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Correspondances hellènes (part 2 ) 



Bon, ça m'a fait "du bien" de mettre un peu par écrit cette histoire, mais beaucoup de bien et à  la fois tant réfléchir de lire tous les témoignages de ceux et celles qui écrivent ici.

Quelques heures plus tard, j'ai à  peine dormi et mes jambes se rappellent à  moi par des soubresauts provoqués par les crampe.

Aujourd'ui je me suis difficilement trainée dehors pour acheter des clopes.
J'ai pas répondu au téléphone, qu'est ce que je pourrais bien raconter au juste ?
La plupart autour pensent que je fais une petite phase dépressive et c'est pas non plus tout à  fait faux.

Sauf que la déprime s'accompagne des habituelles douleurs insupportables.
Mon billet de 50 balles s'est transformé en deux billets de 20, toujours de quoi prendre quelque chose.
J'ai craqué, j'ai appuyé sur le bouton vert du téléphone, juste en dessous du nom du type "qui en a" sauf que pas de bol (ou par chance, j'ai pas encore décidé) il est pas dispo ce soir.

En fouillant dans ma pharmacie, j'ai trouvé deux cachets de tramadol qu'on m'avait prescrit pour pallier à  la douleur d'une infection des reins je les ai gobés pour essayer de trouver un peu de tranquillité.

Dehors, c'est la tempête et j'arrête pas de me dire que si c'était pas le cas, je descendrai dans la rue dans ces coins jonchés de seringues pour voir si j'aperçois pas une tête connue à  laquelle je pourrais demander mon chemin pour le salut, un gramme, juste un.
Un que je diviserais en dose homéopathique, juste  de quoi pas trop souffrir.

Et puis au moment même où j'écris ces lignes, je sais que je me fous de ma propre gueule.
Ce dont j'ai envie, c'est de partir un peu, d'une grosse goutte sur une feuille d'alu, faute de seringue.
De la voir glisser, de jauger sa couleur, les marques qu'elle laisse.
Ce dont j'ai besoin c'est d'un truc pour que "Ça" passe.
Ou en tout cas, de ne pas sentir "Ça"

Quand je parle de "Ça", je n'ai pas en tête cet affreux clown qui a hanté les cauchemars de bien des gamins de ma génération.
"Ça", c'est ce truc qui depuis gamine, depuis toujours, depuis je sais plus trop quand mais depuis bien longtemps en tout cas, me fait ressentir le besoin de quelque chose, peu importe quoi (enfin pas d'un sirop grenadine) pour que la vie passe.

Plus jeune c'était la bouffe.
Tout compter, tout mesurer ou alors tout avaler.
Certains soirs je piquais de l'argent à  ma baby-sitter (babeth si tu me lis je suis désolée) pour être sure d'avoir "ma dose" de chocolat le lendemain puisque ma mère planquait tout dans un placard fermé à  clé.
Et je m'enfermais dans ma chambre en avalant des paquet de Kinder chocolat envahie une sensation très similaire à  celle que je ressens aujourd'hui avec la came si ce n'est que les effets physiques étaient bien différents. Mais je retrouvais ce mélange de culpabilité et d'intense satisfaction, d'euphorie, d'une tension qui s'évacue, une chose difficilement descriptible avec les mots dont je dispose.

Et puis il y'a eu les joints et l'alcool, effets physiques garantis, plus intenses que le chocolat et puis socialement plus acceptés dans les cercles d'adolescents.
Je me rappelle encore des crises d'angoisse que je faisais quand il me restait plus que deux joints à  fumer, et qu'on tournait dans toute la ville parce que le plan habituel ne fonctionnait pas.

Mon angoisse me revenait dans la gueule comme un jokari dont la balle ressemblerait plutôt à  une boule de bowling et c'était incroyablement ingérable…

Et puis très vite, la came.
J'avais toujours été attirée, depuis la lecture de Go Ask Alice.
J'aimais beaucoup l'idée, je sais pas vraiment pourquoi.

Dès que j'ai été en mesure de me trouver dans des cercles ou y'en avait, j'en ai cherché sans trop savoir ce que ça faisait, comment ça se prenait, pour ça je regardais les autres faire, je prenais un air assuré et je faisais pareil.
Et de fil en aiguille…. ça a surplombé tout le reste. Plus besoin de chocolat….

J'ai soigneusement évité de trop me lier avec d'autres consommateurs.
J'ai regardé mes potes me regarder, m'arracher les képa des mains, l'alu et le reste.
J'étais consciente de ce que je faisais mais je voulais pas de la boule de bowling dans la gueule et c'était somme toute, une bonne manière de l'éviter.

Et puis l'argent est venu à  manquer et j'ai fait la rencontre du rouleau compresseur.
Il avait pris la place de la boule de bowling pour me passer dessus.
Alors je me suis motivée pour faire de réguliers allers-retours en Hollande.
Ça a duré des années comme ça.

J'en ai eu marre que toute ma vie tourne autour de ça, parce qu'avec les allers-retours, tout mon être était consacré à  cette bonne vieille compagne, la came.
A la suite Subutex trouvé dans la rue et déménagement et isolement chez maman, j'ai jeté mes plaquettes de sub, j'en ai chié plusieurs jours, voire semaine, et je me suis mise au sport, une autre manière de canaliser.
Trois mois à  plein régime, 4 heures pas jours, une autre dépendance en somme.


Je trouve une autre ville, tout se passe bien, ça dure deux ans.
La vie à  plein régime…!
Et puis une sale histoire dans laquelle je me retrouve bien seule, ou du moins j'en ai l'impression.
Revoilà  l'angoisse, la déprime, le sentiment que rien ne saura jamais aller.
J'ai bien une petite idée pour faire en sorte que "Ça" me bouffe pas tant que ça.

Je connais une vieille copine avec laquelle j'ai toujours sur faire face à  "Ça".
Je retrouve un vieux dealer dans un concert, coup de chance ma vieille copine l'accompagne.
Je me rappelle alors des heures passées dans ma caravane, à  voir passer du monde que je chassais pour pouvoir admirer ma vieille amie.

Quand je trouve pas de came, je zone à  la recherche de méthadone, j'en trouve chez une fille que je connais à  peine, ça fera passer le temps.
Moi et les médecins c'est une longue histoire de haine après plusieurs hospitalisation à  l'HP quand j'étais à  peine sortie de l'enfance.

Des mois ont passés, un an quasiment.
Moi je veux décrocher, mais je veux surtout pas prendre le risque de revoir la boule de bowling et je me dis que le la méthadone ne fera que la cacher.
Consultation en centre, on me donne des décontractant musculaire et du benzodiazepine et un autre cachet dont je me souviens pas, c'était il y a 6  ans, tout ça en attendant le rendez-vous, dans deux jours, il faut prendre mon mal en patience.
Quand j'explique que la dépendance, c'est une longue histoire, que le besoin et le manque c'est physique certes mais que c'est aussi à  cette notion que je veux m'attaquer, on me dit que je veux aller trop vite.
Oui, je veux aller trop vite.

Alors je décide de me démerder seule.
Je me débrouille pour piquer des ordonnances à  mon grand père médecin.
Je reproduit les noms des cachets qu'on m'a donné en consultation et ça passe comme une lettre à  la poste.
Les premières douleurs passées, je me noie dans la bière et le whisky, socialement ça passe mieux. Je sors tous les soirs jusqu'à  pas d'heure, une seule règle : éviter au max de me retrouver seule.

Trop de tentation, retour chez maman (qui soit dit en passant ne capte pas vraiment ce qui se passe, faut croire qu'elle a toujours été habituée à  avoir une fille mal en point et désagréable, ou qu'elle veut pas voir)

Je déménage à  nouveau, et face à  la solitude nouvelle tentation.
Je cède mais pas pour longtemps.
Je profite d'un voyage avec des vieux potes pour descendre en Grèce.
Alors que je partais pour deux semaines, je reste deux mois, j'suis emballée.

Je rentre en France avec une seule idée, amasser de la tune pour repartir.
A la vue des toxicomanes là  bas, je me suis fait peur, on est bien loin de l'image de ma caravane, de mes petites boites bien rangées dans lesquelles je range mon matos.
Un bon épouvantail en quelque sorte.
Je mets presque deux ans à  me remotiver et puis j'me lance.



La suite, je l'ai décrite la nuit dernière.
Ma vieille copine, ma vieille amante est revenue, enfin je l'ai rappelée dans un moment où persuadée que je suis seule, je ne suffis pas à  faire disparaitre la boule de bowling, quitte à  me retrouver de nouveau  avec le rouleau compresseur.
Un peu comme ce soir d'ailleurs….
Un peu comme à  chaque fois...

Mais j'étais prévenue, je les connaissais….

Catégorie : No comment - 26 janvier 2014 à  05:59



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