L’e-cigarette au
cannabis n’est pas le
joint du futur
LE MONDE | 17.12.2014 à 10h52 • Mis à jour le 17.12.2014 à 12h27 |
Par François Béguin
Une
cigarette électronique.
Il y a les mots pour faire parler de soi, et ceux, souvent différents, pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Ainsi, mardi 16 décembre, avant même que la ministre de la santé n’en demande l’interdiction, « la première vapoteuse au
cannabis 100 % légale » est devenue, dans la bouche même de ses promoteurs, une modeste «
cigarette électronique à l’huile de chanvre ».
Lors d’une conférence de presse, Antonin Cohen, le fondateur de la société franco-tchèque Kanavape, a ainsi feint d’être « surpris par l’engouement médiatique » suscité par son produit. « J’espère ne pas vous avoir trop déçu, car je sais que beaucoup de gens attendent une
cigarette électronique au
cannabis », a-t-il lancé, cherchant à désamorcer point par point ce qui pourrait être reproché à sa vaporette dont la commercialisation doit débuter en janvier 2015 au prix de 49 euros le kit (vaporette et produit), puis de 24,50 euros la cartouche de recharge de 0,5 millilitre.
« Notre produit n’a aucun effet
psychotrope ou psychotique », a-t-il d’abord prévenu, expliquant que, à
base de chanvre naturel, il ne contenait pas de tétrahydrocannabinol (THC), la substance psychoactive du
cannabis, interdite par la loi. « Notre produit ne doit pas être considéré comme une alternative au pétard », a-t-il souligné. Sur le modèle de l’aromathérapie, il lui a cependant attribué des vertus « relaxantes » grâce à la présence de
cannabidiol (CBD), un composant non euphorisant du chanvre.
« Consommation courante »
« Notre
cigarette n’est pas un produit thérapeutique, ce sera un produit de consommation courante », a également précisé M. Cohen. Une affirmation en contradiction avec le communiqué de presse envoyé quelques jours plus tôt, qui faisait état d’« une solution alternative à la médecine traditionnelle, en se basant sur les effets thérapeutiques du
cannabis sans
psychotrope ».
Les pouvoirs publics n’ont pas tardé à réagir. Dans l’après-midi, la ministre de la santé Marisol Touraine a annoncé qu’elle allait saisir la justice pour interdire la commercialisation de cette e-cigarette. « Je suis opposée à ce qu’un tel produit puisse être commercialisé en France », parce que « cela constitue une incitation à la consommation de
cannabis » qui est « potentiellement répréhensible par la loi », a-t-elle déclaré sur RTL.
Sa réaction n’a pas dû complètement surprendre les dirigeants de Kanavape. La veille, tout comme les autorités sanitaires, ils avaient reçu un mail du professeur Gérard Dubois, le président de la commission des addictions de l’Académie de médecine, qui leur indiquait que l’Etat ne peut « autoriser la publicité illégale d’un produit illégal prétendant illégalement et sans preuves avoir des avantages sanitaires ». « Cette initiative pourrait nuire au développement potentiel d’un produit que chacun s’accorde à considérer comme immensément moins dangereux que la
cigarette tabac », concluait le médecin.
Pour Pierre Chappard, président de PsychoActif, une association d’usagers de stupéfiants, sans effet thérapeutique, ce lancement n’est qu’un « coup commercial sur le dos des consommateurs ». « Rien qu’en s’appelant Kanavape, ils font croire que ça a l’effet du
cannabis », dit-il, rappelant que des
e-liquides de synthèse avec des arômes artificiels au au goût de
cannabis existent déjà dans le commerce
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