Un Week end d'enfer !

Catégorie : Tranche de vie
05 octobre 2025 à 05:55

#dérapage #héroïne #introspection
Quand je vous lis sur le forum, je prends conscience à quel point j'ai joué avec le feu, je comprends mieux pourquoi j'ai fait tant d'od... Enfin, bref, à côté de mes pratiques, vous êtes des sortes d'hydrides... Un peu pharmaciens, un peu chimistes et un peu infirmiers, la société évolue, les usagers de drogues aussi et dans le bon sens, la RDR... Wow chapeau bas.

Je vous posterai de temps en temps des chapitres ici j'ai fini de corriger le 7 donc je vous l'offre c'est pour moi, c'est cadeau super pour la suite, faudra patienter...
Merci pour vos retours !

Chapitre 7

C’est Général qui m’extirpe de mon sommeil, comme à son habitude. Après les papouilles d’usage, je me lève et réalise qu’il est déjà quatorze heures !

La soirée me revient en mémoire. C’était juste incroyable. J’ai un peu la migraine et reste un peu nauséeuse, mais sinon ça va. Je regarde mon bras, un petit hématome s’est formé. Je souris.

La descente est moins brutale que je ne le pressentais, l’effet s’est estompé petit à petit et j’ai juste l’impression d’une petite gueule de bois.

J’avale un peu de paracétamol et après un bon café commence à faire un peu de ménage dans l’appartement. Je me fais violence pour trouver assez d’énergie... Je fais les poussières, je range, j'étends mon linge après avoir fait une lessive quand le téléphone sonne.

—    Salut ma belle, tu fais quoi ?

Je reconnais la voix de Cathy.

—    Rien de spécial et toi ?
—    Je compte passer la soirée à Puigcerda, si ça te branche…
—    Je ne sais pas trop…
—    On en parle dans vingt minutes ? Prépare-moi un café ! Je passe chez toi.
Cathy ne me laisse même pas le temps de répondre, elle raccroche le combiné aussi sec. Du grand Cathy !

Je passe un long moment sous la douche puis me sèche en enfilant un peignoir. J’ouvre la fenêtre du salon et fume une cigarette. La dernière du paquet. Incroyable, j’ai fumé plus de la moitié du paquet hier soir !

J’allume la radio et je pars dans la chambre m’habiller. Je retire mon peignoir et me regarde dans la glace. Je me demande bien ce qui a bien pu plaire à Nino, j’ai toujours eu un problème avec mes formes… Trop de poitrine, quelques rondeurs ça et là. Ceux qui disent « il vaut mieux faire envie que pitié » » sont sûrement très minces…

J’arrête là mon examen complètement partial et je m’habille rapidement : un jean délavé, un tee-shirt bleu marine et un pull fin en cachemire bleu pâle, particulièrement doux.

Je fais chauffer un peu d’eau quand Cathy frappe à la porte.

—    Entre ! C’est ouvert !
—    Salut, ça va ?

Cathy a l’air contrariée, je ne comprends pas trop, au vu de son ton, plutôt jovial, tout à l’heure au téléphone…

—    Ça va… dis Cathy.
—    Tu es sûre ?
—    Ben… Oui !
—    Qu' est il arrivé à ta voiture ?
—    Ho ! Ça ? En me garant, j’ai…
—    Rosy, arrête ! m’interrompt-elle. Tu sais, je ne suis pas ta mère ! Tu peux me parler, on est amies ou pas ? T’as peur de quoi ?
—    Hier soir, j’étais à Puigcerda…
—    Oui, je le sais, Rosy, si je suis là, c’est parce qu’Alberto t’a vu au Club avec une fille… Une camée… Et tu n’étais pas en forme d’après lui.
—    Ok… Si tu veux vraiment tout savoir… Je me suis fait un fixe d’héroïne…

Cathy est abasourdie, elle accuse le coup et se retrouve soudain sans aucune répartie. Elle baisse la tête, puis me regarde dans les yeux.

—    Et ?
—    Et rien ! C’était une chouette expérience ! C’est tout ! Fin de l’histoire !
—    Et tu trouves normal de prendre la route complètement défoncée ?
—    Tu dramatises, Cathy, ce n'est pas grave ! Une petite erreur !
—    Une erreur qui aurait pu t’emmener au cimetière !

Je lui fais voir mon paquet de cigarettes vide.

—    Tu peux me dépanner d’une clope ou deux, s’il te plaît ?
—    Tiens, souffle-t-elle en me donnant son paquet.

Je fume devant la fenêtre ouverte. Cathy s’assoit sur un tabouret devant le plan de travail, et me montre le café fumant.

—    Bien sûr, vas-y sers-toi !... Écoutes Cathy, je ne veux pas que tu te fasses du souci pour moi après tout, c’est ma vie, je la mène comme je veux, tu le sais bien depuis le temps ! Allez un petit sourire… S’il te plaît…
—    Non, je ne vais pas te donner ma bénédiction, désolée.
—    T’es pas très cool là… Dis-moi, tu as prévu de voir Alberto ce soir ?
—    Oui, à la base, il m’a appelé pour m’inviter au restaurant.
—    Très bien !
—    Et toi ? Tu as prévu quoi ? Retrouver ta nouvelle copine ?
—    Arrête un peu… Je ne sais pas encore.
—    Tu veux monter à Puigcerda avec moi ?
—    Pour que tu me fasses encore la morale ? Non merci, Cathy. On se verra peut-être là-bas.

Cathy finit de boire son café, me salue sèchement, puis s’en va. Je ne l’ai jamais vu comme ça. Elle exagère vraiment la situation… Même si je suis déçue de sa réaction démesurée, je suis soulagée de ne pas lui avoir menti.

Il devient urgent que je fasse quelques courses, et je décide d’aller directement les faire à Puigcerda, de plus, je serai sur place pour la soirée. Je n’ai encore rien décidé, mais au plus profond de mes tripes, j’ai une envie violente de recommencer.

Je finis de me préparer et descends dans la rue. Je reste interloquée devant l’état de ma voiture. Je suis obligée de tirer la tôle pour ne pas que le pneu soit abîmé en roulant. Il va falloir réparer ça assez vite. Apparemment, hier, j’ai quand même fait fort.

Je commence à rouler et mes pensées défilent, et je repense à ce que j’ai vécu hier. En ce qui concerne le shoot lui-même, je réalise qu’en tant que soignante de métier, je me suis complètement assise sur l’hygiène hier, Yefi n’était pas trop regardante sur le risque infectieux. Si je dois renouveler cette expérience, je le ferai avec mon propre matériel.

Comme hier, arrivée à hauteur de Saillagouse, j’ai une pensée pour Nino. Où doit-il être ? Dans quels bras se love-t-il ? Est-ce qu’il pense encore à moi ?

Très vite, j’arrive à Puigcerda. Je me rends tout de suite au bureau de tabac acheter 2 paquets de Camel et m’empresse d’extraire une cigarette du paquet et la fume aussitôt. C’est drôle cette envie de fumer clope sur clope en ce moment…

Je rentre dans un supermarché où je remplis machinalement quelques courses : quelques conserves, des pâtes, du lait, des œufs, du café, rien de bien réfléchi, juste de quoi remplir mes placards complètement vides. Je règle en vitesse à la caisse, j’ai de la chance, il n’y a pas grand monde. L’hôtesse, charmante, me sourit et me souhaite une bonne fin de journée. J’ai l’intuition qu’elle va être bonne.

Dehors, l’air froid me fait hâter le pas jusqu’à la voiture où j’enfourne tous les sacs dans mon coffre. Lorsque je pars ranger le cadi, Xavier et Lucia me saluent du trottoir d’en face. Ils ont un visage fatigué, mais sont souriants.

—    Rosy ! Holla ! Tu fais des courses ? Lance Lucia en venant vers moi.
—    Ouais, vite fait…

Xavier échange un regard avec elle avant de se pencher vers moi.

—    On va passer à la Marinesca. Y a un type qui revient de Barcelone, il a de la blanche, j’ai cru comprendre avec Yefi que tu serais intéressée pour en acheter ? Tu veux venir avec nous ?

Mon cœur s’emballe. Je referme le coffre d’un geste sec. Ils me prennent un peu de court. C’est vrai que j’ai envie de retenter l’expérience, après tout, ce n’est pas plus mal de connaître le dealer !

—    Ok, je vous suis !

On discute un peu sur le trajet. La santé de Kiko les préoccupe, car il semble extrêmement fatigué. Lucia m’apprend également que la nuit dernière un client a voulu être un peu trop tactile avec elle et qu’il s’est fait éjecter immédiatement du pub, il l’a menacée et elle n’en menait pas large. Le patron l’a escortée jusqu'à chez elle ensuite.

Nous arrivons à la Marinesca. Je pense qu’il n’existe pas deux endroits semblables. C’est un minuscule café traversant : une porte donne sur une rue pavée très étroite et l’autre sur la place du village où se tient le marché du dimanche. L’espace y est si réduit qu’on y compte à peine 4 tabourets alignés devant le bar et trois tables brinquebalantes. Assise à l’une d’elles, une femme corpulente affublée d’un tablier très sale et d'un couteau à la main, ouvre et vide des poulets maigrelets d’un geste assuré, avant de les embrocher un à un et de les glisser dans une rôtissoire, qui embaume la rue côté marché.

—    Hijo, Ven a servir !* crie-t-elle sans nous regarder, en ne quittant pas des yeux la télévision accrochée au mur diffusant un feuilleton.

On ne rentre pas dans un tel endroit par hasard. Le fils de la dame écorcheuse de poulets sort de la cave située sous le sol derrière le bar, il referme la trappe, s’essuie les mains dans un torchon d’un gris plus que douteux et nous sert trois San Miguel*.

Xavier discute avec lui un moment, puis arrive enfin le gars que l’on attendait tous. Il salue la dame puis son fils, demande une bière, puis s’assoit près de Lucia. Ils échangent quelques mots en espagnol. Une fois les présentations faites, courtes et efficaces, il me dit que je peux venir ici, à la Marinesca, si j’ai besoin d’acheter de la poudre.

Il s’appelle Louis. C’est un homme d’une cinquantaine d’années, brun, la peau marquée par de nombreuses petites cicatrices. Avec son allure massive et ses épaules carrées, il impose un certain respect.

La transaction se fait simplement au nez et à la vue de la « mama » et de son fils. Ils s’en fichent royalement, je dirais même que cela m’étonnerait qu’ils ne soient pas étrangers à tout ce petit trafic. J’achète 2 doses.

Les enveloppes sont tellement petites que je ne sais même pas où les mettre. Je dois sembler gauche, alors Lucia prend mon paquet de Camel, retire le blister délicatement, plaque les doses au fond avant de le replacer. Le tour est joué. Je la remercie.

Louis nous met en garde quant à la qualité, apparemment la poudre ne serait que très peu coupée, du coup, il nous demande de faire attention au dosage. Puis il s’éclipse. Je salue Lucia et Pablo qui partent travailler.

Je me retrouve seule, face à la réalité toute crue. J’ai de quoi revivre à nouveau un truc de fou dans ma poche… Est-ce que je cherche seulement à revivre une expérience, à repousser encore plus loin mes limites, ou bien est-ce que je suis déjà tombée dans quelque chose de plus profond ?

En tout cas, c’est fait. Je ne suis plus seulement celle qui pensait à l’héroïne, je suis celle qui l’a demandée, qui l’a achetée et qui va se l’injecter. J’ai franchi une étape.

Je reste là, immobile, avec cette étrange sensation d’avoir sauté dans le vide. C’est terriblement excitant et terriblement effrayant en même temps. Dans ma tête, Cathy me répète : tu joues avec le feu, Rosy. Mais l’envie est plus forte.

Je ne veux pas réfléchir davantage comme si les réponses à mes questions étaient évidentes. Il est plus de dix-neuf heures et je presse le pas pour arriver à la pharmacie pour acheter une seringue à insuline avant la fermeture.

Je pousse la porte vitrée. Il n’y a que la pharmacienne au comptoir. Je m’avance, elle me regarde, je toussote pour me donner une contenance. Je n’ai pas du tout l’allure d’une junky, mais lorsque je commence à parler, son regard change immédiatement.

—    Holla… Je… Je voudrais deux seringues d’insuline.

Je détecte dans son regard un mélange de surprise et de suspicion, mais elle finit par ouvrir un tiroir, en sort les seringues emballées individuellement et les pose sur le comptoir.

—    Eso ?*
—    Si gracias*

Je paie, les récupère puis les enfouis dans mon sac. Elle regarde, soudain pleine de compassion et me dit :

—    Tenga cuidado, senorita !*

Je me sens minuscule, épiée, presque honteuse. Je tourne très vite les talons et sors de la pharmacie, mal à l’aise. Je m’achète une bouteille d’eau dans une petite épicerie et je m’installe dans un bar à tapas et commande un café.

Dans ce café plein à craquer, j’ai l’impression d’être seule au monde. Les voix autour de moi ne sont qu’un bruit de fond, un brouillard de mots qui ne m’atteint pas. Ma seule pensée, fixe, obsédante, est ce goût d’éther que je n’ai pas encore en bouche, cette chaleur si douce que je n’ai pas encore en moi, ce flash, cette extase qui n’explose pas encore tous mes sens. Ces nouvelles doses, au fond de mon paquet de cigarette soudain pèsent plus lourd que tout le reste.

Hier, j’ai regardé Yefi préparer l’injection, j’ai enregistré chaque geste, je suis sûre que je peux y arriver. Ce n’est pas sorcier ! Pas besoin d’aide. Pas cette fois. En y pensant, une brève montée d’adrénaline me traverse l’échine…

J’allume une cigarette, laisse mon café déjà froid, et je m’empare subtilement de la cuillère que je fourre dans mon sac. Me voilà parée. Je me lève. Je sors quelques pièces de ma poche et les laisse tomber sur la table. Je pousse la porte. La nuit commence à tomber.

Je retrouve la voiture sur le parking de la supérette. Je démarre et me mets en quête d’un endroit tranquille, à l’abri des regards. J’explore plusieurs chemins jusqu’à ce que je trouve le coin parfait. Je gare la voiture dans le sens du retour pour prévenir une manœuvre compliquée à faire une fois défoncée.

Pendant un moment, je reste simplement contemplative. Devant moi, des prés vallonnés sont délimités par des bosquets de noisetiers aux branches dénudées sur lesquelles quelques oiseaux piaillent. Au-delà, les montagnes dressent leur silhouette massive. Je distingue à peine leur crête saupoudrée d’un peu de neige fraîchement tombée. Mes yeux scrutent le chemin, j’attends. Une voiture, un promeneur avec son chien… Rien. Seul le vent léger fait frissonner les herbes sèches. C’est le moment. Je devrais être tranquille.

Je réunis tout le matériel. Mes doigts tremblent légèrement et mon cœur bat un peu trop fort, témoin d’un mélange d’impatience et de vertige. Je souffle lentement, me rassure… Ça va aller…

Je retire deux cigarettes de mon paquet, en garde une de côté pour fumer peut-être après et casse le filtre de la deuxième pour en retirer un peu de ouate qui doit faire office de filtre pour le mélange. Je déploie adroitement la minuscule enveloppe contenant la poudre et verse la moitié de la dose dans la cuillère avant de refermer le papier. Enfin, je sors la seringue de son emballage stérile et retire un peu d’eau avec. J’ai presque terminé ! Je verse l’eau dans la cuillère et touille un peu avec le bouchon de l’aiguille. La poudre se dissout instantanément en chauffant à peine avec mon briquet. Je place l’aiguille sur le filtre et aspire tout le liquide, j’appuie même dessus avec mon doigt pour ne rien gâcher, seule petite entorse avec l’asepsie pour aujourd’hui.

Je suis de plus en plus excitée. Je range tout le matériel et mets une cassette de « Dire strait » pour m’accompagner dans mon voyage. J’entrouvre les deux fenêtres pour faire un petit courant d’air frais.

Je galère pour me faire un garrot, n’ayant pas de ceinture, j’utilise une écharpe, ce n’est pas top, mais j’y arrive. Fiévreuse, j’enfonce l’aiguille dans la veine, là même où m’a piquée Yefi hier, je n’ai pas mal, je retire un peu le piston pour vérifier si je suis bien dans la veine, un filet de sang afflue dans la seringue, tout est parfait. J’appuie, le délicieux poison remonte dans mes veines. 

L’onde de choc, d’abord dans mon crâne puis dans tout le corps, le big bang. Concomitante à la montée, j’ai cette odeur d’éther dans le nez, je suis à deux doigts de vomir et puis une seconde vague, un flash, violent, me coupe pratiquement le souffle, je me raccroche à mes expirations, mes inspirations, il se répand dans tout mon corps.

Je ne contrôle plus rien, je pense que la seringue est toujours enfoncée dans mon bras, mais je n’ai pas la force d’ouvrir les yeux. Une chaleur me caresse, m’enveloppe, me rassure presque. J’ai juste envie de laisser mon corps en veille et de profiter de l’instant présent. Je sens ma tête glisser lentement puis heurter la vitre… Puis… Le black out.

J’émerge, je regarde autour de moi, tout est calme. Mon écharpe serre toujours mon bras, gonflant mes veines bleuâtres. Une douleur aiguë, précise, dans le creux de mon bras gauche, la seringue ! Je la retire. Un léger filet de sang coule jusqu’à mon poignet.

Alors que je cherche un mouchoir pour l’essuyer, je suis prise de nausées violentes. J’ai à peine le temps d’ouvrir la porte.
Je bascule littéralement vers l’extérieur, pliée en deux, je m’agrippe à la portière. Je vomis. Mon corps est secoué par des spasmes incontrôlables, chaque contraction me vide un peu plus. Des larmes coulent, j’ai le souffle court et puis je me calme, mon corps s’apaise et cet épisode laisse place au bien-être le plus total.

La cassette s’est tue. Je suis donc resté inconsciente une bonne demi-heure. Je reste longtemps tranquille, sans aucune pensée parasite, dans la contemplation. Des étincelles s’allument au fond de moi qui me traversent et m’animent. Je me sens poussée par quelque chose qui me dépasse, de bien plus grand que moi. J’écoute la radio qui passe Neil Young « The needle and the damage done »


I have made very big decision
J'ai pris une très grande décision
I'm goin' to try to nullify my life
Je vais essayer d'anihiler ma vie
'Cause when the blood begins to flow
Car quand le sang commence à circuler
When it shoots up the dropper's neck
Quand il jaillit dans le tuyau de la seringue
When I'm closing in on death
Quand je flirte avec la mort

You can't help me not you guys
Vous ne pouvez pas m'aider, pas vous les gars
All you sweet girls with all your sweet talk
Vous toutes les gentilles filles avec vos douces paroles
You can all go take a walk
Vous pouvez tous laisser tomber
And I guess I just don't know
Et je suppose que je ne sais simplement pas
And I guess I just don't know
Et je suppose que je ne sais simplement pas

Je reste éveillée un moment, puis je pique du nez, mes yeux se ferment, je me sens glisser doucement dans un état de semi-conscience où rien ne paraît réel et où surtout plus rien n’a d’importance. J’alterne ces états pendant plus de deux heures… Incroyable, effectivement, j’ai bien fait de ne pas prendre la dose entière, la moitié, c’était même largement trop pour un deuxième shoot.

Il faut que je me fasse violence, et, pour m’ancrer un peu à la réalité, je sors de la voiture, allume une cigarette et fais quelques pas.

Je décide de bouger. Je vérifie que rien ne traîne dans la voiture et démarre. Je roule doucement vers Puigcerda et me gare sans encombre près du lac sans passer par le centre-ville pour éviter toute complication.
Je marche jusqu’au club 32. À l’angle de la rue, je reconnais Kiko au loin qui me fait signe de venir. Je suis contente de le revoir. Il semble en forme malgré ses joues creusées. Il me fixe et me dit :

—    Hola ! Wow Rosy… Tes yeux… Elle était bonne ? J’ai parlé à Louis, il m’a dit que Lucia et Xavier t’avaient présenté… J’ai l’impression que tu vas un peu vite, non ?
—    Mais non…
—    Tu t’es piqué toute seule ?
—    Oui

Il tique en hochant la tête…

—    Pas bien ça… Tu sais, tu peux venir à la maison, en principe y a toujours quelqu’un.
—    C’est gentil, merci.
—    A quelle heure finie Yefi aujourd’hui ?
—    A une heure, je crois.
—    Dis-lui qu’elle passe au club si elle a envie ?
—    Là, je vais m’affaler sur une banquette, j’ai envie d’écouter de la bonne musique.
—    Je comprends, tu m’étonnes… On se verra peut-être plus tard !
—    Sûrement, oui, à plus

Je rentre au club 32, il est encore un peu tôt et il n’y a pas grand monde. J’en profite pour prendre un verre. Paco me dévisage.

—    Toute seule ce soir ?
—    Oui, tu vois !
—    Je te sers quoi ?
—    Sers-moi un coca s’il te plaît !
—    Wow t’es bien raisonnable, dis donc !

Il me regarde en souriant tout en décapsulant la bouteille.

—    Comment on dit déjà en français…Ha oui ! Tu files du mauvais coton !
—    Mais qu’est-ce que tu racontes !

Je paie, prends la bouteille puis je vais me caler dans une des banquettes du fond. Je bois quelques gorgées, je cale ma nuque contre l’épais dossier et ferme les yeux. La musique et moi ne faisons qu’un. Je me sens extrêmement bien. Mon âme fait un petit vol stationnaire.

Quand soudain, je sens que quelqu'un me touche l’épaule… J’ouvre les yeux… Cathy et Alberto, leur regard braqué sur moi comme des phares ! Je leur fais signe de s’asseoir.

—    Rosy, t’as pas l’air bien du tout là…

Je ne me sens pas du tout le courage d’assumer une conversation avec Cathy ni avec qui que ce soit d’autre d’ailleurs. Je me recale donc confortablement sur la banquette, allume une cigarette et fume tranquillement en fixant les éclats de lumière qui se fracassent contre les murs du club. Ils me fascinent… Ils m’hypnotisent…

Cathy parle sans arrêt, sa voix couvre à peine la musique. Je sens déjà qu’elle me saoule. De temps en temps, elle crie un peu plus fort et je comprends quelques bribes.

—    ….à te laisser te détruire !... Tu pars comment ?... conduire ! …

Au moment précis où j’arrive à saturation, Yefi pointe le bout de son nez. Ma copine de défonce a le sourire dès qu’elle me voit. Je me pousse un peu et lui fais une place sur la banquette. Cathy continue à baragouiner des trucs. Yefi comprend vite la situation et me propose de bouger. J’adhère complètement à l’idée, nous nous levons.

J’essaie de faire un signe de la main à Cathy pour lui dire de laisser tomber et au revoir en même temps. Vu son air interloqué, je ne suis pas sûre qu’elle ait compris mon intention.

Yefi me propose de rentrer chez Kiko. J’accepte volontiers. Je ne me sens pas du tout le courage de conduire.

Il est quelque chose comme 2 heures du matin et personne ne dort. Les joints tournent quasiment en continu. Il faut dire que le shit ne me fait plus du tout le même effet, il est vraiment très atténué. Je n’ai pas non plus envie de boire d’alcool, c’est très bizarre. J’ai très soif et je me contente d’eau ou de coca. Je bois beaucoup.

Nous nous contentons d’être ensemble. Je me sens bien ici. Lucia et Xavier se préparent un fixe et partent dans leur chambre. Ils viennent m’embrasser comme si je faisais partie intégrante de la maison. Je suis très touchée au plus profond de mon être. Je crois que l’héroïne me rend hypersensible et je me surprends à pleurer. Lucia voit mes larmes, elle me sourit et m’embrasse à nouveau…

—    Eh ben ma belle ! Tranquille, c’est cool…

Je ne sais pas trop si ce sont eux qui me font de la peine ou si je pleure sur mon sort, mais cette mélancolie me passe rapidement et je retrouve ma zénitude.

Yefi revient de la cuisine avec un plateau, garni de pain aillé à la tomate et quelques morceaux de jambon de pays, elle a aussi coupé des pommes en deux et lavé quelques grains de raisin. Elle le pose sur la table basse et appelle Kiko qui vient s’installer sur le canapé avec nous. Il grignote sans grand appétit. Yefi me motive pour que je mange un peu.

—    Rosy, vas-y, sers-toi si ça te tente.
—    Merci Yefi, merci beaucoup

Je pique du pain et du jambon, c’est vrai que ça passe plutôt bien.

—    J’ai vu ta voiture, elle est bien abîmée ! C’est cette nuit que tu as fait ça ? remarques Yefi.
—    Oui. Je me suis assoupie, je crois.
—    Kiko est moi on aimerai que tu restes dormir là ce soir, tu sais la maison est grande et il y a de la place !
—    C’est super gentil, vraiment, je veux bien, oui.

Yefi me propose de dormir à l’étage dans une chambre libre.

La nuit et la journée de dimanche passent à une allure folle. Il faut dire que je me fais un shoot juste avant de dormir et que le lendemain, je remets ça. Mes souvenirs restent très flous, je commence à émerger en fin d'après-midi dans le brouillard le plus total.

Tous sont partis bosser sauf Kiko qui arpentera les rues pour vendre quelques barrettes de shit dans quelques heures. Je prends une douche, remets mes habits de la veille qui sentent le tabac froid.

J’ai très mal à la tête et la nausée m’empêche d’avaler quoi que ce soit, même pas le café que me propose Kiko. Nous discutons quelques minutes, il me rappelle que je suis ici chez moi et que je reviens quand je veux. Il est temps pour moi de partir.

J’embrasse Kiko, qui resserre son étreinte sur moi un peu trop longtemps, un peu trop pressant. Je suis surprise et mal à l'aise par cette tendresse soudaine. Je me dégage doucement, sans trop oser croiser son regard, consciente qu’il attend peut-être quelque chose que je suis incapable de lui donner.

Reputation de ce commentaire
 
Bien écrit avec une sacrée histoire !

Commentaires
Beau moment de lecture ! Merci !


a écrit

Beau moment de lecture ! Merci !

Merci !


#3
Jehol
Psycho junior 
06 octobre 2025 à 14:02
Salut,

j'ai lu aussi, merci à toi de nous faire vivre un petit morceau de ta vie !


#4
Bandy pikdublazz
Poussières d'étoiles France
08 octobre 2025 à 08:07
Salut,marycora.,
J'ai lu et relu ton très beau récit.
J'ai très envie de lire la suite de ton histoire!!
Le sujet m'intéresse, apparament,on à la même passion.,et les récits d'histoires vraies sont mes préférés..
Tu déroule si bien ton vécu,je me sent à tes côtés quand tu décris ce qui c'est passé ds ta vie.
c'est si facile et plaisant de te lire.Et j'ai l'impression que plus c'est facile à lire, plus il y à de travail d'écriture derrière..
Merci de nous faire partager ta vie, c'est captivant !
À bientôt..


#5
Pog
Nouveau membre France
08 octobre 2025 à 09:00
Superbe plume !


Merci pour le partage de ton histoire !
Ça me rappelle fort les sensations des premières fois à la came, à la fois ces douces vagues de chaleur ouaté et les réactions entendues de ceux qui les connaissent et les autres qui sur réagissent !

Cependant, je n'ai jamais pensé à définir la came comme un poison (même si tout est poison, mais bref), ni comme quelque chose d'obscure ou "destiné à finir mal"

Après oui, là où nos expériences divergent c'est que ma tolérance a augmenté petit à petit, j'ai commencé par des petites traces que me provocaient les mêmes effets que tu décris (peut être en un peu moins violent, ce n'est pas le rush que je cherche mais l'enveloppement).

Mais à chaque fois que je monte les escaliers taguées pour aller chez le dealeur, je pense à cette sensation avant de choper, une euphorie tendue étrange, je pense à Giulia* (non de fantaisie), croisé un début de nuit de mars dans une ville aux cotes méditerranéennes de l'autre coté de la mer, une autre île et une autre ville, Palerme, aux sous toits, les allers retours au quartier, le dealeur en peignoir, les ruelles du Portugal, les appartenant de Dijon, les tours du 93, les dessous des ponts et les attentes dans la voiture le long de la rivière dans la campagne, les maisonnettes aux hortensia de Bretagne, les briques des murets de Lille...

Je garde chaque instant d'avant et après avoir chopé comme des moments un peu magiques, un bouton capable de peindre une autre réalité en emoussant les angles froids de la réalité sans opiacés...
C'est incroyable comme chaque fois, chaque miette de caillou vinaigré ou poussière a l'ether composent une mosaïque que je ne suis pas prête d'oublier, malgré les centaines (voire milliers ?) de gestes répétés, à craquer une carte pour une trace ou mélanger la blanche (jaune parfois) dans une cups, faire avec les moyens du bord, les regard des pharmaciens et les colis envoyés où les pompes sont aiguisées sur les boites d'allumettes et vendues dans la rue...

Tu parles de chapitres... T'as d'autres épisodes ?
J'espère que tu as pu garder ces instants réconfortant sans te confronter au manque...


Myozotis a écrit

Beau moment de lecture ! Merci !

Merci !


a écrit

j'ai lu aussi, merci à toi de nous faire vivre un petit morceau de ta vie !

Merci !


a écrit

Salut,marycora.,
J'ai lu et relu ton très beau récit.
J'ai très envie de lire la suite de ton histoire!!
Le sujet m'intéresse, apparament,on à la même passion.,et les récits d'histoires vraies sont mes préférés..
Tu déroule si bien ton vécu,je me sent à tes côtés quand tu décris ce qui c'est passé ds ta vie.
c'est si facile et plaisant de te lire.Et j'ai l'impression que plus c'est facile à lire, plus il y à de travail d'écriture derrière..
Merci de nous faire partager ta vie, c'est captivant !
À bientôt..

Merci beaucoup, c'est très gentil ! Les retours sont intéressants et me motivent !


#10
marycora
Nouveau Psycho France
08 octobre 2025 à 22:24

a écrit

Superbe plume !

Houla carrément ! Merci beaucoup


#11
marycora
Nouveau Psycho France
08 octobre 2025 à 22:38

a écrit

Mais à chaque fois que je monte les escaliers taguées pour aller chez le dealeur, je pense à cette sensation avant de choper, une euphorie tendue étrange, je pense à Giulia* (non de fantaisie), croisé un début de nuit de mars dans une ville aux cotes méditerranéennes de l'autre coté de la mer, une autre île et une autre ville, Palerme, aux sous toits, les allers retours au quartier, le dealeur en peignoir, les ruelles du Portugal, les appartenant de Dijon, les tours du 93, les dessous des ponts et les attentes dans la voiture le long de la rivière dans la campagne, les maisonnettes aux hortensia de Bretagne, les briques des murets de Lille...

Merci beaucoup pour ton retour, c'est important pour moi et ma motivation !

Pour ce qui est de ce que tu racontes, tes allées et venues dans des fours plus ou moins glauquent, des coins de deals etc je n'ai jamais connu ça. Et pour cause j'avais vraiment la came qui venait presque à moi et surtout toujours au même endroit. Puigcerda existe vraiment et c'était vraiment le paradis sur terre... Aujourd'hui quand j'y vais j'ai envie de pleurer, ils ont démolis le club 32, le refuge existe encore mais le proprio a changé, mais surtout la population n'est plus la même du tout. C'est envahi de touristes et c'est hyper hyper clean, bobos écolos, enfin tu vois le genre...

J'ai toujours touché de l'excellente héroïne parfois un peu de C pour un speed qui décoiffait bien. J'ai toujours eu le flash avec mes IV bien sûr j'augmentai les doses mais bon, je ne suis jamais restée sur ma faim. Je n'ai que d'excellents souvenirs même les galères ou les trucs chelous qui forcement arrivent toujours quand on est la tête dans le guidon... J'ai mal fini quand même puisque j'ai chopé le VIH (je spoile grave là !)

J'ai quand même fait 4 od dont une m'a menée en réa 2 jours, je suis pas passé loin, j'ai mon pot qui est mort la même nuit. J'ai eu la chance de me piquer dans les toilettes du Club...

Et oui, pour répondre à ta question j'ai écris le 9 ème épisode aujoud'hui mais je pense pas les partager ici, je sais pas, si ça a vraiment sa place... Je me tâte où alors en privé, je sais pas encore

wow... le pavé ! Je suis en forme ! lol


#12
Bandy pikdublazz
Poussières d'étoiles France
09 octobre 2025 à 07:14
Et oui, pour répondre à ta question j'ai écris le 9 ème épisode aujoud'hui mais je pense pas les partager ici, je sais pas, si ça a vraiment sa place... Je me tâte où alors en privé, je sais pas encore

Marycora, j'espère que tu vas continuer à nous faire partager ton histoire!!
Pourquoi pense tu que tes écrits n'ont pas leur place ici?
C'est Ton blog,et tu peux écrire ce que tu veux,sur n'importe quel sujet..
À moins que ce soit trop personnel et que tu n'aies pas envie de nous faire partager la suite., où le début..
Mais si tu en à envie,fonce,!!
Tu à l'air d'être une personne qui à vécu pas mal d'expériences,et qui en à.
je trouve super intéressant que tu nous fasses partager ton vécu !!
Les personnes que tu à côtoyés,le sujet,et surtout l'époque, c'est très instructif..
J'aimerais en savoir plus,si tu peux..
À bientôt !
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Les récits biographies sont une force! Myoz


#13
marycora
Nouveau Psycho France
09 octobre 2025 à 13:20

a écrit

C'est Ton blog,et tu peux écrire ce que tu veux,sur n'importe quel sujet..
À moins que ce soit trop personnel et que tu n'aies pas envie de nous faire partager la suite., où le début..

Merci pour le champi !
Je viens de poster le chapitre 9 car j'ai besoin de vos avis pour voir si un changement brusque de rythme et du coup de temps (imparfait) pour cadrer les dérives et mieux les comprendre seraient bien acceptées...
Bonne lecture

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