Chapitre II dernière partie : Le routard speedeur et le Seemis en GAV

Catégorie : Poèmes
12 décembre 2020 à  02:05

Après avoir repris conscience, j’ai tout de suite compris où on se trouvait moi et mon camarade de castagne. On était chacun dans une petite cellule, pris entre trois murs avec face à nous de simples gaules de schtard. Lui, il était en train de roupiller pépère sur son petit banc. Plus loin dans le comico, je voyais les aller et venues des hommes en bleu. Le truc avec les cellules dans les commissariats c’est que c’est pas comme en zonzon, on cherche pas à t’isoler dans ta solitude. Non, là t’es à la vue de tous comme une bête de foire. Tu dois te sentir honteux avant de te sentir seul, une sorte de mise en garde apparemment. Pour le coup c’était déjà ça de pris, moi qui cherchais qu’à être mis en scène, j’étais bien mieux en GAV qu’à pourrir seul dans la routine d’une cellule de prison. Mais là, je m’ennuyais déjà…

    Je pris alors un petit caillou qui traînait au sol pour l’envoyer sur l’autre déglingué qui piquait son somme. Il se réveilla tout de go. Enfin, au vu de la quantité de stimulants avec laquelle il se trimballait avant d’être pris, c’était à se demander s’il avait déjà dormi un jour l’énergumène.

— ZALOPARD DE MERDEUX A COUILLES DE LOUTRE !!! DONNEZ-MOI UNE PELLE QUE JE LE FOURRE ZE CAILLAIZZEUR !! » qu’il hurla tout bougon. Puis, il se tourna vers moi, prit une pause, et se calma aussitôt pour ajouter cette fois très sereinement :
« — Un problème l’catcheur du gazon ?
— Tu dormais pas l’excité ?
— Naan, je méditais za me calme mué, et puis j’attends qu’on vienne me sortir de là, za devrait plus tarder maintenant t’zais ! J’leur ai pourtant bien dit à la flicaille, on m’fait pas chier mué hein, j’ai des relations et j’échappe toujours à l’embrouille des cazze couilles. Toi, marmot, t’l’auras ton prozès au fion.
— Vué, vué, vué… bile-toi d’abord hein, avec tous les SSStupéfiants que tu te trimballais, j’SSSSuis pas un juriste, mais tu t’en sortiras pas SSSans rien. Puis, merde ! C’est quoi le problème avec ton cabot, tu vois pas qu’il est claqué depuis des années ?
— Eh lé révolté, tu connais le Zeemiz ? J’zuis un de leur livreur depuis longue date t’zais et la chef, c’est ma mère, tu vois l’genre ?
— Super… « mOi c’ESt mArTiN, jE trAVAIlLe pOUr pErSSSSonNe, lE sSSSAVaiS-TU DONC ? JE sSSSUIs fILsSSS non aDoPtIf de mA grOsSSSe DARONNE, TU VOUAS LE GENRE ??? » Bon, c’est quoi le problème avec ton clebs ?
— Non, mais, tu connais vraiment pas le Zeemis, le gnard ?
— Nope. Euuh que dis-je ? Non, pardonnez-moi mon petit pépère parce que j’ai pêché. Que dois-je faire pour pas me faire emprisonner ? Vous et ce Zeemis, seriez-vous ma Ssssainte PanaSSSée ?
— Hin. Hin. t’zais ils sont pas déconneurs comme moi, et ils z’aiment pas vraiment qu’on fasse chier leur Hermès adoré. Pis, mon clebs c’est Canaroller, il a rien de crevé ni d’un simple clebs d’abord.
— Vouais… pas la grande forme le toutou, pas aussi mochard qu’un clou, mais pas fou.
— Eh ! T’y t’es donc pris pour un puizant toué, mais vaut mieux que tu penzes à comment t’zortir d’ze foutoir plutôt que d’continuer à nous prendre pour des ploucs… t’es épatarouflant ko même *hiurk* *hiurk* T’en prendre à nous juste comme za et po connaître le Zeemis, z’est que t’es bien couillard l’mioche
— Boeh j’avais mes raisons hein, c’est l’chien là, Canaroller qui m’a aboyé dessus pour jouer à « ouaf ouaf baston sur gazon » tsé !
—  OUAF OUAF BASTON SUR GAZON ??!! Z’est vrai qu’z’est zon jeu préféré za ! *hiurk* hiurk* z’acré canaille le cana, z’est zurement qu’il t’aime bié hé, il aime tout l’monde tfazon l’cana zé un bon chié tzais ! 
— Mué si tu l’dis sacré canaille le cana… hin, hin…

    Décidément, le Hermès là, il était convaincu que son clebs, il était encore en pleine vie. Difficile de savoir si c’était un véritable baratineur ou si je devais quand même me biloter un peu d’avoir foncé tête baissée contre ce gugusse au cerveau fêlé. Vu qu’on avait rien d’autre à glander avant l’arrivée d’un membre de ce soi-disant « Zeemiz » ou « Seemis » là — avec ses cheveux sur la langue j’étais sûr de rien —, j’ai quand même essayé d’en savoir un peu plus. Et puis il m’intriguait pas mal le zozio, il était prêt à me bouffer vivant pendant le combat et voilà que maintenant il me parlait tranquille. Il cherchait même à m’instruire de son monde délirant. Vu que j’ai fini par l’écouter attentivement dans ces histoires de loubard, je lui suis même devenu plutôt sympathique. Puis c’était pareil pour moi, plus il m’en disait, plus je commençais à bien l’aimer ce fêlé. C’était un de ces personnages qui avait de quoi nous fasciner pendant des heures en se demandant comment des fous en son genre pouvaient encore faire partie des vivants. Les larves aussi, elles commençaient à fatiguer du coup, elles en demandaient de sa parole. Elles voyaient en lui un mode de vie des plus aguichants, une œuvre d’art à lui tout seul, sûrement un modèle pour moi.

    Au fur et à mesure de ses anecdotes, j’avais de quoi en faire un bouquin de ses histoires de brigand. Déjà le « Zeemis », j’avais déjà entendu ce mot quelque part en fait… C’était le « Seemis » déjà et surtout l’une des plus grosses entreprises pharmaceutiques qui existait. Ça m’avait pas fait tilt au départ, mais c’est vrai que le siège social du Seemis, il est chez nous, en Goissie. Les médocs de ma vioque venaient de là-bas, donc j’en avais déjà gobé plus d’une fois de leur marchandise. Faut dire que ça déboîte le gosier et tout ce qui suit, les tripes, les sens, la caboche, et même les poils qui se mettent en branle. D’la bonne cam’, je vous le dis. Y avait de quoi être honoré de se trouver en gardàv’ avec l’un d’eux si c’était vrai. Ce que je savais moins, c’est qu’ils faisaient pas que dans les médocs. Pas étonnant, au vu de la tonne de stup’ qui traînait dans ses affaires. En sous-main, ils avaient tout le marché de la drogue. Le genre de petit commerce qui était toléré par la flicaille du coin vu que leurs relations allaient bien plus haut. Et puis ça rapportait de la maille en masse dans laquelle les poulets prenaient leur commission. Ça se savait plus ou moins en Goissie, mais j’ai toujours cru à une sorte de légende urbaine. Le genre de truc qu’on dit pour faire faire croire aux souillons comme moi qu’ils pourraient s’en sortir s’ils finissaient par travailler pour ces truands de la haute caste. J’ai toujours préféré ne pas trop y croire.

    L’Hermès, il m’a aussi raconté ce qu’il foutait dans le Seemis. Décidément, il avait changé d’humeur à toute bringue pour fanfaronner devant moi en me racontant tout ça. Faut dire que ça rapproche et que ça excite de se retrouver dans l’aquarium, il n’hésitait pas à dégoiser sur sa vie à tout-va comme dans un concours de celui qui serait le plus déglingué. Pour un survolté du cervelet, ça en était un. Il se décrivait comme une sorte de « routard speedeur », un camé des amphet’ sur son vélo. Il passait sa vie à barouder de ville en ville pour rejoindre les grandes teufs des alentours et vendre sa marchandise que lui fournissait le Seemis. Sa routine — si ça pouvait en être une — était pas conne, il alignait sa trace de speed sur la carte de son vélo couché, le plateau se mettait à vibrer un coup et pouf, ça lui dessinait une direction vers laquelle foncer après s’être défoncé. S’il sentait le manque ou la fatigue venir, il s’y remettait derechef et sans vergogne. De toute façon, on lui en filait en quantité illimitée du temps qu’il faisait du chiffre. Son cabot décomposé qu’il appelait « Canaroller », il était derrière lui bien accroché à son vélo par deux barres en métal qui disposait de quatre rollers pour ses patounes.

    Sa cam’, au clébard, vous l’aurez calé c’était le cana-cana, la bonne vieille ganja. Il m’assurait même qu’il adorait ça le iench, et encore plus quand Hermès se servait de lui comme bang. Soi-disant qu’ils discutaient pendant des heures de route ces deux-là, qu’ils étaient d’inséparables lurons de voyage et que pour rien au monde ils se décolleraient. Le mec devait avoir un cafard dans le choubersky pour halluciner autant, ça venait sûrement pas que des grandes quantités de speed qu’il s’enfournait tous les jours, il délirait sans cesse sur son cabot. Au final j’avais fini par l’accepter, moi je vois bien des larves et sur ça il semblait pas trop me croire. On a convenu tous les deux qu’il valait mieux nous laisser divaguer dans nos délires à tout-va puisque ça nous plaisait bien ces histoires de menton bleu. C’est comme ça qu’on s’est accepté chacun aussi fêlé qu’on pouvait l’être et, par là, on a abandonné le peu de raison qui nous restait pour faire régner l’imagination de détraqués qu’on avait. Un bon compagnon de cellule.

    Des livreurs comme le routard speedeur, y en avait pas qu’un, ils étaient chacun regroupés en faction selon leurs spécialités dans la dope. Le routard speedeur apparemment il contrôlait toute la faction des amphétamines pour la simple et bonne raison qu’il aurait été le premier à en consommer. La patronne du Seemis l’avait recueilli quand il était encore marmot et au départ il servait uniquement de cobaye pour les nouvelles drogues qu’ils cherchaient à synthétiser. Il avait vite pris le coup, et l’addiction avec. Très vite il demandait son speed comme un bambin quémande son biberon. Vu qu’il a réussi à ne pas clamser dès son plus jeune âge, ils l’ont gardé auprès d’eux et il est devenu livreur dans l’affaire familiale. Il semblait si reconnaissant envers eux quand il en parlait, le Seemis lui apparaissait comme son Sauveur. Ça aurait pu troubler n’importe qui, mais pas moi.

    Quant aux autres livreurs, pour la plupart, ils les prenaient aussi quand ils étaient encore des jeunots à la rue. Ça leur permettait d’avoir de la main-d’œuvre pas chère à entretenir, et de plus facilement toucher les jeunes. Surtout au départ, quand le Seemis batifolait pas encore avec la haute caste pour faire jouer leur relation, c’était plus simple d’avoir des mineurs sous la main qui risquaient moins la zonzon. Au pire, ils étaient mis en foyer et disaient n’avoir aucune relation avec le Seemis. Aujourd’hui, selon Hermès, ils continuaient principalement à se payer des mineurs, les jeunes c’est plus fidèle qu’il affirmait. Puis ils se prenaient au jeu de toute façon. Devait y avoir un peu de tradition dans tout ça, comme leur marque de fabrique. M’enfin, en général, les jeunes l’aimaient bien la patronne du Seemis, elle leur fournissait ce qu’ils voulaient du tant qu’ils bossaient et faisaient du chiffre, et puis ils pouvaient pas mal voyager un peu partout dans le pays avec ce taf. Ils lui avaient même donné un surnom à la grande prêtresse du Seemis : « La petite mère des tox’ ».

    Au bout d’un moment, comme il l’avait prévu, quelqu’un est venu le chercher. C’était peut-être vraiment pas un baratineur finalement vu qu’on lui a rendu son Canaroller adoré, son vélo, ses sacoches et même tous les stups’ sans broncher. La femme du Seemis avait les cheveux noirs, une corpulence assez mince, mais surtout une gueule d’ange bien qu’elle devait avoir vingt berges de plus que moi. Elle impressionnait tout le monde dans le commissariat, le silence s’était installé avec elle. Le routard speedeur l’appelait « Coraline » et semblait plutôt bien la connaître au vu de la familiarité qu’il se permettait avec elle. Sûrement que c’était elle la duchesse du Seemis. À un moment, il m’a montré du doigt en lui chuchotant quelques mots à messe basse, elle a regardé quelques instants vers moi, j’étais terrifié. Elle a hoché la tête puis le routard speedeur est venu me voir pour me dire au revoir à sa manière.

— Eh l’Martin, mué j’me cazze, j’te l’avais biéééé dit ! *hiurk* *hiurk* Hééé zi tu veux pas d’problèmo, appelle mué. T’es po couard, zi tu nous rejoins, y aura ribouldingigo, za z’est zur !

    Encore trop terrifié par cette Caroline, je me suis contenté de prendre le petit papier avec les coordonnées du Seemis qu’il me tendait à travers les barreaux de la cellule sans rien dire. Une fois qu’ils sont partis, je suis retourné au fond de mon trou en éclatant de rire.



Commentaires
Ça a été un plaisir de te lire (là je commence gentiment à redescendre d'une petite séance de C, j'avais une bière et un pétard à la main, dehors il neige...et rien, merci d'avoir pris ton temps pour partager cela avec nous).
Bonne soirée ou bonne nuit mon gars :)


Malaparte a écrit

Ça a été un plaisir de te lire (là je commence gentiment à redescendre d'une petite séance de C, j'avais une bière et un pétard à la main, dehors il neige...et rien, merci d'avoir pris ton temps pour partager cela avec nous).
Bonne soirée ou bonne nuit mon gars :)

Y a pas de quoi, bonne redescente à toi, t'as la meilleure recette pour en tout cas ! Ça faisait longtemps que j'avais pas posté à cause des études, mais ça motive toujours pour écrire la suite même si j'ai encore un chapitre d'avance et que j'ai pu corriger de nombreuses maladresses des textes antérieurs depuis :)

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