La question de la "première goutte" ou de la "consommation modérée" est, à mon avis, une fausse question.
Mon point de vue est que l'
alcool est un produit physiologiquement toxique, de façon générale.
Mais si l'exposition est inférieure à un certain seuil, alors les effets sont limités voire inexistants (effet de dilution).
Le raisonnement est comparable à celui tenu en toxicologie (strictement identique en fait) : le produit est toxique mais on peut définir une dose tolérable dans les limites de laquelle les effets seront mineurs ou non observables.
De là à parler de consommation modérée...
Je pense que ce vocabulaire fait partie des outils marketing des alcooliers.
Lorsqu'on leur a demandé de reconnaitre les dangers de l'
alcool, ils ont développé des éléments de langage qui, sous couvert de prévention, permettaient malgré tout de faire de l'incitation.
La notion de consommation
modérée est utilisée pour faire la promotion d'une consommation qui serait en fait
normale, donc attendue.
Il suffit d'étudier un peu les messages utilisés, ils sont toujours implicitement incitatifs ou normatifs :
- "L'abus d'
alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération."
On aurait pu dire : "toute consommation doit être modérée" mais on a préféré "à consommer", qui sonne plus comme une invitation.
- "Celui qui conduit, c'est celui qui ne boit."
Là c'est clair : dans un groupe, il n'y en a qu'un qui ne boit pas, c'est le conducteur.
Etc, etc...
Je ne vois pas en quoi démonter la rhétorique marketing des alcooliers serait de l'idéologie.
De la paranoïa, éventuellement, mais de l'idéologie, non.
Il faudrait aussi savoir ce qu'est la modération. Parce que, si l'OMS définit des seuils hebdomadaires ainsi qu'un seuil de consommation en une seule occasion, les gens se font leur propres idée de la modération.
Celui qui ne boit pas en semaine et qui se limite à 5-6 verres le samedi soir, il se considère comme modéré. Mais il n'est pas à l'abri d'un décès si il prend sa bagnole le samedi soir.
En effet, dans la question des risques liés à l'
alcool, on se focalise trop sur le cancer, la cirrhose, l'addiction, etc... mais on oublie les risques immédiats (accidents, rixes, coma éthylique, pneumopathies d'inhalation, etc...). Et ces risques là existent, même chez ceux qui se considèrent modérés (à juste titre ou pas).
Et, pour finir, il faut aussi comprendre que certains messages de promotion de la santé (ceux qui ne sont pas insufflés au ministère par les alcooliers) sont volontairement stricts, parce qu'on sait que les gens dépassent les recommandations.
Si on dit "pas plus de X, pendant la grossesse", il y a des femmes qui dépasseront.
Si on dit "zéro
alcool pendant la grossesse", elles dépasseront aussi, mais elle dépasseront le zéro, elles culpabiliseront un peu, et n'iront pas au delà . Elles resteront donc en dessous de quantités qui auraient été plus risquées (et dépassées si on les avait chiffrées et annoncées).
Après, quoi qu'on fasse, il y en a toujours qui dépasseront de loin, mais c'est une autre histoire...
K.