Cancers pédiatriques, traitements et addictions

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#opiacés #Nalbuphine #maladie #cannabis
Sreevedenulpart homme
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Bonjour à tous,

Je viens ici pour vous présenter mon parcours à la fois atypique et très commun de consommateur de drogues.

Après une tentative de cuite « rituelle initiatique » à l’âge de 16 ans s’étant soldée par un vomi et une désagréable gueule de bois le lendemain, j’ai tout abandonné. A cette période, aucune tentation envers les autre substances.

Tout change quelques mois plus tard, quand l’on découvre que je suis atteint d’une leucémie, qui plus est, assez grave. Dans la foulée, les larmes à peine séchées et le cerveau toujours dans le flou cauchemardesque de l’annonce, on pratique sur moi une ponction de moelle dans un os du bassin afin de faire des analyses.
C’est là qu’une porte s’ouvre. On m’injecte alors de la Nalbuphine et on me place sur le visage un masque de protoxyde d’azote. Découverte dans la douleur du flash opiacés (du moins je le vis ainsi à ce moment là) et très vite ensuite de la dissociation propre au proto (pareil, effet très fort, dissociation totale).
Ce tout premier trip pourrait être résumé par un flot d’émotions et de souvenirs flous, bilan de ma vie, sur un fond d’hallucinations géométrique cycliques en rythme avec les bruits de la machine qui était à mes côtés. Un « clac » régulier qui dicte la danse des formes ternes qui se montrent à moi. Mon corps et l’univers n’existe plus à cet instant, je ne fais qu’un avec l’hallucination et seules les souvenirs trahissent l’artificialité de ce rêve. Le tout saupoudré de la voix douce et inquiétante de mon docteur que je viens alors tout juste de rencontrer.
Au réveil je suis boulversé par l’expérience mais mon attention est focalisé sur d’autres choses.
La deuxième expérience psychoactive qui vient à moi arrivent pendant un moment de panique et d’anxiété intense. On me donne alors un petit cachet d’Atarax. Je me calme. Encore une fois c’est un médicament extrêmement soft mais c’est assez pour révolutionner ma conception à l’époque balbutiante, une conscience inexistante, des drogues. Je découvre que ça procure des sensations, de bien être en plus de ça. C’est le début d’une relation spéciale avec les médicaments qui font du bien, qui calment. Par la suite, je continuerais à avoir recours aux médicaments pour atténuer la douleur et le stress, heureusement ! Nubain (nalbuphine), Morphine IV (doses faibles) et Atarax. Les « consommations » s’enchaînent et la fréquence se renforce en parallèle du début de la chimio.
Régulièrement, des actes médicaux nécessitent une anesthésie. Le cocktail Nalbuphine et proto est alors habituel et je commence à vraiment kiffer l’expérience. Je prépare des playlists pour mes « trips », m’entraîne à adopter la position parfaite pour ressentir le maximum d’effet physique, cette fameuse sensation de jambes lourdes et cotonneuses qui me plaît tant.

Je suis mes traitements…
Ça se passe bien !

Pendant cette année et demie, sur mes ordonnances les antibiotiques, la cortisone et les chimios orales sont parfois complétés par des analgésiques : Actiskenan et Tramadol.
J’aime bien. Ça me rappelle toujours ce « flash » d’euphorie que la Nalbuphine me procurait à l’hôpital. C’est toujours des moments de détente pour le corps et l’esprit.

Je suis très curieux et en terminale scientifique à ce moment là de ma vie. Le lycée me manque et j’ai du mal à suivre le programme. Paradoxalement, je passe mes journées à être le cobaye des TP de chimie et de bio des internes qui m’entourent. C’est tout naturellement que je m’intéresse alors à ma maladie, à mes traitements et surtout aux seuls médicaments qui m’apportent du bien être et non pas une angoisse démesurée sur fond de « pronostics » et d’effets secondaires atroces.

C’est le Tramadol qui attire mon attention le premier. Sa réputation pour ses mésusages m’intrigue. Je tombe donc par hasard sur Psychoactif ! Et je tombe un peu plus dans le trou du lapin. Pour mon bien majoritairement. Je découvre la RDR qui me sera bien utile pour mon futur de patient dans un premier temps, puis ensuite dans ma vie de jeune homme. Mais aussi le très vaste univers de la drogue et des drogués, qui piquent vraiment ma curiosité.

A la fin de ma phase de traitement intensive, je trépigne d’envie de reprendre ma vie et le sport. Mon impatience est plus forte que moi, et un après midi, après une injection de chimio dans les lombaires, je pars faire du vtt pendant plusieurs heures. Grosse connerie ! Un écoulement de liquide céphalo-rachidien plus tard (syndrome post-ponction lombaire), je me tape des migraines venues tout droit des enfers. La solution est simple, encore une fois, c’est la boîte blanche et verte. 400mg de tramadol par jour (100mg LI 4 fois /j) ET 40 mg d’actiskenan (10mg 4 fois /j). Je passe 1 mois et demi au lit et je me fais vraiment chier.
Bref, après cette passe compliqué il est temps d’arrêter. Je sais que ça va être compliqué. Cela fait environ 45 jours que je suis à la dose max de tramadol et que je prends quotidiennement de la morphine.
Je redoute beaucoup, mais finalement, ça va. Juste extrêmement mal au cul après la période de constipation qui vient de se terminer. Avec du recul, j’étais surtout très stressé face à ma solitude dans cette aventure et à l’absence de dialogue sur les médicaments que je consommais avec mes médecins. Mais je l’accepte. Ils sont oncologues en pédiatrie et dans ce domaine ils gèrent ! Aussi, rares sont les jeunes de mon âge dans ces services et les prises de consciences sur le rapport que le patient entretient aux psychotropes n’est pas communs dans ces services, et il n’est honnêtement pas une priorité pour la plupart comme on peut l’imaginer.

C’est la fin de l’ère cancer.
(Aujourd’hui, quand j’écris ça, je suis en rémission et officiellement guéri après plus de 5 ans sans rechute. Ouf !)

Super ! je vais reprendre le cours de ma vie et partir faire des études. NON ! On est au beau milieu de l’année scolaire, il faut donc que j’attende plusieurs mois avant de revenir parmi les miens pour de bon. Je me rapproche alors d’un ami du lycée qui est déscolarisé à l’époque. Il est dépressif et sous anxiolytiques, il adore le tranxene et l’alprazolam. Sa maman souffre de douleurs non diagnostiquées et est une consommatrice très assidue de skenan. On se retrouve alors tous les deux dans cet intérêt pour la drogue et on se met en tête de tester la weed puis ce qui se présentera à nous des qu’on aura l’occasion. Pour nous a l’époque, le cannabis c’est le remède miracle a nos problèmes, pour lui la dépression, pour moi un sevrage psychologique des opioides et un traitement de l’anxiété et à ma tristesse du moment. Sauf que chez nous la beuh c’est finie, c’est les noids qui ont le vent en poupe ! On chope alors du liquide de CE et on passe un printemps et un été à se mettre des giga claques à ça ! C’est pendant le même été que je commence a vraiment apprécier l’alcool. Sûrement parce que maintenant c’est dans un but précis, la défonce et plus par simple mimétisme. Rien d’exceptionnel me direz vous.
L’été se termine, maintenant place aux études et au retour à la vraie vie.

J’arrive dans une nouvelle ville, dans une nouvelle vie. J’embrasse à bras le corps le mode de vie étudiant et je bois et fume des petards en conséquences. La vie suit son cours et entre chagrins d’amour, questionnement sur mon orientation, stages de merde, confinements et découverte du monde de la nuit et de la musique électronique j’expérimente, très raisonnablement. Alcool, weed, tabac, DXM, Xanax, poppers, proto, codeine, tramadol, LSD et champis.

Seuls la weed me suit au quotidien et à part l’alcool qui rentre dans mon mode de vie ainsi que les psychédéliques qui m’intriguent bien, pas d’excès.

Tout ça grâce à une éducation à la réduction des risques et à une prévention faite efficacement par… vous autres.

Pour conclure, ce post n’a pas trop d’intérêt autre que de documenter mon propre parcours, partager mon expérience de patient en pédiatrie qui devient consommateur, et donner plus de matière concernant la Nalbuphine qui est définitivement ma porte d’entrée dans l’univers des psychotropes. J’ai eu envie de faire ce post à la suite de la lecture d’un blog relatant un parcours similaire, au début du moins.

Aujourd’hui, ca va, meme si j’ai une addiction semi contrôlée au cannabis et des troubles anxieux modérés. Mais si ça va, c’est grâce à la RDR et la prévention. Qui ne sont pas assez à l’ordre du jour à mon goût.

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Psychoquak homme
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Avant tout, je ne sais pas si cela se dit comme tel, mais bravo pour ta rémission. Je trouve très intéressant d’évoquer l’avènement  de tes consos sous le prisme de la maladie et de la santé.

Cela démontre que les traitements, en dépit du mésusage qu’il peuvent engendrer, peuvent également soulager les corps meurtris, en souffrance, les esprits en quête d’un peu de mieux-être.

Le pan de ta vie que tu abordes est très bien écrit, décrit. Je me permets cependant une petite remarque sur « la drogue et les drogués »…

je préfère parler de drogues au pluriel et d’usagers de drogues, cette dénomination étant moins stigmatisante et démontre qu’il y a différents usages, même ceux qui ne sont pas problématiques.

Je te souhaite une belle et longue vie!

Dernière modification par Stelli (27 novembre 2023 à  09:19)


ce dont on ne se souvient pas révèle ce que l'on ne peut oublier

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cependant
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Psychoquak a écrit

Cela démontre que les traitements, en dépit du mésusage qu’il peuvent engendrer, peuvent également soulager les corps meurtris, en souffrance, les esprits en quête d’un peu de mieux-être.

Salut,

Le terme "mésusage" me semble stigmatisant aussi...

Finalement les médicaments servent à plusieurs effets, mais si on considéré la définition de santé de l'OMS, comme une recherche de bien être global (et pas juste physiologique), le fait de prendre des médicaments pour être bien n'a absolument rien de mésusage !

Et finalement les études demontrent que les opiacés ne sont pas un antalgique efficace pour la disparition de la douleur, MAIS sont redoutables pour rendre plus supportable une douleur invivable.
Pour moi il n'y a absolument rien de moralement reprobable à se servir de la palette thérapeutique et à mon avis il faut déconstruire cette vision de la conso de drogue = autodestruction. Souvent ce n'est absolument pas le cas, la plupart des gens consomment car il y a bien évidemment des bénéfices (ce qui ne veut pas dire que, d'autant plus dans la société dans la quelle on évolue, il n'y a pas de risques/effets négatifs) !
Mais la construction de morale sociétale rabaisse profondément le pouvoir d'agir, nous fait croire à la fatalité d'une conso vouée à nous faire du mal. Et ce n'est pas évident de se sortir de cette prophétie auto-réalisatrice.

Bref finalement on pourrait s'interroger même si ça a du sens de faire perdurer la distinction entre usage thérapeutique et usage récréatif des molécules.
Si nous defoncer la gueule nous fait du bien, ça ne serait pas une forme de thérapie pour aller bien ? Et vice-versa, l'effet bénéfique des thérapies est apporter un améliorèrent de la situation ou à défaut de pallier là où on ne peut pas soigner.

Certes je l'éloigne, mais juste voilà pour dire que perso je bannis le terme mésusage.
Ah, et pour compléter le tableau, parfois il est utilisé pour parler de médoc pris avec une autre ROA pour laquelle les labos ils l'ont pensé.
Mais si dans les hôpitaux et structures gériatiques il est pratique commune d'écraser les cachets pour les rendre plus facile à gober, une personne qui ecrase pour le prendre par le nez est taché de mésusage. Alors que ça serait aux labos de fournir un élargissement de la palette des TSO et des galeniques (car perso je considère cela assassin de mettre des excipients qui peuvent tuer pour éviter l'IV par exemple, alors qu'ils savent parfaitement que les gens le font).

Bon je m'arrête là, désolé pour le coté en vrac !


fugu kuwanu hito niwa iwaji

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Psychoquak homme
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cependant a écrit

Le terme "mésusage" me semble stigmatisant aussi...
[…]
Bon je m'arrête là, désolé pour le coté en vrac !

En effet, je me suis mal exprimé. Quand je parle de mésusage, je parle plutôt d’usage détourné sous toutes ses formes (que ce soit une trace de sub ou une pilule écrasée dans la purée à mamie!). Évidemment, loin de moi de juger quelconque usage, encore moins d’y voir un côté autodestruction.

Dernière modification par Stelli (27 novembre 2023 à  09:22)


ce dont on ne se souvient pas révèle ce que l'on ne peut oublier

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cependant
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Psychoquak a écrit

cependant a écrit

Le terme "mésusage" me semble stigmatisant aussi...
[…]
Bon je m'arrête là, désolé pour le coté en vrac !

En effet, je me suis mal exprimé. Quand je parle de mésusage, je parle plutôt d’usage détourné sous toutes ses formes (que ce soit une trace de sub ou une pilule écrasée dans la purée à mamie!). Évidemment, loin de moi de juger quelconque usage, encore moins d’y voir un côté autodestruction.

T'inquiète je comprends, c'est un terme très rependu

Mais justement pour faire changer les choses, nous pouvons aussi agir sur les mots que nous utilisons, en réinventant des nouveaux pour exclure des visions stigmatisantes et moralisatrices, exectement comme tu l'a dit pour la réflexion très pertinente sur les drogues vs "la" drogue :)

Moi je pense que je préfère "usage alternatif" ou tout simplement "usage" avec une autre Roa/galénique que celle initialement prévue pour le labo/usage adapté...

Dernière modification par cependant (26 novembre 2023 à  22:24)


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Psychoquak homme
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cependant a écrit

Moi je pense que je préfère "usage alternatif" ou tout simplement "usage" avec une autre Roa/galénique que celle initialement prévue pour le labo/usage adapté...

Usage alternatif, je valide! super


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