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journal d'une décro 



Tania avait lu quelque part qu'écrire permettait de ne pas devenir dingue ;or, pour elle, déccrocher voulait dire devenir folle par moments ,moments si déstabilisants qu'elle les redoutait bien plus que la douleur, ou le malaise général qu'on peut ressentir quand on décroche. elle se demandait si les mots allaient permettre aux maux de rester à  leur place, au lieu d'envahir son psychisme au point que les lignes de failles risquaient à  tout moment de se fracturer , la laissant alors exposer à  ses démons intérieurs, ceux là  même que la came permettait de mettre à  distance. Elle se savait hanter , et connaissait suffisamment bien ses fantômes pour redouter leur réveil .Or décrocher la mettait en danger , seulement elle ne pouvait plus continuer ainsi .

Cette décision d'arrêter , il a fallu des mois pour la voir enfin se concrétiser ; des mois de culpabilisation devant tous les gestes de préparation de son shoot, de la recherche d'une veine possible, des fixes sur le fil de la veine où au moindre tremblement le produit passe à  coté; dégoût aussi face à  tout ce sang rouge, parfois sombre, qui par gouttelettes , se répand un peu partout, fringues, sol, lavabo; elle craignait toujours que son jeune fils ne soit contaminer par une de ses gouttes, qu'elle aurait oublier de nettoyer; Mais l'ultime plaisir recherché à  travers tous ces rituels etait la récompense , nécessaire finalité de tout ceci;Le glauque pouvait alors s'oublier le temps d'une montée..temps si court où le corps ,envahit de chaleur, de légèreté , d'allégresse, rencontrait un esprit apaisé, libre et enfin délivrer de toute peur. Abandonner un tel bénéfice relève d'une décision incompréhensible puisque en total désaccord avec la satisfaction totalitaire recherchée.

Cette décision n'est pas venue comme ça....il a fallu que le corps en soit l'élément déclenchant : ses veines se refusaient au fix, elles se défilaient en roulant, elles s'enfuyaient sous le terre de la peau, des muscles alors qu'au fix précédent, tout allait bien; les mots d'oiseaux comme on dit se mettaient alors à  fuser: "la salope; la connasse; l'enculé de mes deux; l'empaffée; la putain"...qualificatifs qui s'accompagnaient d'un état d'esprit délétère, où la haine de soi prônait l'élimination finale de soi comme solution à  ces défaillances qui à  force rongent l'âme au point de la réduire en loque. on ne pense plus qu'à  ça; on n'est plus que veines en déveine, on est en deuil du fix fini, mal fait, à  moitié mis à  côté , on se projette déjà  dans la difficulté à  venir, au prochain coup...

Voilà  des mois que Tania sait que son destin etait d'arrêter ses fix tant aimés , connaissant l'état de ses foutues veines; mais ce jour tant redouté où plus rien ne serait possible était là , devant elle, son dernier fix mis en totalité à  côté ,lui faisant alors un mal de chien dans la main ; son doigt était si gros que son petiot lui demanda comment elle s'était fait cela; il lui fallait mentir à  cet enfant, et cela attisait sa haine de soi au point que de sales idées de mort se présentaient alors; cela était d'autant plus insupportable qu'elle ne pouvait pas "abandonner" ce fils tant aimé; elle se sentait minable, peu digne au fond d'être mère.

Elle n'en pouvait plus ; il fallait agir ; ne plus vouloir à  tout prix faire entrer dans son corps la moindre aiguille , ne plus s'endormir comme un bébé repus quand son fix passait enfin dans son corps en attente de son suc vital. heureusement les temps avaient changé,et l'on pouvait cesser le fix sans souffrir du manque ,grâce aux produits de substitution.

Un dure combat contre soi allait donc commencer : parvenir à  passer la journée sans céder à  l'envie folle d'un fix....

Catégorie : Témoignages - 04 juillet 2012 à  18:10



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