Avant-hier, sous l'emprise de la fameuse
phényléthylamine que Shulgin a listée parmi sa "demi-douzaine magique", j'ai vécu une expérience émotionnelle absolument incroyable que j'aimerais relater ici.
C'était l'après-midi, tranquillement installé chez moi, je décide de me faire une petite session
2C-E. J'avais déjà eu l'occasion de prendre le pouls de la molécule par voie orale (12 mg) il y a quelques mois, mais cette fois j'ai opté pour une ROA différente : la vaporisation.
Je charge ma petite pipe en verre avec une quantité de poudre minuscule (probablement aux alentours de 5 mg, mais impossible de peser avec une balance de précision à cette échelle de grandeur sans risquer de gâcher le produit rien qu'en raclant). J'allume mon briquet, fais chauffer la substance et la fume sans difficulté. La vaporisation fonctionne à merveille avec cette molécule. Dissolution parfaite, fumée blanche "propre", aucune toux, pas de résidus sur le verre.
Dans les minutes qui suivent, je sens la nausée propre à la
2C-E qui commence à monter. Mon ventre commence à devenir lourd, impression d'être sur le point de vomir, mais sans jamais vomir. C'est pas forcément agréable, effectivement, mais ça fait partie de l'expérience alors je fais avec, tout simplement (et c'est pas la mer à boire non plus). D'un coup, mes yeux semblent plus ouverts. Vérification immédiate dans le miroir : mydriase confirmée. Les distorsions propres aux psychédéliques commencent à se faire ressentir. Les lumières se font plus vives ; le son est plus précis, plus perçant ; le toucher amplifié ; les sens sont mis en exergue. Les choses qui m'entourent conservent leur forme habituelle, mais donnent l'impression de bouger légèrement, voire de "respirer" lorsqu'on les fixe pendant un certain temps. Des formes, des visages (généralement à connotation négative puisqu'il s'agit la plupart de temps de monstres, démons, etc.) apparaissent dans les éléments environnants. Enfin, ils n'apparaissent pas vraiment, mais mon cerveau les interprète tel quel. Jusque-là, rien de très surprenant, ce sont pour moi des effets "classiques" (expérimentés lors de la dernière expérience sous
2C-E par voie orale, ainsi que sous
4-HO-MIPT par voie nasale). Je décide donc de pousser l'expérience plus loin.
Une demi-heure après, la pipe en verre est rechargée avec une quantité cette fois-ci légèrement plus volumineuse. J'absorbe la fumée, la recrache, et vais me poser sur mon canapé. Je sape les musiques sur mon enceinte MP3 et mets des sons qui, en temps normal, me procurent une sensibilité particulière. Il s'agit essentiellement de dance, house progressive, parfois aux accents de transe. Quelques exemples
ici et
ici. Les effets décrits ci-dessus sont amplifiés à tous les niveaux, sans pour autant engendrer une quelconque perte de contrôle de ma part.
C'est alors que se produit... cette chose.
Je décide de mettre une chanson que j'aime particulièrement,
Without You de Third Party (EDM/dance). Dès les premières notes, un frisson enveloppe ma tête, descend vers ma nuque et me parcourt tout le corps. C'est d'une telle ampleur que je sens qu'il y a quelque chose d'anormal. Mes mains, mes jambes, puis tous les membres de mon corps se mettent à vibrer très fort. Comme si une énergie incroyable était en train de parcourir mon corps. Pas comme une stimulation induite par un agent pharmacologique, mais comme une énergie pure, intérieure et infinie. À mesure que la mélodie "monte", je sens que mes yeux s'humidifient de plus en plus. Des larmes commencent à couler. Joie ? Euphorie ? Tristesse ? Qu'en sais-je. Je me mets à déverser des torrents de pleurs devant la beauté de la musique. Ca ne sert s'arrête plus, l'émotion est d'une puissance incroyable. En 31 ans d'existence sur cette planète, je n'ai jamais pleuré autant (allez, sauf peut-être que j'étais un bébé relou). J'étais envahi par le son, j'étais devenu le son. Il n'y avait plus que la musique qui était dans cette pièce. Plus rien n'existait. La beauté absolue était là devant moi, par l'entremise de cette vulgaire enceinte, et j'avais la chance inouïe de la vivre. Je me mets à crier, à hurler de pleurs (pauvres voisins) pour exprimer, pour sortir ce que je ressens à ce moment précis. Seule l'abondance de mes larmes était à même de refléter ce sentiment indescriptible qui m'envahissait de l'intérieur. Vu de l'extérieur, on aurait pu croire que j'étais entré dans une sorte de transe divinatoire. J'avais atteint un point de non-retour. Je nageais dans la béatitude ; oui, la béatitude : ce sentiment de bonheur parfait, de plénitude infinie, de douce allégresse. C'est bête à dire, mais je me suis rappelé à cet instant-là, à voix haute, à quel point j'avais de la chance d'être uni à celle qui m'accompagne depuis toutes ces années, ma femme. Quelle chance unique de l'avoir à mes côtés. J'hésite à lui envoyer un message (elle était au bureau), mais réfléchis et préfère le lui dire de vive voix, le soir même. Je pense également à la beauté des choses. Que les choses qui nous entourent sont belles, mais qu'on ne prend pas le temps de les regarder, trop obsédés par notre confort, trop plongés dans notre bulle.
La chanson se termine. La musique s'arrête, tout redescend d'un coup. C'est redescendu aussi vite que c'est monté. Les larmes cessent, les vibrations corporelles s'interrompent, les frissons s'estompent. Quelle aventure ! Je suis toujours dans un état d'esprit de paix et de sérénité, mais l'explosion émotionnelle qui est survenue tout à l'heure n'est plus. Quelques instants après, je mets à nouveau une de ces musiques qui me font vibrer (c'est le cas de le dire), et l'expérience réapparaît. C'est incroyable, extraordinaire. La réaction à la musique dans un contexte psychédélique est pour moi totalement différente de celle induite par les
entactogènes,
MDMA compris.
La session touche à sa fin, je suis presque revenu à la "normalité" et je me prépare pour aller voir Blade Runner 2049 au cinéma. Sur le trajet, je repense à ces moments d'émotion intense, à leur caractère exceptionnel. Quelle expérience splendide. J'en conserve un excellent souvenir et serais ravi de la réitérer à l'occasion, peut-être en compagnie de ma femme cette fois-ci. Des effets similaires sont-ils envisageables avec une autre molécule, par exemple une
tryptamine ou un lysergamide ? Je serais curieux de le savoir. En attendant, merci à tous d'avoir lu ce petit pavé
!