Educateur en CSAPA, Questions sur l'accompagnement de l'alcoolo-dépendance.

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La_Brebis homme
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Bonjour tout le monde.
Travaillant dans un CSAPA je me pose une question concernant les personnes dépendantes de l'alcool qui viennent consulter/être suivi en CSAPA.

J'ai l'impression (partagé en équipe d'ailleurs) que les consommateurs d'alcool ont du mal à comprendre l'intérêt/le travail d'un éducateur au sein du CSAPA. L'alcoolo dépendance ayant (il me semble) une image très "médicale" la plupart des personnes que je vois (avec une dépendance alcool) ne voit leur "guérison" / Leur gestion uniquement que par le côté médical. Médecin et infirmier. Ce constat n'est pas le même en ce qui concerne les opiacés, la cocaïne etc...

Pour ceux d'entre vous qui ont déjà eu ce parcours de soins/d'accompagnement quelle image avez vous de la dépendance à l'alcool ? (purement "médical", une "maladie" ... La conséquence d'un parcours de vie ..? etc..) En quoi un éducateur pourrait vous aider (selon vous en tant que consommateur)

(Educateur_en_CSAPA)

Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d'être un homme.

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prescripteur homme
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champi vert101champijaune0cxhampi rouge0
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Il me semble que la prise en charge de l'alcoolodépendance diffère de celle des "toxicomanies" en ce sens que pour l'alcool les centres de soins ne voient que les alcoolo-dépendants problématiques et lourdement addicts (et pas ou rarement les buveurs modérés à lourds mais sans prise de conscience de leur consommation problématique) , alors que pour les "toxicomanies" la simple prise de produit, qu'elle soit problématique ou non, "justifierait" (entre guillemets car je ne suis pas d'accord bien sûr) la prise en charge par des structures spécialisées. D'autant que, pour les consommateurs d'opiacés,  les TSO représentent une aide considérable qui évite la recherche compulsive d'heroine en tous temps, du moins pour beaucoup d'usagers.

D'où une perception beaucoup plus "médicale" pour l'alcoologie que pour les toxicomanies. Beaucoup de toxicomanes d'ailleurs ne recherchent pas une "prise en charge" médicale approfondie et préfèrent rencontrer des intervenants moins "médicalisants".

C'est une analyse des perceptions telles que tu les évoque. Maintenant, en tant que médecin retraité, je pense en effet que l'éducateur pourrait avoir un rôle important dans la prise en charge de l'alcoolodépendance parce que la gestion étroite du quotidien (structuration des journées, conseils relationnels,  décisions de craquer et leur prévention, etc..) est très importante. Le "médical" est en effet probablement sur-valorisé parce que la plupart des médicaments n'ont qu'une efficacité modérée (pour être gentil) et que la prise en charge psychologique est affectée par les troubles cognitifs liés à l'alcool.
Amicalement

Dernière modification par prescripteur (12 novembre 2019 à  19:46)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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Hilde femme
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La_Brebis a écrit

Pour ceux d'entre vous qui ont déjà eu ce parcours de soins/d'accompagnement quelle image avez vous de la dépendance à l'alcool ? (purement "médical", une "maladie" ... La conséquence d'un parcours de vie ..? etc..) En quoi un éducateur pourrait vous aider (selon vous en tant que consommateur)

Bonjour,

Je ne suis jamais passée par un CSAPA ou service d'alcoologie donc ne peux répondre à ces questions-là, mais je m'interroge sur le soi-disant aspect exclusivement médical du problème du point de vue du patient à partir du moment où les groupes de paroles s'adressant aux personnes en difficulté avec l'alcool rencontrent un certain succès* : il y a à  l'évidence une demande pour quelque chose d'autre qu'un soin médical. Est-ce que l'éducateur peut y pourvoir? C'est une autre question.

*Je n'ai pas de données de fréquentation sous la main si quelqu'un en a à disposition...


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La_Brebis homme
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Merci Prescripteur et Merci Hilde pour vos deux réponses.
En effet les groupes de paroles semblent intéresser les patients qui pour certains (je n'ai pas un "échantillons" énorme comme exemple) y trouvent leur compte et du bon à prendre.
Le fait de partager avec des pairs y serait il pour beaucoup ? Le travail avec l'éducateur semble lui plus compliqué.
Comme le fait remarquer (assez justement je pense) Prescripteur, les personnes alcoolo-dépendantes suivis en CSAPA arrivent (je pense..je reste très prudent) à un moment ou la consommation est un GROS problème alors qu'effectivement pour les produits plus "connotés" la prise en charge/l'accompagnement (je préfère ce terme ;-) ) peut se faire avant ce point "critique", justement de par sa connotation "drogue".

J'ai de mon point de vue l'impression que les personnes alcoolo-dépendantes ont beaucoup plus de difficulté à parler de leur consommation que les personnes avec une addiction à la cocaïne par exemple (mais c'est valable pour d'autres produits). Les alcoolo-dépendants en parlent "plus facilement" avec un médecin qu'avec un éducateur (me semble t'il) et encore cela reste minimisé la plupart du temps.

Les CSAPA Alcool hospitalier n'ont pas d'éducateur la plupart du temps (enfin de ce que je vois...)

L'image de l'alcool en société n'est y pas (en partie) responsable ? La "drogue" au sens "illicite" du terme justifie le passage par un CSAPA et un "soin" d'une manière générale alors que l'alcool étant "festif", toléré, et même je trouve parfois bien encouragé, les personnes qui souffrent de cette addiction n'ont il pas tendance à la voir comme "une dépendance uniquement physique" (et donc uniquement guérissable par un suivi médical?) alors que les consommateurs d'opiacés (juste pour l'exemple) le sont "forcément" de manière un peu plus marginale... On ne peut pas prendre d'héroïne entres amis à la terrasse d'un bar en écoutant de la musique un samedi soir... Et donc auraient (peut être) une prise de conscience plus précoce ? et plus "Sociale" (dans le cas d'un problème hein... je ne dis pas que tout consommateur a une addiction)

Je ne sais pas si je suis clair sur mes questionnements et mes points de vues (absolument pas fermés, bien au contraire...)
Les patients avec une addiction "alcool" (avec ou sans poly-consommation) sont de plus en plus nombreux et un raisonnement/remise en question pro me semble importante.

Merci d'avoir lu ce petit pavé et bonne soirée ;-) (ou journée)

(Educateur_en_CSAPA)

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Hilde femme
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Bonsoir La Brebis,

Ce sont des questions intéressantes, j'aurais souhaité que tu reçoives plus de réponses, mais voilà... sad

La_Brebis a écrit

L'image de l'alcool en société n'est y pas (en partie) responsable ?

Certainement. L'alcool est la norme lors de festivités. Dans ces circonstances, en public, il est "normal" de s'alcooliser. L'après-midi ou à l'heure de l'apéro on voit les clients aux terrasses qui partagent un moment convivial autour d'une bière. Au restaurant, d'autant plus s'il est gastronomique, il est d'usage que les clients commandent du vin.

Même si ces comportement ne sont pas systématiques ils sont tous les jours sous nos yeux de sorte qu'on n'a pas l'impression de sortir de la norme lorsqu'on les adopte... et qu'on les prolonge à la maison. Après tout certaines personnes dînent tous les soirs à l'extérieur, est-ce qu'on imagine qu'elles restent à l'eau la plupart du temps? Probablement pas, même si c'est ce qu'elles font. Et les retraités, est-ce qu'on n'en voit pas nombreux à consommer du vin à tous les repas comme cela se faisait autrefois? N'est-ce pas naturel d'avoir du vin en stock, une petite cave pour les jours où l'on reçoit les copains, et d'autres alcools pour l'apéro? Et finalement pour quelle raison s'en prive-t-on lorsqu'on est à deux ou seul?

Aussi lorsqu'on débute une alcoolisation chronique on n'a pas forcément l'impression de se démarquer extraordinairement, même s'il faut certainement dépasser une certaine forme d'appréhension pour prendre son premier verre en solitaire. Les gens ne discutent pas davantage de leurs consos en solitaire que de leur abstinence en solitaire. On n'a pas forcément des repères très clairs.

Une fois l'habitude installée elle devient un plaisir dont on n'a plus envie de se passer puis dont on peut difficilement se passer sans frustration, voire souffrance, selon la situation.

Est-ce qu'aux yeux de l'impétrant ça justifie de se sentir "malade"? De se voir désigné comme "malade" de la dépendance par le corps médical alors qu'auparavant on n'était qu'un bon vivant? Pourquoi moi plus que le voisin? Le malade je croyais que c'était celui qui allait chercher l'ivresse profonde régulièrement, ne contrôlait plus rien, ni ses mots ni ses actes, ne tenait plus sur ses jambes, faisait n'importe quoi, quitte parfois à aller titiller le coma éthylique ou démarrait au petit-déj.

********

J'ai vraiment beaucoup de difficultés avec l'alcoologie actuelle et sa paternaliste "maladie chronique à vie" d'alcoolo-dépendance, et l'approche thérapeutique qui en découle : l'alcool est plus fort que moi, je suis impuissant face à l'alcool, et patati et patata.

Certes ça semble convenir à certains, mais s'il avait fallu attendre que je me mette à genoux devant l’Être Suprême Éthanol et m'abandonne à je-ne-sais-qui ou je-ne-sais-quoi, je crois qu'on aurait pu attendre longtemps!!

Au lieu de craindre le risque improbable de devenir un jour une alcoolique caricaturale, si malade que son salut ne passât plus que par l'abdication de sa sanité d'esprit via la soumission à une spiritualité ou domination étrangère, si j'avais pu prendre conscience de la véritable toxicité de l'alcool, de la nocivité des sevrages, des signes de dépendance physiologique, et du sérieux des repères de consommation, autrement dit, si j'avais pu prendre conscience des risques véritables et constater la réalité des dommages déjà avérés plutôt que de les imputer aux conséquences du tabagisme ou du vieillissement normal, je me serais probablement bougée plus tôt...

J'en déduis que les arguments médicaux sont les plus motivants pour certains alcoolo-dépendants - qui aiment l'alcool mais encore mieux l'idée de préserver leur capital-santé - ... et a fortiori pour certaines personnes à risques mais sans dépendance.

Je ne peux pas parler pour les autres, mais il est évident que les conduites nocives et à risques avec l'alcool vont bien au-delà certaines catégories de consommateurs, et qu'il faut trouver le moyen de s'adresser intelligemment à ces consommateurs.

Ma dépendance tabagique étant bien supérieure à ma dépendance alcoolique, quelle crédibilité et efficacité aurait pu avoir la tentative d'infantiliser ma consommation d'alcool quand c'était par rapport à celle de tabac que je me sentais totalement impuissante?? A moins évidemment de tenter de me tenir le même genre de discours vis-à-vis du tabac et me demander de capituler, etc., etc. A la place on a préféré diaboliser et culpabiliser... Zéro efficacité.

J'entends bien que le tabac n'a pas les mêmes effets neurologiques que l'alcool et que ce dernier altère les capacités cognitives. Mais à mon avis il serait plus juste, et certainement plus efficace, de prévenir que si le tabac tue l'alcool détruit méthodiquement...

Désolée de ces longs développements un peu HS, je voulais en venir au fait que si j'avais dû fréquenter un service d'alcoologie cela aurait été entre guillemets "trop tard", c'est-à-dire après mon sevrage, dans l'espoir de trouver des professionnels à l'écoute de mes inquiétudes résiduelles, pour faire un bilan médical sur mon état de santé, et apprendre comment booster ma récupération physique, donc avant tout pour bénéficier de ses services médicaux et non pour ses services sociaux...

C'est dommage car j'étais tout à fait dans la cible de l'alcoologie : usage nocif avec dépendance... mais j'ignorais la dépendance physique tandis que la dépendance psychologique me semblait gérable, et je sous-estimais largement la toxicité du produit aux doses que je consommais.

Hilde


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La_Brebis homme
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Merci Hilde pour ta réponse

Hilde a écrit

J'en déduis que les arguments médicaux sont les plus motivants pour certains alcoolo-dépendants - qui aiment l'alcool mais encore mieux l'idée de préserver leur capital-santé - ... et a fortiori pour certaines personnes à risques mais sans dépendance.

Il est vrai que c'est un discours que j'ai parfois entendu dans les cas "extrêmes" ...le "je ne veux pas en mourir" donc je dois/veux arrêter. Souvent par une aide médicale là encore, car le problème me semble perçu comme physique "uniquement" ou en tout cas principalement.

Hilde a écrit

je voulais en venir au fait que si j'avais dû fréquenter un service d'alcoologie cela aurait été entre guillemets "trop tard", c'est-à-dire après mon sevrage, dans l'espoir de trouver des professionnels à l'écoute de mes inquiétudes résiduelles, pour faire un bilan médical sur mon état de santé, et apprendre comment booster ma récupération physique, donc avant tout pour bénéficier de ses services médicaux et non pour ses services sociaux...

C'est dommage car j'étais tout à fait dans la cible de l'alcoologie : usage nocif avec dépendance... mais j'ignorais la dépendance physique tandis que la dépendance psychologique me semblait gérable, et je sous-estimais largement la toxicité du produit aux doses que je consommais.

L'impression extérieure que j'ai est que certains (la majorité ?) perçoivent leur relation à l'alcool comme une relation à un produit et non comme une addiction "comme une autre" dans le sens où une fois un sevrage physique fait ce sera "ok pour lui". Il y a dans ma pratique pro pas mal de déni (surtout au niveau de l'alcool + que sur les autres produits je trouve). Il y a le côté médical, le côté psy qui dans la plupart des cas sont "les aides dont ils ont besoins" et uniquement celles ci. Les habitudes de vie, le côté social, la relation au monde, la relation aux autres, les habitudes etc semblent passé à la trappe.


(Educateur_en_CSAPA)

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prescripteur homme
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Il y a le côté médical, le côté psy qui dans la plupart des cas sont "les aides dont ils ont besoins" et uniquement celles ci. Les habitudes de vie, le côté social, la relation au monde, la relation aux autres, les habitudes etc semblent passé à la trappe.

Je pense  que c'est ce qui reste d'une conception médicale de l'alcoolisme, ancienne, qui considérait l'alcool comme un "microbe" pathogène qu'il fallait éradiquer. Conception "hygiéniste" !!
Même si cette conception n'est plus utilisée en pratique (du moins je l'espère), son influence sur l'organisation des soins reste présente.

http://deployezvosailes.free.fr/Alcooli … toire.html

Amicalement

Dernière modification par prescripteur (16 novembre 2019 à  16:33)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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La_Brebis homme
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Merci pour le lien Prescripteur.
Je ne ressens pas cette conception sur mon lieu de travail avec l'équipe. Mais il doit encore laisser des traces ici et là dans l'inconscient des personnes prisent en charge peut être.

(Educateur_en_CSAPA)

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