« Usage, abus et addiction à la codéine et au tramadol » : différence entre les versions

Aucun résumé des modifications
 
(21 versions intermédiaires par 2 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
La codéine et le tramadol ont beaucoup de points communs : ce sont des opioïdes utilisés comme analgésiques de niveau II (ce sont des agonistes des récepteurs morphiniques), ils sont assez facile d'accès, ils sont tous les deux utilisés récréativement pour leurs effets opiacés, et ils peuvent induire des addictions sévères. Nous voyons ainsi arriver sur [https://www.psychoactif.org Psychoactif] de plus en plus de personnes en difficulté avec ces substances psychoactives. Il nous a semblé important de faire un point sur leurs effets, leurs usages, et sur le traitement de ces addictions.
La [[Codéine,_effets,_risques,_témoignages|codéine]] et le [[Tramadol,_effets,_risques,_témoignages|tramadol]] ont beaucoup de points communs : ce sont des opioïdes utilisés comme analgésiques de niveau II (ce sont des agonistes des récepteurs morphiniques), ils sont assez facile d'accès, ils sont tous les deux utilisés récréativement pour leurs effets opiacés, et ils peuvent induire des addictions sévères. Nous voyons ainsi arriver sur [https://www.psychoactif.org Psychoactif] de plus en plus de personnes en difficulté avec ces substances psychoactives. Il nous a semblé important de faire un point sur leurs effets, leurs usages, et sur le traitement de ces addictions.




Ligne 13 : Ligne 13 :


Enfin, des personnes surexprimant fortement le CYP2D6 ont fait des overdoses à des doses thérapeutiques de codéine,<ref name="un">[http://peer.ccsd.cnrs.fr/docs/00/71/04/56/PDF/PEER_stage2_10.1007%252Fs00228-011-1080-x.pdf Adverse Drug Reactions - Near fatal tramadol cardiotoxicity in a CYP2D6 ultrarapid metaboliser]</ref> et une mise en garde spécifique chez l'enfant a été publiée (en dehors du dosage biologique et d'éventuels antécédents, il n'est pas possible de déceler ces personnes qui représenteraient environ 2 % de la population en France).
Enfin, des personnes surexprimant fortement le CYP2D6 ont fait des overdoses à des doses thérapeutiques de codéine,<ref name="un">[http://peer.ccsd.cnrs.fr/docs/00/71/04/56/PDF/PEER_stage2_10.1007%252Fs00228-011-1080-x.pdf Adverse Drug Reactions - Near fatal tramadol cardiotoxicity in a CYP2D6 ultrarapid metaboliser]</ref> et une mise en garde spécifique chez l'enfant a été publiée (en dehors du dosage biologique et d'éventuels antécédents, il n'est pas possible de déceler ces personnes qui représenteraient environ 2 % de la population en France).
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3975212/pdf/clpt2013254a.pdf


La dihydrocodéine a un profil métabolique analogue (transformation en ethylmorphine), ainsi d'ailleurs que l'oxycodone, opiacé de niveau III (transformation en hydromorphone).
 
La dihydrocodéine a un profil métabolique analogue (transformation en ethylmorphine).


===Tramadol===
===Tramadol===
Ligne 111 : Ligne 113 :


=== Conclusion provisoire===
=== Conclusion provisoire===
Si le sevrage de la codéine ou du tramadol par diminution progressive des doses est envisageable, il constitue la solution de choix<ref name="dix-sept"></ref>.
Si le sevrage de la codéine ou du tramadol par diminution progressive des doses est envisageable, il constitue, pour la plupart des usagers de PA qui se sont exprimés, la solution de choix. D'ailleurs cette méthode est utilisée environ par 50% des médecins en cure ambulatoire.
 
http://www.addictauvergne.fr/sevrage-codeine-tramadol-opium/


'''En cas d'échec et/ou si la consommation d'opiacés semble inéluctable, l'institution d'un TSO permet dans la plupart des cas un traitement plus « confortable ».''' Si le traitement de la douleur reste d'actualité il est possible d'utiliser la méthadone à cet usage ou de faire une rotation d'opiacés, la plupart des opiacés de niveau III ayant un meilleur rapport efficacité/désavantages que ceux de niveau II (du moins à mon avis).
'''En cas d'échec et/ou si la consommation d'opiacés semble inéluctable, l'institution d'un TSO permet dans la plupart des cas un traitement plus « confortable ».''' Si le traitement de la douleur reste d'actualité il est possible d'utiliser la méthadone à cet usage ou de faire une rotation d'opiacés, la plupart des opiacés de niveau III ayant un meilleur rapport efficacité/désavantages que ceux de niveau II (du moins à mon avis).
   
   
Cet avis « personnel » plutot en faveur du TSO n'est pas partagé par tous, voir les discussions citées plus haut. Il est bien évident qu'il ne sera QUE proposé et non imposé à ceux qui préfèrent continuer la Codéine ou le Tramadol.
Cet avis « personnel » plutot en faveur du TSO n'est pas partagé par tous, voir les discussions citées plus haut. Il est bien évident qu'il ne sera QUE proposé et non imposé à ceux qui préfèrent continuer la Codéine ou le Tramadol.


==Quelques détails pratiques sur la prise en charge==
==Quelques détails pratiques sur la prise en charge==
Ligne 130 : Ligne 133 :


La même source dit ailleurs « le sevrage ne devrait pas dépasser trois mois », ce qui me paraît plus raisonnable. Bien entendu, le sevrage de chacun est particulier et le dialogue entre usagers et soignants doit être ouvert et tolérant pour permettre de trouver le meilleur agenda, compte-tenu des « capacités » de réduction des doses de l'usager. Toutefois, il est probable qu'un sevrage qui demande plus de 3 ou 4 mois est voué à l'échec, sauf circonstances particulières<ref name="dix-sept"></ref><ref name="dix-huit"></ref>.
La même source dit ailleurs « le sevrage ne devrait pas dépasser trois mois », ce qui me paraît plus raisonnable. Bien entendu, le sevrage de chacun est particulier et le dialogue entre usagers et soignants doit être ouvert et tolérant pour permettre de trouver le meilleur agenda, compte-tenu des « capacités » de réduction des doses de l'usager. Toutefois, il est probable qu'un sevrage qui demande plus de 3 ou 4 mois est voué à l'échec, sauf circonstances particulières<ref name="dix-sept"></ref><ref name="dix-huit"></ref>.
(nb= la forme buvable (1 goutte= 2,5 mg de Tramadol), seule ou combinée aux cp permet un sevrage vraiment progressif, surtout aux petites doses.


Un point important sur le sevrage est que, dans la période qui suit immédiatement un sevrage opiacé, il existe une sur-mortalité majeure (jusqu'à + 800 %!!) liée principalement aux overdoses en cas de rechute. Cela a été montré pour le sevrage des TSO<ref name="vingt-deux">[https://www.psychoactif.org/documents/forum/bmjTSORelais.pdf Risque de décès pendant et apres TSO en Médecine Generale : etude prospective observationnelle à partir de la Base de Données de Recherche en Médecine Générale du Royaume Uni (UK).]</ref>, de l'héroine et le risque est probablement présent pour le sevrage de la codéine et du tramadol. Les overdoses semblent liées à une diminution très rapide, après le sevrage, de la tolérance aux effets respiratoires des opiacés alors que des doses élevées restent nécessaires pour trouver les effets psychotropes. De ce fait la marge de sécurité effets dépresseurs respiratoires / effets psychotropes est très limitée. La décision de sevrage ne doit donc pas être prise à la légère.
Un point important sur le sevrage est que, dans la période qui suit immédiatement un sevrage opiacé, il existe une sur-mortalité majeure (jusqu'à + 800 %!!) liée principalement aux overdoses en cas de rechute. Cela a été montré pour le sevrage des TSO<ref name="vingt-deux">[https://www.psychoactif.org/documents/forum/bmjTSORelais.pdf Risque de décès pendant et apres TSO en Médecine Generale : etude prospective observationnelle à partir de la Base de Données de Recherche en Médecine Générale du Royaume Uni (UK).]</ref>, de l'héroine et le risque est probablement présent pour le sevrage de la codéine et du tramadol. Les overdoses semblent liées à une diminution très rapide, après le sevrage, de la tolérance aux effets respiratoires des opiacés alors que des doses élevées restent nécessaires pour trouver les effets psychotropes. De ce fait la marge de sécurité effets dépresseurs respiratoires / effets psychotropes est très limitée. La décision de sevrage ne doit donc pas être prise à la légère.
{{Citation|DAMSS|https://www.psychoactif.org/forum/t18528-p1-Victoire-contre-codeine.html#divx|Accro à la codéine depuis deux ans, j'ai enfin réussi à m'en sortir.
J'ai commencé a cause de migraines qui m’empêchaient de pouvoir m'endormir en prenant 2 à 3 comprimés de dafalgans codéine 500/30mg je ne me suis pas vu tombé dans cette spirale, et j'en suis tres vite devenu accroc sans même m'en rendre compte.
Au bout de quelque mois en prendre instinctivement sans même avoir de douleur était une chose commune, et je me suis rendu compte de mon addiction le jour ou je suis tombé à cours et ou la crise de manque est apparue.
Je suis resté comme cela pendant une bonne année et demie, puis j'ai décider de me prendre en main et de voir des professionnels pour me faire aider.
J'ai été dans un centre d'aide aux addictions, ou l'on m'a gentiment proposé de me faire "interner" pour 1 mois minimums, sans visites, sans ordinateurs et à me mêler à la vie de personnes complêtement détruites par la drogue. A vrai dire je n'avait pas envie de me mêler à ces personnes pour m'en sortir car ca me faisait plus mal au coeur qu'autre chose et ca me cassait un petit peu le moral. Puis 1 mois d'internement alors qu'on a un travail, je trouve cela un petit peu rude.
J'ai donc décider de voir mon médecin traitant pour avoir une aide extérieur. Celui ci m'a gentiment traité de drogué sans même prendre le temps de m'aider et sans même écouter ce que j'avais à dire. Bref c'était la cata.
Suite a cette visite avec le médecin, j'ai décider de ne plus demander d'aide à personne à part à moi même et j'ai commencer à diminuer les doses progressivement à base de -1 demi-comprimé par semaine. Ca a été dur, mais pour ma santé c’était nécessaire.  puis au bout de quelques mois, j'ai réussi à me stabiliser à 3/4 comprimés par jours et là, je me suis dit que c'était le moment et j'ai stopper net.
Les trois premiers jours ont été durs mais sans plus mais 3 premières nuits on été cauchemardesque. Impossible de trouver le sommeil, des impatiences dans tout le corps, des sueurs tout le temps et mal aux muscles des bras et des jambes. Un reel supplice. Ma copine m'a beaucoup soutenu et j'en suis heureux.
Cela fait maintenant une semaine que j'ai arrêté et je me sens beaucoup mieux et moins fatigué qu'avant. J'ai toujours des envies d'en reprendre, mais je suis motivé comme jamais pour ne jamais avoir a le faire.  J'ai également encore de légère impatiences le soir que je calme avec de l'euphytose.
Au final, j'ai trouvé ce sevrage plus facile que ca à quoi je m'attendais. Et je suis plutot fier de moi a vrai dire tongue big_smile }}
====PAWS====
Au sevrage aigu de la Codéine ou du Tramadol peut succéder une période de PAWS (Syndrome  prolongé de sevrage) qui peut durer des semaines ou des mois, voire des années (donc après l'arrêt total de la consommation).
https://www.psychoactif.org/psychowiki/index.php?title=PAWS,_le_syndrome_prolong%C3%A9_de_sevrage
Notamment avec le tramadol une sensation de déprime ou un syndrome dépressif authentique peuvent survenir après l'arrêt complet, surtout avec le tramadol.
C'est même assez fréquent et un facteur important de rechute.
Le traitement peut faire appel à des Anti-Dépresseurs IRS ou mieux IRSN, notamment la Venlafaxine qui est très proche du Tramadol. Ce traitement est efficace dans certains cas, mais il n'y a pas d'étude systématique à l'appui.
Le plus important est surtout de reconnaitre le syndrome et ainsi de rassurer les patients sur le caractère limité dans le temps du PAWS.
.


===Passage de la Codeine et du tramadol à la Buprénorphine===
===Passage de la Codeine et du tramadol à la Buprénorphine===
La buprénorphine ayant un effet mixte agoniste-antagoniste son introduction trop rapide après un agoniste opiacé, notamment de longue durée, peut entraîner initialement un état de manque aigu parfois grave (nécessitant une hospitalisation). C'est ce que l'on constate avec la méthadone ; le délai recommandé étant de l'ordre de 72h.
La [[Buprénorphine_(Subutex),_commencer_un_traitement,_effet,_dosage,_sevrage|buprénorphine]] ayant un effet mixte agoniste-antagoniste son introduction trop rapide après un agoniste opiacé, notamment de longue durée, peut entraîner initialement un état de manque aigu parfois grave (nécessitant une hospitalisation). C'est ce que l'on constate avec la méthadone ; le délai recommandé étant de l'ordre de 72h.


En principe la codéine (et le tramadol) a une courte durée d'action (en prise unique)  et le délai pourrait être de 8 à 12 heures environ. Toutefois étant donné la présence de métabolites qui peuvent s'être accumulés en cas de traitement prolongé , il pourrait être plus raisonnable d'attendre 24, 36 voire 48h ; rappelons le polymorphisme génétique et donc la grande variabilité individuelle. La présence de symptômes de manque significatifs est en général le meilleur critère d'introduction de la buprénorphine. Pour la buprénorphine voir [http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/b275587447c30549b123fe6c29f4c76b.pdf Afssaps : Initiation et suivi du traitement substitutif de la pharmacodépendance majeure aux opiacés par buprénorphine haut dosage].
En principe la codéine (et le tramadol) a une courte durée d'action (en prise unique)  et le délai pourrait être de 8 à 12 heures environ. Toutefois étant donné la présence de métabolites qui peuvent s'être accumulés en cas de traitement prolongé , il pourrait être plus raisonnable d'attendre 24, 36 voire 48h ; rappelons le polymorphisme génétique et donc la grande variabilité individuelle. La présence de symptômes de manque significatifs est en général le meilleur critère d'introduction de la buprénorphine. Pour la buprénorphine voir [http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/b275587447c30549b123fe6c29f4c76b.pdf Afssaps : Initiation et suivi du traitement substitutif de la pharmacodépendance majeure aux opiacés par buprénorphine haut dosage].
Une méthode non classique mais éprouvée est de prendre une très petite quantité de Buprenorphine au délai calculé (24,48h voire plus). Si le délai s'avère trop court le manque apparaitra assez vite (une heure au plus) mais sera modéré en fonction de la dose. S'il n'y a pas de manque évident il sera possible de reprendre des petites doses croissantes, environ toutes les heures, jusqu'à la dose prévue pour la journée.
Il suffit d'ecailler légèrement le comprimé pour avoir une dose initiale au moins inferieure à 0,2 mg mais il n'est pas nécessaire d'avoir une dose précise. De toutes façons le reste du comprimé sera a priori pris dans la journée.


Dr Pascal Millet, membre honoraire de PsychoACTIF
Dr Pascal Millet, membre honoraire de PsychoACTIF


==Annexe 1==
==Annexe 1==
Ligne 166 : Ligne 199 :
[[Catégorie:Traitement de Substitution Opiacé (TSO)]]
[[Catégorie:Traitement de Substitution Opiacé (TSO)]]
[[Catégorie:Addiction]]
[[Catégorie:Addiction]]
{{#related:Codéine,_effets,_risques,_témoignages}}
{{#related:Tramadol,_effets,_risques,_témoignages}}
{{#related:Buprénorphine_(Subutex),_commencer_un_traitement,_effet,_dosage,_sevrage}}