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Le blog de Bicicle » La poussière. Acte III : "Un doigt dans le cul et c'est fini". » 10 janvier 2014 à  12:22

Ize
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Salut Bicicle,
Franchement, t'es douée pour l'écriture, toi! Tu racontes tes (més)aventures d'une telle façon qu'on s'y croirait, et avec humour en prime....
Ton histoire me rappelle ma "première rencontre" avec le monde de la drogue:
J'étais en stage en réanimation, un mec nous est ramené des urgences, la trentaine, plutôt beau gosse. Embolie pulmonaire et abcès à  force de se shooter dans l'artère fémorale. Héroïnomane.
Première réaction de l'équipe: "Ah non, pas encore un! Il va encore nous saouler".
Naïvement, je demande pourquoi. "Ben c'est parce qu'il est tox, ils sont tous comme ça.".
Pour ma part, je suis pas du genre à  avoir des préjugés, et comme je dois lui apporter ses médocs, j'en profite pour papoter avec lui. Il me demande son sac, je lui donne, puis je sors de la chambre.
Et là , panique à  bord, l'équipe m'engueule: "Mais pourquoi tu lui as donné son sac!! Il était à  deux doigts de se piquer!! Il avait sorti son citron et sa drogue!!". Je ne comprends rien, je bafouille que je croyais qu'on l'avait fouillé, que je ne savais pas à  quoi servait du citron dans ce cas ci, etc, etc.
Tremblante, je retourne dans sa chambre, et lui demande pourquoi il a fait ça, qu'en plus je viens de me faire taper sur les doigts. Il me répond que le médecin qui doit lui prescrire son produit de substitution ne voulait pas faire le trajet jusqu'à  l'hôpital, que du coup il n'avait rien pour faire passer son manque, sauf son héroïne.
J'en parle à  l'équipe, qui ne dit qu'elle ne peut rien faire.
Plus la journée avance, plus il est agité, plus on lui donne des cachetons "pour qu'il reste tranquille", et plus on lui parle mal.
Le lendemain matin, il avait pissé par terre, il était complètement shooté, il insultait l'équipe. Deux gros bras ont fait sa toilette intégrale au lit, rapidement, fermement, durement.
Ils ont fini par l'endormir, "Parce qu'on arrivera jamais à  le soigner, sinon.".
Le lendemain, quand je suis passée dans sa chambre pour lui injecter ses médicament, il a entrouvert les yeux, m'a dit "Vous êtes gentille Mademoiselle. Vous avez de beaux yeux....", et est reparti dans les bras de Morphée.
J'ai ensuite été supervisée par ma prof de stage pour faire sa toilette intégrale (l'équipe ne voulait plus le laver, donc on refile la tâche à  la stagiaire, forcément) c'était la première fois que je lavais entièrement quelqu'un de si jeune. Il n'a même pas cillé dans son sommeil. J'ai essayé d'être la plus douce possible, de prendre soin de lui, c'est déjà  un minimum dans ce monde de brutes.
J'ai fini mon stage avant qu'il ne soit réveillé de son sommeil artificiel.
Quelques semaines plus tard, je le croise dans la rue, il faisait la manche avec un vieil alcoolique. Je lui dis bonjour, il a l'impression de m'avoir déjà  vu quelque part. Je lui répond discrètement "en réa!", le vieux me drague lourdement, mon "ex-patient" lui demande de dégager d'un ton sec, puis reprend le fil de notre conversation "ah oui... vous avez de beaux yeux....".
Nous nous sommes revus quelquefois fois dans la rue, on a parlé de tout, de rien, de la came, de ses progrès, de ses échecs, et j'ai donné mes premiers conseils en réduction des risques sans le savoir.
Voilà  comment j'en suis venue à  bosser en addicto. Parce que les gens ne sont pas assez informés, les gens ont peur, les gens ont des préjugés à  la con, les gens sont fermés, les gens se croient supérieurs, les gens traitent les "toxicos" comme des bêtes. Et je trouve ça pitoyable, encore plus de nos jours, et encore plus pour des gens qui se disent "altruistes" et qui veulent "aider son prochain". Ah ben bravo, les gens. …

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