Salut tout le monde et avant de vous lâcher THE pavé, je vous souhaite à toutes et tous une excellente année 2021.
Après être restée 5 semaines derrière mon écran à vous lire, je vous laisse ici mon expérience en espérant qu'elle apporte un peu d'eau à nos moulins ...
J'ai 45 ans. Je suis médecin généraliste libéral depuis presque 18 ans dans un cabinet de ville et étais jusqu'à il y a 5 semaines consommatrice quotidienne de
codeine à raison de 250 à 400 mg par jour répartis en 3 ou 4 prises et ce, depuis 15 ans.
C'est compliqué de vraiment comprendre les tenants et aboutissants qui m'ont amené à consommer au départ de temps en temps puis progressivement tous les jours mais je dirais que je me suis mise toute seule une pression de dingue : le deuil de ne pas pouvoir avoir d'enfant avec mon mari que j'adore et avec lequel je suis depuis 21 ans, la charge émotionnelle d'un boulot que j'adore mais qui pompe les surrénales, la volonté d'être parfaite aux yeux des patients, de la famille, des amis, du mari bref... je sais , grâce au travail que je fais avec ma psy, que consommer a été La solution pour moi et non pas une erreur et j'en suis aujourd'hui à 5 semaines après un
sevrage sec.
Jusqu'à début décembre, personne ne savait que je consommait et après 2 ans de thérapie pour un mal être de plus en plus croissant, j'ai ouvert les yeux. La
codéine m'apportait au départ et pendant longtemps une jolie camisole sur mes émotions : ne plus se poser de questions, faire toujours plus, toujours mieux, serrer les dents et fermer sa gueule.
Et après des effets secondaires de plus en plus violents ( céphalées quotidiennes, tête dans le pâté, fissure anale sur constipation avec intervention chirurgicale entre autre, je ne parle pas du sentiment de culpabilité) je me suis dis que j'allais droit dans le mur . J'essayais de sortir un truc en thérapie qui ne passait pas... et puis il aura fallu d'une phrase de ma nièce : mais y'a un truc que tu ne veux pas dire ou qqchose que tu ne sais pas?" Pour accepter d'en parler.
Alors j'ai pris le taureau par les cornes et j'ai tout balancé à mon mari.
Des années que je jonglais en faisant des ordonnances à moi et mon mec qui , parce qu'il est migraineux, ne posait pas de questions sur les boîtes de dafalgan
codéine ou de klipal dans les placards. L'organisation était rodée. Je n'avais pas besoin de faire de nomadisme , j'avais mon ordonnancier!
Mon mari a été topissime. Pas du tout culpabilisant. On a beaucoup de chance car on communique beaucoup et on est super bienveillant l'un envers l'autre.
Il y a 5 semaines, on a mis en place un protocole degressif et comme je suis super tetue, j'y suis allée comme une bourrine.
Suis passée de 8 dafalgan
codéine par jour à 2. J'ai fait ça pendant 4 jours et c'est mon mec qui s'est mis à me "fournir". Il mettait à ma disposition 2 comprimés chaque matin que j'ai géré comme je l'entendais en ayant une boîte au taf en cas de craquage.
J'ai tenu 4 jours, j'ai vécu 4 jours de daube. Je passe les symptômes du
sevrage aigu , on les connaît.. je me suis aidée de bains chauds tous les jours, j'ai mis des collants sous mes frocs pour palier aux frissons, j'ai bu des litres de Mogu mogu( boissons sucrées avec morceaux de noix de coco), j'ai pris de l'ibuprofene, de l'imodium ( putain se rendre compte depuis 5 semaines qu'on a en fait un transit de canard après une fissure anale, ça calme) et j'ai acheté de la melatonine ( que je continue) et j'ai pris 6 nuits de l'imovane...
Le 5ème jour,alors que je n'avais rien pris le matin, je suis rentrée du cabinet et j'ai dis à mon mari, OK, ne m'en donne plus et je vais voir comment se passe le we.
Le samedi matin, j'ai écrit un pavé sur un compte WhatsApp que l'on partage avec toute ma famille et j'ai tout balancé. Je me suis mise à nu. J'ai expliqué que dorénavant, je m'occuperais de moi et que j'allais moins me stresser pour eux tous ( 15 ans que je gérais les ordonnances d'une sœur bipolaire, d'une nièce dépressive, de la dépendance à l'Oh de mon frère, de la dépression de ma mère) ...j'ai demandé à tout le monde d'aller voir eux même des spécialistes : je ne serais plus qu'une fille, sœur, tante, amie et plus leur médecin... J'ai commencé à verbaliser et les montagnes russes émotionnelles ont commencées...
Après 15 jours du servage sec, beaucoup moins de symptômes physiques. J'ai récupéré l'appétit, repris les 2 kilos perdus, transit encore un peu mollasse mais disparition des maux de tête ( moi qui pensais être migraineuse depuis 15 ans...)
Les nuits sont courtes mais de meilleure qualité en terme de sommeil profond ( en tous les cas c'est ce qu'aurait tendance à dire ma fitbit).
Aujourd'hui, persistent un sd de
jambes sans repos qui va et vient... des réveils nocturnes un peu angoissants de temps en temps, des crises hyperadrenergiques avec tachycardie à 120( mais je ne suis pas une calme non plus) et des périodes où je bugue dans le vide... Je ne peux pas dire que je suis triste mais je suis démotivée, un peu lasse, d'humeur égale ...
Je suis aidée par mon mari , une psychologue que je vois tous les 15 jours, le site psychoactif qui me permet aussi de relativiser, de la
méditation le soir avant le coucher mais je sais que je rentre aujourd'hui dans le
sevrage au long cours. Celui qu'on appelle
PAWS et qui pourrait durer des mois le temps que mon cerveau réapprenne à produire ses neurotransmetteurs à peu près normalement.
Je n'ai pas de
craving pour le moment et espère ne pas en avoir. J'ai bien compris qu'un
sevrage sec n'était pas l'idéal et que j'aurais peut être mieux fait de décroître sur plusieurs mois mais c'est fait. Je sais que je vais en chier des bulles carrées mais d'un naturel assez impatiente, je sais que je dois apprendre à ne plus être au max de mes capacités. À dire "stop/non/merde/j'ai pas envie maintenant...."
Voilà, j'ai dans doute omis pleins de choses importantes et je vous remercie déjà de m'avoir lu.
J'étais déjà fière de moi pour ses 5 semaines et le fait d'écrire sur le forum m'a fait du bien.
Si vous souhaitez partager des expériences, des conseils , je suis là.
Excellente journée à tous
Noxylady