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Chapitre I partie 4: L'appel des larves 



Bref, cessons de faire languir la vieille, je vais lui bouffer sa pastille, et devant elle ! Elle était en train de faire couler ses derniers filets de bave sur le sol pendant que je me tenais bien fièrement devant elle. Alors que j’amenai le médoc à mes lèvres, la vioque, dans un élan d’opiniâtreté, plongea vers moi pour m’arracher son bonbon tranquillisant. Malheureusement, les lois de la gravité et son incapacité à supporter son poids eurent raison d’elle. Elle s’écroula à mes pieds sûrement évanouie par le choc. J’éclatai de rire devant la scène rocambolesque qu’il m’offrait ce gros tas de viande avarié. Putain ! Heureusement que j’avais pas lâché son médoc dans mon gosier à ce moment là, je me serai étranglé en un rien de temps. Aller, elle l’a bien mérité son susucre, je vais passer l’étape de contrôle de la marchandise pour cette fois. Je lui plongeai alors alors ma patte dans son gosier jusqu’à la luette pour être bien sûr qu’elle avale sa pilule sans recracher. Mais, lorsque j’avais ma main au fond de sa gorge, j’entendis une voix tonitruante vociférant un son depuis l’étage du dessous. J’eus alors un tressautement qui déclencha sa luette et la fit dégarnir tout son buffet sur le sol. Les morceaux de dégueulis, sur le moment, c’est pas ce qui me perturbait le plus.


          D’où venait ce son ? De ma chambre en bas, je crois. Vous savez, c’était un de ces espèces de mugissements plutôt gras et étouffé. Pas le genre de truc qu’on voudrait avoir chez soi. C’était comme si un démon s’était mis à revendiquer des droits et à me le faire savoir. Elle savait être terrifiante cette chose, mais je comprenais rien à ce qu’elle me disait. Le son qu’elle essayait de prononcer était mâché comme un vieil os : « Meé… uuhhuu… uadin Déééé…llleeeuu » ? Un truc dans le genre, j'en étais sûr ! Enfin, peut-être pas. Ça avait beau me prendre aux tripes fallait que j’aille voir. Je suis vraiment un couard, moi. J’adore quand on suscite mes nerfs, ça n’empêche pas qu’à chaque fois, j’ai trop la frousse au départ. C’est comme le fouet, par exemple. Avant qu’il ne te frappe, t’en a peur, tu gémis, tu pleurs ! Mais une fois la douleur passée, putain ce que t’es bien. Et plus le temps passe, et plus t’es bien. T’aimerais remercier ton bourreau tellement t’es bien. Je me souviens de ce genre de choses pour me forcer à faire des trucs parce que sinon, je foutrais rien de ma vie. Je me lèverais même pas pour bouffer et turbiner toute la journée, ou encore prendre ma dose. Même si ça a l’air aguichant, hein ! Ça a jamais l’air aguichant au départ en fait. La vie se vit au passé c’est tout. Y a pas de quoi s’alarmer, on profitera de notre vie quand on sera mort. Tout revoir en tant que spectateur, ce serait le plus beau des cadeaux !

          Je longeais calmement le couloir pour pas éveiller la bête. Et dans les escaliers qui grincent pour arriver à ma piaule, je vous dis pas le déboire que c’était. Fallait que je me débatte pour pas faire un bruit. Ma turne est pas grande pourtant : un salon où la vioque passe sa vie, un couloir, ma chambre à la cave et la salle à shoot juste avant ma piaule. Mais c’est tellement toujours le souk que c’est difficile de pas se faire remarquer en faisant deux pas. Devant la porte de ma chambre, je tremblais autant que les blattes au sol.  On pressentait la présence de quelque chose de plus horrible que nous dans ce taudis. Quelque chose voulait rivaliser avec notre atrocité habituelle. On faisait pas le poids c’était sûr, le truc mugissait de plus en plus fort. Les mains tremblantes, je m'approchais légèrement de la porte, c‘était un vacarme à l’intérieur mais j’entendais de plus en plus distinctement le mot que la bête prononçait :

« MMMUUUAAAHHTIIN...DEEEYYYLEE MAAAHCTIN...DEEEEYYYYLL...MAAAAATHHHRRIN DEYL!».

          Plus j’avançais et plus ça devenait clair. Encore un peu et je comprenais…  Malheureusement, j'avais beau coller mon oreille à cette foutue porte, le bruit était encore trop étouffé. Fallait que je l'entrouvre légèrement pour comprendre ce charabia terrifiant. Le dernier effort était un supplice, j’étais sûrement devenu aussi blanc que du pus de furoncle. Je me mordis les lèvres pour être sûr que la bête ne me remarque pas et j’ouvris un tout petit peu la porte aussi calmement que je le pouvais. C’est alors que je réussis à entendre distinctement : « MARTIN DAIL », c’est ça ! J’en étais sûr maintenant, c’était moi qu’elle voulait. C’était Martin Dail sa proie et rien d’autre. Pas les blattes, pas la crasse, pas la vioque, pas les autres monstres mais bien moi. Et moi tout entier, seulement pour elle ! Fallait que je fasse face à mon prédateur.

          J’ouvris la porte d’un coup sec ! Je l’arrachai au passage. Et rien ! Ma chambre était vide d’intrus mais le bruit continuait. « MARTIN ! MARTIN! MARTIN ! DAIL ! DAIL ! DAIL ! » Ça ne s’arrêtait pas. D’où ça pouvait bien venir tout ce ramdam ? Quelle frustration. Aucun molosse. Juste un bruit monstre sans le monstre. Puis, ce fut au moment où j’allai me décider à trouver de quoi me bourrer les oreilles pour étouffer la torture auditive, que je vis une petite boîte sur mon bureau. Juste entre mon clavier à musique et mon ordi. C’était une petite boîte de pétri où des larves gigotaient à l’intérieur.  Elles avaient remarqué que je m’étais enfin décidé à les voir puisqu’elles avaient arrêté leur satané boucan. Elles semblaient beaucoup plus calmes d’un coup, séductrice presque. Elles étaient toutes entassées là dans une simple boîte ronde. Ces foutues larves s’étaient mises à s’asticoter entre elles et ne cessaient de mélanger toute leur viscosité dans une bouillasse où elles semblaient prendre plaisir à barboter. Elles voulaient m’aguicher par leur comportement lubrique et leur art de la danse, pour sûr. J’étais obnubilé par leur mouvement hypnotique, je ne voyais pas le temps passer. De l’aliénation pure et dure ! C’est seulement après une chorégraphie de bien une dizaine de minutes, ou une heure, ou juste cinq secondes, qu’elles se mirent à parler, en chœur, d’une voix suave qui me hérissait la chair.


Catégorie : Poèmes - 06 mars 2019 à  17:37



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