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Résistance ? 



L’esprit a ses traumas, le cosmos a ses trous-noirs. (surréel)

J’entends les camarades militants-artistes d’extrême-gauche s’écrier que l’époque est la plus abominable qui soit. J’étais d’accord avec eux quand j’étais plus jeune (et aveugle), mais avec le recul et le survol d’un nombre incalculable d’infos et de lectures, de ce que je déchiffre du réel, cette époque est loin, très loin d’être pire que les précédentes. À mon sens le problème est tout autre, ce monde devient « simplement » de plus en plus complexe - techniquement complexe - et de plus en plus dur à appréhender et comprendre - et il est difficile de s’intégrer dans un monde où on ne maitrise plus ses codes. J’ai eu ce flash la nuit dernière qui sonnait comme une sentence qui me glace le sang : « les plus intelligents dominent ce monde, les plus malins arrivent à le contourner, et les plus faibles crèvent dans l’indifférence générale ». Je ne cesse de me rebeller contre ces pensées, c’est une forme d’eugénisme, d’horrible darwinisme social (pauvre Darwin, lui qui serait le premier à se révolter contre cette expression) ça ressemble à ce que disent mes pires ennemis politique, mais à l’inverse d’eux, je ne m’en réjouis pas. C’est un désastre. Mais, vous qui me lisez, ne manquerez pas de me demander : mais quel rapport avec les drogues ? J’y viens. Comme écrit dans mes billets précédents, j’ai décroché par deux cold turkeys aux opioïdes. Je me souviens qu’une soi-disant « addictologue » avait comparé le manque à la méthadone à « une grosse grippe ». Je n’ai même pas besoin d’épiloguer là-dessus. En 2010 j’ai chopé une rougeole, pendant deux semaines au pieu, la peau brulante, le corps couverts de plaques rouges, je gerbais un liquide noirâtre, je faisais dans mon froc etc. ( heu… je vous passe les détails) ET bien le manque à la métha était PIRE que ça. Pire que ça parce que je ne pouvais tout connement pas/plus dormir, le syndrome des jambes sans repos reste gravé en moi comme un trauma : impossible de rester immobile, ni dans une position quelconque, et la fatigue accumulée au bout de cinq jours sans sommeils empêchent de sortir pour se défouler. Pourtant j’ai réussi, oui c’est possible, j’en suis sorti, avec l’appui du subutex etc. Quatre ans plus tard c’est du subutex que je décrochais, et à mon plus grand étonnement, sans les difficultés passées. C’est incompréhensible à la longue, je ne comprends pas comment mon corps fonctionne. Ce jour précis, où je devais aller chercher mon ordo de sub au CSAPA, je me suis dit : « non, cette fois je n’y vais pas. » et les deux semaines qui ont suivi je n’ai pour ainsi dire ressenti quasiment aucun manque, juste des flots et des flots de frissons me parcourant l’échine. Je vous le dis, c’est incompréhensible. Et ce n’est pas le valium qui m’a aidé. Aaah ce foutu valium… (« t’en ai encore plus accro qu’à l’héroïne, on ne te donnera rien » dixit ce film hyper réaliste qu’est trainspotting). La question reste ouverte, comment s’adapter, se réadapter dans un monde inintelligible au possible dans un contexte de souffrance non-stop accumulée depuis dix ans ? Bien sûr que je vais retourner au pôle emploi, me retrouver un job de nettoyeur d’immeubles ou je ne sais quoi. Ils me proposeront surement un énième bilan de compétence et la sentence sera la même : « vous êtes lent parce que votre trop grande réflexion inhibe votre action » (texto en français dans le texte). Je sais qu’il y a dans mon voisinage direct des personnes qui lisent ce que j’écris sur cette plateforme, ce n’est pas de la parano. Et bien sachez que je regrette bien des choses, et que les nuits où j’ai pété les plombs n'étaient du qu’aux descentes et aux décrochages successifs. J’entends à tour de rôle : tu peux être fier de toi. Mais de quoi je devrais être fier ? Y’a pas de quoi être fier quand on a un parcours aussi chaotique, j’erre seul dans la nuit et il n’y a pas de lueur à la sortie du tunnel. Tu crois sortir d’un labyrinthe pour te retrouver ensuite face à un labyrinthe encore plus vaste et insondable. Tous les jours je commence à boire, ça fait plus de deux mois que j’enchaine les pack de bières à bas cout juste pour « compenser » ma peur viscérale du vide. J’ai tenté de faire une postcure à Hauteville dans le Rhône-Alpes (jamais j’aurais du y revenir, j’aurais du rester à Nantes, en Loire-Atlantique, quitte à me faire maint fois casser la gueule par des meutes de paumés racistes et bornés). Ici c’est Lyon, et au nouvel an un homme de mon age s’est jeté dans le Rhône, ce fait d’hiver parmi toutes les horreurs qui arrivent au jour le jour m’a atteint en profondeur. J’ai appris plus tard qu’il était Iranien. Je ne veux pas en savoir plus, je n’ai pas regardé sa vidéo d’adieu, c’est de l’affliction vaine. Tout ça pour dire que j’évolue, au jour le jour, et qu’évolution ne veut certainement pas dire « progression ». L’évolution, c’est le changement. Je stoppe l’écriture ici, sinon ça sera un pavé imbuvable (ce que c’est déjà indéniablement). Nous évoluons oui, mais nous ne voyons aucun progrès. Le futur est un monstre, et je peine à le regarder yeux dans les yeux. Pourtant il le faudra tôt ou tard. Quand les images du passé ressurgissent, je me dis : « sois comme l’eau, sois sans forme, laisse couler »… mais le futur est un torrent impossible à maitriser. Ils/elles disent que l’époque est merdique, pire que les précédentes. C’est faux, évidemment. Sauf pour ce fait qui me parait limpide : nous sommes belle et bien les « derniers hommes » relatés par Nietzsche, et tout ce que je vois/perçois, c’est que nous nous insurgeons de l’être.

Merci à ceux/celles qui m’ont lu…

Enjoy, la vie est belle si on sait la voir avec des yeux nouveaux.


Catégorie : Tranche de vie - 16 janvier 2023 à  14:39

Reputation de ce commentaire
 
Toujours aussi captivant, anxiogène et fascinant. ~My
 
Lu jusqu'au bout. Comme d'habitude. Boots
 
Y a 1 lumière au bout, on ne le sait juste pas avant de l'avoir atteinte... MG ~



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