J'ai 40 ans, j'ai essayé le
LSD pour la 2de fois.
La 1ere fois l'année dernière, j'avais pris un demi carton, ça avait mis beaucoup de temps à agir et c'était surtout visuel, donc j'avais envie de vomir (j'ai le mal des transports) car tout tanguait. On était en soirée techno, j'ai cru être en enfer même si j'étais lucide, j'avais hâte que ça se termine. Je n'avais pas apprécié.
Cette fois ci, je suis chez moi, journée de repos, avec mon mari qui veille sur moi, les enfants à l'ecole. J'avale un carton entier à 10H30, qui commence à faire effet en une heure. D'abord la sensation que tout bouge/saute, comme un vieux film, alors que rien ne bouge : c'est pas visuel, c'est plutôt une sensation. La gerbe ne me quittera pas jusqu'au coucher ce soir là.
Je suis dans mon bain, mon mari avec moi dans la salle de bain. Je commence à être vraiment euphorique, un rien me fait exploser de rire.
Entre 12H et 13H mon mari va et vient. A partir de là je commence à perdre pied, sans que ce soit angoissant. Juste... Je ne sais plus ce qui est reel ou pas. J'ai du mal à savoir si j'imagine qu'il est là ou s'il est vraiment là. J'ai plus aucune notion du temps. Je ne sais pas s'il était là à l'instant, ou si c'était il y a 20 minutes.
J'avais mis une playlist bateau "relax in the bath", au pif, en fond sonore. Ça me transporte. Je vis la musique. Elle est en moi. Elle me parle. Elle est visuelle. C'est incroyable. Je me perds dans tout ça. Je vois des jeux de lumière les yeux fermés. Mes pensées semblent réelles, comme vivantes. Rien n'a de sens... Mais tout en a un, pourtant. C'est tout et rien à la fois.
A un moment il y a une musique qui ressemble à du gospel. C'est la plus belle chose du monde. Je pense que j'ai vraiment cru en dieu et en la beauté de l'univers pendant un moment. J'ai peut être même pleurer de bonheur.
Le tapis de salle de bain sent les pieds, je veux qu'il dégage. Mon mari l'enlève. Plus tard, je vérifierai plusieurs fois si j'ai rêvé ou si le tapis est toujours là : non plus rien. Je ne sais pas quand c'était.
Plusieurs fois, je prends mon tél et j'envoie des messages à ma meilleure amie, comme pour prendre des notes de ce qui se passe. Mais ce sont des bouts de phrases, ou juste des mots. Ça n'a pas de sens.
Je me souviens que je voulais prendre ce moment pour réfléchir à mon estime de moi, pour m'aimer. Mais... C'est une évidence. Il n'y a aucune réflexion à avoir. Je suis une personne incroyable, merveilleuse, un être de lumière, évidemment que je m'aime. Quelle drôle d'idée.
J'ai froid. Je vide la baignoire, je veux sortir. Je suis assise. Puis allongée. Je ne sais plus si j'ai réussi à m'assoir. Qui a vidé la baignoire ? J'arrive pas à revenir dans la réalité. Mon mari arrive à ce moment là et me sort en me portant à moitié. J'ai l'impression que je ne pourrai jamais me lever ni marcher. Les sensations sont tellement étranges. Tout est loin, détaché, je dois me concentrer tellement fort pour être dans la réalité. Comme si je regardais un film et que je mettais plusieurs secondes à comprendre le sens de ce qui se passe. Mais ça n'a pas d'importance, que ce soit réel ou pas.
Je vois que ça l'angoisse. Il a peur pour moi. Il me secoue. Je ne sais même pas si j'arrive à lui parler. Je rigole, parce que tout va bien. Je ne comprends pas sa réaction.
Mon mari m'essuie, veut me mettre une culotte avant d'aller dans le lit... Et je ris tellement. Je ne comprends pas pourquoi il veut m'habiller. Ça n'a aucun sens. Pourquoi faire ? C'est si drôle. Je pleure de rire. Et je ris encore plus parce qu'il ne comprend rien alors que c'est évident !
On s'allonge sous la couette, il y a de la musique, il me fait des papouilles. C'est agréable mais je ne veux pas que ce soit sexuel. L'idée du sexe est même angoissante.
Ces derniers temps, on travaille sur sa frustration car il a + de libido que moi, et sur sa dépendance affective. Si bien que j'ai de moins en moins envie, me sentant privée de libre arbitre. Je m'en rends totalement compte là. Il dirige ma vie sexuelle, il est dans ma tête, je n'arrive pas à décider, pas à avoir envie par moi même : si je fais du sexe, j'alimente sa dépendance. Si je refuse, alors il va s'éloigner, et partir. Aucune décision n'est la bonne. Je ne veux plus que le sexe existe. Il m'assure qu'il ne se passera rien, qu'il est juste là, et qu'il ne me demandera plus jamais de faire l'amour, que désormais ça viendra exclusivement de moi... Même si ça prend des mois, il attendra. Je ne veux pas. J'ai peur qu'il me laisse. J'ai peur qu'il réalise que sans le sexe, il n'a aucune raison d'être avec moi, qu'il trouvera quelqu'un d'autre.
A savoir : nous sommes ensemble depuis +20 ans, depuis l'adolescence, nous n'avons jamais connu personne d'autre.
Il me répète qu'il m'aime pour moi, pour ce que je suis, pas pour le sexe, même s'il trouve ça merveilleux, et qu'il n'aura jamais envie de personne d'autre.
Je ne sais pas combien de temps on parle... 10 minutes ? 1 heure ? S'il y a des pauses ? Si je me perds dans la musique, les yeux fermés, parfois ?
Je parle de Disneyland... Non je suis à Disneyland ! Alors il met des musiques Disney, de mes dessins animés préférés. Je plane total. Quand j'ouvre les yeux, je suis toujours surprise d'être là, de découvrir mon sens du toucher, d'être dans cette position, que mon mari soit contre moi. Quand je ferme les yeux, plus rien n'existe, comme si je partais dans un rêve éveillé. 30 secondes de rêve éveillé semble durer 30 minutes.
Parfois je rigole à nouveau, en pensant à ma culotte. Ou aux tapis de salle de bain qui sentent les pieds.
Je suis dans le passé, dans le présent, dans le futur, dans plusieurs mondes en même temps. Je suis là et ailleurs. Impossible de savoir, de me concentrer. Je revis des scènes qui se sont produites plus tôt, en ayant l'impression de naviguer entre plusieurs réalités parallèles (par ex je suis de nouveau dans la baignoire, etc).
Plusieurs fois je me concentre sur mon mari, j'ai l'impression qu'il s'endort, ou qu'il s'ennuie... Alors ça me plaît pas. Mais j'ai rien à lui proposer parce que je suis incapable de faire quoique ce soit. Même avoir une conversation est compliqué, ce que je dis me semble logique, mais lui ne comprend pas... Parfois je parle dans ma tête, et je constate qu'il n'entend pas, mais je ne sais pas si je parle à voix haute ou non. J'essaie, mais je ne sais si j'y parviens vraiment.
Vers 16H il me dit de me reposer, il va manger. J'essaie de profiter, comme ça... Mais ça cloche. Je n'aime pas être seule. Pourtant quand je ferme les yeux, je pars ailleurs, et ça semble durer une éternité. Je finis par me lever. Je vais faire pipi. Je m'habille. J'ai toujours la gerbe. Je n'ai rien mangé depuis la veille au soir : peut être qu'il faudrait essayer d'avaler quelque chose ?
Chaque geste est étrange. Comme si ce n'était pas moi, mais mon corps qui agissait seul. Il sait. J'ai l'impression de découvrir le monde, d'observer, je dois donner un sens à tout ce que je fais. Ça bouge toujours, c'est compliqué de marcher.
Chaque sens est décuplé, tout en étant une part de moi individuelle. Je dois tout assembler en réfléchissant intensément : ok je suis en haut de l'escalier, je dois tenir la rampe, je dois bouger la jambe, j'entends mon pied se poser sur la marche, je sens mon pied se poser sur la marche. Tout est extraordinaire : bordel je marche ! Tout en étant bizarre. Par exemple je me demande comment je sais que je dois m'essuyer ou tirer la chasse d'eau après avoir fait pipi. J'ai l'impression d'être un bébé qui découvre tout... Mais qui sait tout.
Je réfléchis à ce que je pourrais vouloir manger : des madeleines. Je veux m'installer sur le canapé mais je n'en ai pas le courage, je me sens trop faible. Je m'assieds par terre, devant le sapin de Noël avec ses lumières qui clignotent. Wouah. Magnifique.
Mon mari me sort les madeleines avec un verre de lait, et les pose devant moi, par terre. Il me fait un massage du crâne... Et je repars dans le cosmos ! Quand il s'arrête je reviens à moi. Ah oui. Le sapin de Noël. Manger.
C'est étrange de macher, d'avaler. C'est pas désagréable, mais bizarre. Alors je continue, pour essayer de reprendre des forces. Je suis un peu plus lucide. Je me perds quand même facilement, à l'ouest.
16H30. Je réussis à me relever, je décide d'aller prendre un anxiolytique pour stopper les effets. Nos ados vont rentrer dans une heure. Je ne pensais pas que ce serait si intense, si longtemps.
Ensuite je veux m'installer sur le canapé mais le chat est allongé. Je passe un moment à le regarder et à me demander pourquoi je serais légitime de le pousser, en quoi ma volonté a plus de pouvoir que la sienne. Je m'assieds à côté de lui, en essayant de ne pas le déranger. Mince... J'aimerai bien que les bougies soient allumées. Et peut être regarder la télé ? Je dois me concentrer pour planifier tout ça : me lever, chercher le briquet, allumer les bougies, trouver la télécommande (qu'on passe notre temps à perdre)... D'ailleurs comment je sais qu'il faut une télécommande ? Question existentielle. Que la vie est complexe !
Mon mari me voit perdu et me demande ce que je cherche à faire. Il prend les choses en main et me dit de rester où je suis : il allume les bougies, puis la télé, et me demande ce que je veux regarder. J'en ai pas la moindre idée. Je veux juste être avec lui. OK. Il met un film de Spielberg : Super 8.
Wouah. C'est intense. Je suis dans le film. Je suis les personnages. J'ai du mal à suivre, à comprendre. Il me faut quelques instants pour analyser les scènes, les dialogues... Parfois je ferme les yeux tellement ça m'emporte, notamment une scène de catastrophe où le train déraille, avec des enfants qui courent et hurlent. Je dois revenir à la réalité, regarder ailleurs, pour me souvenir que tout va bien. Je suis dans mon canapé, je remue mes mains, mon corps, pour me rappeler.
17H30. Nos enfants rentrent. Mon mari me demande d'éviter de parler, on fait croire que je suis malade. Ils veulent regarder Stranger Things. OK.
Olala le monde à l'envers... C'est angoissant. C'est presque réel. Je me blottis contre l'un de mes enfants. Je ne dis rien. J'ai juste besoin de réconfort.
Petit à petit je sens que la réalité revient vraiment. Vers 19-20H, mes sens sont normaux. Juste la gerbe qui ne m'a jamais quitté et qui continue. Mon mari prépare à manger, je grignote dans le canapé. A 21H je serais finalement au lit, épuisée.
Le lendemain, le réveil est difficile à 8H... J'ai dormi 11H d'une traite, et pourtant je suis crevée. J'ai des courbatures. Je suis encore sous le choc des "événements" de la veille. C'est pas simple de se concentrer au travail, de parler aux gens. Mon esprit veut du calme. Si j'avais su, j'aurai pris 2 jours de congé, pour m'en remettre, et j'aurai louer un Airbnb ou un hôtel pour n'avoir aucune obligation, et être totalement libre. Mais je n'avais vraiment pas imaginé tout ça.
Je ne sais même pas comment les gens peuvent en prendre en soirée, dans un contexte festif et bruyant... Tu dois même plus savoir qui tu es, où tu es. Je pense que ça aurait été très compliqué de gérer et que je l'aurai très mal vécu.
Surtout : heureusement que mon mari a préféré observer et me surveiller, plutôt qu'en prendre aussi. Je ne sais pas comment on aurait fait, tous les 2 défoncés. Bon, en tout cas, ça ne lui fait pas du tout envie, ça lui fait peur de perdre autant le contrôle.
Pas moi. Enfin c'est justement ça : aucun contrôle, c'est pas possible, et c'est pas grave. C'était pas angoissant. Juste très très intense. Complètement fou. Mais pas négatif.
Dernière modification par julietteNNN (Aujourd'hui à 13:25)