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anxyo-lithique 



je ne suis pas une consommatrice de benzo.

les rares fois où j'en ingurgites, j'ai l'impression que c'est elles qui me consument à petit feu.

Eau de pompiers sur l'incendie d'angoisse qui m'étouffe, sans fraîcheur ou désaltération.
Je reste en cendres, dans une grisaille plate d'hiver brouillardeux.

Un cachet en forme de bouton « hibernation », pour une veille plus ou moins prolongée.
Je voudrais plutôt un ON/OFF et multiples « turbo », histoire de ne pas rouler à deux à l'heure pendant que tout m'échappe (mais je m'en rends même pas compte).

J'avale cette petite dragée pour combattre un dragon qui s'encage dans ma tête.
Il s'infiltre comme des tentacules de rouille dans mes engrenages qui crissent de sécheresse.
Je l'arrose de larmes amères et de sanglots, comme si je paniquais à que l'angoisse puisse cesser.
Je l'alimente des éclats de mes dents qui s'écroulent sous les grincements rythmiques.
Je lui donne du fil sans le retordre pour qu'il tisse mon cilice.

Un verre d'eau, vite. La plaquette semble infinie. Un chapelet diabolique d'opercules en alu que je n'ose pas profaner. J'ai une patience d'oppressée qui va au-delà des quarante trous transparents. Au final, je sais que même sans pastille bleu, l'angoisse finirait par partir. Ça serait juste long et éprouvant. Je ne suis pas fière de tolérer l'agonie, j'avale continuellement ma salive quand je pourrais gober un remède momentanée. 

Figée dans la pierre de mes anxiétés je deviens anxyo-lithique.


https://image.ibb.co/h4TjUz/image.jpg

Catégorie : Produits licites - 19 septembre 2018 à  13:58



Commentaires
#1 Posté par : janis 19 septembre 2018 à  15:06
On pourrait faire un site archéologique d un nouveau genre alors....

Plus sérieusement j arrive à ressentir ce que tu écris cependant. Les bz ne me font aucun bien, du coup je n en prends pas où exceptionnellement mais alors l angoisse tisse une toile dans laquelle je suis paralysée.
J ai souvent l impression de souffrir pour rien...de refuser les solutions médicamenteuses ...

Courage cependant, on est là.
Prends du temps pour toi, pour souffler.

Bisous
Janis

 
#2 Posté par : Lilas24 19 septembre 2018 à  16:46
C'est un message qui ne peut que toucher les grands anxieux.

Pour moi, mes angoisses étaient un dragon qui me dévorait le cerveau et le ventre de l'intérieur et contre lequel je n'avais trouvé qu'une parade, me gaver de codéine le soir en me couchant pour tenir en laisse la bête temporairement.

Je sais aujourd'hui que la codéine est une passoire à angoisse à très gros trous, c'est pour cela qu'un jour j'ai trouvé la force de débuter un sevrage dégressif qui est maintenant fini. Quand j'ai consulté en CSAPA après avoir fait la moitié du chemin, j'ai appris que j'avais un trouble anxieux généralisé. Je n'avais jamais entendu parler de ça, moi je croyais juste que je devenais folle et que j'allais finir en camisole de force en arrêtant la codéine.

Mon addicto m'a prescrit un AD, j'avais peur bien sur mais il a marché vite et fort en vidant la fosse à purin que j'avais dans la tête et dans le ventre au point que le soulagement généré m'a donné l'impression d'être libérée d'entraves physiques et psychiques. J'ai déchanté assez vite car quand l'AD marche si vite et si bien, ça serait le signe que le trouble est devenu chronique. Imaginez que vous avez de la tension me dit l'addicto, vous allez prendre un médicament toute votre vie et bien là c'est pareil.

Elle est marrante, entre prendre un médoc contre la tension et un AD, ça n'a rien à voir. J'ai décidé de ne pas me résigner. J'ai entamé une TCC avec un psychologue du centre. Relaxation, méditation, c'est bien quand on est en crise mais le vrai boulot, c'est d'affronter ses peurs les unes après les autres pour comprendre d'où elle viennent et tenter de la rationaliser pour savoir si elles sont insensées ou pas. Quand on rationalise une peur grotesque, on se demande comment un tel truc a pu arriver. Quand on prend du recul sur une peur qui a un fondement, il faut trouver les outils pour régler le curseur et faire baisser le niveau.

Le souci, c'est que tant qu'on a son anxiété en pleine poire, on ne peut pas la rationaliser et l'analyser car ça fait trop mal.

Je crains que les anxiolytiques ne soient pour l'anxiété qu'une passoire à tamis très fin. Ca aide à cacher le mal temporairement un peu mieux que la codéine mais guère plus. C'est une toute petite béquille mais pas suffisante pour tenter d'apprivoiser son dragon intérieur.

Je ne te dis surtout pas de prendre un AD car c'est une démarche personnelle et ça ne marche pas nécessairement aussi bien sur tout le monde mais je dois reconnaitre que trouver le médoc qui va mettre sous cloche durablement l'anxiété pour faire le travail nécessaire pour affronter ses peurs, les écarter ou les apprivoiser, c'est bien commode.

Je reste lucide car si mon anxiété est sous cloche, la mécanique est toujours là. Et si mon état calme, apaisé, heureux était exclusivement chimique et donc faux, et si l'AD baissait l'intensité de mes émotions et mon niveau d'empathie et si je devenais une autre, bien dans sa tête, mais trop éloignée, et si, et si...

On ne peut pas changer profondément ce qu'on est mais je veux croire qu'on peut apprivoiser son anxiété et j'espère qu'un jour tu trouveras les bonnes clefs pour entamer ce travail de fond.

 
#3 Posté par : cependant 19 septembre 2018 à  18:45
Janis et Lilas24 merci avant tout pour vos réponses et pour le soutien...

c'est un peu passé depuis hier soir...au moins, moi, le lysanxia m'aide à dormir (j'étais tellement crevée que je flippais de ne pas pouvoir fermer les yeux). Là ça va moyennement mieux, j'ai bu un verre de kratom, traîné dans le forum (ça me fait penser à autre chose), je n'arrive pas à me motiver pour ce que je doit faire, je vais bientôt y aller si je me bouge. J'ai croisé un poté, parlé vite fait au téléphone, bossé un peu. Bref, la vie.

@janis
je ne sais pas si souhaiter aux futurs archéologues de trouver des bribes de mes déprimes, bien dans l'air du temps, mais il y a sûrement des trucs plus intéressants...

j'arrive à souffler un tout petit peu maintenait, écrire ici ça fait du bien et être lue par vous, et toi, aussi, beaucoup.
J'ai l'impression que j'ai un rapport bizarre avec les remèdes, je voudrais tellement juste ne pas en avoir besoin. Je te souhaite que pour toi aussi ça va aller mieux, avec moins de moments durs et angoissants.

@Lilas24
je te remercie de ton souhait
je suis en arrêt de psychothérapie car le psy est pas là depuis bien trop longtemps maintenait. Je ne suis pas certaine que ça me faisait du bien, mais là j'en aurais envie...j'ai encore un rdv avec le psychiatre qui ne m'apporte pas grand chose.

Les opiacés comme bouée de sauvetage je connais bien aussi...d'ailleurs je m'y accroche (sans être accro physiquement pour l'instant). Leur résultat n'est pas mathématique, la redescente n'est pas toujours facile, mais ça donne une confiance, une énergie, une euphorie, une « lucidité », une légèreté qui des fois m'aident à me sortir la tête du trou, à (de)bloquer des labyrinthes sans issue. La codé et ses facilités me manquent ! Ce n'était pas une solution, bien entendu, mais mieux que l'obscurité ou la grisaille...Maintenait, j'attends souvent d'aller un peu mieux ou trop mal pour en prendre. Mais je ne peux pas envisager de m'en priver. De toute façon ça n'aurait pas de sens pour moi.

Je suis contente pour toi, que t'as réussi à dépasser cette envie, à te passer de la béquille codéine, à trouver une « origine » au problème, à trouver une molécule qui fait du bien et à avoir appris comment travailler pour changer les choses...moi je sais que j'ai de la route !

 
#4 Posté par : Lilas24 20 septembre 2018 à  12:32
Bonjour Cependant,

Oui, c'est vrai qu'il y a de la route pour les grands anxieux. La mienne a été longue et va l'être encore.

Lorsque mes angoisses ont débordé, j'ai connu 10 ans de dépendance à la codéine avant de trouver la force de bouger. Pendant ces années, je trainais ma carcasse, effrayée par l'impression que j'étais sur le fil de "la folie" en permanence, tellement mes angoisses étaient nombreuses et de moins en moins rationnelles avec le temps.

Je serai incapable de dire pourquoi un jour je me suis enfin remise en mouvement, alors que mes angoisses étaient toujours aussi puissantes, peut être l'instinct de survie car j'arrivais à un point de non retour ? Ce qui est positif c'est qu'on peut trouver ou retrouver l'impulsion pour essayer d'aller durablement mieux même en étant bouffé de l'intérieur.

Après, je crains qu'il soit difficile d'apprivoiser sa nature anxieuse tant qu'on est totalement pris par ses peurs, d'où l'intérêt de trouver un traitement médical, quel qu'il soit, pour pouvoir souffler en mettant un couvercle, même partiel, sur ses angoisses.

Je suis d'accord avec toi par rapport au psychiatre qui n'est pas le meilleur intervenant pour l'anxiété, sauf pour les médocs. Par contre, trouver un très bon psychologue (un vrai pas un charlatan) qui connait bien l'anxiété et les TCC, je crois que c'est une bonne clé pour accepter sa nature et l'apprivoiser.

Faire face à son anxiété est éprouvant. Perso, je sors de chaque séance avec le psychologue décalquée car jusqu'à ce que l'AD calme la bête, j'étais incapable de regarder en face mes angoisses. Je pouvais affronter mes souvenirs, mon passé même douloureux mais pas mes peurs. Je ne faisais pas le lien entre les 2 car c'était trop dur.

Je ne doute pas qu'un jour tu vas trouver le praticien qui saura t'aider pour faire baisser l'intensité de tes angoisses, avec ou sans médocs. Tu as déjà fait une partie du chemin en comprenant le poids de l'anxiété sur toi (il m'a fallu des années pour admettre que tout venait de là). C'est dur de se dire qu'il faut du temps mais je pense qu'on ne peut pas forcer notre foutu cerveau à faire quoi que ce soit tant qu'il n'est pas prêt.

 
#5 Posté par : guérir 24 octobre 2018 à  09:34

cependant a écrit

je ne suis pas une consommatrice de benzo.

les rares fois où j'en ingurgites, j'ai l'impression que c'est elles qui me consument à petit feu.

Eau de pompiers sur l'incendie d'angoisse qui m'étouffe, sans fraîcheur ou désaltération.
Je reste en cendres, dans une grisaille plate d'hiver brouillardeux.

Un cachet en forme de bouton « hibernation », pour une veille plus ou moins prolongée.
Je voudrais plutôt un ON/OFF et multiples « turbo », histoire de ne pas rouler à deux à l'heure pendant que tout m'échappe (mais je m'en rends même pas compte).

J'avale cette petite dragée pour combattre un dragon qui s'encage dans ma tête.
Il s'infiltre comme des tentacules de rouille dans mes engrenages qui crissent de sécheresse.
Je l'arrose de larmes amères et de sanglots, comme si je paniquais à que l'angoisse puisse cesser.
Je l'alimente des éclats de mes dents qui s'écroulent sous les grincements rythmiques.
Je lui donne du fil sans le retordre pour qu'il tisse mon cilice.

Un verre d'eau, vite. La plaquette semble infinie. Un chapelet diabolique d'opercules en alu que je n'ose pas profaner. J'ai une patience d'oppressée qui va au-delà des quarante trous transparents. Au final, je sais que même sans pastille bleu, l'angoisse finirait par partir. Ça serait juste long et éprouvant. Je ne suis pas fière de tolérer l'agonie, j'avale continuellement ma salive quand je pourrais gober un remède momentanée. 

Figée dans la pierre de mes anxiétés je deviens anxyo-lithique.


https://image.ibb.co/h4TjUz/image.jpg

quelle poésie :ouhaou:respect:
gros talent pour l'écriture:super:

en tant que grand anxieux, je compatis


 
#6 Posté par : cependant 24 octobre 2018 à  17:07

guérir a écrit

[
quelle poésie :ouhaou:respect:
gros talent pour l'écriture:super:

en tant que grand anxieux, je compatis

Merci guérir ! Je n'ai pas encore compris si l'écriture me conforte ou contribue à creuser mon trou. En tout cas, ton commentaire, comme les autres, m'aident à le remonter !!

J'espère que ça va pour toi, que les angoisses ne te bouffent pas trop :)

Sinon, t'as essayé le kratom ? ça en dit quoi ?

Du courage !
Une bonne fin d'aprèm


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