Je partage ici mon retour d’expérience sur un
sevrage opiacé que j’ai mené hors cadre hospitalier, sans protocole médical officiel, mais avec méthode, rigueur, et des soutiens choisis.
Ce témoignage n’est pas un modèle, encore moins une prescription. C’est un chemin parmi d’autres.
Mais il peut, peut-être, servir de repère ou de miroir pour celles et ceux qui cherchent à sortir non seulement des drogues, mais aussi des traitements de
substitution, quand il n’existe aucun accompagnement réel pour aller jusqu’au bout.
•Subutex et impasse institutionnelle
J’étais suivi par un
CSAPA régional, sous
Subutex. Mais très vite, j’ai constaté les limites du système : aucun véritable accompagnement pour un
sevrage total, aucune proposition concrète pour sortir même des
TSO.
L'offre s'arrêtait à la
substitution indéfinie.
J’ai donc quitté le suivi médical pour reprendre la main. Non par défiance, mais parce qu’il n’existait tout simplement aucun chemin possible dans ce cadre pour sortir totalement de la dépendance.
•Du
Subutex à la
morphine : purification progressive
J’ai d’abord switché du
Subutex vers de la diacétylmorphine très pure (95–98%), dans une logique de clarification :
réduire les multiples alcaloïdes, ne garder qu’un seul agoniste, maîtriser les effets de
sevrage.
Puis j’ai fait une transition vers la
morphine, avec une baisse progressive jusqu’à atteindre environ 250 mg/jour au moment où j’ai dû initier le
sevrage complet.
Ce dosage n’était pas idéal, mais je disposais d’une fenêtre limitée pour agir. Il fallait choisir un moment, et le tenir.
•Jours 1 à 5 : la tempête contrôlée
Les cinq premiers jours ont été les plus difficiles : douleurs intenses, agitation nerveuse, sueurs, bâillements compulsifs, désorganisation mentale, perte d’énergie vitale.
Pour tenir, j’ai utilisé une stratégie multi-niveaux:
Prégabaline (jusqu’à 150 mg/jour) : pour apaiser les nerfs, atténuer les douleurs et calmer l’hyperexcitation.
Mini-doses de
kétamine (10 à 25 mg), utilisées avec prudence : toujours dans un cadre calme, avec balance de précision, produit testé et intention claire, ritualisée. Cela m’a permis de casser les boucles de désespoir, d’introduire de la plasticité au cœur du chaos.
Cohérence cardiaque, respiration lente, isolement temporaire.
Tambour chamanique : pour rythmer l’état interne, drainer les émotions, relancer un ancrage corporel par le son.
Sauna et bains froids en alternance, chaque fois que possible : pour stimuler le système endorphinique et soulager la surcharge nerveuse.
À savoir que le processus global a duré environ quatre semaines.
Les jours 1 à 5 étaient une épreuve. Ensuite, ce fut long, mais plus supportable : le temps que le corps se réadapte, retrouve ses régulations naturelles et sa capacité à fonctionner sans béquille chimique.
•Travail psychique en parallèle
Je n’étais pas totalement seul. J’ai bénéficié, dans les moments clés, du soutien ponctuel d’un thérapeute spécialisé dans les traumas profonds.
Il ne s’agissait pas d’une thérapie classique. Ce travail visait à accueillir et faire circuler les traumas primaires qui remontaient brutalement pendant les phases de déconstruction psychique.
Ce soutien a été essentiel pour ne pas rester figé dans ce qui émergeait, éviter que ces résurgences ne deviennent des poids supplémentaires.
Cela m’a permis de réduire la charge émotionnelle post-sevrage, et d’amortir les effets du
PAWS (Post-Acute Withdrawal Syndrome).
•Le piège du
kratom : soulagement immédiat, dépendance masquée
Une fois passé le pic, j’ai utilisé le
kratom comme transition.
Au départ, cela m’a semblé judicieux : un substitut naturel, moins puissant, plus maniable.
Mais très vite, j’ai vu le piège :
le soulagement était réel, mais il installait une nouvelle forme de dépendance, plus subtile, et une addiction prolongée à un agoniste léger.
De plus, ses effets sérotoninergiques légers brouillent la lecture du
sevrage.
J’ai dû entamer un deuxième
sevrage, lent et exigeant, en abaissant progressivement les doses de mon extrait dosé (5% de mitragynine), puis du
kratom brut.
Cette phase a allongé le processus global plus que prévu.
•Soutien physiologique et neuro-régénération
Tout au long du processus, j’ai soutenu mon système nerveux avec des compléments essentiels à la récupération :
Complexes de vitamines B (B1, B6, B9, B12)
Magnésium bisglycinate, zinc, L-tyrosine, taurine
Oméga-3 (EPA/DHA)
SAM-e, acide alpha-lipoïque, NAC
Hydratation renforcée avec électrolytes naturels (eau + sel de mer + citron + potassium)
Cela ne fait pas tout, mais ça soutient la régulation du système nerveux, la reconstruction mitochondriale et la neurotransmission, ce qui est essentiel dans la durée.
•Conclusion :
reprendre autorité sur sa santé
Ce que j’ai appris, c’est que le
sevrage n’est pas simplement une question de volonté ou de force.
C’est un processus complet, biochimique, psychique, corporel, énergétique.
Il demande du temps, de la clarté, des outils bien choisis, et parfois des formes de soutien hors des cadres habituels.
Ce n’est pas l’absence de souffrance qui garantit la réussite, mais la capacité à organiser un chemin cohérent, à ritualiser la traversée, et à traiter ce qui remonte.
Ce témoignage n’est pas une vérité. C’est un récit.
Mais si cela peut aider ne serait-ce qu’une personne à retrouver du pouvoir sur son chemin, alors cela aura servi.