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L'histoire d'une vie 



La vie à  Seynod, que dire ?
J'ai vu mon pére frapper ma tante, mon cousin retourner l'appartement sous le coup de la rage, je voyais ma tante s'enfermer dans la salle de bain pour ses éternels shoots de sub. Et j'ai vécu moi même et subit des choses au vu et au su de tous.
Ma mère et mon pére, je ne les ai jamais connus ensemble et sous le même toit; 1an maximum aprés ma naissance, ma mére l'a quitté pour de bon. Elle avait alors 22ans à  peine et j'ai donc toujours vécu seule avec elle par conséquent. Jusqu'à  l'entrée de mon beau pére dans notre vie en 2000, j'avais 10 ans. Et ils restent à  ce jour mes seuls et uniques soutiens.
Mon pére ce héro.. Trés loin du compte, mais malgré tout je l'aimais follement. J'étais trés souvent chez lui, au HLM. Et du haut de mon plus jeune age, j'étais son chaperon. Il buvait, beaucoup. J'étais présente et je souffrais de ne pouvoir l'en empêcher. On faisait le tour des bars, je patientais, sage, douloureuse. Je lui demandais de partir, je lui disais d'arrêter de commander de nouveaux verres. Malgré mes supplications, il ne faillait jamais; "Juste un dernier ma chérie". Alors commençait le rappatriement de mon pére jusque chez mes grands parents. Surtout lui tenir la main, éviter les chutes, les embrouilles et bien entendu il y les regards dans la rue, dans le bus, réussir à  le coucher, et veiller à  ce qu'il y reste. Ce n'était pas les devoirs d'une petite fille. Je me mettais à  rêver, quand passait un papa avec son ou sa petite. Je voulais leurs place.

J'avais une drole de famille. Les adultes sont parfois plus faibles que les enfants. N mon cousin, 2ans mon aÎné, était encore moins épargné que moi. Lui vivait depuis sa naissance dans cette maison de fous. N et moi on faisaient front et malgré nos parents, notre grand mère était présente et aimante, seule alliée dans cette tumulte. En 2001 elle est décédée d'un cancer, la perte a été plus que douloureuse et le seul et unique pillier de la famille W s'en ai allé pour de bon. L'équilibre s'est rompu. Ne restait que mon grand pére, millitaire de carrière, alcoolique et profondément perturbé. La maison continuait de tourner, la vie continuait mais ma grand mère n'était plus là  et mon grand pére s'est laissé alors allé à  ses penchants pervers. Envers les filles de la famille, mes tantes. mes cousines. Evénements choquants qui non seulement inspirent le dégout, mais aussi la colére. Même sans en être témoin, c'était presque insoutenable de voir l'inertie générale autour ces incestes. C'était l'incompréhension pour moi. Nous n'étions pas protégés. Je souhaitais sa mort, mon grand pére, je le détestais. J'ai rapidement arrêté de penser à  ma grand mère, elle n'était plus là , inutile de pleurer une personne qu'on ne reverra jamais, les souvenirs ont cessé, et j'ai tout oublié presque. Et depuis sa mort, la perte d'un proche en général n'est plus vraiment une surprise. J'ai rapidement compris qu'on était pas destiné à  vivre longtemps dans cette famille. J'ai donc fais avec. Entre temps le pére de mon cousin est décédé à  la suite d'une infection généralisée, il était séropositif, surement une hépatite je pense, ça l'a emporté. C'était l'unique source d'amour parental et le peu d'équilibre de N. Il avait 14ans, un age ou son pére lui était indispensable. Il a changé du tout au tout, s'est laissé aller à  exprimer sa souffrance par la violence. Trés intelligent, il s'est fait renvoyer de tous ses bahuts et rapidement a arrêté définitivement les cours. Depuis l'annonce de la mort de son pére, ce jour dans le salon de ma mére, je l'ai vu contenir ses larmes et n'en sont plus coulées depuis. Sa carapace est devenu si épaisse que même moi sa petite cousine, petite soeur de galére, de coeur, est mise à  l'écart. Il reste mon cousin, il sait que moi je l'aime pour de vrai. C'est ce qui compte en fin de compte. En 2006 mon grand pére est mort d'une crise cardiaque. C'était le début de la fin, l'appartement est devenu un champs de ruines et tous ont sombré. Loyers impayés, factures qui s'entassaient, tapage, dégradations. S'en était trop, et le HLM attendait depuis un moment d'avoir de bonnes raisons de mettre dehors cette famille déviante et gênante. Leurs allocations partaient dans la tease, mon cousin avec sa copine de l'époque remplissaient le frigo avec leur peu de revenus.
Sinon c'était pas la peine de compter manger sans leur aide. Tous ne se cachaient plus, il n'y avait plus de filet de secours. En grandissant des choses sont devenues trop dures à  porter. J'avais 17,18 ans à  cette époque. Je connaissais l'alcool et le H pour y avoir goûté relativement jeune. Et ça n'allait vraiment plus du tout depuis 2 ans, depuis mon entrée au lycée exactement. Je n'allais presque jamais en cours et jamais plus que quelques heures, trop obsessédée par mes démons. J'avais peur, une sorte de phobie sociale et essentiellement scolaire à  cause de mes rapports difficiles avec les autres. Alors je buvais en cours, je volais de des flashs de Rhum au magasin à  100m du lycée et dans une petite bouteille d'eau j'en versais le contenu et le mélangeais avec de l'eau pour éviter que la couleur soit suspecte. Ainsi j'avais ce qui dans ma tête me permettait de tenir en cours. Je n'étais plus moi, l'alcool me procurait un sentiment de sécurité, de paix, de bien être. J'avais toujours été trés introvertie, j'avais peur des autres, leur présence me rendait nerveuse, anxieuse. Alors arrivée au lycée, je ne voulais plus être la même. Je me sentais euphorique, pleine d'assurance, j'étais devenue tête brulée! Et rapidement j'ai fait connaissances avec les membres de ma classe ainsi que leurs potes. J'étais intégré. Mais c'était la guerre avec ma mére, beaucoup de disputes, d'incompréhension et de violence. L'alcool finissait par me rendre agressive, ma mére n'acceptait pas que je boive par conséquent elle était  mon ennemie. C'est pour cette raison que je passais souvent des semaines chez mon pére, je pouvais trainer, sortir, boire. Il me laissait champ libre, entièrement et donc je me détruisais sans le savoir. J'étais des leurs, il n'y avait plus de réelle démarcation entre eux et moi. Alors je passais des semaines là  haut, à  boire et zoner. J'ai perdu ma virginité peu de temps aprés. Mon pére ne faisait jamais attention, et il ne m'a pas empêché de partir avec ordures. Ce jour là  j'étais ivre, mais surtout curieuse, je n'ai pas pensé un seul instant à  ce qu'il allait vraiment se passer. Alors quand ce mec s'est déshabillé et que j'ai compris que c'était le moment; Je n'ai pas dire non. Je n'avais pas envie, mais qu'importe? A aucun moment je n'ai montré que je me sentais mal ou que je ne voulais pas ce qu'il faisait, je voulais juste que ça se termine. Je ne me représentais pas comme un être humain, une personne à  part entiére mais comme un corps et un objet de désir pour les hommes. Alors mon corps ne m'appartenait pas vraiment. Je n'étais pas armée. Les années qui ont suivi j'ai perdu le peu de repéres et de limites que je possédais. Fin 2008, mon pére, ma tante, son fils et tout le petit monde qui s'était installés avec eux ont été expulsé. Et l'été 2009 je suis partie 3 mois

dans une clinique pédopsyhiatrique, Intermed. Un mois avant ma majorité mon père et ma tante sont  définitivement partis de la Haute Savoie. Je n'ai pas dis aurevoir à  mon pére et je ne l'ai revu ni lui ni sa soeur depuis,elle, décédée en septembre 2012 d'une ambolie pulmonaire à  même pas 50ans. Mon pére lui avait intégré une communauté religieuse à  son arrivée dans le Sud et sa soeur était restée plusieurs mois dans un centre d'aide aux toxicomanes, avant de prendre un appartement à  Nimes avec son compagnon. A sa mort, et aprés l'incinération; mon pére s'est rapidement occupé des papiers pour reprendre le logement de celle-ci. Il vit donc actuellement avec l'ex compagnon de ma tante et un ami, selon lui. Au fond, il ne parvient plus depuis longtemps à  assumer quoi que ce soit et encore moins la solitude. Se retrouver face à  soi-même et faire le portrait doit être assez douloureux lorsqu'on a passé sa vie à  fuir. L'alcool n'est qu'un échapatoire, mais il ne résout pas le moins du monde le probléme qui se pose. L'autocritique de mon pére doit faire mal.
Aujourd'hui nous sommes fin 2012, je n'ai pas revu mon pére depuis son départ; 3ans maintenant. J'ai arrêté de boire depuis le 25 janvier de cette année, cela fait 9mois. Je ne m'éstime pas sortie d'affaire, prudence oblige et volonté. Je ne vis plus chez ma mére, j'ai une chambre dans un foyer jeune travailleur depuis le 10 aout, sur Annecy toujours. J ai fêté mes 21ans le 18 octobre. Je ne suis plus scolarisée depuis 2010. Je suis sous traitement psychotrope depuis 6ans. Je rencontre un éducateur et une psychologue une fois par semaine, quand je ne loupe pas leurs rdv. Je suis toujours Eva... Mais tout a tellement changé. J'ai par chance un beau pére, que j'appellerai Eric. Mais ce prénom, dans mon coeur, résonne avec plus de puissance que le mot papa. Et ma mére, c'est souvent difficile de lui parler; mais son amour déplacerait des montagnes. Maman, toujours, restera dans mon coeur et recevra mon respect.

Catégorie : Témoignages - 08 février 2013 à  00:52



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