Prohibition: 50 ans de loi d'exception

La loi no 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses, marquait le début d'une longue période de prohibition et de répression toujours en cours contre les usagers de drogues, les plaçant de fait dans le champ de la criminalité ou d'une sanitarisation imposée. Une loi d'exception, certains pourraient l'avoir oublié, établie en dérogation du droit commun, s'invitant jusque dans les espaces privés et intimes, allant à l'encontre des droits fondamentaux garantis par la constitution. Un type de loi employé précédemment dans les moments les plus honteux de l'histoire nationale.

Questionnons aujourd'hui quelles réussites ont été obtenues à partir de ce texte inique et de la vision moraliste qui l'accompagne vis-à-vis de l'objectif de limiter la diffusion, la consommation de drogues et leurs impacts sociaux et sanitaires en France?
Elles semblent bien maigres voire inexistantes. On peut parler sans douter d'échec. Un échec cuisant, lourd, profond, quand on se rappelle que les députés pensaient éradiquer ainsi rapidement le cannabis, .... et pourtant renouvelé encore et encore.
Pire, cette approche prohibitionniste génère des dommages qui ne cessent de se prolonger et de s'amplifier.

Tout d'abord, comme une évidence, vers tous les usagers judiciarisés et leurs proches, qui en ont payé le prix fort, profondément, intimement. Mais aussi finalement vers la société dans son ensemble: cette obstination législative sans fin s'est accompagnée d'un discours lénifiant sur les drogues et leurs usages et usagers, substituant l'information par des poncifs simplistes et dramatiques, la connaissance par des représentations réductrices et nuisibles, la réflexion par des préjugés et la stigmatisation qui en découle. Et sans sourciller quant à l'incohérence d'assumer dans le même temps le paradoxe du commerce soumit à contrôle d'état du tabac et de l'alcool, qui restent pourtant les deux premières causes de mortalité évitables dans notre société.

Au lieu d'une approche réflexive et sensée de la question des drogues et de leurs usages traversée de tant de nuances et de variations, la prohibition a été et reste le terreau fertile de nombreuses violences policières, le berceau d'inégalités de traitement au sein de la population, le support d'injustices criantes dont une partie du corps politique et institutionnel ne semble plus entendre ne serait-ce que les échos.  Tel Nixon mettant en oeuvre et usant de cette prohibition aux USA comme stratégie d'action contre des groupes lui étant opposés politiquement, la loi française semble avoir servi majoritairement à l'oppression d'une partie de la société qu'elle souhaite particulièrement contrôler.

Cette loi d'exception amène les usagers à se cacher, à recourir à des marchés illégaux générateur d'insécurités et de violences, à majorer les risques sanitaires associés à des produits frelatés, à empêcher l'ensemble de la population d'accéder à une information juste sur les drogues. Elle les relègue et les déclasse au nom d'une idéologie de l'abstinence complètement détachée des réalités de vie et de la diffusion massive des psychotropes légaux et illégaux. Si les recherches montrent une inégale répartition sociale des problématiques d'addictions, c'est une répression vers les plus vulnérables qui reste préférée à une démarche d'amélioration des conditions sociales qui pourtant ferait sens.

Contrairement à l'image portée par certains défenseurs du prolongement de ce régime d'exception anachronique et autoritaire, les usagers de drogues ne sont pas un groupe déviant homogène ou une catégorie sociale: ce sont vos concitoyens, avec leurs vies sentimentales, professionnelles et familiales, avec leurs réussites et leurs difficultés, leurs envies et leurs projets, avec leurs capacités à faire des choix et à assumer leurs responsabilités si on ne les en dépossède pas par des narrations de l'usage incapacitantes et des conditions de vie indignes.




Il y a quelques années lors d'une conférence en addictologie, un intervenant prenait en exemple, parmi les interventions les plus inefficaces et contre-productives ayant eu lieu en France, la campagne de prévention "la drogue c'est de la merde" de 1986 ... Sans en reprendre l'argumentaire critique ici, interrogeons nous: que penser alors du discours politique actuel diffusant à nouveau cette maxime simpliste et moraliste, nous ramenant plus de 30 ans en arrière, si ce n'est encore une fois qu'il est plus que temps d'évoluer collectivement dans notre rapport aux drogues.

pour les plus jeunes ou ceux qui n'auraient pas connu ce chef d’œuvre publicitaire:
http://www.culturepub.fr/videos/anti-dr … -c-est-de/

Dernière modification par plotchiplocth (03 février 2021 à  12:31)


Analyse à distance-recherche DigiTraj
"Needles protect the neon logos from pigeon shit", Sleaford Mo

Hors ligne

 

Y avait aussi eu le "procès" de Mediapart contre cette loi, super bien fichu quoi qu'un peu long. Plein de témoignages dont certains vraiment éloquants, un en particulier

Edit waaa mais y a plus rien sur youtube... https://www.youtube.com/hashtag/proc%C3%A8sdrogues Plus que l'intro et les conclusions... J'espère avoir conservé la version complète, comme ça si quelqu'un est intéressé.e...
Je sais pas si j'aurais le droit de la réuploader, en tout cas c'est pas super safe niveau anonymat sur yt lol, réflexion...

Reédit: j'ai plus de champivert pour toi Plotch sad Je te le mets demain si j'y pense^^

Dernière modification par Morning Glory (03 février 2021 à  19:14)


Μόρνηνγγ Γλωρύ
I <3 5-HT & DA ~

Hors ligne

 

Morning Glory a écrit

Y avait aussi eu le "procès" de Mediapart contre cette loi,

oui!!! je me rappelle (en partie) je l'avais regardé! je me rappelle de certaines interventions, et aussi que c'était long :)
(super gentil mais si tu veux garde ton champi MG wink tu pourras faire ressortir d'autres contenus)


Analyse à distance-recherche DigiTraj
"Needles protect the neon logos from pigeon shit", Sleaford Mo

Hors ligne

 

#4 
Rick
Adhérent Psychoactif
04 février 2021 à  07:19
J'ai trouvé ça sur internet , mais j'ai pas de sources etc

/forum/uploads/images/1612/146475589_237439107934872_5165631351968150082_n.jpg

Dernière modification par Rick (04 février 2021 à  07:20)

Hors ligne

 

C'est vrai:

7° Facteurs de fragilité :

a) Facteurs familiaux, sociaux et économiques ;

b) Régime de protection ;

c) Faits dont la personne a été victime ;

d) Comportement auto-agressif ;

e) Addictions ;

f) Mesures administratives ou judiciaires restrictives de droits, décidées ou proposées ;

8° Indication de l'enregistrement ou non de la personne dans les traitements de données à caractère personnel suivants :

a) Le traitement d'antécédents judiciaires mentionné aux articles R. 40-23 et suivants du code de procédure pénale ;

b) Le système informatique national N-SIS II mentionné aux articles R. 231-5 et suivants du présent code ;

c) Le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique mentionné aux articles R. 236-21 et suivants du présent code ;

d) Le fichier des personnes recherchées prévu par le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 portant création du fichier des personnes recherchées ;

e) Le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé FSPRT mentionné au 12 de l'article 1er du décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 modifié pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

f) Le traitement automatisé des données relatives aux objets et véhicules volés ou signalés.

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id … 2020-12-05


L'étau se resserre....


Prescripteur avait déjà fait un thread je crois sur le sujet.
A quand la stigmatisation publique des gens victimes de troubles mentaux?
Patiiiience bientôôôt big_smile
corde-pour-se-pendre


Μόρνηνγγ Γλωρύ
I <3 5-HT & DA ~

Hors ligne

 

#6 
sud 2 france homme
problème traitement France
04 février 2021 à  11:45
La prohibition ne fait que renforcer un peu + chaque année, via les entrées d'argent massives et toujours croissantes, le pouvoir des organisations criminelles et autres cartels, et donc de leurs moyens de coercition.
Avec les violences qui en découlent; elles aussi en constante augmentation...
Et aussi de la corruption qui ne va pas, non plus, en s'amoindrissant.
Nos décideurs ne peuvent ignorer cet état de fait; personnellement ça me pose beaucoup de questions.

Hors ligne

 

Rick a écrit

mais j'ai pas de sources

Rick, la source est notée en bas de l'article : Marie-Jeanne Richard, présidente de l'unafam

Association :
UNION NATIONALE DE FAMILLES ET AMIS DE PERSONNES MALADES ET/OU HANDICAPÉES PSYCHIQUES

Amitiés

Fil

Dernière modification par filousky (04 février 2021 à  12:27)


Analysez vos drogues gratuitement et anonymement avec ATP-IDF et Psychoactif

Si tu pisses contre le vent, tu vas mouiller tes sandales !

Hors ligne

 

Merci pour cette piqûre de rappel toujours plus d'actualité

Sapere aude

Hors ligne

 

Oui j'avais signalé ce decret à l'époque de sa sortie.

https://www.psychoactif.org/forum/2020/ … 255_1.html

Mais pour la maladie mentale ou les addictions  il est évident que le secret des soins empêche tout signalement par les soignants. C'est donc une indication qui peut venir de la Police, à partir de signalements qu'on lui a fait.
Par contre ce qui est tres inquietant est qu'on a pas de droit de communication direct de ce qui est écrit sur vous. Il y a un droit indirect par la CNIL
Amicalement

Dernière modification par prescripteur (13 février 2021 à  10:00)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

Hors ligne

 

Remonter
Pour répondre à cette discussion, vous devez vous inscrire

Psychoactif
Psychoactif est une communauté dédiée à l'information, l'entraide, l'échange d'expériences et la construction de savoirs sur les drogues, dans une démarche de réduction des risques.


logo Don Soutenez PsychoACTIF

Droit d'auteur : les textes de Psychoactif de https://www.psychoactif.org sont sous licence CC by NC SA 3.0 sauf mention contraire.


Affichage Bureau - A propos de Psychoactif - Politique de confidentialité - CGU - Contact - Propulsé par FluxBB - flux rss Flux RSS