Reste-il une place pour l'auto-support des usagers de drogues ?

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pierre
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Dans le journal du sida sorti ce mois-ci, il parle de Psychoactif comme un renouvellement de l'autosupport

RESTE-T-IL UNE PLACE POUR L’AUTOSUPPORT ?

Les usagers de drogue ont participé dans les années 90 au succès de la réduction des risques, en s’alliant aux médecins et aux associations de lutte contre le sida. Revendiquant une place de citoyens, ils ont quelque peu disparu du débat public au début des années 2000. Pas pour longtemps

La plus ancienne des associations françaises d’autosupport des usagers de drogues a tenu sa première réunion en 1983. Il s’agit de Narcotiques anonymes (NA), association loi 1901, née sur le modèle des Alcooliques anonymes et Narcoti- ques anonymes américains. Son objet : l’autosupport pur et dur, sans professionnels, sous forme d’entraide entre personnes dépendantes. Un des responsables de NA, qui tient à  conserver un anonymat inscrit dans les gènes de l’association, explique : « NA s’occupe de tous les psychotropes licites ou illicites, dès lors qu’ils débouchent sur une addiction, et poursuit un objectif : l’abstinence. Au cœur de notre approche, il y a la question de la dépendance, le fait de nouer un lien avec un produit quelconque, qui provoque des comportements compulsifs et crée des obsessions sur
le plan psychologique. »

Abstinence en silence
NA ne prend pas position dans l’espace public, n’accepte pas de subvention même s’elle coopère avec les institutions et limite son intervention à  l’aide apportée aux personnes pour qu’elles puissent vivre sans consommer. NA fonctionne par le biais de réunions, qui ont lieu plusieurs fois par jour à  Paris, plusieurs fois par semaine à  Lyon, Marseille ou Nantes, et une fois par semaine dans plusieurs villes de France (1). Ces réunions accueillent des « dépendants en rétablissement », après un parcours souvent chaotique. « Les personnes qui viennent à  NA sont allées au bout d’une démarche de dépendance, elles demandent de l’aide, souvent après être passées par la prison, l’hôpital, la cure... Nous préconisons au départ 90 jours, 90 réunions et une prise en charge dans la durée, mais nous ne tenons pas de registre, les personnes peuvent venir à  une réunion par jour ou par mois. » Impossibles à  compter, les adeptes des 12 étapes se réunissent à  500 personnes lors de la convention annuelle de NA. Ils sont, selon une enquête réalisée lors de la convention de 2007, plutôt des hommes (à  61 %), âgés en moyenne de 45 ans. Ils consomment des drogues très diverses, et sont souvent polytoxicomanes. « Nous accueillons un héroïnomane qui repasse à  l’alcool, comme une mère de famille qui a un problème avec des psychotropes. C’est la raison pour laquelle nous sommes moins sur la question du produit que sur celle de la relation au produit », explique le responsable de NA. Cette approche particulière des problèmes de toxicomanie ne convainc pas l’ensemble du corps médical, NA échange régulièrement avec les professionnels de la lutte conte la toxicomanie. A l’intérieur, « il n’y a pas de soignants et de soignés, seulement des dépendants qui s’épaulent, même si certains peuvent avoir plus d’expérience dans le rétablissement que d’autres »

Une alternative à  l’abstinence
A l’inverse, Asud, l’association d’Autosupport des usagers de drogues créée en 1992 à  Paris (2), s’inscrit dès sa naissance dans une démarche politique. Inspiré du « self support » du Junky Bond hollandais, né à  la fin des années 70, Asud revendique la capacité des usagers à  s’organiser, à  être responsables de leur situation et de leur avenir. Bref, loin de l’image du toxicomane assisté ou délinquant, Asud prône depuis vingt ans la figure d’un « usager citoyen, intégré et responsable ». Certes, l’épidémie du sida donne un écho particulier à  cette revendication, qui voit la naissance du collectif “Limiter la casse” en 1993 (3), où figurent les groupes d’autosupport, dont Asud, les associations de lutte contre le sida et des acteurs de santé. Signataires d’un appel dans Le Monde et Libération, le collectif prône la RDR : « Des toxicomanes meurent chaque jour du sida, d’hépatite, de septicémie, se suicident ou font une overdose. Ces morts peuvent être évitées, c’est ce qu’on appelle la réduction des risques... » et obtient de réelles avancées politiques (cf. l’article « Le sida, moteur exclusif de la réduction des risques » en page 20).
A l’apogée du mouvement en 1995, Asud rassemble une vingtaine de groupes en France, parfois en liaison avec Aides ou Médecins du monde. Il publie un journal « outil de propagande et organe de réduction des risques liés à  l’usage de drogues », où peuvent s’exprimer et témoigner des usagers et des proches. Le combat lie politique et prévention, une articulation plus difficile à  tenir aujourd’hui. Aux dires de Fabrice Olivet, militant historique et directeur d’Asud, il existe plusieurs raisons à  cette démotivation. D’une part, de manière assez contradictoire, les victoires mêmes de la RDR, en particulier l’accès à  la substitution, ont replacé le pouvoir dans les mains des blouses blanches. « Avant la RDR, les usagers n’étaient pas considérés comme des patients légitimes. Maintenant, avec la substitution vécue comme un outil de soins prescrit par les docteurs, on nous pousse à  occuper la place de patients et seulement cette place. » De fait, aujourd’hui, à  Nîmes et à  Marseille, d’anciennes antennes d’Asud se sont transformées en Caarud (centres d’accueil et d’accompagnement à  la réduction des risques pour usagers de drogues), des « prescripteurs de services comme les autres ». La dimension politique s’est atténuée avec la professionnalisation des intervenants en toxicomanie, parfois anciens usagers eux-mêmes. Et puis, l’usager est devenu un consommateur comme un autre, réduit avec la situation de la loi de 1970 (voir page 20, article « 1980-2000 : le sida, moteur exclusif de la réduction des risques »), à  adopter le mode « pour vivre heureux, vivons cachés ». Fabrice Pérez, de Techno +, tente une explication : « Aujourd’hui sur Internet, on est sur le pratico-pratique. Si on poste une alerte sur tel ou tel produit, ou un article sur “comment cuisiner la kétamine”, on bat des records d’audience ! En revanche, un article sur la répression n’entraîne pas de commentaires... » Pourtant, Asud et Techno + connaissent bien la répression. Attaqués par Valeurs actuelles et l’association Parents contre la drogue (4), au motif d’une « apologie subventionnée », ils doivent sans cesse se justifier. Asud a fait parvenir aux députés et aux membres du gouvernement le rapport de la Global Com-mission on Drug Policy, et proposé à  Manuel Valls de lui réexpliquer l’histoire...

Entraide sur le Web
Attaqué, Pierre Chappard, président de l’association Psychoactifs, ne l’est pas encore au titre de l’information qu’il délivre sur son site (6). Car la ligne est mince entre l’information et la suspicion d’apologie, une constante du combat de l’autosupport. Psychoactifs propose des forums, des blogs, un Wiki et un nouvel espace où les professionnels peuvent dialoguer avec les usagers. Une adaptation à  l’époque. « Comme le reste de la population, les usagers sont de plus en plus sur Internet. Ils y cherchent de l’information sur les produits, les achètent... Donc il faut être sur Internet pour les toucher. Les usagers ont toujours été cachés par la pénalisation, mais Internet permet une nouvelle parole grâce à  l’anonymat ». 2 600 personnes sont inscrites sur les forums, gérés à  la façon de l’autosupport, c’est-à -dire modérés par des usagers ou d’ex-usagers. Chacun peut contribuer au Wiki qui vise à  constituer un savoir sur les produits « à  partir du savoir des usagers ». Les articles sont enrichis de témoignages, des « trip reports » où les usagers décrivent leurs expériences. Pierre Chappard entend porter sur le terrain politique ce travail d’information et de réduction des risques, en créant « une association de masse d’usagers de drogues qui puissent participer à  la représentation auprès des pouvoirs publics. Plus on sera nombreux, plus ça pèsera. » Du clic à  l’action, combien de conversions ?

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