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Bonsoir,
Je ne peux que te comprendre, j'ai moi-même 23 ans et ai commencé l'héroïne quasiment le jour de mes 18 ans. Ma dernière prise remonte à présent deux ans en arrière.
Sache que les questions existentielles que tu te poses sont tout à fait normale pour une situation "anormale" (selon la définition de la normalité, mot je que n'apprécie guère mais bon). Mais c'est une expression que l'on m'a beaucoup sortie, bref.
Sache aussi que les consommateurs "précoces" ont une problématique toute particulière car nous sommes en période de construction identitaire. Pour ma part je me suis construite à travers le produit, et après avoir connu l'Eden, comment retourner en Enfer ? Comment se trouver sans le produit alors que nous nous sommes construit par cela même ?
Voici un texte que j'ai écrit suite à mon premier arrêt de l'héroïne, tu t'y reconnaitra très probablement, après je t'en dirais plus sur le comment je m'en suis sortie.
"C’est étrange cette impression d’être revenue d’un long périple, pourtant quelques mois seulement se sont écoulés. Je regarde ces gens autour de moi comme si je ne les avais pas revus depuis des années et je ressens une réciprocité. Il y a de la compassion, de l’espoir dans leurs regards. Tout me parait si rapide autour, il n’y a que moi d’immobile, sans repères, comme si je me perdais dans ce paysage. C’est comme s’il fallait s’adapter, ou plutôt se réadapter à un quotidien qu’on croyait avoir laissé si loin derrière nous. [...]
Non ce qui était refrénant à l’idée devoir faire une croix sur cette vie, c’était ce rapport à la came, l’impossibilité de vivre sans, trop aveuglée par le monde tel qu’il est, tel qu’on doit l’accepter. Moi, je ne l’accepte définitivement pas. Avec la came je me sens entière, sereine, sans elle je n’ai plus de repères et les questions s’enflamment dans mon esprit, l’incompréhension, des autres et de moi-même. Plus rien n’a de sens. Rien n’est si beau, qu’avec Hélène, elle englobe le paysage d’un voile léger. Mais tout ça n’existe dorénavant plus que par les souvenirs. Fini l’H, fini les nuits blanches à se défoncer, les shoots à la chaîne, la vie marginale, la frénésie des bars de nuit, trouvé du blé, acheter sa dose, les flashs terribles, ce train de vie éphémère, sans lendemain. Et c’est peut-être tout simplement à cette vie que j’aspirais, mais les choses elles ne sont jamais éternelles. Retour à cette vie que j’avais fuis un an plus tôt, voilà qu’elle me rattrapait. J’allais devoir redevenir l’étudiante, la fille modèle, retourner dans le moule, celui-là même que j’avais tant bien que mal tenté d’esquiver. J’allais être une autre, et ça me terrifiait. J’allais devoir faire face à l’avenir avec comme boulet à la cheville, la nostalgie de cette vie effrénée. [...]
Le soleil tape, le sol est brûlant. Je suis adossée au mur du balcon, clope au bec. Il y a Light my Fire qui tourne en boucle. Je suis là mais plus rien ni personne n’existe autour de moi, je sens juste cette chaleur, ce soleil qui tape sur mon visage. Pour le reste je suis sur une autre planète. Seule, avec tout un tas de souvenirs entassés comme unique attention. Je repense à Hélène, à cette autre vie que j’ai laissé derrière moi. Avais-je au moins envie de la quitter, ai-je même eu seulement le choix ? Toujours est-il que quelque chose s’est éteint en moi, et j’ai l’impression que rien ne pourra y faire. C’est comme si on m’avait arraché à la vie, trop obnubilée par Hélène pour voir qu’au final on m’ouvre ses portes, tout simplement. Mais est-ce de ça dont je rêve vraiment ? Cette vie de Mr Mne Tout le Monde, cette vie bien rangée. J’avais choisi autre chose, j’avais choisi l’Héroïne. Dorénavant j’avais perdu ce que je considérais comme ma compagne, ma moitié, sinon mon entier. Tout semble si vide et dénué de sens. Tout me semble si ridicule, si fade. Suis-je condamnée à vivre avec le souvenir envoûtant de ta présence ? J’ai l’impression que rien ne pourra plus jamais l’égaler.
Comment retourner sur Terre après avoir connu l’Eden ?"
Je t'écris de suite la suite de l'histoire, seulement je ne voulais pas faire un pavé en guise de première réponse
A tout de suite !
Nathalie
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Mes consommations d'héroïne sont très étroitement liées à ma construction identitaire. Lorsque 'avais 16 ans, alors que certain souhaitais travaillé dans la pub, le marketing ou le commerce, moi, je rêvais d'être héroïnomane. Et il me fallait passer par là pour me "réaliser", c'était indéniable que rien ni personne n'aurait pu empêcher cela.
La chute a été aussi dure que belle fut la lune de miel avec Hélène. J'ai subit mon lot de viols et violences conjugales durant ma période avec Hélène. Pour résumer, j'ai du me détacher des deux. Au final, j'ai arrêté les frais par instinct de survie. Mes instinct ne me trompe jamais, ou rarement, et là , e sentais que j'allais mourir, pour une fois, je n'en ai pas eu envie. Plus la mort est proche plus on apprécie la vie, il parait. Moi j'avais tant joué avec elle, mais cette fois-ci c'en était assez. J'avais récemment fêté mes 20 ans, et on avait beau me dire que j'allais rejoindre le club des 27, honnêtement, aurais-je tenue jusque là ? J'en doute.
J'ai donc débarqué dans une autre ville, car pour moi c'était un passage obligé. Question de survie. Par rapport à mon ex-conjoint surtout. Mais les kilomètres défilant, j'ai ramené avec moi mes valises, et tous les démons que j'avais dans mon placard. J'étais alors suivie par un CSAPA, comme toujours à ce jour, pour un traitement par méthadone.
La première année dans cette nouvelle ville et passé l'euphorie du nouveau départ, je me suis retrouvée très esseulée. Sans Hélène, la vie me paraissait forcément beaucoup plus fade et même insupportable tant elle m'avait permis d'enfouir des problèmes graves. Tout a ressurgit de manière violente mais la question principale demeurait: Qui suis-je ? Où vais-je ?
Je ne consommais plus mais la nostalgie me rongeait. Je savais quelque part que cette période n’avait été que rarement plaisante, mais j’entretenais l’illusion que j’avais vécu ma vie à 200%, qu’Hélène m’était de bonne compagnie. Sans elle, et malgré l’amour que j’éprouvais pour mon nouveau conjoint, qui m’aidait également beaucoup et me comprenais, et bien je me sentais bien seule, c’était une peine et un deuil incommensurable.
Je ne consommais plus mais je ne parvenais pas à me détacher du personnage de toxicomane que j’avais contribué à créer au fil du temps. Le look persistait, les musiques aussi, j’exposais ma vie d’héroïnomane au moindre inconnu, dès que l’occasion se présentais. En fait je ne vivais qu’à travers ça et que pour ça. Je vivais comme un fantôme, l’ombre de moi-même, e vivais encore pour Hélène.
Je repartais de zéro. L’ennui est mère de tous les vices dit-on. Je ne travaillais pas, incapable de par mes traumatismes, et je ne rêvais que du souvenir de cette vie passé. Le présent n’avait plus de sens, pas plus que le futur, qui lui me paraissait dénué de sens.
Le premier tournant est apparu avec un cure en hôpital de jour à laquelle j’ai été admise pour trois mois de mars à mai 2013. Là -bas, j’ai réappris occuper mon temps libre, renouer avec mes passions passés, prendre soin de moi. J’ai repris la peinture, l’écriture. Mais je me sentais si inintéressante. Il faut dire que je n’ai jamais été tant cultivé que sous ma période avec Hélène où j’étais si curieuse de tout et incollable sur les films, les musiques, l’histoire, la géo, les langues étrangères. Là , c’était tout autre chose. J’en avais les larmes aux yeux que d’y repenser, en même temps, je n’avais plus la force de m’y remettre, trop épuisée, trop esseulée. Je vivais tellement avec le spectre du passé. Ma cure à l’ESTRAN a été très bénéfique, les groupes de paroles également dans une certain mesure, bien que moins pertinent que les ateliers (après cela dépend de chacun).
En même temps, je rentrais le soir chez moi, et je travailler à gérer mes émotions, mon temps. J’appliquais e que j’apprenais la journée. A cette période a commencé mon hyperactivité.
J’avais, bien qu’aucun regret, tellement l’impression de n’avoir strictement rien foutu durant ma période de consommation que j’avais soudainement envie de m’éclater (endorphines, endorphines !), de vivre, de bouffer la vie ! En fait cela cachait un désespoir grandissant, la peur indéniable du vide, de l’ennui. J’avais également peur de l’argent, et je claquais à tout va pour n’avoir jamais même 60€ sur moi.
Quelque part également, plus le temps passait, plus je m’éloignais d’Hélène et plus mon cerveau commençait à rationaliser. En janvier 2014, j’ai eu un énième coup dur, un viol, par un ancien dealeur. Je ne consommais plus à cette époque, ou très occasionnellement. Malgré tous mes efforts et ma plainte, ainsi que des examens chez le légiste, ma plainte n’a pas été retenue. J’ai nommé cette période « coupable d’avoir été toxicomane ».
De ce drame, toutes mes illusions, tout ce que je projetais sur Hélène s’est anéanti en une fraction de seconde. J’étais abattue. Hélène, c’est bien elle qui m’avait mené jusqu’à cet endroit, jusqu’à ce moment, c’est elle qui m’avait donné tous les tords, et aux yeux de tous, malgré mes efforts acharnés, je n’étais pas plus qu’une « putain de junkie » (selon leurs propos).
J’ai traversé une lourde dépression, une détresse incommensurable durant l’hiver 2015, c’est-à -dire à « l’anniversaire » de mon viol. J’étais à nouveau au bord du gouffre, les valises étaient prêtes et le train était en gare. Pour ne pas dire que j’étais suicidaire et que j’allais sauter le pas. Puis on m’a présenté la thérapie par l’EMDR thérapie par les mouvements oculaires qui permet de soulager de manière incroyablement rapide, les syndromes post traumatiques, mais également les addictions.
Aujourd’hui cela fait cinq mois que je pratique cette thérapie à hauteur de deux fois par mois. Les résultats sont incroyables ! Je revis, et je n’ai jamais été tant heureuse de ma vie.
Nos consommations ne sont pas anodines, et quoiqu’on dise, je ne crois pas à la théorie du drogué heureux. Pour moi c’est un peu se rassurer et rester dans le déni. Tous les drames sont relatifs mais une consommation de drogues dures, la pratique de l’injection, est tout sauf anodine. L’attirance pour l’héroïne est tout comme un jeu avec la mort, inconsciemment, à mes yeux. L’injection pour moi, c’est tout sauf respecter son corps. Mon corps, à mes yeux, était un déchet, je ne le respectais plus, si j’avais pu m’en séparer je l’aurais fait ! Il était le terrain de jeu de tous les sacrifices. Au fil du temps, avec les thérapies classiques puis l’EMDR, j’ai compris d’où venait pas fascination pour l’H.
La psychologie, c’est des mathématiques pour moi. Tout est si calculable, et en même temps on a l’emprise dessus. Il suffit jute de connaitre son histoire, parce que celui qui l’ignore est quelque part condamné à la réitérer sans cesse, c’est cyclique, relation de cause à effets.
Si tu prends le temps d’analyser le pourquoi du comment, tu comprendras alors ce qui t’a poussé à te tourner à cet instant, à ce moment, vers ce produit. Pourquoi ? Répond à cette question et tu auras parcouru la première moitié du chemin.
Tu dois te retrouver, car tu t’es perdu en chemin, tout comme moi et comme plein d’autres. Tu as mon âge et c’est très dur car nous n’avons construit que peu de choses sans Hélène ou autre. Mais nous avons tendance à l’oublier, rien n’est jamais acquis. Avec le temps, va tout s’en va ! Le bon comme le moins bon.
Il va te falloir réapprendre à vivre, ne t’inquiète pas également, les écarts font partie du processus d’arrêt. Ils sont même pertinents tant que tu sais analyser pourquoi tu l’as fait ?
Sache aussi, par expérience, que le bonheur avec Hélène est beau, mais le bonheur naturel est encore plus fort car lorsque tu parviens à le toucher, il n’est que plus puissant car c’est toi seul, à la sueur de ton front, qui y est parvenue, et non pas si facilement qu’avec un shoot ou un rail. Bien sur, il n’est jamais éternel, tout comme les produits, il faut reprendre une dose. Et là non plus, rien n’est jamais acquis !
Mais quelque part, c’est aussi ça la vie, il faut des mauvais moments pour en apprécier les bons. Quelque part tu es d’accord avec ce principe, sinon tu ne serais certainement pas là , présent, en train de vivre. La vie c’est sûr, c’est un peu marche ou crève, alors moi je me suis promis de marcher. Mon pire cauchemar serait de vivre avec des regrets.
Prends le temps qu’il te faudra pour te reconstruire, tu verras, plus tu t’éloigneras du produit moins tu y pensera, et moins le craving parviendra à te séduire, à te tenter. Ce qu’ils nous faut, c’est reconstruire des solides bases sur lesquelles s’appuyer en cas de coups durs. Il faut que tu te recréé ou te rattaches à des souvenirs positifs sans le produit. Tu verras, c’est tout à fait possible, sauf que nous sommes jeunes, et nous n’en avons pas toujours assez en mémoire !
La vie est longue, parfois dure, mais elle vaut le coup. Tu verras, lorsque tu te retrouveras, ce sera une seconde naissance pour toi. Il faut t’accoucher toi-même, être ta propre mère, ton propre repère. C’est ce qui m’arrive en ce moment et c’est une révolution pour moi ! Comme quoi, tout est possible.
Mon personnage d’Asia (la tox), s’’est presque complétement volatiliser. Mon look a radicalement changé, en même temps, il a cette originalité (dont j’ai besoin et qui m’avait également poussé vers la vie marginale). La vie c’est pas tout noir ou tout blanc. On peut être différent sans aller dans l’extrême. Il faut parvenir à trouver sa voie, chaussure à son pied, et à notre âge, c’est normal d’aller à gauche à droite, tester, reculer, avancer, etc.
Je sais que tu y parviendras, rien n’est jamais vain, je peux te l’assurer. Préserve toi.Tu es ton meilleur compagnon, mais aussi ton pire ennemi. Tu dois te faire confiance, mais surtout être rationnel, ne jamais te mentir à toi-même, tu risquerais de t’y perdre. Toi seul sais ce qui est au mieux pour toi, toi seul te connais si bien, alors fais toi confiance, même si la confiance n’est peut-être plus là , elle reviendra, c’est un travail de tous les jours. N’oublie pas, tu as le droit de relâcher de temps à autre, mais n’abandonne pas, la route est longue mais elle en vaut le coup !
Désolé pour le pavé !
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