Cinquante ans de répression de l’usage de stupéfiants, sans résultats probants

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Cinquante ans de répression de l’usage de stupéfiants, sans résultats probants

Le bilan de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies montre une systématisation de la réponse pénale et un recours à l’amende de plus en plus fréquent, sans conséquence sur la consommation
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Par Jean-Baptiste Jacquin
Publié aujourd’hui à 10h24, mis à jour à 11h58


Cinquante ans après la loi de 1970 sur la lutte contre la toxicomanie, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) dresse le bilan de la répression de l’usage des stupéfiants. Le code pénal, qui prévoit une sanction pouvant aller jusqu’à 3 750 euros d’amende et un an de prison, est l’un des plus répressifs d’Europe. Même si en pratique la peine de prison est exceptionnelle pour ce délit.

Le volet prise en charge médicale de la réponse judiciaire a quasiment disparu au fil du temps. L’injonction thérapeutique ordonnée à l’égard de ces personnes considérées en 1970 comme étant à la fois délinquantes et malades a été requise par les parquets de la région parisienne dans 3 % des alternatives aux poursuites en 2019, contre 14 % en 2005.

L’une des raisons avancées par Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT, est « le traitement de moins en moins individualisé de ce contentieux de masse ». Quelque 130 000 personnes ont été interpellées en 2020 pour usage de stupéfiants. La police et la justice abordent ce phénomène en s’inspirant du traitement des infractions routières. A savoir une réponse pénale standardisée qui recourt de plus en plus à l’amende.

La politique du chiffre a été inflationniste en matière d’interpellations dans la rue et au pied d’immeubles, puisque cela permet de comptabiliser en même temps la constatation d’une infraction et sa résolution, sans besoin de procéder à une enquête. La proportion d’affaires classées sans suite a ainsi été divisée par dix en vingt ans, à 2 %. Les alternatives aux poursuites sont relativement stables, à 65 % de la réponse pénale.

En revanche, la part des poursuites pénales a fortement augmenté, contrairement à une idée reçue, en passant en quinze ans de 15 % à 32 %. L’usage de stupéfiants représente désormais plus de 7 % du total des infractions sanctionnées en France par une condamnation délictuelle (c’est-à-dire hors contraventions et crimes), « un chiffre inégalé depuis trente ans », note l’étude. Il ne s’agit pas de renvois en correctionnelle. Cela est notamment lié au développement des ordonnances pénales, qui permettent de prononcer une amende sans audience… comme pour les délits routiers.

Développement des stages de sensibilisation

La généralisation à l’ensemble du territoire de l’amende forfaitaire délictuelle depuis septembre 2020 devrait augmenter ce phénomène. Contre la remise du produit en sa possession, l’usager est sanctionné avec un procès-verbal électronique d’une amende de 200 euros (minorée à 150 euros en cas de paiement dans les quinze jours ou majorée à 450 euros au-delà de quarante-cinq jours).

En quatre mois, 27 300 verbalisations de ce type ont été effectuées, avec une fréquence plus forte dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis (148 verbalisations pour 100 000 habitants) ou les Bouches-du-Rhône (138), très au-delà de la moyenne nationale (41). Mais, derrière ces chiffres importants, le taux de recouvrement d’une population concernée souvent peu solvable reste faible.
Lire aussi l’entretien: « C’est naïf de croire qu’en s’en prenant uniquement au consommateur de cannabis, on va s’en sortir »

Cette problématique financière se retrouve avec le développement des stages de sensibilisation aux dangers des stupéfiants, passés de 7 000 en 2010 à plus de 22 000 par an. Ils sont à la charge du justiciable, aux alentours de 250 euros en moyenne.

Finalement, la réponse pénale s’est systématisée et durcie, sans effet sur la consommation, en particulier chez les jeunes, qui reste l’une des plus élevées d’Europe. « La consommation ne dépend pas du statut légal de l’usage ni de la pratique pénale », affirme Mme Obradovic, qui voit dans la plus grande permissivité française à certains autres produits jugés dangereux, comme l’alcool, un facteur culturel.

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Bonjour, l'article de l'OFDT. La conclusion est citée.
Personnellement je m'étonne que personne ne cite ce problème comme cause de la "dégradation de la vie démocratique" que beaucoup dénoncent actuellement.
130 000 usagers par an sont poursuivis pour une consommation qui le plus souvent ne nuit à personne, "simplement" parce que la majorité a décidé "que c'est mal".
Que dirait on si on poursuivait les admirateurs de Wagner ou de Schubert, parce que la majorité a décidé que "c'est mal" ?  Pour ceux qui pensent qu'écouter Wagner n'est pas dangereux citons Woody Allen "Quand j'écoute du Wagner j'ai envie d'envahir la Pologne".
Certes le cannabis par exemple comporte des dangers mais les "nuisances à autrui" sont surtout liées au trafic et à la repression. Et les atteintes à la santé pourraient etre traités par la RdR (et non la répression) comme pour l'alcool.

ça a l'air anecdotique mais une repression non acceptée par une part importante de la population ne peut que mener à une dévaluation de l'ideal démocratique.
Le respect d'autrui, la tolérance et la générosité sont les bases de la démocratie !!!
Amicalement



https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eftxio2b4.pdf

Avec  180  000  mises  en  cause  par  an  en  moyenne  pour  ILS,  dont  130  000  environ  pour  usage,  la  consommation  de  drogues  illicites,  en  particulier  de  cannabis, est un contentieux de masse.
La France  figure  parmi  les  pays  européens  disposant d’une législation parmi les plus sévères, prévoyant la possibilité de peines d’emprisonnement   pour   usage,   tout   en  affichant  les  niveaux  de  consomma-tion  parmi  les  plus  élevés  d’Europe,  en  particulier  chez  les  jeunes.  L’analyse  des  politiques  menées  montre  la  tendance  continue à la pénalisation de la consom-mation sur la voie publique, qui est allée de  pair  avec  une  transformation  de  la  structure des sanctions prononcées.
Depuis   les   années   2000,   les   inter-pellations  liées  aux  stupéfiants  sont  fortement  centrées  sur  les  usagers,  en  particulier  de  cannabis.  En  réponse  à  cet  afflux  de  procédures  policières,  la  réponse  pénale  à  l’usage  de  stupéfiants s’est intensifiée depuis les années 1970,  tout  particulièrement  depuis  la  décennie  2010  où  le  taux  de  réponse  pénale  a  presque  atteint  100  %.  Cette  décennie   s’est   singularisée   par   des   sanctions   pénales   plus   systématiques   et  de  plus  en  plus  souvent  appliquées  dans  le  cadre  de  procédures  rapides  et  simplifiées.  Le  recours  croissant  à  des  procédures simplifiées participe d’autant plus  à  la  systématisation  des  réponses  pénales  qu’il  n’exclut  pas  toujours  les  poursuites   judiciaires   (à   l’image   des   OPD). Par ailleurs, la palette des réponses pénales au contentieux d’usage n’a cessé de  s’élargir  et  a  encore  été  complétée,  en  2020,  par  l’AFD. 

Autrement  dit,  par  rapport aux années 1980, la pénalisation de  l’usage  se  traduit  par  des  sanctions  prononcées   non   seulement   par   les   tribunaux  mais  aussi  par  les  parquets  (en amont des tribunaux). Et, depuis les années  2020,  elle  peut  même  directe-ment relever des forces de l’ordre.En un demi-siècle, les sanctions pénales pour usage de stupéfiants se sont diversi-fiées. Si elles apparaissent moins tournées vers la privation de liberté (rare pour des faits de simple consommation), elles sont plus  fréquentes  et  surtout  centrées  sur  des  sanctions  financières,  revendiquant  parfois  une  portée  «  éducative  »  (stages  de  sensibilisation). 

En  effet,  l’usage  de  stupéfiants  peut  désormais  faire  l’objet  de sanctions financières à tous les stades de  la  procédure  pénale  :  AFD,  stage  (souvent  perçu  comme  une  «  amende  déguisée  »),  composition  pénale  sous  forme  d’amende,  condamnation  à  une  peine d’amende [3]. Toutefois, la montée en  puissance  de  cette  dynamique  de  pénalisation   financière   s’est   faite   au   détriment   des   mesures   à   dimension   sanitaire,  individualisées,  devenues  rares,  loin   derrière   les   mesures   collectives   comme  les  stages  de  sensibilisation  aux  dangers  de  l’usage  de  produits  stupé-fiants   (qui   revendiquent   une   portée   pédagogique  et  responsabilisante  mais  ne  comportent  aucun  suivi  individua- lisé). Cette évolution semble contredire l’esprit de la loi de 1970, qui envisageait l’usager de stupéfiants comme un délin-quant  mais  aussi  comme  un  malade  nécessitant   éventuellement   des   soins.   
Mais  surtout,  l’effacement  des  mesures  à  caractère  sanitaire  observé  depuis  les  années 2010 interroge sur la capacité du système judiciaire à orienter les usagers de stupéfiants vers les dispositifs de prise en charge existants, notamment les CJC [22].Il  faut,  enfin,  souligner  la  tendance  à  appliquer  à  l’usage  de  stupéfiants  les  sanctions  initialement  prévues  pour  des  délits  routiers  :  après  l’OPD,  créée  en  2002  pour  systématiser  et  accélérer  le  traitement  du  contentieux  routier,  avant  d’être étendue à l’usage de stupéfiants par la  loi  du  5  mars  2007  qui  a  également  créé  les  stages  (inspirés  des  stages  de  sensibilisation   à   la   sécurité   routière),   l’AFD participe à son tour à catégoriser la consommation de stupéfiants parmi les infractions de masse, considérées comme mineures,    relevant    d’un    traitement    standardisé, comme les atteintes au code de la route.
Ainsi, une partie croissante du contentieux  lié  à  l’usage  de  stupéfiants  fait  l’objet  d’un  traitement  standardisé,  simplifié  et  accéléré,  en  décalage  avec  le  principe d’individualisation des peines.Selon  le  niveau  d’application  de  l’AFD  dans  les  années  à  venir,  ce  nouveau  dispositif   pourrait   bien,   si   les   forces   de  l’ordre  s’en  emparent,  renforcer  le  caractère  systématique  de  la  réponse  à  l’usage  de  stupéfiants. 
L’évolution  des  politiques  pénales  menées  à  l’égard  des  usagers de stupéfiants mérite donc d’être suivie  avec  attention,  dans  un  contexte  international mouvant, plusieurs pays en Europe  ayant  dépénalisé  la  détention  de  cannabis  en  petites  quantités  depuis  les  années  2000  et  alors  que  quelques  États  du continent américain se sont orientés, au cours des années 2010, vers une sortie de la prohibition, en légalisant le cannabis (une   quinzaine   d’États   américains,   le   Canada et l’Uruguay)

Dernière modification par prescripteur (28 avril 2021 à  10:39)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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Certes le cannabis par exemple comporte des dangers mais les "nuisances à autrui" sont surtout liées au trafic et à la repression.

Ha ba oui mais tu comprends, "on fume tranquillement un joint dans son salon, et finalement on alimente le plus gros des trafics". C'est de NOTRE faute voyons, c'est toujours de notre faute tongue L'état est innocent (tiens il manque un smiley ange ici)


Μόρνηνγγ Γλωρύ
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Ils s'en foutent de l'individualisation des peines comme ils l'ont si bien dit lors du proces de Viry Chatillon , concernant l'attaque des flics aux cocktails molotov, ils voulaient que tous aient la meme peine à partir du moment où ils étaient là ( qu'ils aient participé où pas !) et je ne serais pas surpris qu'ils veuillent étendre ça à plus de délits dont ceux liés à l'usage de stups !

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Mister No homme
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mais les "nuisances à autrui" sont surtout liées au trafic et à la repression

Les nuisances à autrui sont en matière de consommation de stup surtout du fait de la police.
L'immense majorité d'usagers n'emmerde pas son prochain.
Quand au trafic qui alimente aussi les circuits financiers traditionnels et les partis politiques l'état laisse faire en uberisant la chaîne de distrib pour crier victoire sur le terrain.

Dès que tu prends du paracétamol tu prends de la drogue puisque c'est un anti-douleur...

C'est même un psychotrope qui réduirait l'empathie. Mais ce n' est pas une drogue récréative.
Vu que je suis sous paracétamol, je ne vous souhaite pas une bonne soirée. fume_une_joint

Dernière modification par Mister No (28 avril 2021 à  20:07)


Just say no prohibition !

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Vu que je suis sous paracétamol, je ne vous souhaite pas une bonne soirée.

Ah tu t en vas

Je crois que c'est un "private joke" autour de la diminution d'empathie que donnerait le paracetamol.

https://www.researchgate.net/publicatio … ve_Empathy

Pour le Skenan il existe en effet un marché parallèle mais certains arrivent à se le faire prescrire.

Amicalement

Dernière modification par prescripteur (28 avril 2021 à  22:32)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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