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Je m'assume comme consommateur de benzodiazépines, de Subutex, de shit, d’alcool, de drogue aussi encore parfois. C'est ainsi. Je ne suis ni coupable ni victime. Je ne m'en plains pas. Pour apaiser mes angoisses, pour attendrir mes attaques de panique, pour me permettre d'exister... je suis donc évidemment drogué mais j'accepte cette accoutumance. Tous les mois je me rends chez mon médecin qui, tout en remplissant mon ordonnance, ne manque pas de me rappeler d'essayer de réduire mes doses. Pourquoi s'embêter à se priver de pilules qui me maintiennent à flots ? Je suis qui je suis. J'agis comme j'agis.

Nous ne sommes pas armés pour affronter le chaos de nos vies. Alors nous fuyons. Par tous les moyens. Nous essayons par tous les moyens possibles de nous arracher à cette impossible désolation née de notre frustration de ne rien savoir de nos destinées, nous sommes ces enfants qui dans la nuit noire de leur frayeur originelle continuent à réclamer de leurs mères consolations et réconfort. Nous buvons, nous fumons, nous consommons des cachets à satiété, nous multiplions les sorties, les expéditions, les amitiés, les passions puériles afin d'éviter de nous mesurer à cette solitude qui nous glace le sang. Et c'est parce que nous sommes faibles, émotifs, sensibles que nous sommes tous magnifiques.
Si nous vivions en paix avec nous-mêmes, si nos vies étaient heureuses et harmonieuses, si nous étions à même de goûter chaque seconde de notre passage sur terre sans s'interroger sur le sens de nos actions, nous ne consommerions pas de drogues qu'elles fussent médicamenteuses ou récréatives, nos ivresses seraient mesurées, nos énervements passagers, nos emportements sans conséquences, nos manies, nos obsessions, nos phobies sans fondements, nous ne passerions pas le plus clair de notre temps à vouloir nous échapper de nous-mêmes. A chacun son remède pour ne pas flancher. Qui l'alcool, qui la télé, qui le travail, qui la routine de la domesticité, qui Dieu. De tout temps, l'homme a cherché à s'évader de lui-même et à dire vrai, on ne peut pas lui en vouloir.

Quand on n'admet plus que la vie puisse heurter, que l'existence est tout sauf un lit de roses, que le passage du temps qui guérit toutes les blessures est un luxe qu’on ne peut plus se payer (productivité et image de réussite imposées par la mode du développement personnel obligent), on se verra prescrire quelques antidépresseurs afin de guérir ce qui demeure un simple accident de vie. La médicalisation de la souffrance à outrance, mother’s little helper.
J'aime à être seul. Me tenir compagnie. Fuir la compagnie des hommes et me reposer loin de tout ce vacarme qui sied tant à la vie moderne. La solitude m'accompagne depuis toujours. Même au plus fort de mon adolescence quand je n'étais encore que bouillonnement furieux et désordonné, prêt à prendre d'assaut ce monde qui me terrifiait autant qu'il me subjuguait, j'avais besoin de me retrouver seul avec moi-même. J'étais déjà sauvage, je sentais bien que je n'appartiendrais jamais vraiment à la société des hommes, qu'il me faudrait trouver un moyen pour cohabiter avec eux, que mon existence ne ressemblerait jamais à une ligne droite tranquille qui me déposerait un jour au seuil de la vieillesse sans que je visse passer le temps, mais bien plus une lutte de tous les instants où à tout moment je risquais de trébucher si je ne prenais garde à écouter cette pulsation de mon âme qui me commandait d'être patient, obstiné et résolu dans mon besoin d'authenticité et de tranquillité. 
Retrouver le goût du silence, de l'introspection, du dialogue avec soi dans l'intimité d'un appartement où tout demeure à sa place, de pièces vouées à la lecture ou à la simple rêverie. Loin, très loin de ce monde qui du matin au soir me prend à la gorge, m’assaille, dans toute sa laideur hypocrite avec son chapelet de faux-semblants, de règles préétablies, de modes imbéciles qui vous jettent plus bas que terre et froissent votre dignité.

Et ce goût et ce besoin de solitude ne m'ont jamais quitté. Comment évoluer en société quand la socialisation semble un exercice insurmontable ? Un handicapé du rapport humain. Un paralytique des affaires sociales. Une personnalité schizoïde incapable de nouer avec son prochain, surtout si c'est un inconnu, une relation teintée de normalité. Un cuistre de la pire espèce toujours à la peine quand il s'agit d'établir des liens relationnels avec des individus qui m'apparaissent comme autant de futures douleurs de futures déceptions. Je ne sors jamais dans le monde, je peux rester des journées entières sans voir personne, mon carnet d'adresse ressemble au carnet de commande d'une usine laissée à l'abandon. Je feins de ne m'intéresser à rien, je prétends me foutre de tout, j'évite toute dispute afin de n'avoir pas à sortir de ma réserve : je suis d'accord avec tout le monde. Je n'ai pas la parole facile, surtout quand que je ne bois pas ou ne me drogue pas : auparavant, fort d'avoir dans l'heure précédent mon arrivée chez mes hôtes tapé une trace, bu quelques verres, j'avais la répartie aisée, je charmais, j'allais de bons mots en bon mots, on me trouvait drôle, spirituel, brillant même ; on m'invitait pour la soirée prochaine ; dans mon ivresse j'acceptais bien volontiers si bien que je ne descendais vraiment jamais. Incompatible avec mon envie de réduire ma consommation, conscient de sa dangerosité c’est pourquoi je me suis retiré du monde.

Se retirer du monde pour mieux le défier et imposer qu'il ne m’abîme pas de trop, qu'il me laisse tranquille, qu'il cesse de m’importuner avec toute son agitation stérile, jamais ne s'arrête, jamais ne s'accorde une pause et m’amène toujours à renoncer à ce que je suis vraiment, un être plein de blessures et de doutes qui a soif avant tout de légèreté, de sincérité mais aussi d’amitié et surtout d’une tendresse sincère que seule celle qui t’aime peut t’offrir. Je suis faible mais opiniâtre. Fragile mais résolu. Je ne supporte ni la bêtise, ni la méchanceté, ni l'autorité, ni toutes ces choses qui empêchent les hommes de vivre : les petites mesquineries du quotidien, les grands cons qui vous donnent des leçons, les petits chefs aux idées étroites, les faussaires à la langue bien pendue, et puis aussi les bonnes femmes dont l'immémoriale prudence les empêche de se laisser dévorer par l'amour. Je suis de ceux qui sont nés pour donner et pour donner encore. J’ai mal aux autres. Hypersensible qu’ils ont dit.


Être seul n’est pas le problème, ce qui l’est c’est cette solitude du malheureux qui n’a pas de confident, personne à enlacer, pas de bras dans lesquels se réfugier. Oui c’est bien là le paradoxe, j’ai un besoin vital d’aimer, de chérir de combler de bonheur et pourtant je n’ose plus y croire, ne veux plus y croire tant ces séparations m’ont profondément blessé, me laissant sur le carreau. Je ne veux plus de quelqu’un dans ma vie, je me sentirais envahi au quotidien, privé de mes libertés, mais j’ai envie de sentir cette présence à mes côtés.  Je ne veux plus et pourtant j’ai besoin de cette fille que je ne connais pas encore qui me comprend tout autant que je la comprends et que j'aime, sans calcul, avec cette générosité du cœur qui permet d'aller de l'avant dans cette vie qui nous ravit tout autant qu'elle nous effraie, brûlant d'amour où je me donne sans compter, sans m'épargner, sans m’économiser.
Pas un jour ne s'écoule sans que ce soit difficile. Chaque heure est une bataille. J'ai connu des bas et encore des bas. Plus d'une fois, j'ai été sur le point de tout abandonner. Je n'en pouvais simplement plus. Je souffre de trop, je ressemble à un fantôme : sans énergie, le corps plein de fatigue, assailli de troubles aussi divers que variés, je me traîne, je n'ai la force de rien et le gout à si peu. Je patauge dans un désordre mental d'une complexité et d'une sauvagerie folle, j'ai des idées noires comme la mort, un chant funèbre à moi tout seul. Je ne m'en formalise plus. Je serre juste les dents un peu plus fort et j'attends. Je suis indestructible.
Il me fallait m'éloigner de la société des hommes pour permettre à mon cœur et à mon esprit de respirer et de respirer encore, de bouffer cette vie qui ne sert à rien mais dont on n'est jamais rassasié, cet inlassable combat pour tenter d'aller au bout de ses rêves afin de mourir sans regret. Ou du moins d'essayer. D'essayer toujours. D'essayer à en crever.
Écrit par un homme fatigué d’avoir espéré d’avoir aimé mais assez lucide pour espérer encore.

Pour finir, quelques vers de Attar, poète persan

Il est près de nous, et nous en sommes éloignés.
Le lieu qu’il habite est inaccessible, et il ne saurait être célébré par aucune langue.
Le chemin est inconnu, et personne n’a assez de constance pour le trouver, quoique des milliers de créatures le désirent.
L’âme la plus pure ne saurait le décrire, ni la raison le comprendre.
On est troublé, et, malgré ses deux yeux, on est dans l’obscurité.
Aucune science n’a encore pu comprendre sa perfection, aucune vue n’a encore aperçu sa beauté.

Catégorie : No comment - 09 janvier 2018 à  10:29



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