Salut, je me permets d'interagir car le micro-dosage n'est pas un sujet que je vois souvent abordé sur le site. Je me permets donc d'apporter ma petite expérience. J'ai entendu parler du micro-dosing au détour d'une conversation au sujet du
LSD. Ca m'a mis la puce à l'oreille et j'ai fait des recherches à ce sujet, j'ai exploré les ressources en ligne un bon moment (en anglais on trouve pas mal de choses, en particulier sur Reddit). Mon choix s'est également porté sur les
truffes: faciles à trouver, expérience avec un vrai trip il y a plus d'une dizaine d'années (on va y revenir) et aucune expérience perso avec le
LSD, pas facile d'accès pour moi, et au dosage qui, si je ne m'abuse, semble moins pardonner si on n'a pas d'info sur le produit acheté (en clair, je ne me voyais pas découper des cartons en 10-20 petits morceaux sans connaître leur dosage de départ ni leurs conditions de conservation).
Contexte:
J'ai tenté l'expérience en 2021, vers la fin de la période Covid. Anxieux de nature (crises d'angoisses) ayant souffert de dépression et d'autres troubles psy (TCA) de par le passé, l'option psychédélique m'a semblé intéressante. Je suis un consommateur régulier de
cannabis et d'
alcool. Je ressentais également le besoin de "sortir de ma zone de confort" et envisageais parfois l'idée de refaire un "vrai" trip sous
psilocybine, mais la peur résiduelle d'une expérience passée m'en empêchait.
Parlons justement de cette expérience: il y a une quinzaine d'année, j'ai consommé une boîte entière de
truffes (15g) après deux trips ratés (1/4 et 1/2 boîte). L'expérience qui s'en est suivie a été particulièrement intense, magnifique, bouleversante, effrayante, et sur la fin, désespérante. Après avoir vu des arbres changer de couleurs, les motifs du papier-peint évoluer sous forme de fractales, des caléidoscopes dans des nuages, des tapis qui respirent, le parc se transformer en jardin d'Eden, les ondes d'une bouteille d'eau résonner à travers mon corps, et avoir plongé dans le sourire d'un biscuit BN, la fin du trip a été cauchemardesque. Pensées obsessionnelles sur la folie, la mort et l'hôpital, boucle temporelle, angoisses,
flashbacks du passé, visions négatives les yeux fermés... J'ai regretté ne pas m'être suffisamment renseigné sur les effets et me serais muni d'un benzo si j'avais su, mais je ne savais pas...
Bref c'est donc avec cette expérience ambivalente en tête que je partais.
Micro-dosage vs. macro-dosage:
Alors déjà je vais insister sur un point, déjà abordé par OP:
pour moi, vu les doses mentionnées, OP n'a pas fait une expérience de micro-dosage, mais de "macro" dosage répétés. Donc des "petits" trips répétés. Pour le micro-dosage, on parle en général d'une dose dix fois inférieure à la dose habituellement consommée à titre récréatif. La dose-seuil conseillée sur la boîte achetée au headshop étant de 5g, j'ai donc fait des petits paquets de 0.5 à 0.75g que j'ai stocké au frigo.
J'ai décidé d'adopter un rythme d'une fois tous les 3 jours, le matin, vers 10-11h. J'ai donc parfois consommé ces micro-doses sur le lieu de travail, pendant la pause (on va y revenir aussi). Mon objectif de départ était de maintenir ce cap pendant 2 mois.
L'expérience en elle-même:
Première micro-dose consommée seul, un matin où je ne travaillais pas. Je me souviens d'une sensation "d'éveil" assez similaire à celle ressentie lorsqu'un café bien serré vous sort de la somnolence. Je retrouve également une petite sensation de "flagada" ressentie lors de l'attente de la montée d'un produit. Etait-ce un effet placébo / nocébo ? Difficile à dire, surtout pour une personne sujette à des montées d'angoisse random dans le quotidien. Bref, cette sensation dure 30-45 minutes et est suivie par: rien de bien spécial, à vrai dire.
C'est d'ailleurs mon impression générale de micro-dosing: une impression de "monter" vers une direction inconnue pour n'atteindre ni un high, ni un plateau, mais simplement un retour à la continuité du quotidien. Cette sensation s'accompagnant d'une certaine angoisse (les changements soudains d'humeur annonçant parfois chez moi l'arrivée d'une
crise de panique). Sensation amplifiée les jours où la micro-dose était consommée sur mon lieu de travail car s'ajoutait une forme de paranoïa: la peur "d'être choppé à faire un truc pas commun et un peu illégal" ou "la peur que ça parte en panique et que je sois obligé de laisser de côté mes responsabilités, voire de révéler la raison de cette panique". Après quelques semaines, j'ai remarqué comme OP une certaine intensité dans la perception de mon environnement et de mes sentiments / sensations. Cette intensité étant à la source de certaines interrogations, et de petits changements dans mon comportement (moins envie de boire d'
alcool, et par contre, une réduction des effets de la
weed). Je tenais également un petit journal semi quotidien (très conseillé pour faire le point).
J'ai mis fin à l'expérience après un mois et demi. Ce matin-là, je me réveille après avoir consommé bière et
bédos la veille (donc un peu dans le rata) et je devais partir en rando en petite montagne avec un ami. La journée est très belle, grand soleil, grand ciel bleu, je sors de ma tanière et tout me paraît un poil trop intense. Je prends le volant. Je n'avais pas dit à l'avance à cet ami que j'avais consommé une micro-dose. Le classique schéma de pensée circulaire revient: je me sens sur le fil du rasoir, les sensations ressenties sont intenses sans que je puisse mettre le doigt dessus, je n'ai pas envie de faire flipper cet ami en lui disant que je me sens trop anxieux pour faire quoi que ce soit dehors, mais je dois absolument lui dire parce que, ça va pas. Je finis par lui dire et lui en expliquer la raison, sa réaction est parfaitement neutre, bienveillante, nous passons le reste de la journée à boire du thé, puis des bières, la pression retombe progressivement.
Ma conclusion fut alors que le micro-dosing (ou la manière dont je l'ai pratiqué, c'est à dire, parfaitement imparfaite) n'était pas pour moi, car il aiguisait trop l'intensité de mes sentiments et de mes sensations, ce qui avait tendance à me mener dans des schémas anxiogènes.
Quand je veux le résumer dans des conversations, je reprends cette métaphore d'un "café psychédélique". Donc des effets
psychotropes sans être constitutifs d'une expérience pleinement psychédélique: éveil, augmentation de l'attention et de l'intensité du ressenti, avec tout ce que cela peut avoir d'agréable, mais aussi de désagréable pour une personne de ma condition.
Je ne regrette en aucun cas l'expérience (insérez ici un cliché philosophique quelconque sur l'importance du chemin pris plutôt que du but atteint) même si je n'ai personnellement pas constaté d'amélioration clair des "symptômes" sur lesquels je voulais travailler.