Le Comité Ethique et Cancer soutient le cannabis therapeutique

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Du moins il ne voit pas de raison  de s'opposer à son usage en cas de maladie grave.

https://actu.orange.fr/france/aucune-ra … ahOZH.html


Elle compare l'interdiction actuelle à "un refus de soins", indique mardi le Comité présidé par le professeur Axel Kahn, généticien et président honoraire de l'université Paris-Descartes.

Le texte complet sur le site du Comité

https://www.ethique-cancer.fr/avis/avis-ndeg35

Amicalement

Dernière modification par prescripteur (27 novembre 2018 à  22:51)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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Le texte :

Madame A a saisi le Comité éthique et cancer au sujet de l’usage thérapeutique du cannabis pour soulager la douleur dans un contexte de soins.

Madame A a été diagnostiquée d’un cancer lorsqu’elle avait 27 ans. A la suite de nombreuses interventions (tumorectomie, radiothérapie, double mastectomie prophylactique) ou traitements (chimiothérapie, hormonothérapie), elle a été confrontée à des douleurs intenses et chroniques que l’équipe soignante n’a pu endiguer dans de bonnes conditions, proposant anxiolytiques et antalgiques opiacés que Madame A supporte mal. 

Pour soulager ses douleurs, un proche, par ailleurs soignant, lui a suggéré l’utilisation de cannabis sous diverses formes. Cette dernière a constaté un apaisement des douleurs, des nausées, a retrouvé de l’appétit ; et sa qualité de vie a, de ses propres dires, été largement améliorée. Depuis, Madame A évoque ouvertement cette consommation dans le cadre de ses soins, le personnel médical ne s’y opposant pas, au contraire parfois.


Cependant, Madame A s’interroge sur les barrières à l’usage thérapeutique du cannabis. D’abord, le produit en lui-même, porteur de représentations sociales fortes, peut rendre difficile la capacité des personnes à en parler sans craindre diverses formes de jugements. Par ailleurs, le caractère illicite de cette consommation expose les personnes malades souhaitant s’en procurer à divers risques, y compris juridiques, pour un usage permettant pourtant d’améliorer leur qualité de vie. Enfin, si un produit à base de THC, le Sativex® a une autorisation de mise sur le marché, les difficultés sur la négociation du prix et la restriction importante des pathologies concernées par ce traitement rendent, à ce jour, l’accès impossible en France.

Dès lors, Madame A interroge le Comité éthique et cancer sur le caractère « inéthique » de l’interdiction du cannabis dans un contexte thérapeutique, notamment au regard du principe de non-malfaisance, comparant cette interdiction à « un refus de soins » de la part des autorités. C’est ce que le Comité éthique et cancer se propose d’examiner, en restreignant son analyse à un cadre médical : intérêt de l’utilisation du cannabis pour soulager la douleur et améliorer la qualité de vie, et risques afférents à ce type de consommation dans le contexte actuel.



Le cannabis est en France considéré comme un stupéfiant dont la détention et l’usage sont interdits. La loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses » a consacré la prohibition de ce produit. Malgré depuis plusieurs évolutions réglementaires visant notamment à promouvoir la réduction des risques, la politique publique vis-à-vis des drogues est encore aujourd’hui essentiellement répressive. En 2013, toutefois, un décret a modifié le Code de la santé publique pour permettre à des médicaments à base de cannabis et de ses dérivés d’être mis sur le marché[1]. Un produit de ce type, le Sativex®, qui mélange deux extraits de cannabis, a ainsi obtenu une autorisation de mise sur le marché en janvier 2014 pour « le traitement des symptômes liés à une spasticité modérée à sévère due à une sclérose en plaques (SEP) » en deuxième intention chez des patients adultes. Faute d’accord sur le prix entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire détenteur de ce produit, ce dernier n’est actuellement pas commercialisé en France. Un autre produit, le dronabinol (Marinol®), est par ailleurs accessible depuis 2003 dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative pour trois indications[2]. Cet analogue synthétique d’un extrait du cannabis est toutefois peu utilisé[3]. L’exemple de ces deux produits montre que la question de l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques se pose aux autorités de santé dans notre pays. Cette réalité a d’ailleurs conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) à créer le 10 septembre 2018 un Comité scientifique spécialisé temporaire dénommé « évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France ».

Il n’existe pas de données permettant de savoir combien de personnes atteintes de cancer en France consomment du cannabis, sous une forme ou une autre, dans le but de soulager les conséquences physiques et/ou psychologiques ressenties de leur maladie et des traitements qui leur sont administrés. Il est en revanche connu que le cannabis est la substance illicite la plus consommée que ce soit par les adolescents et les adultes[4]. Malgré la politique répressive mise en œuvre depuis des décennies, la consommation de cannabis en France est l’une des plus élevées en Europe[5].

À l’instar de Mme A., qui a saisi le Comité de cette question, il est ainsi probable qu’un certain nombre de personnes atteintes de cancer, notamment parmi les plus jeunes, consomment du cannabis. Que cette consommation ait démarré antérieurement à la survenue la maladie et qu’elle ait été poursuivie ensuite, ou qu’elle ait commencé postérieurement à l’annonce du diagnostic, les malades disent tirer un bénéfice à consommer du cannabis. Ce bénéfice varie selon les personnes ; il dépend de leur état de santé global, du type de cancer dont elles sont atteintes et de ses symptômes, des traitements pris, et de leur situation sociale et personnelle. Il ne saurait être tiré de conclusion objective de ces témoignages quant à l’efficacité thérapeutique du cannabis. Ces témoignages n’en doivent pas moins être entendus.



Une évaluation insuffisante

La littérature scientifique de son côté est assez peu concluante sur les effets thérapeutiques du cannabis. En janvier 2017, les Académies nationales des sciences, d’ingénierie et de médecine des Etats-Unis ont publié un rapport dressant une revue complète de la littérature sur les effets pour la santé de l’usage du cannabis[6]. Concernant spécifiquement les cancers, ce rapport indique qu’il « existe des preuves concluantes ou substantielles que le cannabis ou les cannabinoïdes sont efficaces pour le traitement de la douleur chronique chez les adultes (cannabis) et comme antiémétique pour le traitement des nausées et des vomissements induits par la chimiothérapie (cannabinoïdes oraux) ». Le rapport mentionne également qu’il « n’existe pas de preuves ou des preuves insuffisantes pour affirmer ou réfuter que le cannabis ou les cannabinoïdes sont des traitements efficaces pour le syndrome d’anorexie-cachexie lié au cancer (cannabinoïdes) ».

Comme le notent les auteurs de ce rapport, la littérature scientifique sur les effets du cannabis souffre de problèmes méthodologiques. La grande majorité des données publiées sont issues d’études observationnelles, qui sont par définition de moins bonne qualité méthodologique que les essais contrôlés. Par ailleurs, le type de produit utilisé (cannabis plante, extraits naturels ou synthétiques), les modes d’administration (plante fumée ou inhalée, extraits naturels cuisinés, extraits naturels ou synthétiques absorbés par voie orale ou sous forme de spray ou de patchs), les doses administrées, la fréquence et la durée d’administration sont très variables d’une étude à une autre.

Il est par conséquent difficile d’établir le niveau de preuve des effets thérapeutiques du cannabis. Celui-ci est le plus souvent modeste selon l’avis exprimé par le Pr Authier lors de son audition. Il est, à titre de comparaison, bien inférieur à celui de la morphine et autres dérivés de l’opium contre les douleurs, sachant que ces produits peuvent être également utilisés pour leurs propriétés psychoactives.

Dans ce contexte, le Comité estime qu’il serait nécessaire que des évaluations rigoureuses des différents bénéfices potentiels des substances actives du cannabis soient réalisées. De telles évaluations auraient ainsi le mérite de préciser les indications et contre-indications de ces substances, les modalités de leur utilisation (voie d’administration, posologie) et les précautions à respecter. Ces évaluations auraient également l’intérêt de dépassionner dans une certaine mesure les débats autour de l’utilisation à des fins thérapeutiques du cannabis dans un contexte où l’image de stupéfiant de ce produit prédomine. Il revient aux autorités de santé de définir les conditions de cette évaluation.



Existe-t-il une raison de s’opposer à l’usage thérapeutique du cannabis ?

En tout état de cause, il existe aujourd’hui une demande de la part d’un certain nombre de personnes atteintes de cancer ou d’autres maladies à pouvoir consommer du cannabis en raison des bénéfices qu’elles déclarent tirer de cette consommation. Sur le plan éthique, qui est l’objet du présent avis, la question est de savoir s’il existe une ou plusieurs raisons qui devraient conduire à s’opposer à cette demande.

L’un des arguments possibles pouvant conduire à une telle opposition est celle des effets néfastes potentiels de la consommation de cannabis. Sur ce plan, il apparaît évident que le mode de consommation le plus répandu de ce produit, à savoir en le fumant, associé ou pas à du tabac, ne peut être recommandé. La dangerosité pour la santé de l’inhalation de substances fumées n’est plus à démontrer, comme cela a été clairement établi pour le tabac. Par ailleurs, en raison de ses effets psychoactifs, le cannabis peut entraîner des troubles cognitifs (sur l’attention, la mémoire et les capacités d’apprentissage notamment) et/ou moteurs (troubles de la coordination, augmentation du temps de réaction notamment), voire des symptômes psychiatriques (hallucinations, troubles anxieux). Ces effets sont surtout démontrés lorsque le cannabis est consommé en étant fumé. Ils dépendent de la dose absorbée et de la tolérance du consommateur. Les données actuellement disponibles indiquent également que les effets cognitifs pourraient être irréversibles en cas de consommation régulière débutée durant l’adolescence. Cependant, dans le cas du Sativex®, qui est administré par pulvérisation buccale, les effets indésirables neuropsychiques rapportés dans l’avis d’évaluation de la Haute Autorité de Santé (HAS) semblent modérés en fréquence et en sévérité[7]. Ils n’ont pas conduit à remettre en question l’autorisation de mise sur le marché accordée à ce produit. Enfin, comme bon nombre de substances psychoactives, le cannabis est susceptible d’entraîner une dépendance, qui est surtout psychique. Mais ce risque apparaît à un niveau de consommation élevée et par voie fumée, a priori peu compatible avec un usage à visée thérapeutique. De ce fait, l’argument des effets néfastes possibles dans le contexte d’une maladie grave et potentiellement mortelle, pour une utilisation visant à soulager des personnes adultes, et dès lors que le produit n’est pas fumé, ne paraît pas devoir être retenu pour s’opposer à un tel usage.

Un autre argument envisageable est que la consommation à visée thérapeutique du cannabis est susceptible de favoriser son usage récréatif. Il n’est pas dans le rôle du Comité de se prononcer sur un tel usage du cannabis, pas plus que sur celui également récréatif d’autres produits psychoactifs, tels que le tabac et l’alcool, qui sont par ailleurs licites et en vente libre (même si celle-ci est réglementée). Le Comité constate — et les experts auditionnés le confirment — qu’il est difficile de distinguer un effet de la consommation de cannabis qui serait seulement récréatif d’un effet qui serait lui purement thérapeutique. Il est même permis de considérer que l’effet récréatif participe au bénéfice thérapeutique. Cela ne peut conduire à réfuter le bénéfice déclaré par les personnes malades qui consomment du cannabis. Par ailleurs, l’expérience avec les opiacés, telle que rapportée par le Pr Authier lors de son audition, montre que les abus d’utilisation de ces produits par des personnes atteintes de maladies graves sont rares. Il va de soi que la priorité d’une personne dont l’état de santé est gravement altéré est d’abord d’être soulagée, quand bien même ce soulagement résulte en partie de l’effet dit récréatif du produit qu’elle consomme.

Le dernier argument identifié par le Comité comme pouvant être en défaveur d’un usage à visée thérapeutique du cannabis est que l’autorisation d’accès à ce produit pour des personnes malades serait susceptible de favoriser une consommation purement récréative par des personnes non malades. Le Comité a bien conscience que des intérêts industriels et financiers très importants poussent à une libéralisation de l’usage du cannabis. Par ailleurs, il est possible qu’un accès accru au cannabis pose des problèmes de santé publique, comme en posent déjà des produits licites tels que l’alcool et le tabac. Cependant, cela ne retire en rien la légitimité de la demande et des besoins exprimés par certains malades.



En conclusion

Au final, au regard des critères de jugement qui sont au cœur de sa mission, le Comité ne peut identifier de raison de s’opposer à l’usage du cannabis par des malades qui disent en tirer un bénéfice, quand bien même ce bénéfice n’est pas démontré selon les méthodologies scientifiques les plus rigoureuses. Il conviendrait que, pour ces malades, l’accès au cannabis ou à ses substances actives puisse se faire sous une forme leur permettant d’éviter de le fumer, afin de ne pas être exposés aux effets délétères de ce mode de consommation. Il conviendrait également que cet accès puisse être encadré par les autorités de santé, afin d’apporter aux personnes malades les garanties nécessaires quant à la qualité, aux concentrations et aux modalités d’utilisation optimale du cannabis ou de ses substances actives. Un tel encadrement permettrait de surcroît aux personnes malades de se dispenser de faire appel à des circuits parallèles pour se procurer le produit dont elles tirent bénéfice. Il leur éviterait également de risquer des poursuites pénales du fait de leur consommation.





[1] Décret n° 2013-473 du 5 juin 2013 modifiant en ce qui concerne les spécialités pharmaceutiques les dispositions de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique relatives à l’interdiction d’opérations portant sur le cannabis ou ses dérivés.

[2] Les trois indications possibles pour l’obtention d’une ATU nominative du dronabinol sont :

- douleurs neuropathiques après échec de tous les traitements ;

- nausées et vomissements dans le cadre de chimiothérapie anticancéreuse ;

- anorexie chez le patient VIH

[3] Selon un compte rendu de la séance du 13 février 2014 du Comité technique des Centres d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance de l’Ansm, sur la période 2006-2013, 508 ATU nominatives ont été octroyées, à 70 % pour des douleurs neuropathiques.

[4] En 2017, près de quatre adolescents de 17 ans sur dix ont déjà fumé du cannabis au cours de leur vie (39,1 %). L’usage régulier concerne 7,2 % des adolescents de 17 ans. En 2016, 42 % des adultes âgés de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. La consommation actuelle concerne 11 % d’entre eux (28 % parmi les 18-25 ans). Données de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies figurant sur son site (https://www.ofdt.fr/produits-et-addicti … nabis/#lp) consulté le 22/10/2018.

[5] L’OFDT indique sur son site que « La France devance clairement les autres membres de l’Union européenne (plus la Norvège et la Turquie) avec une prévalence d’usage dans l’année nettement supérieure à celles observées dans la plupart des pays ».

[6] National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine. 2017. The health effects of cannabis and cannabinoids: The current state of evidence and recommendations for research. Washington, DC: The National Academies Press. doi: 10.17226/24625.

[7] Sativex, solution pour pulvérisation buccale, Commission de la Transparence, Avis du 22 octobre 2014.


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