Le sevrage dégressif de la codéine et son après

Bonjour à tous,

Ca fait des semaines que je tourne autour du pot mais je me lance car les témoignages d'un sevrage dégressif de la codéine mené à son terme ne sont pas nombreux sur le site, alors que certains d'entre nous sont encore en plein dedans ou aimeraient bénéficier de cette méthode. Vu que je j'ai pas l'esprit synthétique, je fais tenter de canaliser mon blabla avec des titres !

1) 10 ans d'addiction au codoliprane

A raison de 24 cachets pris tous les soirs en me couchant principalement, je pensais, pour étouffer des angoisses de plus en plus envahissantes parmi lesquelles une peur de la folie et une phobie médicale, ce qui n'aide pas pour consulter. J'étais persuadée que la codéine me retenait de glisser et ne la prenant que la nuit, je pouvais travailler sans être totalement HS.

Chaque tentative de réduction a été un échec immédiat car j'avais cette envie qui me conduisait à revenir vite à 24 cachets.

2) Le déclic en 2016, j'arrive à réduire ma consommation sans éprouver d'envie parce que je n'attends plus rien de la codéine

Le motif du déclic peut paraitre étrange mais toutes les autres raisons d'arrêter, je les avais depuis des années. En 2016, il y a eu cette nouveauté lorsque j'ai enfin compris que la codéine se contentait de me faire dormir la nuit, m'abrutir et ralentir mon cerveau en journée. Elle ne m'a jamais vraiment aidée pour mes angoisses ni même évitée de basculer dans cette "folie" que je craignais tant et dont j'ai compris qu'elle était une peur irraisonnée.

Ne plus rien attendre de la codéine, cesser d'avoir des pensées récurrentes sur son effet "magique", ça change tout, du moins pour mois.

3) Ma réduction en solo entre 2016 et juin 2017 de 24 à 12 cachets:

J'ai décidé de retirer cachet par cachet en prenant tout mon temps. Je n'avais aucune pression car la codéine était en vente libre et mon idée était un peu de faire comme si de rien n'était. J'ai mis parfois 15 jours, d'autres jusqu'un mois pour retirer un cachet. Entre 24 et 16, je n'ai jamais éprouvé ni manque physique, ni envie de prendre plus. Quelque chose avait donc bien changé en moi.

A 15, mes angoisses ont débordé et une petite envie est arrivée, mais rien de terrible, 6 jours environ après chaque retrait, j'avais bien envie de reprendre plus de codoliprane tous les soirs entre 23H et 1H du matin environ. Pour échapper à cette envie, j'ai trouvé un exutoire très efficace, une cession de jeu vidéo sur ma PS4, un truc bien prenant, nécessitant toute ma concentration et un peu de dextérité pour que mon cerveau oublie son envie. Après ces 6 jours, j'étais adaptée à la nouvelle dose.

A 12 cachets, un manque léger est arrivé, 4 jours environ de douleurs un peu partout dont la tête (2/10), de l'insomnie et des impatiences nocturnes. Nous étions début juin 2017 et j'ai décidé de me stabiliser.

4) Le choc de juillet 2017 et la décision d'aller dans un CSAPA

Je suis donc partie en vacances en juillet avec un stock un peu juste pour mon séjour et bim, la règlementation change à une bonne semaine de mon retour. Après un instant de panique car mon monde s'effondre, j'ai compris que je n'avais pas d'autre choix que d'aller en CSAPA. J'ai donc fini mes vacances en gérant péniblement mes stocks ce qui m'a fait réduire de 12 à 10 en 1 semaine et provoqué un manque physique un peu plus piquant.

Très chanceuse, j'ai vite découvert qu'il y avait à Paris un CSAPA ouvert tout l'été et recevant pour la 1ère fois sans rendez-vous.

5) Le sevrage dégressif du codoliprane en CSAPA d'août au 25/12/17 (de 10 à 0 cachets) et la prise en charge de mon TAG

Un jeudi matin, j'arrive au CSAPA en ayant pris mes 10 derniers codo la veille au soir. La boule au ventre, un infirmier au sourire éclatant ouvre mon dossier et je suis reçue dans la foulée par une addicto dont je remarque illico la bienveillance. Je lui déballe tout en pleurant (car je suis hypersensible) et je constate qu'elle ne remet pas en cause ma parole sur mes efforts de 2016.

Très vite, elle me propose de faire un sevrage dégressif en restant sur le codo (j'avais une analyse montrant que mon foie n'était pas malade). L'intérêt de conserver le même médicament est dans l'équilibre du sevrage dégressif qui peut être boulversé par un changement de molécule.

Je n'ai jamais eu le moindre objectif de réduction. J'ai fait comme j'ai voulu ou pu jusqu'au bout. L'addicto s'est occupée de mes angoisses en diagnostiquant un trouble anxieux généralisé chez moi et j'ai commencé à prendre un AD, la venlafaxyne en passant de 37,5 à 150mg en 2 mois. L'effet a été saisissant, comme si on vidait une baignoire. Le niveau d'angoisse qui me serrait les tripes, le coeur, les bras, la gorge et qui saturait mon esprit a chuté si bas que j'ai cru un moment ne plus avoir la moindre angoisse (ce qui n'est pas tout à fait vrai).

Au moment où l'AD a agit, l'envie de prendre plus de codéine, qui était déjà réduite, a carrément disparu. Grosso modo, je réduisais d'un cachet tous les 15 jours sachant qu'au début on a joué sur la date de rendez vous pour que je puisse dépasser la dose maximum prescriptible de codo qui est de 8 (à cause du paracétamol).

J'ai donc fini mon sevrage avec pour principales difficultés l'insomnie et de très violentes impatiences nocturnes devenant quotidiennes à partir de 6 codoliprane. Soudain, les impatiences de 4/5 nuits à chaque retrait n'ont plus cessé. Toutes les nuits, j'avais des décharges électriques m'obligeant à me lever (gigoter ne suffisait pas). Ca durait entre 5 et 6 heures de suite et bien sur, impossible de dormir. Entre 6 et 5 codo, j'ai attendu 40 jours sans que les impatiences disparaissent.

Mon addicto a compris que je faisais partie de ces rares patients en sevrage d'opiacés qui souffrent d'impatiences nocturnes persistantes et violentes pendant de longs mois (ça vaut aussi pour le TSO). J'ai donc commencé à prendre du Lyrica qui est efficace pour les impatiences et j'ai du monter à 300 mg pris d'un coup vers 22H pour stopper le phénomène. Par contre, les insomnies sont restées et n'ont cessé de s'aggraver jusqu'à la fin.

A 4 codo, j'en ai eu marre et l'envie de tout arrêter d'un coup. J'ai réduit d'un cachet tous les 10 jours et à 2, j'ai sauté le pas contre l'avis de mon addicto mais c'était symbolique, nous étions le 25/12 et quitte à en baver, autant le faire d'un bloc.

6) La danse de Saint-Guy d'un mois et l'arrivée de 10mg de valium

La fin rapide du sevrage a généré un bon mois de rumba chez moi. J'avais une tension intérieure si énorme que j'aurai pu éclairer une ville. Je ne dormais plus, sans être fatiguée le lendemain à cause de cette tension. Mes impatiences ont explosé. Bref, au bout d'une semaine, j'étais hors sol, incapable de bosser.

C'est là que j'ai accepté la main tendue par l'addicto depuis déjà plusieurs mois, c'est à dire une aide pour le manque physique, soit 10mg de valium pris le soir vers 23H. Il a stoppé le manque physique mais pas l'insomnie (je m'endormais vers 5/6H du matin pour 2 ou 3 heures, c'était déjà ça). Ce mois a été un peu dur mais je précise que je n'ai pas eu de douleurs épouvantables, pas de tremblements, pas non plus de problèmes intestinaux comme dans un sevrage sec. C'était donc un peu dur mais pas trop.

J'avoue que pendant ce mois, il y a eu des jours où je n'ai pas pu aller bosser et comme je n'ai pas de patron et bien j'ai fait le dos rond. Tant pis pour les sous, l'essentiel était d'attendre que cela passe.

7) L'arrêt du lyrica quand le manque s'est calmé

En février, j'ai senti un vrai mieux être. J'avais toujours de la tension en moi, de l'insomnie, mais pas de douleurs et des impatiences de nouveau sous contrôle. J'ai pu reprendre le chemin du travail tous les jours, même si j'avais un peu le moral en berne parfois, mais jamais longtemps.

En mars, j'ai décidé d'arrêter le lyrica car j'avais testé et remarqué que mes impatiences étaient parties. Comme en plus ce médoc m'a fait prendre 10kg, il était temps. J'ai retiré 50mg 1 fois par semaine et grâce au valium sans doute, je n'ai pas éprouvé de manque physique, sauf au dernier cachet (un peu d'agitation dans les jambes, l'insomnie plus forte pendant 1 semaine).

8) Le début de la TCC avec un psychologue au CSAPA en avril 2018

Quand on a fait un sevrage dégressif, on se remet lentement. Chaque semaine apporte un mieux sur tel ou tel aspect. Le fameux PAWS est là mais il est fait de hauts, de bas. Pour moi, j'ai bien sur la chance de ne pas avoir le craving, c'est à dire l'envie mais il est remplacé par une peur viscérale d'avoir envie de codéine, de rechuter ou que cette envie me rende chèvre.

J'ai entamé en avril une thérapie comportementale et cognitive avec un psychologue au centre. Il s'avère que je suis réceptive à la relaxation et qu'elle m'aide beaucoup dans les coups de stress et la nervosité de mon tempérament.

Et oui, au fur et à mesure où la codéine lâche son emprise, ma personnalité réelle a refait surface sur des aspects qui étaient écrasés sous le médoc. J'avais oublié cette nervosité, ce cerveau qui est toujours en train de cogiter et de mouliner s'il n'est pas totalement occupé ailleurs, j'avais oublié que je pouvais me laisser déborder par cette nervosité ou l'enthousiasme au point de parler de plus en plus vite et fort, jusqu'à la saturation de l'esprit qui de très clair devient confus. Bon, ce n'est pas un aspect de moi que j'aime mais je vais devoir l'apprivoiser.

j'ai vite fait exploser le cadre de la thérapie car j'avais besoin de parler et il s'avère que ce psychologue est top. Il est vif, curieux, intellectuel, gentil et il me pousse doucement à tirer des conclusions par moi même. Cette thérapie m'a fait comprendre que ma peur de la folie était en fait un refus de certains traits de ma personnalité (hypersensibilité, mode de pensée atypique) qui ont généré des remarques toute ma vie et sur lesquels se sont greffés des angoisses au point de faire un gloubiboulga indistinct.

9) Je retourne dans 3 semaines sur le même lieu de vacances que l'année dernière mais sans codéine, quel symbole

Je vais de mieux en mieux. J'ai peur du valium. Ce n'est pas le fait de m'y être habitué et de devoir le réduire en douceur qui me fait peur mais je crains de reporter mon addiction à la codéine sur lui. C'est très bête car je n'ai à ce jour jamais eu envie d'en prendre 2 ou 3. Je crois qu'en fait tant que je saurai pas quelles sont les raisons précises de mon addiction (le TAG c'est une raison mais il y a autre chose, je le sais, mais je ne sais pas encore quoi), j'aurai peur.

Je n'ai pas précisé que cette peur me pousse à dormir sur mon canapé devant la télé car j'ai peur qu'en attendant dans mon lit un sommeil qui ne vient pas, l'envie de codéine pointe son nez.

L'insomnie se résorbe un peu, mais c'est lent. Je peux m'endormir vers 2h du matin ou plus tôt mais en me réveillant plusieurs fois. Je rêve de nouveau, ce qui me prouve que le cerveau doit se remettre en ordre de marche normale. J'ai compris que le sommeil est mon point noir et il est possible que mon addiction ait un lien avec la nuit également. Je sais un peu pourquoi mais je patauge quand même pour l'instant.

J'ai tout le temps. Mon addicto ne me lache pas. Elle ne veut pas que je réduise le valium maintenant et je lui fais confiance. Je pense qu'en août à mon retour, je lui demanderai de commencer le sevrage du valium. Pour le TAG et bien ça prendra sans doute des années. J'avance déjà puisque je ne pars plus des heures à l'avance à mes rendez-vous et que je ne suis plus dans tous mes états au moindre changement. Il y a quand même des angoisses plus profondes qui sont encore là, même si elles sont atténuées par l'AD.

Et voilà, dans 3 semaines je pars en vacances au même endroit que l'année dernière mais sans avoir une tournée des pharmacies de Paris et préparé mon petit sac en toile orange dans lequel je mettais les plaquettes de codoliprane.

C'est tout un symbole pour moi. J'ai l'esprit vif et clair, je n'ai plus de micro-occlusions, je ne suis plus abrutie de fatigue avec un cerveau tournant au ralenti, je ne prends plus d'oméprazole pour calmer le feu du codoliprane dans l'estomac.

Je me sens bien et même si j'ai peur, j'avance en étant entourée par l'addicto, le psychologue, ma mère et mes amis les plus sincères à qui j'ai tout révélé au fur et à mesure. J'ai été touchée par le fait qu'ils soient aussi émus de la confiance que je leur ai fait en racontant mon addiction dont ils ne savaient rien. Ils pensaient tous que ma fatigue, mes soucis ponctuels de santé étaient la conséquence du cancer que j'ai eu quand j'étais étudiante. C'était d'ailleurs aussi ce que pensait ma généraliste à qui j'ai tout dit et qui sait tout de ce que je fais au CSAPA. Elle ne m'en a pas voulu car je n'ai jamais obtenu de codoliprane sur ordonnance, c'était un principe essentiel pour moi depuis toujours et je ne le regrette pas.

10) En conclusion

Le sevrage dégressif est un parcours qui peut paraitre difficile car à un moment donné, on bute obligatoirement sur le manque physique et/ou psy. Il est toutefois très adapté à ceux qui ont fait le deuil de la codéine, c'est à dire qui n'en attendent plus rien ni plaisir ni quoi que ce soit.

On ne peut pas se lancer dans ce sevrage si on recherche toujours des sensations car le protocole sera trop dur et un TSO parait alors plus adapté. Je n'ai rien contre le TSO mais je n'en voulais pas. J'ai toujours pensé que me libérer de 10 ans d'addiction avec un cachou, ça ne collait pas pour moi, j'avais besoin de cet effort comme d'autre ont peut être aussi envie de se détacher de la codéine par lambeaux.

En tout cas, ça n'est pas une épreuve insurmontable si on est bien entouré et qu'on peut se discipliner en évitant les prises erratiques (baisser trop, remonter et ainsi de suite). Quand à l'après et bien c'est une autre aventure et je la trouve plutôt belle car c'est un nouveau défi.

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#2 
Luci0le femme
Psycho junior France
15 juin 2018 à  21:48
Coucou Lila

Merci d’avoir pris le temps de partager ton parcours. Plein d’espoirs pour moi en tout cas, il me parle beaucoup. Un témoignage qui donne espoir et c’est super de partager tout le cheminement.

En tout cas tu es très courageuse. Franchement bravo ! Tu peux être fière de toi, je te souhaite tout le meilleur. Et je suis sûr qu’il y en a plein à venir smile

Bises

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Merci Luciole,

Toi aussi tu vas y arriver.

En fait de courage, un jour, j'ai été au bout d'un cycle et arrêter est devenu une nécessité,  un besoin physique et psychologique.

A la fin, j'avais même un dégout de la codéine car à petite dose elle n'avait plus le moindre effet. Bouffer un médoc qui ne sert plus à rien m'a poussée à accélérer le final.

Maintenant, je dois surtout gérer la peur viscérale de la rechute vers une autre addiction (je ne prendrai plus de codéine car elle n'est pas en vente libre). Je n'arrive pas bien à cerner cette peur car je n'ai pas d'envie.

J'ai l'été pour creuser et peut être des années de thérapie ensuite !!!!

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