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Déréalisation sous cannabis 



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Le trip qui va suivre est une retranscription, datant du nouvel an 2023. Il a été expérimenté par un pote, contre sa volonté. J'essayerai de laisser aussi loin que possible l'interprétation en me focalisant sur l'état visible et exprimé du concerné.



Concernant mon pote :



- 25 ans
- Fume régulièrement du cannabis
- Est sans emploi (au moment des faits)
- Prend de manière plus ou moins régulière des antidépresseurs légèrement anxiolytiques



Set and setting :



Juste avant la prise, mon pote (que je vais nommer T) avait joué de la musique pendant 3h dans un restaurant du coin pour gagner un peu de sous, sans manger et en buvant quelques verres d'alcool. Il avait mangé avant d'y aller. On était chez T avec sa copine, donc 3 au total pour passer nouvel an. Quand il est rentré, vers 00:30, j'ai roulé un blunt qui contenait à vu d'œil un bon gramme de weed qualifiée d' "un peu plus forte que les variétés habituelles" par notre dealer régulier. Il y avait une radio jazz en font alors qu'on se préparait à jouer à un jeu de plateau en sirotant de la clairette. On s'est donc mis à la fenêtre pour allumer le blunt.



Début du trip:



Après avoir charbonné sur le joint, T est parti aux toilettes. Après y avoir passé quelques minutes, il est revenu en disant qu'il chargeait peu ses joints en ce moment, faute de rentrée d'argent. Il se sentait étrange, se demandait s'il ne commençait pas à bader. T avait eu une sensation de pensée extralucide en allant aux toilettes, et s'était amusé à suivre plusieurs fils de pensée en même temps. Sauf que là, ça devenait envahissant. Il sentait une gêne dans poitrine. L'ayahuasca est venue dans la discussion, puis cette dernière s'est arrêtée car T sentait son cœur se serrer alors que de légères convulsions devenaient visibles. Une fois calmé face à la douleur persistante, sa copine et moi avons eu droit à un moment d'introspection de la part de T, où il livra ses doutes, ses peines, en exposant ses faiblesses à cœur ouvert. Mais une fois ce joli moment passé, T à recommencé à se sentir mal physiquement. La douleur lui faisait penser à un arrêt cardiaque. Puis les convulsions se sont montrées intenses, nous avons donc du le tenir à 2 pour le mettre dans une position confortable. Une fois les spasmes stoppés, l'incompréhension a laissé place à l'inquiétude.



Effets psychédéliques :



(De ce que j'en sais, le cannabis peut avoir quelques effets psychédélique. Il nous manquait beaucoup d'informations pour comprendre ce qu'il se passait, je vais donc les donner ici. La douleur que ressentait T lui a fait penser qu'il était mort, ou mourant. A partir de là, tout ce qui l'entourait était pour lui une matérialisation de son esprit, nous y compris.)


Donc, plus d'une vingtaine de minutes après la prise, T nous a demandé s'il était mort, un peu déboussolé, puis qui étions-nous sur un ton un peu rieur. Alors qu'on essayait de le questionner sur son état actuel, la même question est revenue, avec cette fois une faible lueur d'angoisse dans ses yeux. La question est revenue plusieurs fois, et un mélange de stupeur et d'énervement est venu nous envahir, sa copine et moi, alors que ses propos devenaient de plus en plus délirants. Pour lui, il n'y avait rien qui pouvait prouver dans l'immédiat que nous étions réel. Le fait de ne pas comprendre me fit lui dire qu'il virait schizophrène à faire une fixette sur une idée si altérée. Bon, étant moi aussi pas mal def' j'ai pris personnellement le fait qu'il remettait en cause mon existence. Je savais, en disant ceci, que ça allait le plonger encore plus dans son délire. Mais j'ai pensé naïvement qu'en employant ce terme il se mettrait une barrière et reprendrait son sérieux.


Pour écourter ce qu'il va suivre, pendant 1h T a voulu sortir plusieurs fois, que ce soit par la porte ou la fenêtre, pour prouver qu'il n'était plus dans son monde d'origine. Il a fait des allusions au purgatoire, à l'enfer, à Matrix, au Truman Show, disant même dans un excès de contradiction qu'il allait vouer sa vie à Dieu, lui qui pense pourtant sa spiritualité trop éclairée pour se laisser endoctriner par quelconque dieu. Les couleurs avaient un sens profond, tout ce qu'il voyait sembler le conforter dans son idée. Rien que son grille pain rouge était une preuve qu'il était proche de l'enfer. Sa copine a fini en larme, et on a fini par appeler une ambulance. A l'hôpital, il l'ont laissé repartir quelques heures après et il est rentré à 6h du mat', seul, à pieds. Il faut dire que les services publiques sont un peu débordés en plein jour de l'an...


(J'ai volontairement éclipsé les passages ou il vomit)



A l'hôpital :



Le lendemain, T nous a raconté qu'une fois dans l'ambulance, il sentait toujours qu'il était dans une réalité alternée. Même quand les portes de l'hôpital se sont ouvertes et qu'il fut pris en charge, le doute persistait. Ce n'était cependant plus une réalité absolue. Bien sûr, voir une porte de tableau électrique avec marqué dessus "danger de mort" ou un panneau "attention sol glissant" avec un bonhomme bâton se pétant la nuque lui envoyait comme signal qu'il était bien mort, similaires à des preuves faisant sens commun. Enfin, les effets ont commencé à s'estomper, et les infirmiers on juger que son état permettait de le laisser repartir seul.



Le lendemain :



On s'est expliqués, T était dans le mal, et on lui a fait promettre de ne plus refumer de weed pour le moment.


Actuellement, il a refumer une ou deux fois, mais pas de réminiscence et pas non plus de régularité dans la prise.


...


Pour conclure, je pense qu'il a expérimenté un voyage psychédélique puissant. Pendant le trip, sa réalité a changé alors qu'il pensait être en train de quitter ce monde. Je ne m'attendais pas à ce que le cannabis puis produire une telle bouffée délirante. Je connais pas mal les truffes magiques, ayant poussé les prises avec pour avoir de grosses hallu'. Et là j'ai vu chez T la même absence de filtre face aux biais cognitifs qui résultent d'une idée fixe.


Pour conclure (bis), même si tout le monde est différent, y'a pas forcément besoin de pousser les psychédéliques plus sensationnalistes qu'appréciables pour vivre une expérience intense. Si j'avais mieux révisé, j'aurais pu être un meilleur sitter.


C'est pas grave de ne pas savoir, on peut toujours apprendre.



Merci de m'avoir lu

Catégorie : Trip Report - 23 février 2023 à  05:44

#cannabis #déréalisation #Psychédélique

Reputation de ce commentaire
 
ça répond globalement à certaines de mes questions... nils



Commentaires
#1 Posté par : Anonyme3076 23 février 2023 à  22:04
C'est impressionnant ce qui est arrivé à ton ami, j'espère qu'il va mieux, sa me fait même penser à une expérience de mort imminente.

 
#2 Posté par : Cub3000 23 février 2023 à  23:05
L'accès de solipsisme qui te fait croire que rien n'existe vraiment et que tout est illusion autour de toi assorti d'un bon délire interprétatif, je dirais que c'est un grand classique de la crise blanche et des montées de parano qu'on peut faire quand on a un peu trop dosé le THC. Les réactions somatiques et psycho-somatiques (oppression au niveau de la poitrine, convulsions, vomissements) indiquent d'ailleurs clairement la surdose.

Après il faut toujours se dire qu'on ne meurt pas d'une surdose de THC, même si on passe un sale quart d'heure. Je comprends que vous ayez appelé une ambulance vu son état "spectaculaire", la prise en charge a dû vous rassurer et ton pote aussi, mais au final je ne suis même pas sûr que l'hospitalisation s'imposait vraiment, c'était certain qu'il allait finir par sortir de son bad. Mais encore une fois je comprends que vous ayez flippé, la première fois que j'ai vu quelqu'un bader à ce point j'ai aussi appelé les pompiers.

Pour moi les deux trucs dont il faut se souvenir, c'est qu'effectivement, à forte dose et/ou avec une faible tolérance, le THC peut provoquer de puissantes expériences psychédéliques, souvent pas agréables d'ailleurs car fréquemment anxiogènes.

Et l'autre truc, c'est qu'il y a peut-être quand-même une petite fragilité psychique (peut-être passagère hein) chez ton pote et qu'il devrait à mon avis être prudent avec toutes les substances entrant dans la catégorie des perturbateurs.

 
#3 Posté par : Judoranj 24 février 2023 à  13:37

Anonyme3076 a écrit

C'est impressionnant ce qui est arrivé à ton ami, j'espère qu'il va mieux, sa me fait même penser à une expérience de mort imminente.

Merci à toi, il va mieux effectivement. C'est un peu ça, il s'est persuadé tout seul de se diriger vers la mort. Plus on déconstruisait ses arguments confus, plus il plongeait dans le doute et l'interprétation


 
#4 Posté par : Judoranj 24 février 2023 à  14:06

Cub3000 a écrit

Les réactions somatiques et psycho-somatiques (oppression au niveau de la poitrine, convulsions, vomissements) indiquent d'ailleurs clairement la surdose.

Oui la question de la surdose ne s'est pas posée, c'était plutôt évident qu'il venait d'exploser son seuil.

L'ambulance est venue car on commençait à avoir du mal à faire en sorte qu'il ne parte pas dans la rue.

Un truc qui n'a pas été précisé, il nous reprochait de ne pas l'aider à ne pas mourir (on était pour lui un melange de gardiens de sa conscience et de geôliers de l'au-delà). Il a commencé à appeler des gens dans son téléphone pour demander de l'aide car il était en train de mourir, il voulait expliquer son délire à son voisin car ce dernier réussirait plus à l'aider que nous (il ne l'a jamais croisé), ou encore aller dans la rue pour demander aux passants de l'aider. Le tout en pensant que ces gens étaient comme nous, des gardiens de quelque chose.

Il a aussi eu un accès de violence physique, certes peu intense, envers sa copine. Il a quand même cherché à lui appliquer une douleur physique immédiate avec un air satisfait, ce qui n'est vraiment pas dans ses habitudes.

D'où l'appelle d'une ambulance, nous n'avions plus les compétences pour faire en sorte qu'il ne se blesse pas lui ni son entourage.

C'est bien de relativiser, prendre du recul sur une situation. Et je m'en veux de ne pas avoir su déceler les éléments qui m'auraient permis de comprendre. On sait bien que le THC ne peut pas tuer à lui seul, que cette douleur n'allait pas le tuer. Mais comme T se pensait foutu, il s'est autorisé à franchir certaines barrières morales et a été blessant moralement, extrême dans ses propos, ce qui n'aidait pas à garder ses idées en place.

Plus que l'hospitalisation, on cherchait quelqu'un de plus competent que nous pour nous aider à ce qu'il ne se blesse pas.

Pour finir, lui comme moi avons déjà ressenti ces effets psychédéliques sous THC.
Les antidépresseurs qu'ils prend sont effectivement là pour palier à une certaine fragilité psychique, et pendant la crise il répétait souvent qu'il avait raté sa vie.

Bref, belle analyse de la situation, je suis d'accord avec ce que tu as écrit dans l'ensemble.


Merci pour ta réponse


 
#5 Posté par : Cub3000 24 février 2023 à  17:26

Judoranj a écrit

Cub3000 a écrit

Les réactions somatiques et psycho-somatiques (oppression au niveau de la poitrine, convulsions, vomissements) indiquent d'ailleurs clairement la surdose.

Oui la question de la surdose ne s'est pas posée, c'était plutôt évident qu'il venait d'exploser son seuil.

L'ambulance est venue car on commençait à avoir du mal à faire en sorte qu'il ne parte pas dans la rue.

Un truc qui n'a pas été précisé, il nous reprochait de ne pas l'aider à ne pas mourir (on était pour lui un melange de gardiens de sa conscience et de geôliers de l'au-delà). Il a commencé à appeler des gens dans son téléphone pour demander de l'aide car il était en train de mourir, il voulait expliquer son délire à son voisin car ce dernier réussirait plus à l'aider que nous (il ne l'a jamais croisé), ou encore aller dans la rue pour demander aux passants de l'aider. Le tout en pensant que ces gens étaient comme nous, des gardiens de quelque chose.

Il a aussi eu un accès de violence physique, certes peu intense, envers sa copine. Il a quand même cherché à lui appliquer une douleur physique immédiate avec un air satisfait, ce qui n'est vraiment pas dans ses habitudes.

D'où l'appelle d'une ambulance, nous n'avions plus les compétences pour faire en sorte qu'il ne se blesse pas lui ni son entourage.

C'est bien de relativiser, prendre du recul sur une situation. Et je m'en veux de ne pas avoir su déceler les éléments qui m'auraient permis de comprendre. On sait bien que le THC ne peut pas tuer à lui seul, que cette douleur n'allait pas le tuer. Mais comme T se pensait foutu, il s'est autorisé à franchir certaines barrières morales et a été blessant moralement, extrême dans ses propos, ce qui n'aidait pas à garder ses idées en place.

Plus que l'hospitalisation, on cherchait quelqu'un de plus competent que nous pour nous aider à ce qu'il ne se blesse pas.

Pour finir, lui comme moi avons déjà ressenti ces effets psychédéliques sous THC.
Les antidépresseurs qu'ils prend sont effectivement là pour palier à une certaine fragilité psychique, et pendant la crise il répétait souvent qu'il avait raté sa vie.

Bref, belle analyse de la situation, je suis d'accord avec ce que tu as écrit dans l'ensemble.


Merci pour ta réponse

Avec les éléments supplémentaires que tu donnes je pense effectivement qu'appeler les secours était l'option la plus raisonnable.

Ton témoignage mets je trouve bien en lumière l'inanité de la classique distinction entre drogues "douces" et drogues "dures". Il n'y a que des usages plus ou moins nocifs, dans des contextes individuels et singuliers. Et une nécessité d'ajuster en permanence les pratiques de réduction des risques en fonction de critères très individuels plutôt que sur de grands principes généraux (par exemple pour toi ce blunt bien chargé ne posait pas de problème, pour ton pote c'était trop. pas facile de penser à tout ça "en situation"...)


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