Traumatismes et psychotropes, un cocktail explosif.

Catégorie : Tranche de vie
11 novembre 2022 à  18:30

#codéine #gaz hilarant #hospitalisation #lésions #traumatisme crânien
Chapitre:

Ma naissance n'a pas été des plus faciles. Ma mère n'était pas disposée pour les accouchements. Un dérèglement thyroïdien, une IMC très basse, un bassin étroit. Et pour rajouter à ces difficultés, il semblait que je n'étais pas moi-même disposé à quitter ce doux cocon In Utero.

L'avortement ne se pratiquait pas de gaité de cœur à cette époque, j'étais destiné à me battre pour venir au monde par les voies naturelles.
Contrairement à ma mère, mon IMC était dans une très jolie moyenne haute, un bébé bien développé.
Il aura de ce fait fallu sortir l'artillerie lourde.
Les médecins ont d'abord tenté de me sortir avec des ventouses.
ça n'a hélas pas fonctionné, les ventouses n'arrêtaient pas de lâcher.
Ils ont alors utilisé les forceps.
Ma venue au monde n'a pas été des plus reposantes.

J'ai ouvert les yeux sur ce nouvel univers avec une malédiction et une bénédiction à la fois. Des lésions cérébrales.
Je pourrais certes me vanter de naître avec un cerveau unique, aux possibilités d'évolutions insondées et fantastiques.
Mais je trainerai de l'autre côté un handicap lourd de conséquences, un strabisme qui me hantera dans ma construction sociale et mon rapport au regard des autres.

Le psychonautisme fait la part belle aux synchronicités. Aux heureux hasards de l'existence.
Fallait-il que je naisse dans la douleur, pour apprendre le plus tôt possible que la vie ne me ferait jamais le moindre cadeau, et que les traumatismes seraient pour moi une sévère école de la discipline universelle ?
La quête de sens devient-elle une nécessité pour les cerveaux abimés ?
Pour mon 20e mois, mon carnet de santé indique ceci:
- Hospitalisé de 26 au 31 Janvier 1986 pour traumatisme crânien et vomissements.
Je serais tombé lors d'un goûter chez ma nourrisse, en tentant de me défaire de ma chaise haute pour aller explorer le monde.
Je me demande dans quel état j'étais...

2 ans plus tard, les médecins, par deux fois, décident d'intervenir pour mon strabisme. En Janvier, puis en Décembre 1988
Je subirais deux opérations de l'œil droit avec chirurgie au laser, et donc naturellement deux anesthésies générales.
Pour réparer des lésions cérébrales ? Vraiment ? Même moi qui n'ai pas fait médecine...
Et vous pouvez me croire ou non, j'ai toujours l'odeur du gaz dans les narines plus de 30 ans après.

Interlude:

Selon une étude publiée dans la revue internationale Anesthesia and Analgesia (2022) et rapportée par l'Inserm, l'anesthésie générale aurait de graves conséquences sur le développement cérébrale des jeunes enfants.
Une diminution de l'ordre de 10% de la masse totale de la matière grise. Une diminution de l'ordre de 6%, du volume du Gyrus préfrontal droit.
On constate alors chez les enfants exposés jeunes à une anesthésie générale, un dérèglement de la régulation des émotions.

Chapitre:

Me voici donc, à l'âge de 5 ans, un enfant très intelligent mais turbulent, impulsif et colérique.
Séparé de ma mère qui travaille énormément, et de ma précieuse ressource en nicotine, je suis élevé la semaine par ma grand-mère, avec mon petit frère de 3 ans mon cadet, qui subira hasardeusement mes sautes d'humeur et mes colères.
Est-ce à cause de mon tempérament impulsif qu'ils ont décidé de me droguer ?
Le monde est-il fait de synchronicités ? Ou cherchons nous inconsciemment à les provoquer ?
Quoi qu'il en soit, je ne m'en sort pas trop mal dans cette histoire, puisque pour consoler mon sevrage nicotinique, je vais recevoir environ 3 fois par jour, une belle cuillère à soupe de sirop pour la toux.
Bonjour, moi c'est Bastian, j'ai 5 ans, et je suis accro à la codéine.

Quel effet ça fait de grandir dans la dépendance euphorisante d'une opioïde alcaloïde ?
J'en ai discuté il y a deux ans avec ma mère, quand nous avons rempli le DIVA préliminaire à l'entretient diagnostique de mon TDA/H.
Elle de son côté n'aurait jamais pensé à de l'hyperactivité.
Elle me voyait plus comme un enfant autiste, renfermé sur lui-même, consciencieux et introverti.
Elle n'avait pas tort.
L'opium procure un trip qui vous sort de votre ligne temporelle pour vous balancer dans un monde magique ou la musique vous fracasse le moindre neurone en ébullition.
Un carrelage en granit se transforme en exposition contemporaine dans un musée d'art moderne.
La superbe biologie d'un escargot en pleine course pour gravir un mur de pierre peut scotcher votre attention pendant des heures.
Combien y a t-il de cochenilles sur cette plaque de béton composite ?
Pourquoi plus on les écrase, et plus il y en a ?
Mon carnet de santé indique que je suis constipé.
Ils n'ont rien compris, si je passe des heures aux toilettes, c'est pour répertorier tous les millions de visages qui m'observent dans les paréidolies des carreaux du sol de la salle de bain.
L'opium, la journée, procure un sentiment d'immensités aux choses de l'espace environnant.
Et le temps normal passe si vite.
Mais le temps dans lequel on s'enferme lui semble figé, tant il offre à l'esprit le répit de s'interroger sur des milliers de questions qui devinent le sens de l'existence.
J'ai définitivement quitté le monde réel, je comprends pourquoi ma mère s'imagine que je suis un peu autiste.

Non, le gros problème de l'opium, en particulier quand vous avez 5 ans, c'est la nuit, quand la lumière baisse, et que la glande pinéale commence à produire la sérotonine et la diméthyltryptamine, qui alors vont entamer avec la molécule de synthèse une danse hallucinatoire hypnagogique terrifiante.
Il y avait une sorcière sous mon lit, je ne l'ai jamais vu, elle n'a jamais fait de bruit, mais elle était là, à attendre que je me lève pour m'attraper le pied.
Je n'étais pas plus en sécurité sous les draps, ou alors, il fallait vraiment qu'aucun membre ou que même ma tête ne dépasse. Car c'est ce genre de détails insignifiants qui auraient pu révéler ma présence à ces foutus aliens venus pour me faire subir une abduction.

Mes rêves étaient eux d'une clarté et d'une lucidité extrême.
Je me souviens m'être dépucelé vers l'âge de 6 ans.
Ou, plutôt, techniquement, de m'être transporté dans le corps d'un sauvage néandertalien qui, dans une course haletante et frénétique, s'engagea dans une grotte sombre pour effectuer sa besogne sur une femelle.
Etait-ce sa compagne ? était-ce un viol, une conquête territoriale, un butin de guerre ?
Je me souviens de cette envie aveuglante, de ce désir fracassant, primaire et incontrôlable, d'une chose que je n'aurais jamais du découvrir aussi jeune, et qui conditionnera toute ma sexualité future à être vécue dans ce qu'on appelle encore aujourd'hui des pratiques sexuelles non conventionnelles.

Suis-je responsable de tout ce qui m'arrive ?
Ou existe-il réellement, comme l'écrivait Lovecraft dans "la Maison de la Sorcière", des coins dans les maisons dont les angles sont impossibles ?
Réside t-il, derrière le blanc des yeux, dans les angles morts, des clowns transdimentionnels, qui s'amusent des esprits qui, même inconsciemment, s'aventurent dangereusement à venir leur rendre visite ?



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