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Ca porte un nom : Episode 3 



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        21 H 13, j'ingère 377 milligrammes de Dextrométhorphane. Je pars faire un tour le temps de digérer.
        21 H 55, je rentre et commence à ressentir des ballonnements. Pourtant une sensation de bien-être me traverse, peut-être est-ce l’effet placebo. Je m’allonge, la lumière est éteinte et mes yeux sont fermés. Je pose le casque sur mes oreilles et lance une playlist d’indie pop. J'ai de plus en plus mal au ventre, mais ça ne me dérange pas, j'attends sereinement que la douleur s’estompe.
        J'ai un moment d'absence, comme si j’avais dormi profondément pendant un temps indéfini. Après quoi je retrouve mes esprits et l'expérience commence. Le mal de ventre est un lointain souvenir. J'ai l'impression de n’être plus qu’une conscience immatérielle, dépossédée de tout, libre donc, libre d’interagir avec tout l’univers. Mon corps est dissocié du Je. L’ensemble de ma chair devient un bloc distinct. À tel point qu'en pensant à me gratter, je constate avec satisfaction que ma main frotte mon torse. Comme lors du sommeil, l'environnement réel n'existe plus, on se retrouve seul avec soi. La différence, c'est que l’on ne dort pas, on est lucide, enfin relativement. On est libre d'imaginer ce que l’on veut. La chanson prend une ampleur phénoménale, tellement intense que j’en perçois les moindres détails. La visualisation musicale s’anime dans ma tête en fonction de la mélodie. Des dessins en noir et blanc apparaissent, probablement dû au fait que la pièce est plongée dans l'obscurité. Parfois, je perds en lucidité ce que je gagne en onirisme. Ces allers-retours mentaux me font beaucoup rire, ma petite voix me murmure « T’es parti trop loin, n'oublie pas qu'à la base t'es juste un mec allongé dans son plumard. » La playlist défile de manière aléatoire. À la fin de chaque morceau je regrette qu’il soit déjà fini, et puis je découvre le suivant.
        Tant j’apprécie, que les heures s’évanouissent les unes après les autres. Par intervalles irrégulières, je parviens à ouvrir les yeux, ce qui atténue légèrement l’effet dissociatif. Je dois aller aux toilettes, je suis crispé et marche en crabe. Devant la cuvette, je suis perplexe. « Merde comment on fait déjà pour évacuer l’urine ? » Au passage du miroir sur ma trajectoire, je contemple ma mydriase avec fascination. J’aperçois une lueur sombre au fond de mes pupilles dilatées, un truc effrayant au cœur de mon esprit. Je fixe mon reflet et demande : « Qui es-tu ? »



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        Le jour d’après, je ressens une béatitude puissante, une grande paix intérieure, un sentiment océanique. La thérapie semble fonctionner, c’est comme si j’avais été reformaté, mes ressentiments ont été effacés. Quelle nuit bouleversante, j’ai découvert une autre façon d’expérimenter la réalité, une façon unique. Je veux revivre ça.



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Catégorie : Carnet de bord - 07 novembre 2021 à  07:39



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