Bonjour a tous, je reviens sur le site pour exprimer mon malaise interne, peut-être que ca pourra m'aider. C’est très long, certains connaissent déja ma situation, mais j'ai tout couché par écrit, ca me fait du bien. Je devrais sans doute ouvrir un blog que d'envahir le forum, excusez-moi.
Voilà , j'ai demandé un conseil fin juin à propos de ma consommation d'
héro, il y avait eu trois prises occasionnelles étalées sur 6 ans. Evidemment, comme je me posais soudain des questions, j'hésitais à finir, peut-etre juste prendre une dernière prise dans le paquet qu'il me restait. J'ai demandé conseil, malheureusement il y a eu des réponses très divergentes, qui reflètent bien la difficulté que pose le sujet. Beaucoup de réponses assez zen d'abord, qui visaient aussi sans doute à me déculpabiliser, donc à faire que tout se passe pour le mieux... Puis soudain, j'ai été glacé par la réponse suggérant une abstinence immédiate et sans tarder, mettant l'accent sur le danger et sur le fait que tout le monde y tombe (c'était d'ailleurs à l'origine un commentaire en anglais du même type, sur un site américain, qui avait éveillé mes craintes, alors même que j'étais encore serein le lendemain de la prise, fumant du
cannabis et pensant à d'autres trucs. Quel contraste avec aujourd'hui quand j'y pense.) Même si cette position était alors très minoritaire dans les réponses reçues, et sans doute ne tenait pas vraiment compte de mes propres stratégies pour avoir organisé une conso aussi modérée, à l'opposé d'un type qui en prend au petit bonheur la chance.
J'ai jeté ce qui restait dans la foulée, ce qui n'était pas vraiment un geste facile et anodin, plus tard j'ai écrit sur une feuille de papier : n'y retoucher jamais. Et alors il y a eu ensuite des commentaires du directeur et d'un modérateur du site s'opposant clairement à la lecture de l'intervenant sur ma situation. C'est là que j'ai buggé, j'ai commencé à me dire, "c'est vrai, tu as surréagi", à envoyer des messages en privé aux concernés disant en gros "tu crois que ma conso ne pose pas de problème?" A penser à en racheter, et à me mettre à avoir peur de cette envie d'en racheter… A regretter d'en avoir pas repris après les premières réponses cool, d'avoir jeté tout de suite, à pas avoir simplement fini le pochon comme les autres fois, ou tout avait été cool, ca y est, c'était fini. A me dire : "contrôle-toi", sans qu'il y ait vraiment quelque chose à contrôler d'autre que mon stress… En plus, pour couronner le tout, un pote à qui j'en avais laissé quand j'avais le paquet, qui vit à 300 bornes de là , n'a pas aimé, n'a pas fini, a laissé une petite trace me disant : "tu peux passer la finir, si tu veux". Et moi de penser : ca tombe à pic, ca évitera même d'en racheter. Non c'est dangereux, résiste à cette tentation. Allons, calme-toi, c'est pas grand chose. Pourquoi tu y penses? Ca craint…
J'ai commencé alors à lire tout ce qui rapportait sur l'
héroïne, la mesure du risque, sur internet, y passant des heures entières, d'autant que j'étais dans une phase de pause professionnelle. J'ai commencé à mal dormir, me levant la nuit pour fumer des clopes, augmentant ma consommation tabagique à fond. J'ai rédigé un pensum sur l'
héroïne occasionnelle, avec une conclusion ouverte, disant qu'il n'y avait pas de risque absolu, mais pas de risque zéro non plus. J'ai perdu plus de dix kilos en trois mois, moi qui avais du mal avant à en dégager deux. J'étais souvent en sueur, anxieux, parfois l'impression d'une barre parfois au milieu de la poitrine. Tout ca, à propos d'une mini-trace que certains prendraient pour gouter leur paquet. Certaines connaissances à qui j'ai exposé un peu le contexte doivent penser eux que j'ai carrément plongé dedans, à me voir.
Entre temps, mon projet professionnel ne s'est pas fait (ca n'est pas forcément lié là , quand même), m'obligeant à organiser mon retour en France, après onze ans passés sur place, laissant amis, relations, derrière moi. Et pour ma part, j'y ai vu secrètement un atout, qui allait m'obliger à trancher quand ca arriverait (alors que ca a quand même d'autres implications, c'est dire comment tout est passé au second plan en regard de ca). Ca m'a d'ailleurs permis d'évacuer la pression, et de reprendre simplicité et de joie de vivre à cette perspective. Mais l'angoisse est remontée au fur et à mesure que la date se rapprochait, cette fin de mois-ci. J'ai été voir le médecin, j'ai repris contact avec mon psychiatre, que j'avais vu trois ans avant pour des problèmes d'anxiété assez mineurs, en comparaison, on avait fait une courte psychothérapie, l'ambiance était vraiment légère à l'époque, sans médication d'aucune sorte. Il a essayé de dédramatiser, me disant en substance que je prenne ca ou pas n'était pas si grave, que c'était avant tout une projection de mes angoisses personnelles. Il m'a dit d'agir, en un sens ou l’autre, avant tout.
J'ai fait des cauchemars, impliquant ma famille. Une fille dont je suis amoureux et qui est maquée avec un autre, relation platonique teintée d'ambigüité (enfin, de mon coté, en tout cas) m'a tenu des propos assez sévères, disant que j'avais l'air glauque. Après ca, qui a rajouté à la déprime, j'ai commencé à faire un trouble anxieux qui m'a empêché carrément de m'assoupir. J'ai eu des pensées un peu délirantes, me disant que ca allait correspondre à une quatrième prise, qui est le chiffre de la mort en Asie, qu'il fallait en rester à trois ou prendre cinq prises... Je me suis retrouvé sous Imovane et sous
Xanax, une première pour moi. J'ai arrêté déjà le premier, mais le traitement du second doit s'achever ce soir, et ca m'angoisse un peu. Ca m'a quand meme fait du bien un temps, je gamberge moins, meme si je suis un peu crevé et que je ne peux plus sortir boire d'
alcool avec les potes.
Il faut que j'organise mon déménagement, c'est stressant, trier, jeter, garder ses affaires, vendre ses meubles. Je dois partir maintenant dans dix jours. Les avis des gens à qui j'ai exposé toute l'affaire divergent, évidemment, sur l'opportunité de finir ce truc. Certains soulignent combien j'ai toujours peu consommé, qu'il s'agit de quantités absolument modestes, d'une anecdote, qu'il vaut mieux en finir. D'autres disent que ce n'est pas bon dans mon état.
Parfois, je me sens en position de relativiser à fond : j'ai même envisagé d'en racheter pour prendre quelques rails avec des potes, dans une ambiance de marrade, histoire de casser la fascination pour la fin du machin chez mon pote, avant de me retrouver en France dans un environnement totalement différent, l'occasion de marquer de toute façon une rupture. D'autres fois, je me sens mal et j'ai l'impression que la seule alternative qui m'attend, c'est ou bien la dépression ou la toxicomanie, qu'il s'agit de la question la plus importante de toute ma vie. J'ai jeté entre temps ma feuille n'y retoucher jamais, pour la remplacer par un truc : "Quoiqu'il se passe, jamais en France".
Hier, une copine à qui je racontais me disait qu'elle était triste pour moi, que je gâchais la fin de cette longue période dans ce pays que j'ai aimé. Elle m'a conseillé d'écrire ce que je ressentais.
Tout à l'heure, une dame asiatique que je connais à peine, me regardait, elle m'a touché l'épaule et m'a dit en langue locale : "Ne pense pas trop." Ca m'a remué que quelqu'un d'aussi extérieur s'aperçoive de mes ruminations. Ca m'a réveillé un peu, et j'ai ressenti de la colère contre un peu tout le monde mais avant tout contre moi-même, contre le fait de m'être maintenu aussi longtemps dans une sorte de virtualité. Ce n'est peut-être pas l'émotion la plus saine, mais c'était mieux que de me maintenir dans une sorte de long monologue contradictoire.
Je comprends ce qui se passe sur un forum, les gens expriment des conseils et des avis divergents, c'est le jeu, ils ne vont pas se coordonner en amont. Beaucoup mettent en avant le fait que l'addiction est un processus long et complexe de prises de plus en plus fréquentes et répétées, parfois étalé sur des dizaines de prises, voire plus, cassant les aspects parfois un peu "mythiques" de la chose. D'autres évoquent au contraire une espèce de révélation, qui marque au fer rouge. Sans doute ces débats s'adressent plutôt d'ordinaire des gens qui soit sont tentés par une première fois, en guise d'avertissement, soit commencent à avoir du mal à gérer leur conso, du type "ca fait six mois que je tape chaque semaine, et là depuis trois, j'en prends tous les jours". Mais c'est frappant de voir parfois les différences de perception sur la chose.
J'ai recueilli ainsi des sons de cloche pour le moins très différents, parfois les conseils s'harmonisent mieux entre eux sur un fil donné, se dégagent une certaine cohérence qui aide davantage les gens à prendre leur décision. Mais sans doute est-ce que parce que certains profils sont plus évidents à décrypter, le mien est marqué de davantage d'ambiguïté, autorisant les projections de chacun sur la "gestion". Chacun va penser ce qu'il voudra, suivant ses convictions, son expérience : reste que je me suis mis à gamberger comme un tordu, ce qui n'est jamais bon. Les conseils ne sont que des conseils, après il faut aussi s'écouter soi.
Je ne dis pas ca pour proscrire les commentaires éventuels, bien au contraire, ils sont les bienvenus, mais surtout parce que j'ai besoin d'extérioriser, de mettre à plat ce qui m'arrive.
(j'ai rédigé ce message chez moi hier matin, je me rends ensuite pour poster dans un café internet mais du coup je balance le suivant écrit plus tard)Hier soir et ce matin, je me suis bien calmé, tout seul, le fait d'écrire m'a permis d'extérioriser mes angoisses, de me sentir d'un coup mieux dans ma peau. Je me suis rendu compte d'abord d'une chose importante : je ne suis pas addict. Un addict, c'est par définition un type qui a un rapport compulsif au produit. Moi, je fais mes journées depuis quatre mois sans avoir pris d'
héroïne, après en avoir pris trois ans avant, donc ce n'est pas ca être héroïnomane. Si quelqu'un ne prend pas d'
alcool pendant hyper-longtemps, en se disant "j'ai peur d'etre alcoolique", on ne va pas dire de lui qu'il est alcoolique, on trouvera peut-être même qu'il s'inflige décidément une grande pression psychologique. C'est mon cas, et je comprends mieux ce que voulait dire mon psy en parlant de projection anxieuse. Je me sens du coup beaucoup plus relaxé, bien mieux dans ma tête et dans ma peau.
Cela pourrait être le cas s'il s'agissait d'un ancien addict : mais ce n'est pas mon cas non plus, je n'ai encore jamais eu un rapport compulsif à l'
héroïne, loin s'en faut. Ce sont deux points importants, qui m'ont permis hier soir d'etre zen, de bien dormir après avoir lu un bon bouquin.
Ensuite, l'idée de n'en reprendre qu'au moment d'un grand départ et d'un changement de vie n'est pas si sotte. Elle permet de bien mettre en place une limite claire, et de lutter contre le désir futur. C'est ce qu'un pote qui a réussi à en prendre dix ans sans tomber dedans, même s'il ne m'a pas caché que ce n'était pas facile, loin s'en faut, appelle "l'opportunité magique". En l'occurrence, avoir eu une consommation très modérée d'
opiacés en Asie, là où ils sont les meilleurs au monde, et prendre ses distances avec en rentrant en France est un comportement jouable et rationnel, ce sont des circonstances plus fortes et radicales en tout cas que se dire : "allez, samedi prochain, j'arrête". Alors qu'en fait le samedi suivant va ressembler à tous les autres, et les raisons pour en reprendre vont être banalisées.
Souvent, l'addiction vient du fait que les envies de reprendre se multiplient dans le temps, on y cède, jusqu'à finir par des prises très rapprochées entre elles. Les gens pensent alors se tenir à une fois tous les quinze jours, ce qui serait en apparence tout à fait gérable avec d'autres produits, mais finit par introduire avec l'
héroïne une tension psychologique qui fait qu'on ne tient plus jusqu'à la date prévue. Vu sous cet angle, j'ai l'impression de ne pas risquer tant que ca, tant la conscience de savoir à quel point ce serait glissant en France s'impose comme garde-fou.
En même temps, je me dis que c'est peut-être trop facile comme analyse. J'essaie de réfléchir au fait de rentrer en France sans en prendre : qu'est-ce que je ressens? Un peu de frustration, de regrets, de devoir maintenant faire face à la vie là -bas sans en avoir pris une dernière fois ici. Si j'en prends avant, j'ai l'impression peut-etre trompeuse que j'aurai moins de regrets, une impression, en quelque sorte de satiété, mais si risque il y a, de quelle nature pourrait-il être? Qu'au lendemain, je ressente une sensation forte de culpabilité, de sensation que "c'était si bon" que je n'aurais pas du le prendre, que ca va me manquer encore plus que si je ne l'avais pas pris?
Jusqu'ici, je n'ai jamais ressenti ca, pas au cours de mes seules trois prises, au contraire, à chaque fois, j'ai ressenti le fait que ce n'est pas aussi terrible que ce qu'on dit, mais est-ce possible de le ressentir différemment du fait même de mes attentes un peu plus fortes cette fois-ci en terme de soulagement, de la tension psychologique que j'ai introduite ces derniers mois avec le produit? Je sais que le lendemain provoque souvent des idées noires et j'essaie d'anticiper la nature que celles-ci pourraient prendre, pour justement qu'elles ne me prennent pas trop au dépourvu, ces petites biatches.
Peut-être ce ne serait rien d'insurmontable, à ce stade, dans mon cas : mais il faut quand même se méfier de la relation complexe entre envie et appréhension, tout en ne donnant pas prise justement à ses peurs. Je me demandais si chaque étape est dangereuse en ceci qu'elle rapproche de la prochaine (pas de huitième sans septième, pas de neuvième sans huitième…), ou si chacune d'elle représentait aussi un danger spécifique?
Mon pote me dit lui que ce n'est pas une fois de plus, une fois de moins qui change vraiment la sensation, c'est plutôt de réussir à vraiment se poser les limites et s'y tenir pour de bon. Il ne faut ni se sentir préservé absolument (excès de confiance), ni en danger imminent (excès de crainte). Ca peut avoir l'air d'un pari fou, ca l'est sans doute, mais en réussissant à canaliser ca uniquement à travers un évènement-clé de sa vie (mon passage en Asie), ca peut marcher.
En tout cas, une chose est sure : il faut être conscient de l'attachement, ca ne sert à rien de le nier et de se faire plein de mouron, mais que plus on se tient éloigné de lui ensuite dans le temps, plus il décroit. Il faut essayer d'envisager ca de la manière la moins émotionnelle possible, justement.
Et aussi, il faut que je réalise : en me prenant trop la tête, je me gâche la vie, je me crée une inutile tension interne.