Marijuana : pourquoi fumer donne faimpar Suzanne Tellier
Publié le 22.02.2015 à 14h30
Ceux qui ont déjà goûté à la
marijuana le savent : le
cannabis provoque d’intenses fringales, connues sous le nom anglais de « munchies » - ou, en français, de « dalle du fonse-dé » (ver-lan de ‘défoncé’), dans le langage familier des jeunes consommateurs.
C'est aussi cet effet sur l'appétit qui est à l'origine de certains usages thérapeutiques du
cannabis. Dans les pays qui l’autorisent, le dronabinol, une version synthétique du
THC (tetrahydrocannabinol), l’un des principes actifs du
cannabis, peut être prescrit aux patients. Ils parviennent ainsi à limiter les effets secondaires anorexigènes des chimiothérapies et trithérapies.
Mais pourquoi donc le
cannabis donne-t-il si faim ? Des chercheurs de la Yale School of Medicine, dans le Tennessee (Etats-Unis), viennent de percer ce mystère scientifique. Les résultats de leur recherche ont été publiés dans la revue Nature.
Quand le cannabis détourne un circuit neuronalEn observant le cerveau des souris ayant ingéré du
THC, les scientifiques ont réussi à identifier le réseau de neurones en cause. Situées dans l’hypothalamus, ces cellules nerveuses , connues sous le nom de « neurones POMC », contrôlent l’appétit et apportent un sentiment de satiété au sujet lucide. C’est grâce à elles que nous ne mangeons pas continuellement. Or, la prise de
marijuana agirait précisément sur ce circuit neuronal en « désactivant » sa fonction initiale, et en dévoyant son rôle.
« Nous étions très surpris de voir que ces neurones, qui d’habitude suppriment l’appétit, pouvaient soudainement envoyer des messages de faim - et ce, même si le sujet est à satiété. C’est comme si le
cannabis dupait tout le système nerveux central responsable de l’alimentation », expliquent-ils. Selon les auteurs, les neuro-récepteur aux cannabinoïdes, les CB1R, seraient à l'origine de cette action.
Traiter la boulimie Au-delà de leur valeur purement intellectuelle, ces travaux pourraient guider les recherches sur les médicaments contre les troubles alimentaires. Selon leurs auteurs, ils constituent également une piste dans le traitement de la boulimie et de la suralimentation, que l’on pourrait contrôler en agissant sur le réseau de neurones POMC. « Mais d’autres études sont nécessaires sur la question », modèrent-ils.