Chapitre 12
Je gare ma voiture devant la Marinesca. J’ai quelques minutes d’avance. Je suis fébrile, prête à faire marche arrière. Je me convaincs que c’est une bonne idée : avec autant d’héroïne, je pourrais anticiper, vendre quelques doses et couvrir mes frais.
J’ai passé une nuit agitée, mais j’ai pu me reposer ce matin. J’aurais bien aimé un shoot léger pour rester en forme, mais je n’ai plus de poudre.
J’aperçois Louis et ses deux acolytes. Ils s’approchent, me saluent, puis montent dans la voiture. Louis fait rapidement les présentations.
José Luis, la quarantaine, d’allure sportive, a un air plutôt sympathique. Une barbe poivre et sel parfaitement taillée, des yeux clairs et un petit anneau à une oreille lui donnent un air de baroudeur. Miguel, au premier abord, m’inspire moins confiance. Son visage juvénile et imberbe trahit son jeune âge. Des yeux marron foncé lui confèrent un regard sombre et il semble empreint d’une certaine nervosité.
Louis me briefe sur l’itinéraire. J’ai fait le plein avant de partir, mais il demande à José Luis et à Miguel de participer aux frais et glisse quelques billets dans la boîte à gants. Je démarre. Les dés sont jetés, désormais, aucun retour possible.
Louis, malgré son français hésitant, engage la conversation. Nous parvenons à nous comprendre. Il m’explique que Jordi, son contact à Barcelone, n’est pas très bavard, plutôt impressionnant mais réglo. Il suggère de s’occuper entièrement du deal. À ce stade, je ne peux que lui faire confiance.
Nous ne faisons aucune pause. Après trois heures de trajet, nous arrivons enfin dans la banlieue de Barcelone. Le ballet des taxis noirs et jaunes et la circulation me donnent le tournis, mais les conseils de Louis et sa voix apaisante me sont d’un grand secours.
Nous passons devant l’immense Sagrada Família, puis apercevons la Rambla près du port. Enfin, nous rejoignons El Raval, sûrement l’un des pires quartiers de Barcelone. J’ai plutôt bien géré la route jusque-là. Louis précise qu’ici, les rues appartiennent aux trafiquants et aux prostituées.
L’angoisse monte. La voiture se faufile entre des immeubles vétustes, si proches que le soleil y pénètre à peine. Dans cette semi-obscurité les façades suintent la misère. Louis me demande de me garer sur le trottoir, je m’exécute.
Il me suggère de lui donner l’argent que j’ai dans mon sac pour des raisons évidentes de sécurité, ce que je fais sans même protester. Lorsqu’il soulève son blouson, je vois une arme à feu à sa ceinture.
— Louis ? En serio ? Lo necesitas ? (Vraiment ? t’en a besoin ?)
— No te preocupes (t’inquiètes pas) Rosy ! me chuchote-t-il en levant la main comme pour balayer mes doutes.
J’étais tranquille jusque-là. S’il est armé, c’est que les risques sont réels. C’est la seconde fois que je vois une arme de si près, et c’est déjà trop.
Il descend et me fait signe de me garer plus près du mur. Je sors côté passager. Les passagers à l'arrière font de même. Ils ont à peine parlé durant le trajet. Miguel a dormi, José Luis a fumé quasiment sans arrêt.
— Esta ahi. (c’est ici) dit Louis. Soy y quien habla (c’est moi qui parle). Si ?
Nous approuvons d’un même élan et le suivons. Ici, on joue dans la cour des grands. Les habitations se ressemblent, elles ont toutes la même couleur triste et délavée. Il s’arrête devant l’une d’elles, pousse une porte en bois vermoulu plus ou moins dégondée. Un couloir d’une bonne dizaine de mètres mène à une petite cour.
Les murs intérieurs sont fraîchement repeints en blanc, je remarque un soleil en céramique accroché au mur, seule fantaisie dans cet univers glauque. L’odeur de peinture est entêtante.
Un homme est assis, une
cigarette à la main. Il a une carrure imposante et le crâne rasé. Il nous regarde un à un et s’adresse à Louis en espagnol. Je comprends quelques bribes et en conclus qu’on est attendu. Il nous fait signe d’entrer. L’homme reste tranquillement assis dans la cour.
Nous entrons dans un appartement. Louis appelle Jordi depuis l’entrée, quand une femme, un bébé dans les bras, sort d’une pièce sans bruit, tel un fantôme. Sans aucun mot, elle nous fait signe d’entrer dans ce que je pense être un salon.
Elle nous fait asseoir. Je regarde le bébé, on dirait une poupée de chiffon. Il est muet, amorphe et garde les yeux dans le vide. Prise aux tripes, je sens un gros malaise. La femme a le regard fuyant ; elle est décharnée et a l’air complètement défoncée.
La pièce est assez grande et plutôt sombre, seul l’éclat ténu d’une ampoule nue au plafond l’éclaire. Un vieux bouledogue français ronfle, étalé sur un grand canapé en cuir marron tout craquelé. Nous n’avons pas l’air de le déranger. Le sol est recouvert de plusieurs couches de tapis usés aux motifs orientaux. Dans un coin, un vieux ficus déplumé cherche la lumière qui doit rarement percer à travers la seule fenêtre à persiennes de la pièce. Plusieurs fauteuils dépareillés, une grande table et quatre chaises complètent ce tableau pittoresque.
Jordi arrive enfin dans la pièce. Il hurle — Fuera ! (Dehors !) — En donnant un coup de pied au chien qui s’enfuit en couinant. Il serre la main à Louis et à ses copains. Arrivé à ma hauteur, il me déshabille littéralement du regard et finit par me sourire avant de se tourner vers Louis :
— Es este mi regalo ? (c’est mon cadeau ?)
— No empieces hombre.(ne commence pas mec) répond Louis d’un ton ferme. Respeta a tus clientes (respecte tes clients).
Jordi s’assoit sur un fauteuil en répétant comme un mantra — respeta a tus clientes, respeta a tus clientes —. Il a tout de la caricature de la brute épaisse qui tape sur tout ce qui bouge et réfléchit ensuite.
Il allume un
joint qu’il retire de sa poche. Il l’allume, tire trois tafs, puis le fait tourner…
Je commence à transpirer et à me sentir de plus en plus patraque. Le
joint n’arrange rien. J’ai l’impression que l’odeur de peinture a maintenant envahi toute la pièce. José Luis me demande si tout va bien. Je lui fais signe discrètement que j’ai juste besoin de dégager de là.
Louis et Jordi ont une conversation animée. Le ton monte de plus en plus. Jordi sort soudain de la pièce en râlant. Louis se tourne vers moi.
— Todo esta bien (tout va bien).
Jordi revient avec deux sacs en plastique qu’il pose sur la table. Il sort un sachet d’héroïne de l’un des deux, le brandit devant moi et nous demande qui veut y goûter avant d’acheter. Miguel s’avance. Je pense à ce que m’a dit Kiko mais si je me shoote maintenant j’irai tellement mieux. Juste un petit shoot. Rapide. Avant de partir.
Je sors mon matériel de mon sac, Louis me fait les gros yeux. Je donne la cuillère à la brute épaisse, qui me la rend garnie. Je prépare mon mélange. Miguel fait de même avec une seringue que Jordi lui prête. Je m’installe au fond d’un fauteuil et essaie de faire abstraction de la situation, je place mon garrot.
Je plante l’aiguille dans une veine du creux de mon coude sans une seule hésitation. Je tire un peu, le sang afflue, j’envoie la moitié, on va voir… J’attends quelques secondes, je ne ressens pas grand-chose, je taquine encore un peu… et puis l’onde de choc… d’abord au loin, puis de plus en plus précise… une impression de bingbang au niveau du front… La pièce tourne, tourne encore… Putain de belle montée… cette chaleur... Mes yeux se ferment… J’ai la nausée et du mal à respirer… je suis dans du coton… les bruits et les voix s’éloignent… le silence…
J’ai du mal à émerger. J’ai l’impression d’être bercé par un train qui file à toute allure, j’entends un vague ronronnement… Ma tête semble calée contre la vitre froide du wagon…
J’entends la voix de Louis, non, ce n’est pas le bruit d’un train… Je me force à ouvrir les yeux. Je suis… dans la voiture ?! Pendant cinq minutes, je panique complètement. Qu’est-ce qui s’est passé ? Louis conduis ma voiture ? On est déjà à Berga ? On roule depuis plus de deux heures ?
Alerté par mon réveil agité, Il bifurque dans un petit chemin qui entre dans une forêt, puis s’arrête. Louis ne dit rien ; il garde les mains sur le volant quelques secondes avant de couper le contact. Miguel et José Luis échangent un regard rapide, presque complice. On descend tous de voiture. Mon cœur bat trop fort. J’essaie de comprendre.
— Rosy, no te preocupes, no te paso nada malo. (rosy, tranquille, il ne t'est rien arrivé de mal)
— Yo tambien tuve un desmayo… (moi aussi j’ai fait un
blackout) renchérit Miguel.
Il faut que je me calme. Finalement, tout le monde a l’air bienveillant. Si je dois en vouloir à quelqu’un, c’est bien à moi. Je me suis mise en danger, une fois de plus… J’ai fait n’importe quoi.
Louis m’explique en détail ce qui s’est passé. Après notre shoot, Miguel et moi avons eu un malaise, mais la femme de Jordi s’est occupée de nous. Miguel a vite récupéré. Pour moi, cela a été plus compliqué. Elle m’a injecté du Narcan et m’a surveillé jusqu’à ce que je respire normalement. Il est toujours resté près de moi. Puis j’ai pu marcher, avec de l’aide, jusqu’à la voiture, et il a pris les choses en main.
Wow, du Narcan… Je devais être vraiment mal. Mais c’est un produit disponible uniquement dans les services d’urgence… Louis me dit qu’ils ont un bon petit stock de médicaments qu’ils ont piqué dans une ambulance qui s’était aventurée dans le quartier. C’est juste extraordinaire. J’ai encore eu beaucoup de chance.
Quant au deal, Louis m’assure que tout le monde a été bien servi et que j’ai bien reçu mes 50 grammes d’héroïne. Il a même pu négocier le prix à la baisse.
Rassurée, je retrouve mes esprits.
Je reprends le volant. Nous ne nous attardons pas davantage sur ce chemin ; il faut rentrer le plus vite possible, sans se faire remarquer.
La nuit est tombée. La route est déserte et, jusqu’à Puigcerda, ce ne sont que des virages et de belles montées. Louis rompt le silence.
— Quieres vender ? (tu veux vendre ?)
— Si, seguro, un poco (oui, sûrement, un peu)
— In francia ? (en France ?)
Je lui explique que je n’ai aucune possibilité de vendre en France, n’ayant aucun contact. Il m’assure que, même si je vends en Espagne, nous ne serons pas trop de deux pour répondre à la demande. Il me suggère de venir demain matin chercher des produits de
coupe et me montrer comment les utiliser. J’acquiesce, cela ne m’engage à rien.
La fin du trajet jusqu’à Puigcerdà se déroule sans encombre. Je dépose José Luis et Miguel devant la gare. Puis Louis me propose de boire un verre à La Marinesca, mais je ne suis pas tranquille avec tant de matos sur moi. Je décline son invitation et rentre directement à l’hôtel.
Dès que j’arrive dans la chambre, je m’étale sur le lit, je ferme les yeux et débriefe rapidement cette folle après-midi. C’était juste dingue. J’ai réussi, je ne devrais plus me préoccuper de savoir si oui ou non j’aurai assez de poudre pendant un bon bout de temps. Je me sens heureuse et détendue.
Je file me doucher. Il n'est pas loin de 21 heures. Je vais aller chez Kiko comme promis.
J’ai envie d’un peu de coquetterie ce soir. J’enfile un jean noir ajusté, un haut de tailleur à fines rayures noires et blanches, un foulard de soie doré noué en nœud de cravate qui souligne la sobriété de ma tenue, des bottines fourrées et mon manteau mi-long de laine noir. Je me maquille même un peu : un petit trait noir sous mes yeux, un léger fond de teint relevé par une touche de fard à joues, un peu de parfum indispensable pour me sentir femme. Me voilà métamorphosée, prête à affronter le monde de la nuit.
Même si ce n’est pas très original, je planque la
came sous mon matelas. Je compte l’argent qu’il me reste. Effectivement, Louis a été correct : il ne manque pas un seul petit billet. La liasse rejoint le reste sous le matelas. Je garde simplement un peu d’argent sur moi et je pars.
Kiko m’ouvre la porte et ne cache pas sa joie de me revoir saine et sauve. On s’assoit. Yefi est là. Je leur raconte tout ce qui s’est passé.
— Rosy, en fait, tu n'écoutes jamais ce qu’on te dit… Tu as de la chance que Louis était là, parce que Jordi n’est pas un tendre. Il aurait profité de toi sans scrupules, crois-moi… Tu serais toujours chez lui à l’heure qu’il est… dit Kiko.
— J’imagine, oui, je sais, j’ai fait une connerie de plus. Je fais trop confiance aux gens, je crois, ou je m’écoute trop ; je ne sais pas...
— Je pense que tu devrais ralentir ta consommation aussi, Rosy. Ça fait quoi… trois ? Quatre mois ? Regarde comme tu as changé ! Tu sais, je vais te dire un truc : c’est moi qui t’ai initiée et je m’en veux maintenant parce que je vois que tu ne vas pas bien… m'avoue Yefi.
Je me rapproche d’elle et lui fais un câlin.
— Je te rassure : si tu ne m’avais pas proposé de me faire goûter à l’héroïne ce soir-là, je l’aurais fait ailleurs. Tu peux me croire : je cherchais depuis longtemps comment m’en procurer. Alors, tu vois, sois tranquille et arrête de culpabiliser pour ça, ok ?
Yefi me sourit, elle semble soulagée.
— Tu travailles ce soir ?
— Oui, à minuit...
— Tu as envie de sortir au Club 32 ou de manger quelque part ?
— Allez, d’accord, pourquoi pas.
— Et toi, Kiko, tu es en forme pour nous accompagner ?
— Non, je vais rester là… Je n’arrive pas à remonter la pente, je suis tout le temps fatigué, j’en ai marre. J’ai eu les résultats de mes examens. J’ai arrêté l’interféron, mais l’hépatite est toujours là.
— Ils ne te proposent pas un autre traitement ?
— Non, pas pour l’instant, il faut attendre…
Yefi propose de fumer un
joint avec Kiko avant de partir. Il le roule, l’allume et nous commençons à l’écouter délirer. Il a toujours des envies bizarres quand il fume. Ce soir, il voudrait repeindre les murs avec de la chaux et faire venir un copain qui est plutôt doué pour les graffitis, dit-il. Il verrait bien la pochette de « The Wall » sur tout un pan du mur. Yefi se prépare, puis il est temps de laisser Kiko refaire lui-même sa décoration intérieure.
Nous partons à pied au centre-ville, puis arrivons au Club 32. Il est encore tôt, mais je préfère parler à Paco, tant que c’est calme, pour plaider ma cause et qu’il me laisse entrer après mes frasques de vendredi dernier.
Nous entrons. Je n’ai même pas besoin de m’expliquer. Il semble ouvert à l’idée que je puisse entrer. Je vais me tenir à carreau, c’est sûr. Nous lui commandons un verre au bar.
— Vous avez l’air d’aller plutôt bien, les filles ?
On se regarde avec Yefi puis j’offre à Paco mon plus beau sourire.
— Très bien, oui. répond Yefi
— Ok, bon ben, changez rien alors, ok ? Plus de connerie ici.
— C’est compris. Lui dis-je en me levant avec mon verre.
Nous nous installons sur notre banquette préférée et buvons tranquillement notre verre. On parle de son futur salon de coiffure, de
came, de mec aussi, bref, on se lâche sans se prendre au sérieux. La musique est bonne, comme toujours ici. Nous nous levons pour aller danser quand Cathy débarque à l’entrée. Je dis à Yefi que je la rejoins et que je vais saluer Cathy.
— Oh Rosy, dit-elle en me prenant dans les bras, tu me manques trop…Elle recule et me regarde. Comment tu vas ? Mais c’est quoi cette
coupe… Wow c’est court ! Ça te va plutôt bien.
Cathy est bien trop
speed pour moi et j’ai du mal à en placer une.
— J’ai entendu des choses sur toi… D’abord, je n’ai pas voulu y croire, puis je me suis rendue à l’évidence… Tu es allé vraiment trop loin ! Qu’est-ce que je peux faire ?
— Peut-être juste me fiche la paix à ce moment-là, tu sais ? Je vais bien, je croyais que tu étais contente de me voir.
— Mais Rosy… Bien sûr !
— Ben apparemment pas ! dis-je en tournant les talons pour rejoindre Yefi sur la piste.
Je fais signe à Yefi que je veux sortir ; elle acquiesce et nous partons. Dehors, j’allume une
cigarette et je lui parle de la proposition de Louis pour vendre avec lui. Elle change de tête :
— Non, Rosy, ne fais pas ça : c’est un conseil. Tu fais ce que tu veux, mais Louis ne prend pas d’héroïne. Réfléchi… S’il t’a aidé, c’est qu’il a une idée en tête. Il a bien vu à Barcelone… Enfin, tu vois, dans quel état tu t’es mise…
— Je ne comprends pas : il aurait pu m’arnaquer facilement là-bas, il ne l’a pas fait ?
— Ben, il fallait bien faire le voyage retour.
— Non…
— Il ne t’a pas proposé de l’aide pour couper ta
came en arrivant ?
— Si…
— Voilà. Tu sais, dans la
came y’a pas d’amis qui tienne, tu finis toujours par te faire baiser.
Elle s’arrête et me sourit.
— T’inquiète, je ne dis pas ça pour moi et Kiko, on t’aime bien, nous ! On ne te la fera jamais à l’envers. Ce n’est pas par intérêt qu’on traîne ensemble.
— J’espère bien ! Merci pour ta franchise, en tout cas. Tu viens sûrement de m’éviter une grosse galère.
Yefi m’embrasse et part bosser. J’hésite à entrer au club et à soutenir les réflexions de Cathy. Mais il est tôt pour aller se coucher. Je descends les marches et me dirige vers le bar.
Je commande un gin fizz à Paco. Il me sert mon verre.
— Tu devrais aller voir Cathy, Rosy.
— Tu devrais te mêler de tes affaires, Paco lui rétorquais-je avec un grand sourire.
Je bois une gorgée et me laisse envahir par la musique. Je me sens sereine, libérée d’un poids. Prête à affronter la vie, pour une fois, je sais ce que je veux. Vivre avec l’héroïne sans qu’elle dirige ma vie. Je vais assurer.
Je crois que j’ai une hallucination en regardant l’entrée. C’est pas possible. Nino se tient à quelques mètres de moi, entouré d’amis.
Sa tenue est plus sobre qu’à notre première rencontre, jean, blouson en cuir… J’ai dû louper un épisode ?
Je suis figée sur mon tabouret ; je ne peux pas détourner le regard. Je rêve.
Nino m’aperçoit enfin. Il me sourit et avance vers moi avec un sourire désarmant. Ce sourire que je n’ai jamais pu oublier.
Il s’approche de moi, me regarde dans les yeux pendant quelques secondes, puis m’embrasse, d’abord lentement, comme s’il craignait que je ne m’enfuie encore. Ses lèvres trouvent les miennes avec une justesse troublante et un goût familier. Tout autour de nous, tout s’efface : plus de lumières, plus de musique, on est seuls, il y a juste la chaleur de sa bouche, la pression de ses mains dans mon dos et ce vertige qui me traverse toute entière, violent et doux, somme si tout recommençait ici dans ce baiser.