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Galerie de portraits : les lieux et les personnages du deal. 1. La gosse éthiopienne. 



J'ai connu la gosse un jour où j'avais commandé quelque chose à Marisa, au moment d'aller recuperer mon truc, elle me dit : ce sera pas moi qui livre, ce sera une jeune, une jeune comment je lui demande, une jeune Noire.

La première fois que je la vois, la gosse, c'est dans la rue de la maison de retraite où l'on se retrouvait souvent avec Marisa, sa boss qui vient apparemment d'embaucher une petite main, elle est planquée dans un immense manteau sous une immense capuche et elle a l'air terrifiée, elle m'adresse à peine la parole, me balance mon truc, prend les billets puis disparaît. Marisa me demande par message ce que j'ai pensé d'elle, je lui dis que c'est une gosse et qu'elle est flippée.

La seconde fois que je la vois, son attitude est totalement métamorphosée, mais c'est l'extrême inverse! Elle a dû se faire briefer pour pas avoir l'air aussi flippé, elle a le visage et la tête découvertes, elle se la joue un peu racaille, elle n'est pas vraiment noire mais elle a la peau plutôt brun claire, éthiopienne elle expliquera plus tard.
De fil en aiguille, on se croise régulièrement. Parfois j'arrive dans ma rue, elle arrive en face par l'autre côté, on commence à rigoler, à raconter des conneries et à blaguer, elle essaye toujours de me taxer, pour voir comment je vais réagir; comme j'ai un peu l'habitude de ces habitudes de cité je lui réponds du tac au tac et cela la fait marrer.

Elle vend et puis elle me taxe un peu de brun, une bouteille de soda, elle me demande de lui acheter un briquet quand on se voit, si elle n'a rien à faire elle monte dans ma voiture apèrs m'avoir servie, on se balade un peu.

Elle m'explique qu'elle est orpheline, elle m'avoue qu'elle tapine pour se payer de la coke et de l'héro, parfois un peu de K. Une fois elle me vent du blanc puis elle téléphone à Marisa et elle répète plusieurs fois : je vais dans les escaliers de la MJC, je vais "base" dans les escaliers, elle a toujours tout un tas de pipes en verre qui sortent de son sac, je comprends qu'elle s'est foutue dans le crack puis dans le brun, ça fait 2 addictions assez lourdes pour une gosse de 25 ans et 37 kilos.

Elle m'explique qu'elle vivait dans un foyer, à cause du blanc elle n'avait pas dormi depuis 5 jours, elle était en train de devenir folle, elle avait l'impression que sa raison se dissolvait définitivement comme la poudre dans l'ammoniaque, et là elle me raconte que quelqu'un lui propose de passer dans son appartement et lui dit  : je vais te donner un truc qui va t'aider à te poser, à dormir.
C'était le brun.
Assez vite , elle cumule les 2 addictions, le crack et l'héro.

Comme je commande parfois du brun, et que Marisa a une sale tendance à m'en laisser un petit paquet en cadeau de temps en temps, j'y touche un peu avec une règle ; pas d'opiacés plus de 2 fois par mois, une fois tous les 15 jours quoi.

Je lui explique que je ne suis pas accro à l'hero, que je m'en sers juste pour mes descentes de blanc, essayer de gérer ses sales descentes qui sont parfois juste atroces et me maintiennent dans l'insomnie et l'angoisse alors que je dois dormir pour aller bosser le lendemain ou dans quelques heures; la gosse, elle s'énerve et me demande tout de suite d'arrêter!

Elle est véhémente, elle crache sa vérité, elle me raconte  la première fois qu'elle a connu le manque, elle m'explique qu'elle s'est réveillée et qu;elle a été si mal,incapable de fumer une cigarette, incapable de faire quoi que ce soit, même fumer une cigarette, c'est vraiment au-dessus de ses forces, elle peut rien faire tant qu;ellle  n'a pas repris un peu de brun.

On m'avait déjà fait plusieurs fois la leçon sur ma manie de toucher au brun, les cocaïnomanes un peu bobo comme moi,(ouais faut s'assumer!) n'y touchent pas, ne testent pour oa plupart jamais., mais son récit me marque....

Souvent avec elle c'est moi qui joue le rôle de la grande sœur, qui la conseille et qui l'engueule mais là , c'est elle qui fait la grande et moi qui me fait bien recadré par la gosse!. Elle me dit qu'elle me vendra plus jamais de brun, on aura pas plus tard le lendemain ou quelques jours après point comme souvent, si elle n'a pas de travail juste après m'avoir servi, elle monte dans ma voiture et me suis je vais pas elle est attachante comme un petit chien des rues, la peau de son visage est couverte de cicatrices. Elle m'explique elle se gratte à cause du bras point elle me demande si j'ai retouché. Je lui dis que non, elle  recommence à gueuler à me dire que je ne sais pas où je mets les pieds et ça peut très mal finir, que le manque et vraiment difficile à gérer point je lui assuré que j'ai arrêté, que j'ai toucherais plus eau Br (c'est faux mais c'est une autre histoire ...)je lui dis que je me fous du brun, parce que c'est pas mon truc, mon truc c'est le bl, donc j'ai l'impression que je peux taper un peu dans le brun parce que c'est pas vraiment ce qui m'intéresse.

Des addictologues expliquent qu'une adduction, pour les spécialiste, c'est la rencontre entre une personne un produit et un contexte . Avec le blanc le contexte a été favorable et la rencontre entre le produit et moi est foudroyante . Le brun j'aime moins je veux pas un me traîner et piquer du nez, partir dans des rêves - bizarre oui se ramollir et puis être incapable de bouger , c'est pas ce qui m'intéresse quoi le plan.

Oui il y a une rencontre particulière entre le produit,la blancn, et moi dans un contexte de manque atroce d'énergie fait la force avancer comme le vin m'intéresse beaucoup moins j'ai l'impression que j'ai fait jouer avec elle s'énerve il m'explique mon jeu est débile et quun de ces 4 je vais tomber dedans je l'écoute la tête un peu basse, j'ai 16 ans de plus qu'elle mais ce jour-là c'est elle la grande sœur !!

Je finis par lui dire que j'ai de la chance de ne pas être accroché, que je suis passée entre les mailles du filet et que je dois arrêter . Elle se met presque à crier  : arrête de te dévaloriser t'es pas passée,  parce que t'as géré  tu  as su écouter"les bonnes personne au bon momente" !Cette gamine couverte de cicatrices est décide à me prendre en main.

Elle me touche quand elle vient dans ma rue, j'ai la vois arriver de loin, avec son mauetau en fourrur retourné beaucoup trop voyant, on court l'une vers l'autre en criant des conneriesk et on s'échappe par le bras ou l'épaule et on chahute elle est belle quand elle est gaie bien qu' elle est très maigre. Une fois elle me dit qu'elle ne pèse que 37 ou 38 kilos Elle tapine pour les  produits mais pour manger elle vit chez Marisa, elle trouve une sorte de stabilité .

Au mois de juin, Marrisa et elle disparaissent brutalement.  Au bout de 3 ou 4 jours, j'arrive enfin à joindre Marisa qui me dit qu'ils étaient en garde à vue 3 jours de cellule, c'est la gosse qui s'est fait choper , elle n'est pas discrète c'est la 2e fois en quelques mois qu'elle se fait contrôler elle n'a pas de casier mais là elle a été prise en flagrant délit ils vont tous les 3 être jugés. ils sont relâchés dans l'attente du procès qui est fixé quelques mois plus tard. Après ça, pour communiquer, on s'envoie l'une à l'autre 1€ sur PayPal pour s'écrire un petit mot. Un jour, je suis en pleine décro et plein déprime, j'ai été acheté à boire et je la vois dans ma rue, elle parlait avec un vieux; je sais pas si elle racolle ou si c'est le vieux qui la cherche.
Je l'attends dans ma voiture nelle est dans un état de stress extrême, elle veut du blanc , il faut qu'elle base point elle est complètement agitée de tics nerveux, elle n'arrête pas de se balancer dans tous les sens, elle se met quasiment  à poil dans ma voiture, je vois même son téton bien noir elle me cherche elle veut m'embrasser elle veut que je lui paie du blanc... Ses bras son visages sont couverts de cicatrices, des bleus, des scarifications, elle parle à toute vitesse, je comprends pas la moitié de ce qu'elle dit, bon sang ma gosse t'es intoxiquée jusqu'à la moelle, je la dépanne un peu, je veux l'emmener à la CAF le lendemain pour qu'elle touche au moins le RSA, elle me répète dix fois qu'elle en rien à foutre du RSA, je lui explique que ça sera toujours des passes en moins. Elle vit à la rue elle est paniquée incohérente incapable de penser à autre chose qu'au produit, elle veut pas du RSA elle attend de crever, voilà en quelques mois la gosse qui riait qui courait quand elle me voyait dans la rue s'est transformée en petit tas de misère, elle veut pas que je l'aide à trouver un foyer, rien, elle veut son prod, ses prods, le crack et l'héro, et elle attend de crever.
Si elle meurt je serai surement pas au courant ou alors longtempsapèrs. Ca me rend encore plus triste.

Catégorie : Tranche de vie - 13 novembre 2024 à  05:48

#freebase #héroïne #prostitution #SDF



Commentaires
#1 Posté par : pierre 13 novembre 2024 à  19:33
Bonjour,

merci pour ton écrit.
je trouve ton écrit tres sigmatisant et reproduisant le discours dominant sur les drogues : il y a forcément une chute, et c'est de la la faute des prods...

C'est pas la rue, c'est pas le racisme, c'est pas la pauvreté, c'est pas les traumas, c'est pas la criminalisation des drogues et la justice à deux vitesse... non c'est les prods.

C'est un peu court.

Coridalement,
Pierre

 
#2 Posté par : Akela 10 décembre 2024 à  00:04
Salut Pierre,
Merci pour ton commentaire. Je vais essayer de nuancer un peu plus dans la suite de mes portraits. Je voudrais faire une galerie de personnages. Évidemment le problème initial de cette jeune femme est l'abandon par sa famille, une enfance et une adolescence trimballées dans des foyers où les mauvais traitements s'enchaînent. Dans d'autres textes j'avais écrit sur le sujet "je prends des drogues potentiellement mortelles pour essayer de survivre ". Mais en ce moment la mort me cerne de trop près. Je vais essayer de continuer à écrire, cela me fera plaisir de lire à nouveau tes avis si tu as le temps de regarder .

 
#3 Posté par : Akela 10 décembre 2024 à  00:08
Je commence à comprendre comment tu as lu mon texte. Je le vois plutôt comme une histoire de complicité entre cette fille et moi et ca se termine par mon impuissance à l'aider. Elle est totalement damaged,si elle se finit pas dans les drogues ce sera autrement. Je peux essayer de corriger ce qui donne cette impression dans mon texte ?

 
#4 Posté par : Nils1984 19 janvier 2025 à  16:26
Merde sorry je vais avoir du mal à être clair et concis mais tant-pis...

J'ai pendant un moment cogité sur la façon d'exprimer mon ressenti sur cet implacable billet... Quiconque (et je sais déjà par avance que je ne n'apprends rien à personne) vit à la rue durant un trop grand nombre d'années et dans une violence permanente se trouve face à des situations hyper-paradoxales, et ces paradoxes sont inextricables (ouais ok thanks pour cette tautologie crétine, bref... disons que c'est une aporie, une impasse dont on ne sort jamais vainqueur). Perso, j'ai lu ce billet comme j'ai pu voir et adoré "Trainspotting" ou lu "Las-Vegas Parano" de H.S.Thompson (sérieux par contre là fo s'accrocher, on dirait une montée progressive incontrôlable de speed, c'est parfois quasi-illisible, l'écriture sous speed en mode automatique ça donne de la dynamite, et des nœuds au cervelet, à la fin du book j'étais comme en pleine descente de meth)... De mon point de vue, j'ai trouvé ce billet au plus proche de la réalité crue qu'est le monde hardcore de la rue, au plus proche du terrain (pour pas dire tercian) : et c'est là que la question se pose, et je pense que tu la sous-entend très bien - même sans la poser : Qu'est-ce qui nous pousse à survivre coute que coute, à survivre à tous prix même dans les cas les + extrêmes, bloqué(e)s dans le présent, obsédé(e)s par le passé, terrifié(e)s par le futur ? Et bien ce sont belle et bien les drogues qui aident à cette survie, à cette fureur de vivre, de vivre encore et encore ("et demain, et demain, et demain...")...
"Cette nuit j'ai vécu un enfer, alors dans les heures qui suivront je vais me mettre bien > j'me démerde pour trouver une chambre d'hôtel et "j'rentre dans mon univers" (comme dit Keny...). Je ne vois pas dans ce billet un stigma de la gué-dro - brown ou pas brown, entre zonards-zonardes on est pas tendres... - la rue c'est pas une ZAD, c'est du béton dégueulasse, c'est de la peur au bide, des larmes et de la sueur - et des personnes faisant les 400 coups ensemble, même alliées par un pacte de sang - qui se foutent régulièrement sur la gueule > la conscience de classe, désolé et c'est dur à dire, a beau exister en bas du bas mais elle ne compte pas... et cela au plus grand mépris de la classe aristo-bourgeoise : "laissons-les s'entretuer", sorry mais c'est comme cela qu'ils/elles raisonnent. Au contraire, dans ce billet j'y vois avant tout une histoire humaine tragique, belle et crue : et la violence quotidienne à laquelle il fo faire fasse, quoiqu'il arrive... ce billet montre que la gué-dro reste un sérieux coup de pouce. C'est ce que j'ai ressenti à travers cette lecture : la gosse ne racole pas pour lentement crever par la défonce, elle racole pour vivre son trip et se sentir - ne serait-ce qu'une ou deux journées de + - un peu plus libre... juste pour une ou deux nuits de plus, rester juste quelques temps un peu plus libre... simplement rester libre... : "La vie n'est peut-être qu'un rêve. Mais tout ce que nous voyons sont les moments difficiles. Chaque quartier est un peu misérable. Mais dans notre quartier nous jouons toujours" smile

Sorry d'avance pour ce pavé puéril, perso j'ai adoré ce billet...

 
#5 Posté par : Nils1984 19 janvier 2025 à  17:40
** Sorry c + fort que moi, c au dessus de mes forces de m’empêcher de balancer une zique qui reflète les fioritures que j'écris... sans substances, sans ziques, je serais même incapable de réciter mon alphabet big_smile



cool

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