not a disease" de Marc Lewis.
Merci beaucoup pour le partage Jean C. ! Je trouve cette théorie juste, innovante et très intéressante !

L'opinion publique s'est focalisée sur le mal que les dépendants (*Addicts dans le texte) se font à  eux-même et à  leur entourage, d'autant plus ces dernières années. La façon dont nous percevons l'addiction change, mute et progresse probablement dans le même temps. Nous avons commencé à  séparer de notre représentation de l'addiction, des préjugés d'échec moral. Nous avons moins tendance à  considérer les dépendants comme juste indulgents, lâches ou manquant de volonté. Il devient plus difficile de reléguer l'addiction aux clochards, aux jeunes aux visages décharnés qui tanguent devant nos voitures aux feux rouges.  Nous voyons que l'addiction peut survenir dans le jardin de n'importe qui (*in anyone's backyard). Elle attaque nos politiciens, nos artistes, nos proches et souvent nous-mêmes.  Elle est devenue omniprésente, prévisible, comme la pollution de l'air ou le cancer.

Expliquer l'addiction semble plus important que jamais. Et la première explication répendue pour la majorité des gens, c'est que l'addiction est une maladie. Quoi d'autre qu'une maladie pourrait frapper n'importe qui, n'importe quand, dérober leur bien-être, leur self-control, et même leurs vies ? Beaucoup d'organisations de santé publique et de docteurs reconnus l'appellent maladie. Centres de cure, conseillers en toxicomanie et les programmes en 12 étapes l'appellent maladie. Les recherches des vingt dernières années ont trouvé des preuves indiscutables de changements dans la structure et la fonction cérébrale parallèlement à  l'abus de substances. Les études génétiques révèlent également des traits héréditaires qui prédisposent les personnes aux addictions. Tout ça semble correspondre à  la définition de l'addiction - comme une maladie physique. Et ça nous donne de l'espoir, de l'indulgence, parce que la notion est sensible, confortable à  sa façon et fait partie de notre réalité commune. Si l'addiction est une maladie, alors il devrait y avoir une cause, une évolution temporelle / un déroulement temporalisé, et un traitement possible, ou au moins des méthodes de traitement uniformisées. Ce qui signifie que nous pouvons nous en remettre aux professionnels et suivre leurs instructions.

Mais l'addiction est-elle vraiment une maladie ?

Ce livre s'attache à  démontrer que non. L'addiction résulte, au contraire, d'une répétition motivée des mêmes pensées et comportements jusqu'à  ce qu'ils deviennent habituels. Donc l'addiction se développe - c'est un apprentissage - mais elle est apprise plus profondément, plus vite que la plupart des autres habitudes, à  cause d'un chemin (*tunnel) étroit entre attention et attraction. Un examen précis du cerveau souligne le rôle du désir dans ce processus. Le circuit neuronal du désir gouverne l'anticipation, l'attention particulière et le comportement. Donc les buts les plus attractifs seront poursuivis de façon répété, alors que les autres perdront de leur attirance, et cette répétition (plutôt que la drogue, l'acool ou les jeux d'argent) modifiera le système cérébral. Comme avec les autres habitudes d'apprentissage, ce processus est encré dans une boucle de réatroaction d'agents neurochimiques, qui sont présents dans tous les cerveaux normaux. Mais ce cycle se répète d'autant plus continuellement lorsqu'il y a récurrence du désir, et réduction de ce qui est désiré (*the shrinking range of what is desire). L'addiction découle du même sentiment qui unit les amoureux l'un à  l'autre, ou les enfants à  leurs parents. Elle se construit aussi avec les mêmes mécanismes cognitifs, qui nous font valoriser des gains à  court terme plutôt que des bénéfices à  long terme. L'addiction est indiscutablement destructive, pourtant elle est aussi étrangement/ singulièrement normale : une caractéristique inéluctable de la conception humaine de base. C'est ce qui la rend si difficile à  saisir - socialement, scientifiquement et cliniquement.

Je pense que la notion de maladie est fausse, et que son inexactitude est aggravée par un regard biaisé sur les données neuronales - et par les habitudes des docteurs et scientifiques à  ignorer le singulier. C'est une idée qui peut être remplacée, pas en évitant la biologie de l'addiction mais en l'examinant de plus près, puis en la connectant à  l'expérience vécue. Les recherches médicales ont raison sur le fait que le cerveau change dans l'addiction. Mais la façon dont il change est en rapport avec l'apprentissage et le développement - pas la maladie. L'addiction peut dès lors être vue comme un développement en cascade, souvent préfiguré par des difficultés dans l'enfance, souvent boosté par le rétrécissement de la perspective / une perspective étroite (*by the narrowing of perspective) avec des cycles récurrents d'acquisition et de perte. Comme avec les autres acquis développementaux, l'addiction n'est pas facile à  renverser, car elle exige la restructuration du cerveau.
Comme les autres acquis développementaux, elle découle de la plasticité neuronale (= La plasticité cérébrale décrit la capacité du cerveau à  remodeler ses connexions en fonction de l'environnement et des expériences vécues par l'individu), mais son effet réel est, entre autre, la réduction de cette plasticité, au moins pour un moment.

L'addiction est une habitude, qui, comme beaucoup d'autres habitudes, s'implante par l'entremise d'une diminution du self-control. L'addiction est définitivement une mauvaise nouvelle pour le dépendant, et tout ceux qui dépassent la limite (*all those within range). Mais les sévères conséquences de l'addiction n'en font pas une maladie, pas plus que les conséquences terribles de la violence n'en font une maladie, pas plus que les conséquences du racisme font du racisme une maladie, ou la folie d'aimer le voisin de sa femme font de l'infidélité une maladie.
Ce qu'elles font c'est une très mauvaise habitude.



Jean.C, j'espère que tu trouveras un job dans la RDR, se remettre en question et continuer de se former toute sa vie, sont pour moi les qualités de base pour tout professionnel de la santé.

Reputation de ce commentaire
 
Bel effort! Merci pour pour ta contribution et ta traduction!
 
Texte mis dans les morceaux choisis de Psychoactif. (pierre)


nakedlunch,

Merci beaucoup pour cette intervention très constructive et cette excellente traduction! Et merci beaucoup pour tes encouragements (mais pour le moment, j'ai vraiment peu d'espoir de trouver du job dans le réseau et j'ai compris pourquoi). Cela me fait tellement plaisir que quelqu'un comme toi, qui vient du domaine médical, en Suisse, connaisse Marc Lewis et soit convaincue. C'est dommage que ses bouquins ne soient pas (encore?) traduits en français. Si seulement tout le monde pouvait le lire dans le réseau en Suisse...


Autrement, j'ai connu des personnes qui ont surmonté leur addiction sans suivre de thérapie du tout, et d'autres en suivant une thérapie. Mais dans les deux cas, ce qui s'est passé, c'est que ces personnes se sont retrouvées dans une situation où elles ont pu "remettre des choses dans leurs vies", rencontrer de nouveaux amis, une compagne ou un compagnon, trouver un travail, des choses de ce type qui feront qu'une nouvelle dynamique se mettra en place. Ou peut-être que l'on pourrait parler comme Marc Lewis, d'un nouvel apprentissage, d'être capable de se projeter vers l'avenir, etc. Mais pour que cela soit possible, à  mon avis, il faut que la personne se retrouve à  nouveau face à  des opportunités (sociales, professionnelles,...). Après, ce n'est que mon avis, basé sur mes observations (mais ça concorde avec les observations du prof. Bruce Alexander sur le Parc aux Rats). Pour résumer, je pense qu'il faut agir de manière à  limiter tous les dommages sociaux auxquels sont susceptibles d'être confrontés les usagers (dépendants ou non): stigmatisation, exclusion, discrimination, isolement social, sans-abrisme, pauvreté, etc.

Mais tu as aussi parlé de l'auto-médication et je pense que c'est effectivement un aspect important de la question. C'est une autre question. Peut-être faudrait-il être en mesure de donner aux personnes qui ont un usage de substance de ce type des conseils pour le faire de manière à  ce que les avantages soient plus importants que les inconvénients, à  des stratégies pour le faire en évitant au maximum le risque de dépendance ou en leur proposant des alternatives qui pourraient leur convenir? Je ne sais pas vraiment. Sur ce point, j'ai beaucoup plus d'incertitudes... Et peut-être que là , les professionnels de santé sont les plus qualifiés. Mais dans tous les cas, je pense que tout doit être pensé de manière à  stigmatiser le moins possible les personnes, à  se mettre au même niveau qu'elles, à  leur parler avant tout de personne à  personne, moins que de professionnel à  patient, de les mettre au centre, de les écouter, de comprendre quelles sont leurs attentes et d'agir en fonction de cela: leur donner ce qu'elles recherchent, mais de la manière la plus bénéfique et la moins dommageable possible. Qu'en penses-tu?

Merci beaucoup pour ta contribution à  cette discussion! :)

Et encore merci pour tes encouragements et tes conseils. En ce qui concerne la formation, j'ai mon master en sciences sociales. Mais comme je n'ai aucun revenu et que la formation continue est très chère, financièrement, je ne peux pas. Mais je suis conscient du fait que ça peut aider considérablement. Autrement, j'aurais bien voulu faire un doctorat, mais là -aussi, les portes me sont plus ou moins fermées... C'est très compliqué, mais peut-être qu'un jour quelqu'un me fera suffisamment confiance... On verra. C'est vrai aussi que mon expérience d'usager, tout ce que j'ai vu au long de ma vie, etc. ont comme conséquence que je ne prends jamais ce que l'on me dit comme argent comptant. J'ai tendance à  analyser tout ce qu'on me dit, à  rechercher les contradictions, les biais, les inconsistances,... et à  m'énerver quand j'ai l'impression qu'une étude est biaisée. Je sais que c'est que ça peut être pénible pour les personnes qui travaillent avec moi. Mais je sais aussi que quand je me retrouve avec des personnes qui encouragent cet esprit d'analyse et de vérification et qui valorisent mon travail, au lieu de m'énerver, je peux vraiment avoir une collaboration très constructive avec mes collègues (à  Londres, je me sentais vraiment bien, accepté, valorisé pour mon travail et... j'avais le droit d'avoir ma propre manière de voir les choses). Je pense qu'il y a une grande différence entre la "mentalité suisse", qui a tendance à  pousser au conformisme, et la mentalité "anglo-saxonne", qui a tendance à  valoriser la différence et à  voir l'échange de points de vue différents comme quelque chose qui permet d'avancer et d'innover. Mais quand je fais un travail de terrain, auprès de personnes, je suis avec les personnes, et je suis capable de faire de mon mieux pour les aider, sans les juger, sans partir du principe qu'ils sont les principaux responsables de leur situation, parce que je sais par expérience que le fonctionnement de notre société peut faire beaucoup de dégâts dans la vie d'une personne, et c'est d'abord cela que je verrai, tout en faisant de mon mieux pour aider la personne à  reprendre pied. Je n'ai pas besoin de me forcer pour avoir une relation d'égal à  égal, parce que, en raison de mon parcours, je me sens généralement plus proche des participants que de mes collègues (c'est ce qui s'est passé quand j'ai été stagiaire dans le domaine de l'insertion, à  Morges).


#42
pierre
Web-Administrateur
13 avril 2017 à  09:27
Merci Jean Ç. Pour des apports importants ! (Et merci nakedlunch pour la traduction. )
Comme toi nous pensons que l'addiction n'est pas une maladie.

Je te souhaite de trouver une place dans la réduction des risques suisses.
Pierre


Merci Pierre!

Cela me fait beaucoup de bien de discuter avec des personnes conscientes du problème et qui n'acceptent pas que l'on considère les usagers dépendants comme des malades.

Ce forum est un petit bijou. Cet espace de discussion/information est génial.

Merci pour tes encouragements. En fait, comme je suis déjà  connu dans le réseau, je pense que mon seul espoir de me faire accepter, c'est de convaincre les acteurs du réseau que je ne suis pas à  risque de développer une dépendance si je travaille dans ce domaine. C'est un peu dommage, j'ai un peu l'impression que depuis mon adolescence, je dois prouver à  tout le monde que je ne suis pas dépendant, alors que je n'ai jamais été dépendant à  autre chose qu'à  la clope. C'est fatigant à  la longue. Et j'ai un peu l'impression que je peux dire tout ce que je veux, mais que les personnes conserveront leurs préjugés. Tout cela a un peu tendance à  me miner, parce que j'ai vécu avec une personne dépendante à  l'héroïne, je l'ai aidée à  s'en sortir (principalement en la soutenant et en étant toujours là  pour elle, même quand je ne savais plus du tout pourquoi je le faisais) et cela ne m'a pas donné envie de consommer de l'héroïne, dont je n'ai jamais été dépendant, même s'il m'est arrivé d'en consommer dans les années 1990-2000. J'ai l'impression que dans l'esprit des professionnels, dès que l'on parle d'héroïne, ils auront tendance à  penser qu'on leur ment quand on leur dit qu'on en a consommé sans devenir dépendant. Or, dans les années 1990, nous étions nombreux à  en consommer, mais la majorité ne sont pas devenus dépendants [en ce qui me concerne, comme j'étais en rave ou en after tous les weekend et que les after avaient tendance à  se prolonger la semaine, l'héroïne me permettait principalement d'adoucir les descentes et aussi, (j'étais adolescent) de donner l'impression d'être un usager expérimenté au sein de mon groupe, mais je ne supporte pas les opiacés et je n'en aime pas vraiment l'effet]. En théorie, ils savent que la grande majorité des usagers, même d'héroïne, ne deviennent pas dépendants, mais dans la pratique, ils me semble bien qu'ils ont de la peine à  l'assimiler. Je précise que cette période a duré de mes 15 ans à  mes 18 ans, donc 3 ans, en pleine adolescence (j'ai 38 ans).


He, de rien wink

Honnêtement, je ne connaissais pas Marc Lewis avant d'avoir regardé l'interview que tu as postée.. J'ai cherché le livre (Biology of desire) sur Google Books,et j'ai trouvé d'une version en ligne librement accessible (aperçus/ vo).

La conception de l'addiction comme un apprentissage me correspond assez - apprentissage social et biologique, où le fonctionnement du cerveau (agents neurochimiques, neurotransmetteurs, synapses, etc) est modifié par la répétition du désir du produit et des comportements de consommation, pour en faire une habitude profondément encrée.

Professionnellement, je suis d'accord pour ne pas catégoriser l'addiction comme une maladie, mais je m'y retrouve aussi comme consommatrice...
Mon père consommait - l'apprentissage par imitation, Piaget et/ou génétique/hérédité je ne sais pas..- j'ai consommé très jeune, grandi avec la drogue et je commence tout juste à  envisager la possibilité d'une vie adulte sans produits quotidiens -full addiction level complete !- je lutte pour me sevrer - restructuration du cerveau en cours..

D'ailleurs, je ne suis pas (encore) "ex-ud", donc je n'ai pas les réponses.. Comment surmonter son addiction ? Comment ré-apprendre à  vivre sans drogue ? Comment restructurer son cerveau ? Comment réussir un sevrage ? Je n'ai que des questions..

La discrimination, la stigmatisation, quelle soit adressée aux usagers considérés, malades, marginaux, ou aux personnes souffrants de pathologies psychiatriques, malades mentaux, fous, aliénés, aux personnes handicapées, retardés, malades, dépendants (des autres), inutiles.. ne découle sur rien de constructif en général.

Bref, elle me pend aussi au nez, car si mes employeurs apprenaient que j'ai consommé des stupéfiants, je serai licenciée. Dans le secteur médical/social, on te demande ton casier judiciaire à  chaque entretien d'embauche, et sur le mien, va probablement être inscrit "détention/importation/consommation de stupéfiant" je pourrais perdre le droit d'exercer ou avoir de grosses difficultés à  retrouver un job... Même clean.

Quand je disais "remise en question et formation", c'était plutôt une observation qu'un conseil. Se former, pour moi c'est aussi en dehors de l'école, simplement se tenir informer, forums, témoignages, articles, recherches, news..
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Un témoignage lié à  une réflexion constructive et distancée, bonnes questions.


Je viens de trouver cette interview en français de Marc Lewis, par VICE, bien sûr !
La vérité sort de la bouche..des drogués big_smile

La toxicomanie n’est pas une maladie et l’industrie de la désintox est une imposture, affirme un neuroscientifique.


NEIL SHARMA
Jan 12 2017, 1:00pm



«La dépendance, c’est une acquisition, comme quand on est amoureux»

Marc Lewis est passé par le long et sombre tunnel de la dépendance à  l'opium, mais en est sorti et est aujourd'hui neuroscientifique, journaliste scientifique et écrivain. Son best-seller autobiographique, Memoirs of an Addicted Brain, est le récit de sa vie de toxicomane entrecoupé de leçons de science sur les réactions du cerveau à  chaque substance. Dans son plus récent livre, The Biology of Desire: Why Addiction Is Not a Disease, il affirme qu'étiqueter la dépendance comme une maladie est non seulement trompeur, mais aussi dangereux.

VICE a interviewé par Skype ce professeur émérite de l'Université de Toronto et membre du corps enseignant de l'Université Radboud de Nijmegen aux Pays-Bas.

VICE : Pourquoi pensez-vous que l'industrie de la désintox est une imposture?
Marc Lewis : Je ne vois pas l'industrie comme une conspiration diabolique, mais ça dépend où vous êtes. Aux États-Unis, les traitements, les doses des substituts de l'opium et la période pour s'en sortir sont souvent inadéquats. Il n'y a pas assez d'aide individuelle. Il y a des politiques générales, sans bénéfices pour les toxicomanes, et les soins médicaux ne sont en général qu'un petit aspect du programme. La méthode en 12 étapes, c'est de 80 % à  90 % du programme. On y ajoute des thérapies de groupe, dans lesquelles on explique comment arrêter de se trouver des excuses. Pour certains, ça peut marcher, parce qu'on les sort de leur milieu et de la drogue. Mais ça ne marche pas à  long terme, parce qu'ils retournent dans leur milieu, où se trouvent tous les éléments déclencheurs. On ne les aide pas à  acquérir les aptitudes psychologiques dont ils ont besoin pour s'en sortir.

Pourquoi est-ce que les cures en centre de désintox coûtent une fortune?
C'est exactement le point. Dans le haut de gamme, c'est de 50 000 $ à  100 000 $ par mois. Vous payez pour un traitement de luxe cinq étoiles. Des personnes que je connais y sont allées et ont eu des repas gastronomiques avec vue sur le Pacifique et des massages des pieds. Le vrai traitement ne coûte pas si cher. On paye pour du temps, des médecins et d'autres professionnels. Parfois, ceux qui dirigent ces centres sont d'ex-toxicomanes qui n'ont suivi qu'un bref cours intensif et n'ont pas les compétences requises. Il n'y a pas de réglementation ni de supervision. C'est le bordel. Sinon, il y a les centres de désintox publics, mais les listes d'attentes sont souvent longues, et vous devrez faire d'autres compromis. La période d'attente en elle-même est un problème grave, parce que les toxicomanes ne sont d'accord pour arrêter que pendant un certain laps de temps. Le temps a beaucoup d'importance.

Est-ce que les centres de désintox poussent volontairement leurs patients dans une voie qui mène à  l'échec pour qu'ils reviennent et dépensent plus?
Je ne pense pas que ce soit la norme. Dans certains cas, c'est peut-être une grande motivation, mais ce n'est qu'une hypothèse. Qui sait? Des consortiums possèdent et dirigent plusieurs centres à  différents endroits. Des patients peuvent être transférés d'un endroit à  l'autre, de façon insidieuse. Vous commencez votre cure dans une maison avec huit autres personnes et, quelques semaines plus tard, vous vous retrouvez dans le dortoir d'un autre centre. Les patients ont l'impression qu'on ne se préoccupe pas d'eux, ils sont en colère, mais ils ne peuvent pas faire grand-chose parce qu'ils sont dans le système et ont payé une somme très importante. Ils sont coincés et personne ne supervise. Chacun fait ce qu'il veut.

Je critique le modèle médical qui soutient la philosophie de l'industrie de la désintox. À cause du grand taux d'échec, le modèle médical et la définition de la dépendance devraient être sérieusement revus. Mais ce n'est pas le cas et c'est un problème. C'est un système qui se renforce lui-même: on vous annonce que vous avez une maladie chronique qui va vous tuer, alors vous feriez mieux d'aller en désintox.

Le modèle selon laquelle il s'agit d'une maladie a beaucoup de poids, surtout parce qu'il est soutenu par beaucoup d'organisations de premier plan, comme le NIDA (National Institute on Drug Abuse). Selon des rapports, le NIDA finance environ 90 % de la recherche sur la toxicomanie dans le monde. On donne de l'argent à  des chercheurs qui étudient les mécanismes biologiques et cellulaires liés à  la dépendance, mais on ne donne rien à  ceux qui remettent en question le modèle de la maladie. Le système qui se maintient lui-même en place.

La médecine n'a rien à  proposer aux toxicomanes?
Beaucoup d'experts en toxicomanie sont d'avis que se prendre en main, se motiver, se trouver des activités et se donner des objectifs soi-même sont des étapes essentielles pour vaincre la dépendance. La médecine, elle, vous dit que vous êtes un patient et que vous devez faire ce que le médecin prescrit.

Dan Morhaim, un médecin et politicien du Maryland dit que la dépendance «est un enjeu médical qui a de désastreuses conséquences sociales». C'est très typique. En changeant l'ordre des mots, on arrive à  une affirmation beaucoup plus juste : c'est un enjeu social qui a de désastreuses conséquences médicales.

Les peines de prison pour les toxicomanes et la prohibition sont responsables de beaucoup des dommages relatifs à  la toxicomanie. La prohibition crée un passage très étroit par lequel les toxicomanes doivent passer et qui les mène vers le crime, qui donne des ressources aux organisations criminelles et qui enrichit les cartels. Par contre, au Maryland, le Dr Morhaim propose que des médecins donnent gratuitement de l'héroïne aux accrocs à  l'héroïne. La Suisse, l'Allemagne et le Danemark l'ont essayé, et on a noté une réduction de la criminalité.

Pourquoi étiqueter la toxicomanie comme une maladie ferait obstacle au traitement approprié?
D'abord, considérer les toxicomanes comme des patients les rend passifs, fatalistes et pessimistes. Si on vous dit que c'est une maladie cérébrale chronique qui est à  l'origine de tous vos problèmes, vous penserez que vous ne vous en sortirez jamais. Mais, en fait, la plupart des toxicomanes s'en sortent. Les statistiques sont sans équivoque, autant pour les drogues douces que les drogues dures comme l'héroïne.

Ensuite, les autres approches basées sur des méthodes psychologiques individuelles restent dans l'ombre. Différents types de psychothérapie, le soutien, les réseaux d'entraide et la méditation se sont aussi révélés efficaces. Mais, si vous pensez que vous avez une maladie chronique et que votre médecin le pense aussi, personne ne vous recommandera la méditation, même si on a constaté qu'elle est très efficace.

La dépendance est un phénomène purement comportemental plutôt que psychologique?
C'est une autre divergence. D'un côté, il y a la dépendance à  la drogue, et de l'autre les dépendances comportementales : le jeu, le sexe, la porno, les troubles alimentaires, les jeux vidéo. Quand on regarde des IRM du cerveau, on voit que les schémas d'activation neuronale chez les toxicomanes sont les mêmes que chez ceux qui ont des dépendances comportementales. Ce devrait être suffisant pour faire tomber le modèle de la maladie cérébrale.

Le point commun de toutes ces dépendances, c'est l'apprentissage profond. C'est une acquisition enracinée par la répétition, mais ce n'est pas du tout une maladie. Les accrocs se sortent de toutes sortes de dépendances. C'est une affaire de plasticité neuronale. On ne revient pas à  l'état dans lequel on était avant, le développement ne va jamais à  rebours, mais on gagne des compétences qui nous aident à  vaincre nos pulsions et on acquiert de nouvelles habitudes cognitives. Tout apprentissage entraîne des changements neuronaux : la création ou le renforcement de synapses et l'affaiblissement et la disparition d'autres synapses qui ne sont plus utilisées.

On devine pourquoi vos théories ne sont pas populaires dans l'industrie de la désintox. Est-ce qu'on a publiquement mis votre crédibilité en doute?
Oui, on m'a sévèrement critiqué. Le Washington Post m'a qualifié de « fanatique » [ zealot]. En général, ceux qui sont dans le camp de la médecine essaient de ne pas tenir compte des gens comme moi. Mais la vague gagne de la force. Je ne suis pas le seul. Par contre, ce qui me distingue, c'est que je peux parler leur langage parce que je connais le cerveau. J'ai parlé à  Nora Volkow, [la directrice] de NIDA, qui a une grande influence politique. Elle ne veut pas m'entendre. Pour elle, il faut dire aux toxicomanes qu'ils ont une maladie cérébrale chronique pour réduire la stigmatisation. Mais moi et d'autres, on dit que non, ce n'est pas une maladie cérébrale. Un changement cérébral, d'accord. Et c'est ce qu'un cerveau est censé faire : il apprend.

Est-ce que c'est plus facile de se débarrasser d'une dépendance à  une certaine période de sa vie?
Oui, certainement. Premièrement, toutes les dépendances ont une durée moyenne. Gene Heyman a mené beaucoup de recherches sur ce sujet. La durée médiane d'une dépendance à  la cocaïne est de quatre ans. La durée médiane pour l'alcool est de 12 à  15 ans. Mais ce sont des médianes : la durée varie. Deuxièmement, le cerveau continue de se développer pendant l'adolescence et la vingtaine. Dans la vingtaine, on dispose de plus de neurones pour nous aider à  nous contrôler. Troisièmement, quand on avance en âge, les circonstances changent. À l'approche de la trentaine, on se rend compte qu'il faut se contrôler. Ce sont de bonnes raisons pour lesquelles l'âge a de l'importance.

Est-ce qu'il y a un lien entre la diminution de la stigmatisation et la persistance de la théorie de la maladie dans un monde où le langage doit être politiquement hypercorrect?
Je pense que oui. Si vous avez une maladie et que ce n'est pas de votre faute, vous n'êtes donc pas paresseux, égocentrique ou lâche. Vous avez une maladie et vous ne devez pas avoir honte ou vous sentir coupable. C'est pratique pour pardonner aux toxicomanes et aider les toxicomanes à  se pardonner. C'est politiquement correct. L'idée selon laquelle il n'y a que deux options, soit une maladie, soit une indécence éhontée qu'il faut condamner, est ridicule. Ce n'est pas tout blanc ou tout noir. Nous pouvons à  la fois ne pas étiqueter la toxicomanie et rester humains.

Dans des mots de tous les jours, qu'est-ce qu'une dépendance si ce n'est pas une maladie?
La dépendance, c'est une acquisition. Très simplement, c'est l'acquisition d'une habitude psychologique, une acquisition profondément enracinée. Comme quand on est amoureux. Si la personne que vous aimez devient violente avec vous, vous pourriez continuer de l'aimer pendant 12 ans ou le reste de votre vie. C'est une autre forme d'acquisition. Même chose quand on est partisan d'une équipe ou jihadiste. La religion est une profonde manifestation de l'apprentissage profond. Et certaines dépendances créent une dépendance physique, ce qui ajoute une couche au problème.

Comment on s'en sort?
Les outils psychologiques et interpersonnels sont très importants. La dépendance est liée à  l'isolement et à  la solitude, à  l'absence de proches et de relations profondes. Ceux qui n'ont pas de relations harmonieuses et satisfaisantes sont très vulnérables aux dépendances. Ils sont seuls, déprimés, anxieux, traumatisés. Comme dans Rat Park [une étude canadienne sur la dépendance à  la drogue effectuée avec des rats]. Ce que je dis ne s'applique pas seulement aux humains, mais aux autres animaux aussi. L'isolement est très néfaste, c'est le fondement de la dépendance

Reputation de ce commentaire
 
Texte mis dans les morceaux choisis de Psychoactif. (pierre)


nakedlunch,

Merci pour ton témoignage et le partage de cet article.Génial. C'est très cool d'échanger avec toi: tu es curieuse, tu fais tes recherches et tu sais très bien utiliser ton intelligence (tout le monde est intelligent mais tout le monde n'utilise pas cette faculté de la même manière, à  mon avis).

Je pense que tu as raison de te demander s'il n'y pas eu apprentissage pas imitation. Cela me semble pertinent. Mon père fumait beaucoup, (gauloises bleues sans filtre, françaises papier maïs, ce genre de clopes). J'ai fumé mes premières clopes à  l'âge de 7 ans avec mes frangins (3 et 4 ans de plus que moi) pour imiter les adultes, mais certainement beaucoup mon père. Il y a quelques années, ma fille m'a demandé quand elle pourrait commencer à  fumer des cigarettes, surement aussi parce qu'elle voulait me ressembler. Comme je sais que les discours du type "je te l'interdis" ou "c'est pas bien" ne fonctionnent pas, je lui ai répondu que ce n'était pas une question d'avoir ou non le droit de commencer à  fumer. Mais je lui expliqué qu'il y a des risques pour la santé, que je pourrais mourir 10 ans plus tôt que si je n'avais pas fumé, que j'étais dépendant à  la cigarette et que si elle commençait à  fumer en étant enfant, c'est encore plus dangereux parce qu'elle est en pleine croissance, que ses poumons sont encore plus fragiles, etc. Depuis ce jour, mes deux enfants me font régulièrement (mais il ne passent pas leur temps à  le faire non plus) que je devrais arrêter de fumer parce que ce n'est pas bon pour ma santé. Donc, pour le moment, je ne pense pas qu'ils pourraient être tentés de fumer...

Ne pas être dépendant et ne pas consommer de drogues sont deux choses très différentes. Si l'on considère autant les drogues légales (tabac, alcool, certains médicaments, etc.) que les drogues illégales, tout le monde consomme des drogues. Il y a certainement des drogues qui sont problématiques pour toi et d'autres qui le sont beaucoup moins. Par exemple, si tu prends du plaisir à  t'éclater de temps en temps le weekend en prenant du mdma, du LSD ou ce genre de substances avec tes amis, tu ne risques pas vraiment de devenir dépendante, ne serait-ce que parce que l'accoutumance est plutôt rapide et après quelques jours de teuf, on ne sent plus grand chose même en prenant des doses de cheval. Donc, au bout d'un moment, tu dois te poser, te reposer et reprendre ton petit "train-train" quotidien. Après, quand on le fait, il faut être conscient que plus on exagère, plus la descente sera rude, alors si on ne veut pas trop payer pendant la semaine, on apprend à  être raisonnable, surtout quand on a un job. Je n'écris pas ça pour te dire que tu dois absolument aller en teuf et prendre ce genre de produits, mais simplement pour attirer ton attention que tout le monde consomme des drogues et que ce n'est pas ça le problème. Il faut surtout essayer d'éviter le plus possible celles qui sont problématiques pour toi (à  mon avis).

Mais tu peux aussi te faire plaisir avec d'autres choses que les drogues. Peut-être que c'est aussi ça le processus d'apprentissage. Fais-toi plaisir. Fais-toi du bien. Comme tu as déjà  un job qui a l'air de te plaire, tu n'as pas à  réglé ce problème-là . C'est déjà  un truc cool dans ta vie. Donc, je ne suis pas à  ta place, je n'ai pas la science infuse, je te donne simplement mon avis, mais je pense que tu devrais trouver un maximum de trucs qui te font plaisir ou qui te passionnent et consommer du plaisir et de la passion sans modération. Fais des choses qui te plaisent. Eclate-toi. Croque la vie à  pleines dents!

Tout-à -fait d'accord: la stigmatisation et la discrimination ne découlent sur rien de constructif. J'ai fait cette erreur avec quelqu'un qui passait ses nerfs sur moi à  chaque fois qu'elle n'était pas bien. Même si je ne le supportais plus et que je devais réagir parce que je n'en pouvais plus. Je n'aurais jamais dû lui parler de son diagnostic, mais uniquement de ses comportements. Je regrette ce que j'ai fait. Je sais pourquoi je l'ai fait, mais j'aurais dû le faire d'une autre manière. J'ai revu ma façon de penser depuis...

Continue à  te cacher au boulot. C'est très dommage, parce que tu travailles forcément avec des gens qui aiment bien boire de l'alcool ou qui fument des cigarettes. Donc, il y a deux poids deux mesures en ce qui concerne l'usage de drogues. Mais tu as raison: je pense que la société n'est pas encore prête à  laisser les usagers de drogues illégales s'exprimer librement sans les exclure.

Ce type de formation, je le fais. Je lis pas mal de trucs. Je m'intéresse. Je suis l'actualité internationale en matière de politiques des drogues, les innovations en matière de réduction des risques, etc. Je suis passionné par ce que je fais. mais j'aimerais bien que ma passion me permette de vivre (et de subvenir pleinement aux besoins de mes enfants).

Merci d'avoir partagé cet article. C'est sympa pour tout le monde...

Je te souhaite une toute bonne soirée. Et n'oublie pas: fais-toi plaisir wink

PS: je voulais aussi te mettre une étoile pour avoir partagé l'article, mais je ne peux plus (épuisé le nombre d'étoiles que je peux te donner pour le moment). C'est vraiment cool de faire connaître les bouquins de Marc Lewis, qui n'ont pas été traduis en français (du moins à  ma connaissance).

Suite: peut-être faut-il que je précise un peu ma vision des choses. Je pense que la sortie de l'addiction considérée comme l'abstinence totale de substances psychoactives n'est pas une bonne chose. D'abord parce qu'une telle manière de concevoir le problème amène le plus souvent les personnes qui cherchent à  surmonter une addiction à  considérer toute consommation comme une rechute qui, dans leur esprit, remet en question tous les efforts qu'ils ont fait jusqu'à  présent, ce qui risque de les amener à  se dévaloriser, à  avoir une mauvais image d'elles-mêmes, ou même à  se décourager et à  penser qu'elles "ne s'en sortiront jamais".

Ensuite, en étant constamment dans une dynamique de lutte contre l'envie de consommer, au bout d'un moment, le cerveau se fatigue et cela devient de plus en plus difficile de résister (une manière simplifiée et accessible à  tous de comprendre le passage de Memoirs of an addictive brain, que je vais citer ci-bas, mais que je n'ai pas le temps de traduire maintenant, parce que mes enfants sont avec moi. (Pour le moment, ils sont occupés alors je peux écrire un peu, mais je traduirai plus tard):

"(...) Psychologists now have a name for the problem: ego depletion or ego fatigue. In doing its routine chores, the brain uses up a fantastic amount of energy - more than the rest of the body combined. And a lot of that energy comes from glucose, or sugar, which is an important source of glutamate and GABA, those work-horse neurotransmitters that carry messages from neuron to neuron.  When dACC [Dorsal anterior cingulate cortex] has to keep working to control an impulse, one that keeps recurring, or just won't go away, it uses up its supply of energy. It can't replenish its store of neurotransmitters. It gets tired. Very much like a muscle". [Marc LEWIS, Memoirs of an addicted brain; A neuroscientist examines his former life on drugs, New York: Public Affairs 2011 (2013), p.246]


#47
pierre
Web-Administrateur
14 avril 2017 à  13:29
Avec Marc Lewis, tout est dit !
Sur Psychoactif nous pensons fermement qu'il a raison !

Nous allons voir si il ne pourrait pas venir discuter avec nous !
Reputation de ce commentaire
 
Fier de participer à  ce forum. Quelle bonne idée de l'inviter!


Ma traduction:

"(...) Les psychologues ont à  présent un nom pour désigner le problème: épuisement de l'ego ou fatigue de l'ego. En accomplissant ses tâches habituelles, le cerveau utilise une quantité énorme d'énergie - davantage que le reste du corps. Et une grande partie de cette énergie provient du glucose, ou sucre, qui est une source importante de glutamate et de GABA, ces neurotransmetteurs "bête de somme" qui transmettent des messages d'un neurone à  l'autre. Quand le dACC [cortex cingulaire antérieur] doit travailler constamment pour contrôler une impulsion, qui demeure récurrente, ou qui ne veut simplement pas s'en-aller, il épuise ses réserves d'énergie. Il ne peut pas refaire sa provision de neurotransmetteurs. Il devient fatigué. De manière très similaire à  un muscle". [Marc LEWIS, Memoirs of an addicted brain; A neuroscientist examines his former life on drugs, New York: Public Affairs 2011 (2013), p.246]

C'est en partie pour ça que je pense que les personnes qui souhaitent surmonter une addiction ne devraient pas être trop extrêmes et trop dures avec elles-mêmes et focaliser leur attention sur le fait de se procurer du plaisir autrement qu'avec les drogues qui sont problématiques pour elles, plutôt que sur l'idée qu'elles ne "doivent pas consommer de drogues".


Je ne vais pas jusqu'à  attendre des professionnels qu'ils adhèrent à  mon analyse. Mais j'aimerais qu'ils acceptent qu'on peut aussi penser différemment et qu'on peut le faire en se basant sur des données scientifiques. J'aspire à  ne pas être exclu parce que je pense différemment et que j'ai une histoire d'usager que je ne cache pas.


pierre a écrit

Avec Marc Lewis, tout est dit !
Sur Psychoactif nous pensons fermement qu'il a raison !

Nous allons voir si il ne pourrait pas venir discuter avec nous !

Quel bonheur! C'est génial. Excellente idée de l'inviter! J'adore ce forum. Vous êtes géniaux.

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