Le présent n’est qu’un souvenir. En soi chaque victoire est éphémère, chaque défaite dure une éternité. Les dommages cérébraux sont sévères. Le courage débraille sur la peur, à trop désirer/vouloir se projeter. J’ai quand même maté l'horloge apocalyptique, minuit est déjà bientôt franchi. Qui seront nos ennemis, qui seront nos alliés... violents putain,... violents ont été les virages de ces vingt dernières années. Quant au témoin misérable de son époque, la confusion du temps trouble et présent restera immense, comme chercher à empoigner de l’eau. Prendre du recul, prendre le large, prendre la tangente, allez va ! Nous ne nous ferons plus d'illusions, nous ne nous ferons plus avoir. Je sais que je regarderais quand même en arrière le chaos passé sans cligner des yeux. Est déjà venu le jour où j’ai lâché prise la main d'une joie réelle. Appartenance d'un étrange passé... défiguré depuis un baye, par une surcharge de souvenirs féroces/fêlés. Si profond, désenfoui sous mes pieds, que je le crois de moi à jamais séparé. Je prendrais de la hauteur, alors...? Sûrement mes merveilleux rêves de lévitation, seront moins un désir d'ascension, qu'une simple envie de fuir la gravité.
Après quoi, j’appuierais sur "publier", directement transmis sur les RS. Néanmoins mes mots, mes notes, mes impressions ne resteront pas, s'effaceront des esprits, ne laisseront ni traces ni marques ni coups ni jouissance ni déception. Sans doute dans l'instantané, resteront-ils gravés quelque part dans une infosphère, qui lentement mais surement vampirisera la mémoire collective. C'est elle. Oui c'est elle qui assurera cette dure et lente éternité. Les ménades et les pieuvres nihilistes auront beau me faire la peau, je leur survivrais. Ouais, allez t'inquiète... je leur survivrais…Je me rappelle…Je me rappelle ce janvier 2005 glacial, ayant pour abris une vieille Renault 19 grise métallisée, stationnée sur le parking de la gare de Grenoble. Elle appartenait à l’un de ces amis - amitié sans lendemain - hors-norme, un peu hippy sur les bords, carrément punk au fin fond de son esprit, vêtu d’une sorte de djellaba bleue faite main avec un t-shirt « the exploited » retourné. Il pouvait s’absenter des jours entiers, grimpant sur les monts grenoblois pour y méditer. Je me rappelle ce matin précis où, me rendant à la gare pour boire un café, je vis : train pour Nantes à 14 heures sur le tableau des départs. Sans hésiter je me suis dit que… « Nantes ? Allez, pourquoi pas ? »…
À cette époque je vaquais où bon me semblait, je ne craignais rien, j’étais aussi libre que l’air, fils du vent, fils de rien. Aujourd’hui je ne pourrais plus le refaire, trop de choses ont changé, en ce monde et en ma psyché. Je me revois dire adieu à ces amis zonards et à ma petite amie du moment, avec qui je regrette infiniment de ne pas m’être posé pour de bon. Oui, Dieu que je regrette, elle était pour moi parfaite. La vie m’a fait une fleur à plusieurs reprises, je n’ai jamais su ni en profiter ni kiffer l’instant présent. En vérité, je n’ai fait toute ma vie que fuir. Je touchais mon chômage à cette époque, mais je prenais quand même le train en fraude, allez savoir pourquoi, ou… en fait je ne sais plus si j’ai payé le billet ou pas. Direction l’Ouest… avec ces TOUS PREMIERS mots gravés sur un bout de papelard dans le train :
Né dans l’est
Destiné au nord
Fuyant à l’ouest
En cherchant le sud.
Arriver dans une ville inconnue sans point d’attache ne me gênait pas. Je ne craignais pas la rue, encore moins l’errance. J’avais 21 ans. Et quand je pense qu’aujourd’hui les plus jeunes de vingt piges me nomment « tonton » je me dis que le temps à couru un sprint et qu’en fin de comptes les anciens avaient belle et bien raison : la vie est trop courte, la mort est trop longue. Je suis du même âge que mes deux rappeurs préférés, Keny Arkana et Orelsan. Je les observe de loin mener leur vie sous les projos. Même mentalité, même objectifs, même résignation face à nos aspirations. Personne ne cogne plus fort que la vie dixit un boxeur de film célèbre. Bref je m’égare. Arrivé en gare de Nantes, j’ai immédiatement ressenti l’impression « qu’ici c’est chez moi », je suis un déraciné volontaire, je n’ai bougé un peu partout sur le territoire dans l’unique but de trouver mon chez moi. Nantes est une ville magnifique, je l’aime tant. Mais comme je l’ai dit, c’était une autre époque. Aussi bizarre que cela paraisse, malgré les doses de cheval que je m’envoyais avec l’héro et la
coke je ne ressentais aucun manque. Je me rappelle que le manque s’est déclenché en moi insidieusement quelques années plus tard, lorsque je me suis posé en couple avec cette amie dont j’ai parlé dans d’autres billets. À cette époque, je ne faisais jamais le premier pas, les femmes me faisaient comprendre qu’elles me désiraient. Rien, plus rien dans ce registre aujourd’hui. No love, et ce depuis six ans. Aborder est difficile, la mentalité lyonnaise est assez particulière. Mais pourquoi être revenu à Lyon fin 2009 sinon pour affronter mes propres démons ? J’ai toujours détesté au plus profond de ma chair le Rhône-Alpes. Trop de rancœur, beaucoup d’amertume, tant de rancunes. Dès la première journée au collège, j’ai su tout de suite que tôt au tard je décrocherais, ne voyant alentours que des grillages, je me croyais nassé comme l’on se retrouve nassé lors des manifs. Je n’y voyais qu’un enclos qu’il fallait supporter, et déjà je me retrouvais dans des classes qu’on nommait autrefois « voies de garage ». Assis durant des heures à tenter de suivre des cours chiantissimes. Je m’ennuyais à m’endormir sur place. Il y a un lien parmi toutes ces impressions, impossible à exprimer.
J’écris ce billet avec en tête ces quelques images : je me vois squatter des halls d’immeubles nantais de 9 heures à 18 heures, écoutant en boucle "before the dawn heals us" de M83, le temps que l’abri du 115 ouvre ses portes. J’avais cette amie nommée Claire, qui m’a inspiré nombre de textes. Dès que l’on se retrouvait à 18 heures, on restait face à face, yeux dans les yeux, sans dire un mot, subjugués par les sentiments qu’on ressentait l’un pour l’autre. Nostalgie d’une époque bien révolue ? J’ai la chance de connaitre une personne à Cannes que je considère comme ma grande sœur et qui m’épaule dès que j’en ai besoin. Smile, la vie est belle ma gueule, que vouloir de plus ?
Mes deux
sevrages hardcore oui m’ont séchés, mais je ressens tellement de sensations perdues dorénavant qu’il m’est impossible de faire marche arrière comme me le conseille indirectement le
csapa, dont je n’ai plus besoin. En mai une postcure est possible à Annecy, par la même asso Nantaise où j’ai débuté mon protocole
méthadone. J’ai commencé avec Oppelia, je finirais avec Oppelia. Ce qui me frappe le plus durement est l’impossibilité pour mon corps de me souvenir que ces années d’errance, allant de villes en villes sac au dos, je n’avais pas besoin de benzos. Aujourd’hui je suis à 20 mg de
valium et 25 mg de
tercian. Ont-ils remplacé mes addictions aux
opioïdes ? J’ose croire/espérer que non. Je me suis arrangé avec la pharmacie pour être délivré au compte goute, mes allers retours aujourd’hui ne se limite qu’à mon appart - casino pour la junkfood - pharmacie. J’suis tellement paumé qu’une simple envie de promenade au parc de la tête d’or me coute en énergie… je ne me sens dorénavant bien qu’avec les personnes blessées, tout aussi hantées par le passé que moi. Alter-égos, du baume au cœur. Faut voir à quel point les personnes ici dormant sous tentes par moins deux degrés sont d’une bienveillance et d’une gentillesse sans pareils. Et je déchire à tour de bras les affiches marquées d’un Z, si vous voyez ce que je veux dire. C’est de bonne guerre. On nous a reproché/réprimandé de manifester contre la logique du chiffre imposé par le système. Bientôt nous manifesterons contre le racisme systémique. Antifa convaincu et fier de l’être.
Je stoppe le billet ici, peur que ce soit trop long à lire, j’écrirais la deuxième partie plus tard, basée sur mon parcours Nantais
>> "J’arrêterais jamais la drogue. C'est la réalité qui est abjecte."
J’écris qu’il est proche de minuit… et que plus la nuit est profonde plus proche est le réveil.
Big love P.A...