« Histoire de la réduction des risques liés à l'usage de drogues » : différence entre les versions

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== L’accès aux seringues stériles : premières controverses, première mesure ==
== L’accès aux seringues stériles : premières controverses, première mesure ==


La prohibition des seringues en a organisé la rareté, obligeant les usagers injecteurs à une réutilisation et un partage qui accélérera la diffusion des virus (VIH, hépatites) et des bactéries. On savait pourtant depuis 1983 que les toxicomanes par voie veineuse étaient « une population à risque »3. En juin 1984, le premier cas de sida chez un toxicomane est enregistré en France. Pourtant, en février 1985, Georgina Dufoix, Ministre des Affaires Sociales, restreint encore la vente de seringue4. Le docteur Claude Olievenstein qui dirige l’hôpital Marmottan va sonner l'alarme dans une lettre au Ministre Edmond Hervé en avril 1985. Il lui demande de « reconsidérer les restrictions apportées à la vente de seringue ». Cette demande est confortée par les résultats des premiers dépistages des anticorps du VIH qui accélèrent la prise de conscience. Le professeur Willy Rozembaum et le docteur William Lowenstein, spécialistes du sida, soulignent que cette restriction a aussi contribué au développement de l'hépatite B dont le taux de mortalité est supérieur à celui du sida. Pour autant, les oppositions à la libéralisation de l’accès aux seringues restent nombreuses, exploitant ce qui sera le socle idéologique qui va se manifester à chaque mesure nouvelle de réduction des risques : on affaiblit la lutte contre la drogue, on banalise et incite à l'usage, on se désintéresse du toxicomane. Avec un argumentaire spécifique à cette mesure : l’usager serait trop irresponsable et suicidaire pour changer de comportement face au sida. En septembre 1985, le plan de lutte contre la toxicomanie présenté par Serge Karsenty, président de la MILDT, écarte cette libéralisation. À six mois d’une élection législative, le gouvernement a reculé, paralysé par une opposition qui taxe de laxiste sa politique des drogues.
La prohibition des seringues en a organisé la rareté, obligeant les usagers injecteurs à une réutilisation et un partage qui accélérera la diffusion des virus (VIH, hépatites) et des bactéries. On savait pourtant depuis 1983 que les toxicomanes par voie veineuse étaient « une population à risque »<ref>Circulaire du 20 juin 1983 relative à la prévention du SIDA par la transfusion sanguine (DGS/3B n° 569).</ref>. En juin 1984, le premier cas de sida chez un toxicomane est enregistré en France. Pourtant, en février 1985, Georgina Dufoix, Ministre des Affaires Sociales, restreint encore la vente de seringue<ref>Circulaire DPHM du 7 février relative à l'application du décret 72-200 du 13 mars 1972.</ref>. Le docteur Claude Olievenstein qui dirige l’hôpital Marmottan va sonner l'alarme dans une lettre au Ministre Edmond Hervé en avril 1985. Il lui demande de « reconsidérer les restrictions apportées à la vente de seringue ». Cette demande est confortée par les résultats des premiers dépistages des anticorps du VIH qui accélèrent la prise de conscience. Le professeur Willy Rozembaum et le docteur William Lowenstein, spécialistes du sida, soulignent que cette restriction a aussi contribué au développement de l'hépatite B dont le taux de mortalité est supérieur à celui du sida. Pour autant, les oppositions à la libéralisation de l’accès aux seringues restent nombreuses, exploitant ce qui sera le socle idéologique qui va se manifester à chaque mesure nouvelle de réduction des risques : on affaiblit la lutte contre la drogue, on banalise et incite à l'usage, on se désintéresse du toxicomane. Avec un argumentaire spécifique à cette mesure : l’usager serait trop irresponsable et suicidaire pour changer de comportement face au sida. En septembre 1985, le plan de lutte contre la toxicomanie présenté par Serge Karsenty, président de la MILDT, écarte cette libéralisation. À six mois d’une élection législative, le gouvernement a reculé, paralysé par une opposition qui taxe de laxiste sa politique des drogues.




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Début 1987, Michèle Barzach réaffirme ses positions en faveur de la libéralisation des seringues dans le Quotidien du pharmacien5, dans le sillage de prises de position favorables de l'académie de pharmacie et de l'ordre des pharmaciens, à la lumière des expériences anglaises et danoises. En février, elle annonce que le gouvernement va suspendre par un décret les restrictions concernant la vente des seringues en pharmacie, pour une durée d'un an. Malgré une dernière rafale de critiques, le décret est publié et son évaluation mise en place. La mesure sera renouvelée et finalement pérennisée en août 1989 par Claude Evin.
Début 1987, Michèle Barzach réaffirme ses positions en faveur de la libéralisation des seringues dans le Quotidien du pharmacien5, dans le sillage de prises de position favorables de l'académie de pharmacie et de l'ordre des pharmaciens, à la lumière des expériences anglaises et danoises. En février, elle annonce que le gouvernement va suspendre par un décret les restrictions concernant la vente des seringues en pharmacie, pour une durée d'un an. Malgré une dernière rafale de critiques, le décret est publié et son évaluation mise en place. La mesure sera renouvelée et finalement pérennisée en août 1989 par Claude Evin.
==Bibliographie==
* Act Up-Paris (1994), Le sida, combien de divisions ?, Éditions Dagorno.
* Bachmann C., Coppel A. (1989), Le dragon domestique. Deux siècles de relations étranges entre l’Occident et la drogue, Albin Michel.
* Bernat de Celis J. (1996), Drogues, consommation interdite : la genèse de la loi du 31 décembre 1970, L'Harmattan.
* Buning E., Van Brussel G. (1995), « The effects of harm reduction in Amsterdam », Eur. Addict. Res., 1995, 1, 92-98.
* Duprez D., Kokoreff M. (2000), Les mondes de la drogue : usages et trafics dans les quartiers, Odile Jacob.
* Ehrenberg A. (1995), L’Individu incertain, Calmann-Lévy.
* Marchant A. (2012), « Comment l'emprisonnement est devenu une réponse à l'usage de drogues », SWAPS, n° 63.
* Mino A. (1994), « Les nouvelles politiques de la drogue : exemple genevois », Psychiatrie de l’enfant, 1994, 37 (2), 577-600.
* Olivet F. (2005), « La loi du 31 décembre 1970 et la réduction des risques liés à l’usage de drogues : une contradiction indépassable », in La prohibition des drogues. Regards croisés sur un interdit juridique, R. Colson (Dir.), PUR, l’univers des normes.
* Pearson G. (2008), « Évolution des problèmes liés la toxicomanie et des politiques relatives aux drogues au Royaume-Uni », Déviance et société, 2008/3, Vol. 32.
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