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Comment acquière-t-on une identité de "drogué" ou de "toxicomane"? 



Le but de ce blog est de répondre à  une question en recueillant des témoignages: Comment devient-on un "drogué" ou un "toxicomane"? Est-ce-que cela vient de nous-mêmes, après avoir fait le constat qu'on ne peut plus se passer d'une drogue? Ou est-ce-que c'est un statu qui nous est assigné par la société? J'aimerais étayer un peu ce sujet sur lequel j'aimerais écrire quelque chose (article ou autre). J'aimerais beaucoup recueillir des témoignages à  ce sujet et je commencerai par le mien.

Etant enfant, j'étais plutôt agité et mal dans ma peau. Je suis le cadet de 3 frères. Si je faisais des conneries avec eux, ils me mettaient aussi souvent à  l'écart. Je me faisais aussi régulièrement engueuler, ou fesser pour leurs conneries. A l'école, j'avais de la facilité et je n'avais pas besoin de travailler pour avoir des résultats honorables. Par contre, j'étais un enfant assez agité, ce qui m'a valu d'être taxé d'enfant à  problèmes et d'être traité comme tel: je me faisais engueuler tout le temps, aussi pour les conneries des autres et certains profs n'ont pas hésité à  être violents avec moi: gifles, tirage de cheveux ou d'oreille, pincements,... Mes parents ont commencé à  me traiter comme un anormal: ils me trimbalaient d'un spécialiste à  l'autre pour voir si je n'avais pas une tare psychique, mais aucun spécialiste ne m'a découvert de tare. Mais le résultat c'est que j'ai commencé à  me sentir profondément anormal, différent des autres et, progressivement, j'ai commencé à  ne fréquenter pratiquement plus que ceux qui étaient aussi considérés et traités comme des enfants à  problèmes. J'ai aussi été abusé sexuellement pendant plusieurs années par quelqu'un qui n'appartenait pas à  ma famille nucléaire, mais qui était suffisamment proche pour que je passe régulièrement des vacances chez lui. Je n'ai pas été traumatisé, mais j'ai commencé beaucoup trop jeune à  rechercher des relations sexuelles avec les filles, alors je les draguais et je me prenais de râteaux, ce qui a encore accru le sentiment que j'avais de ne pas être comme les autres, d'être anormal.

Je vivais dans un petit village, très catholique, où les ragots allaient bon train. Mes deux meilleurs amis avaient un cousin et des amis, (qui étaient à  l'origine des amis de son cousins), qui fumaient des joints et (je ne le savais pas encore), consommaient de l'héro. Un jour, alors que j'avais 13 ou tout juste 14 ans, j'étais avec ses deux amis dans leur garage (celui de leur mère), qui nous servait de local pour se rencontrer. Nous avons fabriqué une pipe à  eau (leur cousin le leur avait appris) pour y fumer une cigarette (enfoncée dans le tube au bout duquel on mettrait normalement un foyer). Un voisin est passé est ça a fait trois fois le tour du village. J'avais acquis une identité de drogué,mais les drogues me faisaient encore peur et je ne fumerais que des mois plus tard mon premier joint.

A partir de ce jour, ma mère a commencé à  me saouler presque chaque soir avec des théories à  la con sur les drogues, du genre "tu commences par fumer un joint et tu finis avec une pompe dans le bras" ou "si tu commences à  fumer des joints, tu seras complètement esclave de la drogue et tu ne pourras plus t'arrêter". Elle a aussi commencé à  demander des conseils à  ses amies, et peu de temps après, elle a commencé à  me faire les poches régulièrement.

Je n'avais plus aucune intimité et je me sentais encore plus exclus et anormal. Moins je me sentais libre, plus je prenais de liberté et je restais de moins en moins à  la maison. Quelques mois plus tard, quand j'ai commencé à  fumer des joints, j'ai commencé à  ressortir le soir par la fenêtre et, quand je rentrais, je retrouvais ma mère, qui m'attendait en dormant dans mon lit. Mais ne brûlons pas les étapes et voyons comment j'en suis venu à  fumer mon premier joint.

J'avais acquis, à  tout juste 14 ans, un statu de drogué alors que je ne consommais encore aucune drogue illégale. Progressivement, toute une partie des autres ados du village m'évitaient ou n'avaient pas le droit de me voir. J'en suis venu à  vouloir me rapprocher du cousin de mes amis et de ses autres amis usagers de drogues, qui, en plus, étaient plus âgés et que j'avais envie de paraÎtre plus "grand". Au début, ils me rejetaient et avaient envie de rester entre eux. Un jour, j'avais aidé un homme du village, gravement dépressif, à  ranger sa maison, dont le sol était couvert d'un tapis de journaux, monnaie, restes de nourriture, etc. Au bout d'un moment, j'ai trouvé un bout de shit: du black. Je lui ai demandé ce que c'était.Il m'a répondu que c'était du shit et il m'a montré comment en faire un fil pour l'insérer dans une clope. Pour me remercier de l'avoir aidé à  ranger, il m'a donné le bout de shit. J'ai essayé une ou deux fois d'en mettre un peu dans une clope, comme il me l'avait montré, mais ces fois-là , je n'ai ressenti aucun effet.

Par contre, j'étais très content d'avoir ce bout de shit pour tenter de me faire accepter par le cousin et les amis de mes amis. Et ça a marché. A partir de ce jour, j'ai été accepté par le cousin et les potes de mes potes: ils sont devenus mes potes. C'est aussi ce jour-là  que j'ai senti l'effet de mon shit pour la première fois, mais ça a été un débourrage propre en ordre. On l'a fumé au bang. J'ai eu une méga chute de tension et je suis resté accroupi. Je ne pouvais pas me lever. J'avais des sueurs froides. A partir de ce jour, pendant un bon moment, j'ai commencé à  ne fréquenter pratiquement plus qu'exclusivement ce groupe d'amis. J'ai aussi commencé à  sortir régulièrement par la fenêtre la nuit pour rejoindre ce groupe d'amis. Avec eux, j'ai commencé à  aimer Pink Floyd, les Doors, etc. Mon identité de drogué s'est encore renforcée.

Au cours de ma 2e année d'école secondaire, j'ai commencé à  beaucoup m'intéresser au LSD et j'ai connu à  la même période une équipe de ravers, consommateurs de nombreuses drogues, dont du LSD. Ils m'avaient dit qu'ils en achetaient à  Z¼rich.

En 1994, à  l'âge de 15 ans, avec les amis avec lesquels nous nous étions fait surprendre avec la pipe à  eau, je suis allé au concert de la dernière tournée mondiale de Pink Floyd (Pulse tour), à  Bâle. Le jour précédent, je suis allé chez mon oncle et ma tante, qui vivent à  Bâle, pour y passer la nuit. J'ai dit que je voulais visiter un peu la ville pendant la journée, mais j'ai sauté dans le train pour Z¼rich, dans le but d'acheter du LSD.

Le problème, c'est que je ne savais pas du tout où acheter du LSD à  Z¼rich. Dans le train, j'ai aperçu une jeune femme avec un blouson noir, assise près de moi. Je suis allé lui demander où je pouvais acheter du LSD à  Z¼rich. Elle m'a d'abord dit que je ne devrais pas consommer de drogues. Ensuite, elle m'a dit qu'elle ne savait pas où je pouvais acheter du LSD à  Z¼rich, mais elle m'a conseillé d'aller voir à  la passerelle (photo plus bas), proche de la gare. Elle m'a expliqué comment y aller. Je ne savais pas encore où j'allais atterrir, mais il s'agissait de la passerelle menant à  ce qui était à  l'époque (sauf erreur) la plus grande scène ouverte de l'héroïne en Europe. Arrivé à  la passerelle, plusieurs dealers sont venus vers moi. Ils me proposaient tous "sugar" ou "cola" (héro ou coke). Je leur demandait du LSD et au bout d'un moment, l'un d'eux a commencé à   s'énerver et à  dire qu'à  cet endroit, il n'y avait que "sugar" et "cola". J'ai demandé ce qui était le moins cher. C'était l'héro. C'est comme ça que je me suis retrouvé avec mon premier paquet d'héro. Au concert, j'en ai fumé dans un joint avec le cousin de mes potes et, pendant une bonne partie du concert, j'étais blanc, accroupi: je n'arrivais pas à  me lever. C'était la grosse volée. Je n'ai jamais été dépendant à  l'héro (jamais le moindre symptôme de manque), ni à  aucune autre drogue, mais par la suite, j'ai acquis un statu de toxicomane (en raison de ma consommation d'héro) et ce statu deviendra officiel, quand plus tard je ferai deux thérapies pour éviter de faire plus de prison que je n'en avais déjà  fait. Mais ne brûlons pas les étapes.

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Après ce jour, pendant plusieurs mois, je n'ai pas retouché à  l'héro, mais j'ai commencé à  fréquenter de plus en plus mes nouveaux amis ravers, une trentaine de potes pratiquement tous au chômage. Au mois de juin 1994, j'ai fait ma première rave avec eux. J'ai enfin pu goûter aux délices du LSD. Ce que j'espérais trouver et que j'ai trouvé dans le LSD, c'était l'aventure.

J'ai assez vite abandonné la préparation de ma maturité (grosso modo un bac, mais en plus long), pour avoir plus de temps pour être avec mes nouveaux amis ravers/chômeurs. Nous consommions toutes les drogues que nous trouvions: c'était la grande expérimentation et l'abus. En rave, on se demandait fréquemment combien on consommait d'ecsta ou de LSD, pour être celui qui en bouffait le plus. Pour une soirée, je pouvais consommer 20 ecstas et 10 trips... On consommait aussi fréquemment de l'héro (en la fumant). Nous étions entre 20  et 30 potes à  traÎner ensemble et il y avait je pense environ une bonne cinquantaine de ravers à  Sierre, petite ville proche du village où j'habitais. Nous avions un local assez grand (abris anti-atomique sous une salle de gym) où nous mixions et passions du temps ensemble en consommant toutes sortes de drogues, dont de l'héro. Peu sont devenus dépendants et la majeure partie ont arrêté d'en prendre, mais certains en consommaient un peu plus, sans être encore dépendants. Ils ont assez vite reçu le qualificatif de "drogué" au sein du groupe, même si c'était sur le ton de la plaisanterie. Personnellement, je pense que si une personne l'entend souvent, à  force cela aura un impact sur la manière dont elle se percevra. En fait, toutes les personnes que j'ai vu acquérir un statu de "drogué" ou de "toxicomane" ont reçu ce qualificatif avant d'être dépendantes, pour celles qui sont effectivement devenues dépendantes.

Mais pour en revenir aux raves, j'ai bientôt commencé à  faire la fête chaque semaine. En plus des raves, il y avait notre local, les locaux des autres potes, et j'avais découvert un club d'afterhours ( et after-after) à  Bern où j'ai vite commencé à  passer tous mes dimanches et je passais les lundi matin dans un club pour l'after-after-after. Il n'était pas exceptionnel que je fasse la fête 5 jours par semaine.

Durant toutes ces années, une chose était primordiale pour moi: être quelqu'un au sein de mon groupe. Je me sentais toujours très mal dans ma peau, anormal, et j'étais tellement bloqué avec les femmes, qu'à  part avec certaines, j'avais beaucoup de peine même à  avoir une simple conversation. Mon souci était donc de réussir dans mon groupe. Et je tenais à  être vu comme quelqu'un d'expérimenté. L'un des moyens pour y parvenir était de consommer beaucoup de drogues et toutes les drogues possibles, notamment les drogues considérées comme"dures" (héro et coke). Deux autres activités qui étaient valorisée dans mon groupe à  cette époque étaient le business de drogues (synthétiques et cannabis) et les cambriolages (plusieurs de mes amis en avaient déjà  fait).

Un jour, je me suis décidé à  faire mon premier cambriolage. J'avais un ami d'origine brésilienne que je considérais comme mon petit frère (il avait 15 ans et moi 16 ans). Il avait déjà  fait des cambriolages et il m'avait raconté qu'à  l'âge de 9 ans, quand il vivait encore au Brésil, il avait volé des fusils dans une maison avec des amis. Il était vu comme quelqu'un d'expérimenté dans le groupe.

Un jour, je lui ai demandé s'il était partant pour faire un cambriolage, en lui disant qu'on pourrait cambrioler un garage que je connaissais parce que j'y avais fait un stage d'apprenti magasinier (mes parents me poussaient au cul pour que je fasse quelque chose).

Il était partant. Une nuit, nous y sommes allés. La fenêtre des toilettes était ouverte au 2e étage. Je lui ai fait la courte échelle. Quand il a atteint la fenêtre, il m'a tendu la main et je me suis hissé. nous sommes montés au  2e étage, pour aller au bureau et nous sommes tombés sur un gros coffre (à 2 étages). Nous avons pris tous les outils que nous jugions utiles dans le garage. Nous avons commencé à  écarter un peu la fente entre la porte et la paroi du coffre, avec des tournevis, puis avec une barre métallique. Nous avons réussi à  plier, sur environ la moitié de la porte, la première couche de métal et nous avons accédé à  une couche de mortier, que nous avons cassé, ce qui nous a permis d'accéder aux barres qui ferment la porte, que nous avons pliées (sur la moitié de la porte), et à  la deuxième couche de métal de la porte et, finalement, à  accéder au premier étage du coffre.. Il a commencé à  sortir le fric et je crois qu'il en a planqué une partie, parce qu'on avait compté un peu plus de 50'000 CHF et que le garage a déclaré qu'on lui avait volé 106'000 CHF (ou alors, ils ont fait une arnaque à  l'assurance...).

Si je le considérais affectueusement comme mon petit frère, je le voyais aussi comme quelqu'un de plus expérimenté que moi et je lui faisais confiance. Arrivé chez lui, on a sorti l'argent et on a compté 50'000 CHF et quelques poussière. Il a proposé de laisser l'argent chez lui pour être plus discrets et qu'il m'en donnerait au fur et à  mesure. Je lui ai fait confiance et, pendant quelques mois, ça a bien marché.

Nous allions tous les week-end en after à  Bern ensemble. Nous étions des habitués et faisions partie des meubles. Nous nous sommes vite rendu compte que la grande partie des "habitués" vendaient des drogues synthétiques (LSD, ecstas, speed...). Nous nous sommes mis à  en vendre. Le parking du club était un véritable marché des drogues synthétiques. Il n'était pas rare que nous achetions 100 pièces sur place, les revendions le même jour et en rachetions 100. Nous étions tellement nombreux à  vendre que, parfois, nous nous retrouvions à  nous échanger des drogues.

J'allais progressivement apprendre que celui que je considérais comme mon frère allait bientôt être expulsé vers le Brésil jusqu'à  sa majorité, chez son père, pour les cambriolages qu'il avait commis avant celui-là . Un jour, il m'a dit qu'il avait planqué le fric chez un autre ami, lui aussi considéré comme quelqu'un d'expérimenté. Peu de temps après, ils m'ont dit que la mère de cet ami avait trouvé l'argent (en fait, ils m'avaient entubés).  A la suite de cela, nous avons fait pas mal de cambriolage pour soi-disant "nous refaire", mais en fait il voulait amasser un max de pognon avant de partir pour le Brésil.

Quand il a été expulsé, je n'avais pas encore 18 ans. Je continuais ma vie de raves, after, after-after, etc. Et j'ai continué quelques mois, jusqu'aux premiers mois de mes 18 ans, à  faire des cambriolages, petits, faciles, de faible ampleur, genre monnayeurs de machine à  laver le linge, clubs de sport, juste pour financer mes week-end.

Un jour, je me suis fais choper et, manque de bol, je suis tombé sur un juge d'instruction surnommé dans la région (par monsieur et madame tout le monde) le Sheriff, en raison de son acharnement à  vouloir dresser les délinquants. On racontais qu'il allait même écouter les discussions dans les bars après le travail, dans le but de dénicher de nouveaux délinquants.

Il m'a fait moisir 17 mois en prison préventive (sans téléphone, sans congé, enfermé seul dans une cellule minuscule pendant une année, puis les 5 derniers mois, en cellule commune), en prétextant le risque de récidive et de collusion, car mon ami (qui ne l'était plus) était au Brésil et qu'il ne pouvait pas être extradé vers la Suisse. Or, même en étant jugé pour tous mes délits comme si j'avais été majeur, ce qui a été le cas, je risquais au maximum 24 mois de prison, étant donné que j'étais primaire (je n'avais pas commis d'autre délit avant). J'aurais donc pu sortir en conditionnelle après 16 mois. J'ai fêté mes 19 ans et mes 20 en préventive...

Avant mon premier jugement, après près de 12 mois de préventive, des intervenants en toxicomanie sont venus me rendre visite en prison, à  la demande de mes parents, pour me pousser à  aller en thérapie. Comme je n'étais pas dépendant et que je ne me considérais pas comme un toxicomane, même si j'avais consommé toutes sortes de drogues, j'ai refusé. Ils sont revenus me voir 2 fois et j'ai refusé de la même manière.

A mon premier jugement, j'ai été condamné à  être emprisonné dans une prison spéciales pour jeunes adultes (sorte de prison "de redressement"), où le temps que j'avais passé  en préventive n'aurait pas été pris en considération et où je serais resté au minimum pou une année et au maximum pour 3 ans, la durée étant déterminée selon des critères tels que l'assiduité au travail et le rangement de la cellule.

J'ai décidé de faire recours et de partir en thérapie résidentielle. J'avais officiellement acquis un statu de toxicomane. Quand je suis arrivé à  la dernière phase de ma thérapie, celle dite de "réinsertion", je n'avais qu'une envie: me barrer. Alors, après avoir commencé une formation de technicien du son, j'en ai eu tellement marre de n'avoir pas de revenu et de continuer à  être dans un "centre thérapeutique" que j'ai abandonné cette formation et j'ai commencé à  travailler comme ouvrier non qualifié temporaire dans le domaine du bâtiment. Cela m'a permis de quitter la structure.

Mais je me suis retrouvé seul: après toutes ces années (17 mois de prison et 2 ans de thérapie j'étais coupé du monde).Et je bossais comme un con pour des petits salaires. Un bon moyen de ne plus être seul, c'est de faire du business, alors je me suis remis à  en faire. Je vendais des ecstas. Peu de temps après, j'avais de nouveau plein de potes et je refaisais la fête tous les week-end. Un jour, je me suis fait balancer par mon plus gros client, qui a essayé de me mettre les achats qu'il faisait chez d'autres fournisseurs sur le dos. Je suis retourné trois mois en préventive et j'ai refait un séjour écourté en thérapie résidentielle pour éviter de rester plus longtemps en prison. Je suis resté 3 mois en résidentiel et après, j'ai recommencé à  travailler comme manœuvre. 

Après cela, j'ai connu ma femme. On a eu des hauts et des bas et finalement, on a repris nos études et on a 2 beaux enfants. J'ai réussi mon master en science sociales il y aura bientôt 3 ans et ma femme est encore étudiante. J'ai déjà  fait quelques stages, mais je cherche du travail. C'est très difficile... Malgré cela, nous sommes de bons parents et nous nous nous débrouillons tant bien que mal. Je fume encore des joints (j'en ais fumé tout au long de mes études sans souci) et je sors une ou deux fois par année (si quelqu'un peut s'occuper des enfants) dans les fêtes open air de la scène transe psychédélique (essentiellement "dark psy" et "high tech". J'y consomme des drogues telles que du LSD, d'autres hallucinogènes (mescaline, DMT, champis,...) et aussi du speed et éventuellement du MDMA, mais j'y vais surtout parce que c'est l'occasion de faire la fête avec des amis.

Les 2 thérapies que j'ai faites ne m'ont servi à  rien, car elles se sont focalisées sur les abus sexuels que j'avais vécu étant enfant, mais que je n'avais pas vécus comme un traumatisme, ni refoulés. Je n'étais pas non plus dépendant à  une drogue.

Ce qui est déterminant, c'est le fait de m'être vu assigner une identité d'enfant à  problèmes, puis de drogué, puis d'acquérir un statu officiel de toxicomane et de délinquant. Ce sont là  les raisons qui m'ont amené à  avoir le parcours que j'ai eu.

Si mon histoire vous parle, j'aimerais bien avoir aussi votre témoignage, car je souhaite creuser le sujet. Autrement, de manière générale, je serai content de répondre à  vos questions, remarques, commentaires,...

Merci pour vos futures contributions!

Catégorie : Témoignages - 07 septembre 2015 à  12:36



Commentaires
#1 Posté par : del1979 07 septembre 2015 à  13:00
Bonjour
J'ai lu toute ton histoire et je suis heureuse de voir que, malgré une enfance et une jeunesse chaotique tu as à  présent une belle vie.
Je suppose que ta femme et tes enfants taisent tous les jours à  avancer positivement et plus sereinement.

Sinon, concernant ton enfance et les statuts de drogué ou autre...C'est malheureusement la connerie des gens qui ne voit pas plus loin que le bout de leur nez. Je crois même,  qu'à  force, c'est eux qui nous rendent "anormal".

Ma mère a eu une vie similaire à  la tienne et je reste persuadée que ses parents y sont pour beaucoup.  Ils l'ont rejeté mais n'ont rien fait pour l'aider. Pour tout le monde c'était "juste" une droguée....
Et à  présent,  quelle relation as tu avec tes parents?
Et tu arrives à  prendre de la came occasionnellement sans replonger?

 
#2 Posté par : Jean C. 07 septembre 2015 à  14:35
del1979, merci d'avoir lu, merci pour tes encouragements et merci pour ce témoignage. Pour résumer mon sentiment actuel: la vie est belle, mais la société est vraiment à  chier...

Pour répondre à  tes questions, tout d'abord il faut dire que je n'ai jamais ressenti de symptôme de manque à  aucune drogue et que, personnellement, malgré toute la pression sociale, je ne me suis jamais considéré comme un toxicomane. J'ai donc résisté, dans la mesure de mes moyens...

Si, à  l'époque, j'ai consommé de l'héroïne, y compris par injection, surtout pour les descentes de drogues synthétiques ou parce qu'il n'y avait rien d'autre, ou peut-être pour renforcer mon statu d'utilisateur expérimenté... Mais je prenais bien garde à  ne pas consommer d'héro plus de 2 jours d’affilée et jamais plus de trois fois en une semaine (et pas toutes les semaines). En fait l'héro n'était qu'une des nombreuses drogues que je consommais, mais son effet n'a jamais été celui que j'ai préféré et j'ai vite perdu goût à  piquer du nez, gerber et me gratter. Je n'ai donc jamais ressenti le moindre symptôme de manque et cela ne m'a vraiment pas posé de problème de ne plus consommer d'héroïne.

En ce qui concerne les autres drogues, je fume encore des joints, mais je ne veux pas payer pour ça alors je fume quand il y en a... Autrement, une ou deux fois par année, quand on arrive à  faire garder les enfants, on se fait un événement transe psychédélique (darkpsy de préférence). C'est l'occasion de faire la fête avec des potes. Là , je consomme divers psychédéliques, mais surtout du LSD et du speed ou du mdma pour avoir l'énergie de danser toute la nuit, mais j'y vais molo avec le speed et le mdma parce que sinon je me déshydrate trop et mes muscles du dos finissent par se contracter et ça fait mal. Ces temps, mon hernie discale est ressortie, ça fait mal et à  ma seule sortie de l'été, j'ai dû m'arrêter assez vite parce que j'avais mal au dos... Mais ces rares fois, je prends des drogues moins dangereuses que l'alcool, de manière purement récréative et ça fait partie d'un tout: faire la teuf avec mes potes sur de la musique que j'aime en prenant des drogues que j'aime. Aucun souci par rapport à  ça.

Mon principal souci actuellement, c'est le fait de ne pas trouver de job...

Mais aucun risque de "replonger" quand on a jamais "plongé"...

 
#3 Posté par : Jean C. 07 septembre 2015 à  15:41
Pour ceux et celles qui publient des témoignages, serait-il possible de préciser si vous avez eu/avez ou non un statu de "toxicomane" ou de "drogué"? C'est pour voir dans quelle mesure et jusqu'à  quel point cela joue un rôle dans le développement d'une dépendance. Les cas où, comme dans le mien, il n'y a pas eu de dépendance à  un produit (pas de manque), mais où les personnes se vont vues affublées d'une étiquette de drogué m'intéressent aussi beaucoup. Celles aussi où des personnes dépendantes ont pu tout de même se protéger d'une identité sociale de "toxicomane" m'intéressent aussi particulièrement. Toutes les contributions m'intéressent, mais j'aimerais pouvoir me faire une idée claire de l'importance de ce genre de mécanismes.

Merci!

 
#4 Posté par : isabelle 07 septembre 2015 à  18:04
Quelle écriture, j'ai dévoré ton récit et apprécié que tu aies repris tes études, que tu aies des enfants. Tu es quelqu'un de sacrément fort dis-donc; à  tous niveaux: gestion des drogues, mental, volonté. Je suis impressionnée. Et quelle mémoire!

Avec tout ce que tu as vécu, je me demande quel âge tu as dis-donc.

Le mot différence me parle; car c'est un ressenti que j'ai toujours eu; je n'ai par contre jamais été targuée de différente, mais au final le résultat est plutôt le même. Je n'ai personnellement pas consommé autant que toi; on va dire que je suis plutôt très peu consommatrice, mais quand je consomme en général, c'est un peu le concept du volcan en éruption et ça pête ... je finis en général par faire une connerie; chose qui m'est arrivée il y a quelques jours.

Continue sur ce beau chemin :)

 
#5 Posté par : Groschacha 07 septembre 2015 à  18:18
Bonjour, j'ai lu ton témoignage et je trouve ta question très intéressante. Je crois que je me la suis déjà  posée, mais comme souvent je n'arrive pas trop à  trouver "LA réponse objective".

J'ai plusieurs idées de réponses...

Pour commencer, je vais raconter un peu mon histoire rapidement : j'ai été très dépendante au cannabis mais j'ai du arrêter pour des problèmes psychiatriques, les médecins ayant décrété que je pouvais devenir psychotique si je continuais. Fumer me faisait faire des crises de panique, de dépersonnalisation... Bref. Depuis 8 mois, je ne vois plus la vie en couleur mais en noir et blanc. Elle est neutre. je ne sors presque plus parce que je n'arrive pas à  profiter sans drogue. Les seuls moments que j'arrive à  apprécier sont forcément accompagnés de drogue. Je reprends des antidépresseurs pour essayer d'aller mieux.

Du fait de ne pas réussir à  profiter de la vie sans drogue, suis-je une droguée ?
Je ne consomme pas tous les jours, loin de là  et heureusement sinon je sais que je le deviendrais bien vite, mais pourtant je pense que mes amis me voient comme une personne droguée. Car je suis très tournée vers la drogue, très intéressée par le sujet. J'ai essayé beaucoup de produits différents avec aucunes dépendances pour des drogues dures.

Je pense aussi que le statut de drogué donné par la société dépend des personnes. Pour une coincée catho, un fumeur de joint sera un drogué, alors que pour d'autres personnes pas forcément. On a chacun notre définition de "drogué".

Personnellement, je trouve que c'est un terme fort qui convient plus pour les drogues dures. C'est ma vision mais je sais qu'avec ma dépendance au cannabis, j'étais une droguée. Je dirais que pour moi, le statut de drogué s'installe quand la personne ne peut plus se passer d'un produit (il ne peut plus aller en soirée sans taper ou ne peut pas passer une journée sans consommer....).

Après il y a t-il vraiment un statut de drogué ? Pour la société, ce statut est très négatif et réducteur. Il stigmatise complètement la personne qui en est réduite à  être simplement un consommateur alors qu'on peut être drogué et doté de grandes qualités, ça n'a rien à  voir.

Bon je vais m'arrêter là  parce que je n'arrive jamais à  répondre à  ce genre de questions, je me perds moi-même dans ma tête. Et puis tu recherchais plus des témoignages. mais je voulais te répondre car la question est intéressante.

Cheers !

 
#6 Posté par : majama 07 septembre 2015 à  18:27
Salut JC,

Je trouve que tu as amplement raison sur le fait que l'étiquette qu'on te colle à  la peau fini par te conforter dans un mode de vie un état d'esprit ..
Comme toi depuis l'enfance qualifié d'enfant à  problème et ça m'a toujours poursuivi et d'ailleurs encore aujourd'hui..
Alors soit,j'ai eu une enfance un peu chaotique avec moi même des parent politox et du coup leur image m'a pour ainsi dire déteint dessus depuis toujours ..
Ton témoignage raisonne en moi en me disant si mon entourage(famille tante oncle cousin),les professeurs,le voisinage ne m'avait pas considéré en tant que tel aurais-je choisi une autre voie?
Même si le facteur environnemental(famille) est a prendre en compte je pense que l'influence de l'image qu'on avait de moi en dehors,a joué un rôle important dans mon évolution en quête d'image,d’existence .
Je m'explique j'ai un petit frère même famille,même voisins,même professeurs même schéma qui n'a pas du tout évolué comme moi n'a pas souffert de l'image qu'on portait à  notre famille ou plutôt qui à  la faculté de relativiser que perso je n'ai pas.Alors que pour moi ce besoin d’identité était tel que j'ai adhéré direct au statut à  l'image qu'on avait de moi ..
Je vais commencé une thérapie EMDR bientôt et je pense que c'est un point que je dois aborder,car pour moi la dépendance est au menu du jour d'aujourd'hui,alors que des années j'ai tenu bon,gérant très bien ma polytoxicomanie juste en assouvissant ma soif d'ivresse de temps à  autre ça me suffisait..
Le pire c'est qu'aujourd'hui je suis en train d'imaginer que ce qui m'ai arrivé,arrivera à  ma fille pour les mêmes raisons? cad,l'image qu'on à  de moi mais aussi cette sensibilité exacerbée dure à  gérer/maîtriser/apprivoiser surtout dans notre société ..
Drogué de père mère en fille j'ai vécu ma crise de la quarantaine aussi intensément que ma crise d'adolescence  ..
Je suis en train d’atterrir mais les turbulences ont laissé des traces à  la carcasse wink
Sur ce à  bientôt ..


 
#7 Posté par : Jean C. 07 septembre 2015 à  20:59
Merci beaucoup à  vous pour ces contributions et ces encouragement. Cela fait vraiment très plaisir. (Et vous pouvez m'appeler Jean (Plus simple). J'ai choisi de prendre le risque d'apparaître sous ma vraie identité...

Comme je n'ai pas la possibilité de répondre à  chaque commentaire, je ferai un retour groupé.

-Isabelle: Merci beaucoup pour tes encouragements. J'ai 36 ans. C'est bien si tu arrives à  continuer à  modérer ta conso. wink

-groschacha: Merci pour ton témoignage et tes réflexions. C'est intéressant et j'espère que si ta réflexion continue, tu accepteras de la partager.

J'espère que ta situation va s'améliorer. N'y-a-t-il pas quelque chose qui ne te plaît pas dans ton quotidien pour que la vie soit si neutre? Une partie de la solution ne serait-elle pas de te trouver de nouveaux rêves, qui te correspondent et de les poursuivre? On atteint rarement ses rêves, mais le fait de les poursuivre peut redonner un sens à  une existence devenue trop neutre... Personnellement, j'adore la vie et, hormis le fait que je n'aie pas de travail, ce qui me pèse, j'aime ma vie, mais je n'aime pas la société. Je ne m'y reconnais pas et je ne sais plus trop quel compromis je pourrais trouver pour avoir envie d'y participer...

Pour en revenir à  la réflexion sur le statu de drogué, donc, finalement, tu penses qu'il vient quand une personne consomme des drogues de manières excessive? (Je ne parle pas du fait d'avoir de grandes qualités ou non, mais de la manière dont la société nous perçoit et l'influence que ça a sur l'identité et les possibilités réelles d'être autre chose qu'un "drogué").

-majama: Merci beaucoup pour ton témoignage. J'espère que ta thérapie EMDR t'aidera. Je n'ai pas suffisamment de connaissances à  ce sujet pour en parler.

En ce qui concerne ta fille, il n'y a aucune fatalité. Le mieux serait peut-être, progressivement, de la faire bénéficier de ton expérience: informer plutôt que punir. il y a plus de 2 ans, ma fille de 10 ans m'a demandé quand elle aurait le droit de fumer des clopes. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas être tout le temps derrière elle et la question n'était donc pas de savoir quand elle aurait ou non le droit, mais que ça n'était pas facile à  arrêter et que c'est à  cause de ça que je tousse beaucoup. Depuis ce jour, elle me fait de temps en temps la remarque que je devrais fumer moins, que ce n'est pas bon pour ma santé. Récemment, mon fils s'y est mis aussi, comme ça, maintenant avec ma femme ils sont trois à  me dire de moins fumer... Donc, pour le moment, je ne m'inquiète pas pour mes enfants en ce qui concerne les drogues et je sais que si un jour l'envie leur prend d'y goûter, ils n'auront pas peur de m'en parler.

Tous mes v œux de bonheur! A toi aussi j'ai envie de dire: suis tes rêves, fais-toi plaisir, profite de la vie! C'est ça le plus important à  mon avis: le principal c'est de trouver des moyens d'être heureux. Je pense que les drogues ne sont jamais le problème. Elles peuvent être la conséquence d'un problème, mais pas le problème. Elles peuvent aussi être plein d'autres choses (récréatives, thérapeutiques, spirituelles...). Si la vie est chiante, essayons de la rendre moins chiante en se faisant plaisir...

-PS: Si je cherche à  travailler dans un domaine en lien avec la réforme des politiques des drogues, c'est parce que c'est les gens comme vous et moi qui m'intéressent. Je n'aime pas trop la société (pas les individus, mais le système social). Je pense que c'est une machine à  exclure.

Gros bisou à  vous et merci!

Dernière modification par Jean Croisier (08 septembre 2015 à  16:53)


 
#8 Posté par : wastedreamor2 08 septembre 2015 à  08:20
Témoignage édifiant, dans mon cas, j'en étais convaincue pour la prostitution, que l'on finit par coller à  l'image que l'on se fait de nous, moins pour la drogue,parce que j'ai suivi "de brillantes études"( les gens acceptent mal que vous ayez 157 de QI et que vous soyez une junkie, donc je n'étais pas cataloguée jusqu'à  ce que j'envoie tout valser). Jusqu'à  une tS qui m'a empêchée d'avoir mon dernier bout de diplôme. Bah oui ça tombait au même moment que la reprise des cours dans une autre ville. Et je suis restée hospitalisée 3semaines suite à  une hépatite fulminante à  Villejuif.

Je remarque que nous avons deux ans d'écart(tu as deux ans de plus que moi).

Malgré mes "réussites" passées ( rentrer dans une des prepas les mieux classées, mon bac mention bien , mon rang : 33eme sur 4000 au concours de "ma prestigieuse" école de commerce, 5eme de France).

J'essaye de me reconvertir dans un domaine qui me convienne. J'ai donc rouvert les bouquins à  34ans. Pour passer des concours de la fonction publique, voire un mastere, mais ce dernier ne me nourrira pas, donc je reste sur mes concours pour l'instant, me mémoire je peux toujours le faire en parallèle de quelque chose. Mais la tâche me semble herculéenne depuis que je m'y suis mise

Ayant goûté à  l'argent facile, et longtemps vécu cette vie...
J'ai perdu toute confiance en moi au niveau de mes capacités à  mener une 'vie normale" ( je fume toujours, suis sous metha, m'envoie régulièrement de la coke, et kks extras d'H, voire MD anecdotiquement et amphets/cathinones). C'est pas ça qui me dérange, j'ai passé des tests récemment, et O surprise mes neurones vont bien.

J'ai peur de ne pas tenir à  devoir bosser seule.

Je voulais te demander si tu avais passé tes examens en "cours du soir" ou en retournant physiquement à  la fac, et si tu ne t es pas senti trop décalé eu égard à  ton ( notre) âge?

Anyways, merci pour ton témoignage. Il me fait voir certaines choses sous un nouvel angle.
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Pour ton projet: vas-y!

 
#9 Posté par : similana 08 septembre 2015 à  08:51
Je vais pas raconter comment j'en suis arrivé aux drogues, c'est pas intéressant. L'identité de tox je l'ai acquise principalement au contact des flics de la brigade des stups, en fréquentant les bus-distributeurs de matériel d'injection, et pour finir à  force d'aller-retour aux scène plus ou moins ouverte en CH ( ZH, BE, SO ).

Dans le regard des flics qui me faisaient les poches, dans les comportements des soignants aux urgences lors d'OD, dans la condescendance des discours des cours de justice. Puis à  force.

Cette identité t'es donnée par les autres, en fonction de ton comportement ou de ton look. Mais dans la vie de tous les jours, elle n'est identité que pour ceux qui t'ont étiquetté en tant que tel. Moi, je m'en tape et n'y pense presque jamais. En quinze ans, ça m'est revenu en dans la gueule lors d'un contrôle d'identité où je n'avais pas mes papiers, et que les flics ont eu mon CV par la centrale radio. Autrement, même quand je dois présenter mon casier judiciaire à  un nouvel employeur ça ne me fait pas me sentir tox.

 
#10 Posté par : majama 08 septembre 2015 à  10:03
Perso enfants(4.5ans) ça m'a pesé l'image de ma famille,j'avais envie d'être comme tous les autres
Ado j'ai revendiqué celle-ci avec fierté,
J'ai plutôt par la suite assumé sans me poser de question ni même que ça me touche.
Aujourd'hui j'ai du mal vis à  vis de mes enfants..
Comme quoi j'ai toujours eu un problème avec l'image et finalement avec la mienne c'est surement une problème d'ego peut-être,mais en découle une piètre image de moi et un sacré manque de confiance de mésestime ..

 
#11 Posté par : Jean C. 08 septembre 2015 à  14:16
Merci pour ces contributions. Je vais répondre dans l'ordre.

wastedreamor,

Si tu as le projets de reprendre tes études, des aides existent. Je vis en Suisse, mais je pense qu'il y a aussi des aides en France (bourses d'étude, aides privées, associations, mais aussi: aménagements du programme d'étude pour permettre de faire un petit job à  côté, jobs pour étudiants, etc.)

A mon avis, la première étape serait de te renseigner sur les aides auxquelles tu pourrais accéder et sur les modalités et les différentes options d'admission (bac, dossier, examen d'entrée par faculté, etc.). Tu dois pouvoir trouver ce genre d'info sur le site Internet des universités. Le meilleur moyen d'avoir toutes ces infos facilement est peut-être de prendre rendez-vous avec une conseillère aux études de l'une des universités où tu souhaiterais être admise. Elle pourra te renseigner sur les différentes options d'admission (peut-être que tu pourrais être admise sur dossier, on ne sait jamais...), mais aussi sur les différentes aides auxquelles tu pourrais avoir accès (et, en Suisse, elles sont nombreuses mais l'info à  ce sujet peut-être difficile à  trouver: il faut chercher ou demander à  la bonne personne).

En ce qui me concerne, pour l'aspect financier, ça a été, grâce à  une aide de mon père (avec qui j'ai maintenant d'excellents rapports) et le fait que ma femme touche une rente.

Nous avons commencé par préparer, dans une école du soir gérée par une association (très accessible au niveau financier), un examen d'entrée à  l'uni de Lausanne, par faculté, moi en sciences sociales et elle en lettres. Ces cours ont duré deux ans. Durant ce laps de temps, ma mère est morte et ma fille est née... Nous avons réussi notre examen d'admission et ensuite, ça s'est enchaîné.

Mon fils est né; j'ai réussi mon bachelor, puis mon master (ma femme, qui a été deux fois enceinte vient de réussir son bachelor).Je travaillais bien et ça m'est arrivé quand même un certain nombre de fois de faire tout seul des travaux de groupes (parce que les autres ne foutaient rien...). Si j'y suis si bien arrivé, c'est parce que j'étais passionné par ce que je faisais (nous sommes tous intelligents; ça n'est pas une question d'intelligence...).

Donc, je dirais que le plus difficile, c'est d'organiser son projet, mais des possibilités existent et quand on fait quelque chose qu'on aime vraiment, on se surprend soi-même en voyant de quoi on est capable. Au début, j'étais certain qu'on allait se planter en reprenant nos études tout en ayant des enfants, mais ma femme m'a convaincu que c'était possible (en fait, au début je n'étais pas convaincu, mais je lui faisais confiance). Mais j'ai découvert que si on fait les choses par intérêt réel ou par passion, on est capable de beaucoup de choses.

Donc, je t'encourage à  reprendre tes études si c'est ton rêve. C'est possible.: d'abord se renseigner sur les modalités d'admission et les aides disponibles et ensuite, s'éclater en faisant quelque chose qu'on aime.

Personnellement, mes études ne m'ont pas amené un job, peut-être parce que je n'arrive pas à  trouver ma place dans cette société à  la con. Mais j'aime tellement ce que j'ai appris, que je continue à  lire des ouvrages et articles des sciences sociales, à  analyser des thématiques, à  émettre des hypothèses, etc. Mes études m'ont donné des outils pour mieux penser et comprendre un peu mieux le monde dans lequel je vis. Elles m'ont aussi permis de mieux comprendre mon histoire. Les approches centrées sur l'individu ne m'ont donné aucune réponse que je ne n'avais déjà . Mes réponses, ce sont les sciences sociales qui me les ont données. Donc, je suis content de les avoir menées à  bien, même si cela fera bientôt 3 ans que j'ai terminé mes études et que je ne trouve toujours pas ma place au niveau professionnel...

Pour t'encourager, j'ai fait une petite recherche rapide sur internet, surtout pour te montrer que des aides existent et que ton projet est réalisable, mais il y a certainement d'autres aides dont tu pourrais bénéficier et ces infos te seront en partie données par une conseillère ou un conseiller aux études. Encore un conseil, peut-être que ça serait une bonne idée de jeter d'abord un coup d’ œil aux cours offerts dans les différentes facultés des uni qui pourraient t'intéresser. Cela t'aidera surement à  faire ton choix.

Liens vers quelques pages qui donnent un aperçu non exhaustif des aides existantes:

http://www.etudiant.gouv.fr/pid20441/bo … aides.html
http://www.letudiant.fr/loisirsvie-prat … res_1.html
http://www.campusfrance.org/fr/page/lai … t-etudiant
http://www.france.fr/etudier-en-france/ … siers.html
http://www.cnous.fr/bourses/
http://etudiant.lefigaro.fr/vie-etudian … ants-8664/
http://www.reseauetudiant.com/savoir/bo … france.htm

Si tu organises bien ton projet, c'est possible! Bonne chance! wink

 
#12 Posté par : Jean C. 08 septembre 2015 à  14:27
Similana, Merci pour ton témoignage!

Tu as 100% raison de t'en taper de ce que les gens pensent de toi. C'est aussi l'attitude que j'ai adoptée et je t'encourage à  continuer. Il me semble que cela signifie aussi que tu es conscient du fait que toi-aussi tu es une personne à  part entière, un être humain comme les autres et que ceux qui essaient de te dénier cette condition de citoyen à  part entière sont des c... Bravo! Ne te laisse pas définir par une étiquette à  la con.

Il y a quand même une ou deux questions que j'aimerais te poser: Actuellement, ce genre d'étiquetage ne te touche plus, mais cela a-t-il toujours été comme ça? Penses-tu que, par le passé, cela a eu un impact sur la manière dont tu te percevais ou/et sur tes opportunités de participer à  la société (emploi, logement, etc.)? As-tu acquis cette étiquette avant ou après avoir été réellement dépendant physiquement au produit (symptômes de manque)?

Merci beaucoup si tu es d'accord de prendre le temps de répondre à  ces questions.

A+ et bravo pour ton attitude!

 
#13 Posté par : Jean C. 08 septembre 2015 à  14:55
majama,

Je te comprends. Pour moi, ça a joué le premier rôle (les différentes étiquettes dont j'ai été affublé). Même si j'ai résisté et que je ne me suis jamais considéré comme un toxicomane (mais comme un anormal, oui), avec le recul, je me rends compte que ces étiquettes de mauvais garçon, puis de drogué et enfin de toxicomane (drogué et toxicomane signifient la même chose dans la tête de la plupart des gens) sont ce qui a conditionné la plus grande partie de ma vie. Même quand on y adhère pas, je pense que cela a une influence sur les gens avec qui ont va être en relation, les possibilités d'emploi, d'avoir un logement, de participer à  la vie de la communauté, etc.

Mais tu as au moins autant de valeur que n'importe quel autre être humain sur cette planète, prends-en conscience et ne te laisse plus toucher par les préjugés des gens et les étiquettes, même si elles ont un impact sur ton existence. Le jour où j'ai pris conscience du fait que j'étais un être humain comme les autres, je me suis senti revivre...

Tu réussis à  t’occuper de ta fille malgré toutes tes difficultés, donc bravo! Tu es formidable. Prends-en conscience...

 
#14 Posté par : similana 10 septembre 2015 à  05:49

Jean C a écrit

Il y a quand même une ou deux questions que j'aimerais te poser: Actuellement, ce genre d'étiquetage ne te touche plus, mais cela a-t-il toujours été comme ça? Penses-tu que, par le passé, cela a eu un impact sur la manière dont tu te percevais ou/et sur tes opportunités de participer à  la société (emploi, logement, etc.)? As-tu acquis cette étiquette avant ou après avoir été réellement dépendant physiquement au produit (symptômes de manque)?

Il y a quelques situations merdiques liées à  mon statut de tox, notamment pour trouver un appart quand je suis sorti de cure. C'est par l'intermédiare du service de probation que j'ai signé un bail à  loyer. Toxicomanie et délinquance sont indissociables dans mon parcours, je ne savais pas ce qui était le plus stigmatisant entre les deux étiquettes, ou si ça formait un tout.

J'ai commencé à  travailler dès ma sortie. La phase préalable de postulation, puis d'entretien d'embauche, a été angoissante et stimulante à  la fois. J'exerce un métier dans un domaine particulier, présentation du casier judiciaire à  tout nouvel employeur, ce qui m'impose d'aborder honnêtement ma situation. Contre toute attente, ça s'est bien passé et m'a permis de relativiser le truc.

J'ai obtenu mon brevet fédéral quelques années plus tard et ai bien réussi professionnellement, présenter mon casier me permet d'évaluer mon interlocuteur, je n'entre pas en matière si ça le dérange. Idem dans les autres domaines de ma vie.




Si j'ai acquis cette identité avant/après ?

C'est complexe et ambigü, je vois deux questions bien distinctes. L'identité et le cheminement pour l'obtenir.


Il faut être tox pour qu'on être identifié en tant que tel (sans m'attarder sur les nuances et les interprètations innappropriées). Je ne vois pas comment j'aurais pû m'identifer de la sorte avant d'avoir atteint un seuil minimum de conso, d'usage de matériel de conso, de fréquentation du milieu. Et comme je l'ai déjà  dit, c'est avant tout par les autres que j'en suis venir à  m'identifier ainsi. Avant d'être Jedi, un padawan être il faut.


Le cheminement, ou la causalité...Je ne suis pas devenu tox pour fuir l'horreur de ma vie ou pour supporter de la continuer. C'est une suite d'opportunités qui m'a mis en présence de drogues, les essayer c'est les adopter.
J'ai grandi dans des conditions assez trash, le résultat n'est pas un modèle d'épanouissement et d'équilibre. Mais à  l'époque ça n'était que ma normalité, la maltraitance ne fait souffrir qu'à  partir du moment qu'on en a conscience. A quinze ans j'ai eu la chance de commencer un apprentissage dans un domaine qui m'a passionné et motivé à  obtenir un CFC. Au même moment, j'ai commencé à  cotoyer des milieux que les braves gens s'appliquent à  éviter. De petits délits à  de gros traffics, d'actes plus graves à  des traffics organisés, j'en suis arrivé à  faire ce pour quoi j'étais doué.
En jugement, à  la question suis-je un délinquant qui s'est drogué, ou un drogué qui a commis des délits pour ses doses, mon avocat a fait du bon boulot et m'a obtenu l'article 44. Moi je sais que c'était l'inverse, mais la résultante reste la toxicomanie.
Mais ça implique d'être considéré et traité parfois comme de la merde, et ça ça fout la haine durablement.

J'ignore qui je serais aujourd'hui si j'étais venu au monde dans une famille bienveillante, je ne me pose pas la question car je ne le saurai jamais, et aussi parce que je m'en fous. J'ai aimé vivre comme j'ai vécu, je ne referais pas certains trucs avec le recul, mais il est clair que mes jeunes années m'ont données l'impression que même le pire pour d'autres, ça sera déjà  le meilleur pour moi.

Depuis j'ai appris qu'il existe d'autres choses encore meilleures et n'ai plus cessé d'aspirer à  mieux sans risquer le pire. Ce que pensent les autres, je m'en tape le cul parterre depuis belle lurette, tout en tenant compte des avis de ceux qui me sont chers.


C'est un peu brouillon, ça condense plus de 25 ans de ma vie. Je pense que l'enfance conditionne notre façon d'apréhender le monde, mais qu'on peut changer ça tout au long de notre vie. Et la toxicomanie n'est pas la pire des conséquences puisque les drogues génèrent des formes de bonheurs, peu importe qu'ils soient artficiels, ils sont vécu comme réels. Moi je plains ceux qui sont malheureux, ou qui ont une vie merdique, sans possibilité de s'oublier pour un jour ou pour toujours.


Ah oué, cool tes photos du Letten et

d'autres endroits que j'ai fréquenté à  l'époque. Le monde est petit, le monde est stone!

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Merci pour avoir pris le temps de réfléchir et répondre à  mes questions

 
#15 Posté par : Jean C. 10 septembre 2015 à  13:44
Merci beaucoup similana pour ce témoignage et cette réflexion. Merci de t'être donné la peine de te poser toutes ces questions.

Quand tu dis "il faut être tox pour être identifié en tant que tel", qu'entends tu par "être tox", consommer de l'héro ou être dépendant à  un produit?

Je suis d'accord avec toi: les drogues sont avant tout une source de plaisir, de convialité ou d'évasion et c'est en premier lieu pour ça que les gens les consomment (même s'il y a aussi des usages thérapeutiques, etc.)

Moi aussi, j'étais surtout un délinquant qui se droguait: je n'ai jamais ressenti le moindre symptôme de manque, et même pour les produits que je consommais tous les jours (comme la beu), ça n'a pas été très difficile de le faire quand j'ai dû le faire: un léger inconfort semblable à  celui de ne pas avoir le café qu'on a l'habitude de boire chaque matin... Je pense qu'il y a aussi une part de conditionnement: comme on se représente les drogues comme quelque chose de terriblement addictif et que l'on craint de ressentir des symptômes de manque, on attend souvent le dernier moment avant de calmer le jeu et on finit par ressentir effectivement des symptômes de manque. Qu'en penses-tu?

Tu dis: "Depuis j'ai appris qu'il existe d'autres choses encore meilleures et n'ai plus cessé d'aspirer à  mieux sans risquer le pire. Ce que pensent les autres, je m'en tape le cul parterre depuis belle lurette, tout en tenant compte des avis de ceux qui me sont chers."

C'est cool. Cela montre que tu t'es émancipé du regard des autres, et aussi peut-être en tant que personne. Bravo!

Moi aussi, je me suis bien calmé, même si je fumes encore des joints et que je sors en teuf une ou deux fois par année (si on arrive à  faire garder les enfants). Autrement, j'ai ma petite vie de père de famille bien rangé. La seule chose qui me manque, c'est un job. Mais moi aussi, j'ai de très bons souvenirs de cette époque où je n'avais aucune limite, où je goûtais à  l'insouciance de l'adolescence en même temps qu'au plaisir des drogues. J'ai tendance à  la considérer comme la période la plus fun de ma vie (avant la prison et les thérapies). Ma drogue préférée a toujours été et reste le LSD. Au début, c'était surtout l'aventure qui me motivait à  prendre du LSD. Aujourd'hui, je ressens les effets beaucoup plus faiblement et je n'arrive plus à  partir très loin, mais j'ai toujours des déformations visuelles; quand je danse ou que je fais de la musique, ça me permet d'avoir l'impression de faire corps avec la musique; ça m'a aussi aidé à  résoudre certains problèmes existentiels: si je prends du LSD alors que je me prends la tête pour un problème genre problème de couple, ça va tourner en rond dans ma tête pendant toute la durée tu trip, et bien souvent à  la fin j'ai trouvé la solution au problème, on plutôt les réponses que je recherchais. Pour toutes ces raisons, j'adore le LSD, même si ce n'est plus possible pour moi de vivre une aventure avec ce produit.

Pas de quoi pour les photos...T'en aurais pas une ou deux du parking de la Markthalle à  Bern, à  l'époque de l'Incas Imperio (si tu as aussi fait des after là -bas). J'aimerais bien en retrouver...

Si d'autres choses te reviennent ou que ta réflexion continue, ça me ferait vraiment très plaisir si tu pouvais le partager ici.

Merci. Et comme tu disais, le monde est petit. En fait, les seules personnes par qui je me sens vraiment compris et accepté sont des usagers ou des ex-usagers de drogues et j'ai vraiment de la peine à  m'intégrer aux autres personnes. Je me rends compte que même si je travaillais dans un service aux usagers, cela ne le ferait peut-être pas, parce que même ceux qui sont de meilleure volonté ne nous comprennent pas vraiment. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mais même au sein de la réduction des risques, j'ai constaté certaines pratiques et certains préjugés sur les usagers qui m'ont profondément choqué. En fait, je ne sais pas s'il y a vraiment une place pour moi dans cette société et j'étudie les alternatives possibles (vie en communauté selon nos propres règles, etc.).

 
#16 Posté par : Jean C. 10 septembre 2015 à  16:38
Je suis désolé: j'aurais voulu noter positivement tous vos retours, parce que je vous en suis très reconnaissant. Mais j'ai déjà  épuisé ma limite pour les notations de la journée... En tout cas merci!

Et si la réflexion se poursuit je serai comblé...

A+ et merci!

 
#17 Posté par : Jean C. 11 septembre 2015 à  09:48
« Je ne suis pas sorti de prison. C’est la prison qui a changé de taille ». (Paraphrase de Durrenmatt, in Béatrice GUELPA, Sorties. Parcours de cinq détenus, Genève, Labor et Fides, 2006)

J'arrive très bien à  comprendre ce qu'elles ont voulu dire par là ...

Et vous?

 
#18 Posté par : trouduck 13 septembre 2015 à  18:08
Bonjour Jean

J'ai trouvé ton blog des plus intéressants, en particulier sur la scène ouverte de Zurich.
J'aimerai si possible plus de détails sur le déplacement du Platzplitz au Letten.
N'étant pas sur place à  l'époque mais certains de mes amis se sont "exilés" là  bas...
Bref, si tu pouvais détailler un peu plus sur ce paragraphe qui m'a tant... plu (sur ton blog ou dans un autre sujet) je t'en remercie d'avance.

 
#19 Posté par : Jean C. 14 septembre 2015 à  12:16
En fait, la seule et unique fois où je suis allé au Letten, c'est la première fois où j'ai acheté de l'héro... Autrement, comme j'habitais près de Lausanne, ça m'est arrivé d'en acheter à  la Place St Laurent et plus souvent, à  la gare de Berne, parce que j'allais tous les week-end en after à  Bern, mais il y en avais aussi pas mal à  Sierre, la ville la plus proche de mon village. Certains de mes potes ont passé pas mal de temps au Letten. Il paraît qu'il y avait des rats énormes...

En ce qui concerne la Platzspitz et le Letten, ce qui est notable, c'est qu'au départ, ces scènes ouvertes étaient une politique publique: les autorités zurichoises voulaient regrouper les usagers au même endroit, pour mieux pouvoir les contrôler, mais aussi pour que les antennes de prévention puissent les atteindre. L'échange de matériel stérile était, quant-à -lui, interdit du temps de la Platzpitz. Ce sont quelques médecins courageux qui ont commencé à  le faire, au risque de perdre leur droit de pratiquer... Ce qui est notable, c'est aussi que c'est grâce à  ces scènes ouvertes qu'on a commencé à  développer la réduction des risques: échange de matériel stérile, locaux de conso à  moindres risques et prescription médicale d'héroïne. On était dans l'urgence, avec un des taux les plus élevés en Europe contamination VIH chez les injecteurs de drogues.  Et aujourd'hui, on a réussi à  faire diminuer le taux de nouvelles infections à  un taux très bas, ce qui nous vaut d'être suivis comme exemple dans de nombreux pays.

J'aurais quelques articles scientifiques sur le sujet à  te transmettre si tu veux, mais il faut que je les recherche sur mon ordi...

Autrement, il y a eu quelques émissions sur le Letten sur la RTS: http://www.rts.ch/services/recherche/?q=letten

et sur la Platzspitz: http://www.rts.ch/services/recherche/?q … ed%3ad%3as

En rapport avec tout cela, je peux déjà  te joindre le lien vers un document de la Confédération présentant notre politique des drogues avec un passage consacré à  l'histoire de notre politique des drogues, dans ce passage, tu trouveras des infos sur les politiques des drogues qui ont été mises en oeuvre à  partir de cette période. https://www.google.ch/url?sa=t&rct= … 7793,d.bGg

A noter que la position de la Commission Fédérale sur les questions liées aux drogues est favorable à  une régulation du marché des drogues (position qu'elle a pris pour la Session Extraordinaire des Nations Unies (UNGASS) sur les drogues de 2016, mais tant que le cadre international de contrôle des drogues ne change pas on ne pourra pas le faire sans violer les Conventions internationales sur les stupéfiants...
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Merci pour tout Jean, les liens, ton histoire et l'avancée dans mes recherches

 
#20 Posté par : trouduck 14 septembre 2015 à  22:55
Merci beaucoup Jean d'avoir pris le temps de répondre et détailler.
J'ai pris bonne note de tous ces renseignements, ils me permettront d'avancer dans mes "investigations" sur ce sujet.
J'ai d'ailleurs un lien qui devrait t'intéresser à  ce sujet, je le recherche et te l'envoie (quoique je ne vais surement rien t'apprendre mais ce reportage est vraiment complet)
Encore merci, surtout pour les liens que tu as su ajouter à  ton post.
Bonne continuation dans tes projets, ta famille, et j'espère sincèrement qu'une porte s'ouvrira à  toi pour du travail dans cette voie que tu as choisie.
Bien amicalement.

edit : je pense qu'il s'agit de ce documentaire suivant :

http://www.tagesanzeiger.ch/extern/stor … dletrauma/   

edit2 : Oui c'est bien ça wink et le concert de Pink Floyd à  Basel (Bâle) était donc en août 1994, ce qui fait quand tu as été acheté ta 1ère dose d'héro c'était presque la fin du Letten (étant donné que tout ce petit monde a été viré 6 mois après environ) ça devait ^tre "terrible" à  voir ces milliers de personnes réunis pour une seule et unique chose : l'héro (la coke aussi mais beaucoup moins) surtout pour un gosse de 15 ans.
Si on peut se fier au doc (le lien ci dessus) il y régnait une puanteur nauséabonde, le témoin (qui témoigne of course) décrit d'ailleurs une scène où un rat se jette sur le bras sanguilonant d'un UD l'aiguille encore dans le bras, l'UD en question étant entrain de faire une O.D si j'ai bien tout compris.
2 de mes amis ne sont jamais revenus du Letten, ni sa famille ni d'autres personnes n'ont plus jamais eu de nouvelles, ont ils fait une autre vie ailleurs ? Sont ils morts du HIV ou d'autres choses..?
Tout ça me glace le sang et c'est pourquoi je m'intéresse tant au sujet.

 
#21 Posté par : similana 15 septembre 2015 à  04:54

Jean C a écrit

Quand tu dis "il faut être tox pour être identifié en tant que tel", qu'entends tu par "être tox", consommer de l'héro ou être dépendant à  un produit?

Le produit importe peu, j'emploie le terme héroïnomane dans certains contextes, pour définiri ma drogue de choix. On vit dans un monde qu'on cause n'imprte nawak, la faute à  une kyrielle d'abus de language siècles après siècles.
La définition toxicomane, étylogiquement parlant, ne signifie pas consommateur de drogues. Qu'est-ce qui différencie un pharmacodépendant d'un UD friand de RC ? Une ordonnance médicale ?

Tox pour être identifié/cataloguée en tant que tel, je dirais qu'à  l'époque il y avait quelques critères, dans mon cas, tels que ; avant bras marqués, matériel d'injection en poche, teint pâle, cernes, présence fréquente des lieux de zones, etc.. Comme je l'ai dis, lorsque les stups connaissent ton nom, quand tu te réveilles aux urgences because le narcan, et surtout(je sais pas dans quel ordre), quand tu te sens à  l'aise en pleine zone, parce eux c'est toi.

Je ne suis pas motard, je ne me suis jamais identifié ainsi et n'ai jamais été pris pour un motard. Pas l'équipement, pas le vocabulaire, rien qui m'y faisait ressembler.
J'ai été parachutiste, je le suis devenu au moment où j'ai sauté de l'avion, mais peut-être qu'aux yeux des badauds qui étaient dans le périmètre de la DZ j'étais le gars qui faisait ça depuis des années. J'utilise cet exemple pour la raison particulière que les gens te voient para quand tu es équipé, mais l'ignorent s'ils te voient dans un autre contexte. Mon identité n'est pas ceci ou celà , une identité est un tout composé d'éléments qui ont beaucoup, ou aucun rapports les uns aux autres. Une mozaïque ne ressemble à  rien vue de près... Quand j'étais jumper, je travaillais en semaine, je sortais, je voyagais, je faisais la noce, etc, etc, mais la première chose que je faisais quand je sortais de chez moi était de regarder l'état du ciel,


Tox c'est moins diiscret, t'as ton matos sur toi 24h/24h. Aujourd'hui je suis UD, je ne m'identifie plus tox, mais le serais sûrement à  la lecture de mes consos. J'aime le mot toxicophile, que j'ai lu sur ce forum. Toxicoraste est plus adéquat, mais par étylogie psychoraste se rapproche du correct.

Sachant que peu de PSYCHO te donneront la même définition, et que pour les néophytes j'étais peut-être un gros tox dès mon premier joint, le sujet est vaste. Rajoutes-y un élément capital, l'évolution personnelle de l'image de moi et du crédit donné au regard des autres.



J'ai pas de photos de l'époque, juste un portait face/profil que j'ai gardé. 1994 case prison. Du Letten on a dit tout et n'importe quoi, il n'y avait pas de rats pendant la journée. Les habitués préparaient les shoots à  qui tremblait trop, un caddie et une planche serant comme bureau/gichet. Ils gardaient les filtres en échange. Leur slogan était : Wer wot coki für es cocktail ? Avec l'accent. C'était un endroit tranquille quand la Langstrasse était pleine de flics. Comme Berne ou Soleure en plus trash, parce la loi et les gens n'y entraient pas. L'anonymat de la foule et la défonce, je sais pas si j'aimerais ça aujourd'hui.



Il me semble déceler une pointe de nostalgie quand tu parles de tes trips d'antan, plus softs avec le temps. Je sais pas si notre seuil de tolérance augmente. Ma solution a été d'innover, d'alterner et de mélanger. Je ne peux pas te suggérer ceci, parce que tu as une famille au contraire de moi. Je sais que le mélange LSD/MDMA

fait des merveilles, et te laisse intact au réveil. Intéressant ton histoire. Et sujet à  réponses multiples!

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Merci pour cet apport intéressant à  la discussion!

 
#22 Posté par : Jean C. 15 septembre 2015 à  10:12
Merci similana pour cet apport.

tu dis:
"Tox pour être identifié/cataloguée en tant que tel, je dirais qu'à  l'époque il y avait quelques critères, dans mon cas, tels que ; avant bras marqués, matériel d'injection en poche, teint pâle, cernes, présence fréquente des lieux de zones, etc.. Comme je l'ai dis, lorsque les stups connaissent ton nom, quand tu te réveilles aux urgences because le narcan, et surtout(je sais pas dans quel ordre), quand tu te sens à  l'aise en pleine zone, parce eux c'est toi."

Très intéressant, car cela montre bien que les critères pour définir ou non une personne comme toxicomane, pour la plupart des gens, sont purement subjectifs, et qu'il n'est pas nécessaire d'être dépendant à  un produit pour être qualifié de la sorte. Il suffit de correspondre plus ou moins au stéréotype du toxicomane. Cela correspond aussi à  la définition d'un stigmate: sur la base d'aspect visibles, comme le marquage du corps (marques d'injection), des personnes seront traitées comme des citoyens de seconde zone.

Tu dis:
"les gens te voient para quand tu es équipé, mais l'ignorent s'ils te voient dans un autre contexte. Mon identité n'est pas ceci ou celà , une identité est un tout composé d'éléments qui ont beaucoup, ou aucun rapports les uns aux autres."

Tu as raison, l'identité d'une personne peut varier souvent, même dans une journée, car suivant dans quel contexte on se trouvera, les gens ne nous percevront pas de la même manière et nous ne nous présenterons pas non plus de la même manière lorsque nous nous retrouvons avec des types de personnes différentes. Néanmoins, quand on est porteur d'un stigmate (des marques visibles qui feront que les autres personnes nous assimilerons immédiatement à  tel ou tel groupe de personnes, c'est beaucoup plus compliqué. En outre, quand on a une étiquette de drogué, dans sa communauté, (son village, son quartier, sa famille...), c'est très compliqué d'avoir une autre identité: l'étiquette de drogué ou de toxicomane devient un statut et aux yeux de la plupart des personnes de la communauté, son identité se résume à  cela...

En ce qui concerne le Letten, je n'ai pas été plus loin que la passerelle (pas besoin d'aller plus loin, car il y avait déjà  une bonne dizaine de dealers sur la passerelle... Donc, à  part cette première expérience d'achat d'héro. Je n'y suis jamais retourné. Après, j'en ai eu quelques retour par des potes...

C'est vrai que j'ai une pointe de nostalgie des trips d'antan, mais surtout pour le visuel. Par le passé, le mélange MD-LSD, je le faisais tous les week-end. Mais je n'aime plus trop avoir la grosse volée dans la tête. Par le passé, ça m'est arrivé quelques dois de me retrouver dans des univers totalement fantaisistes. Mais aujourd'hui, plus que des déformations visuelles (Tout respire). C'est quand même sympa parce que j'ai l'impression d'être dans un tableau vivant et j'ai aussi toujours cette impression de faire partie d'un tout, de n'être qu'un petit élément de l'univers, mais d'être en communion avec lui. J'adore ça...

 
#23 Posté par : Jean C. 15 septembre 2015 à  10:18
Trouduck (bizarre comme nom wink ),

Merci pour ton retour et ton intérêt.

Je rechercherai encore un peu de doc sur le sujet pour toi.

Désolé pour tes amis... Tout a pu arriver. S'ils étaient morts sur place, c'est étonnant qu'on ait jamais retrouvé de corps. Tout est possible et c'est souvent aussi de ne pas avoir de réponse qui est dur. J'espère qu'un jour tu les auras.

Je dois partir, alors je dois faire court, mais je me réjouis de poursuivre cette discussion avec toi.

A+!

 
#24 Posté par : Jean C. 16 septembre 2015 à  22:32
Une citation qui en dit long sur l'état d'esprit dans lequel je me trouve ces temps:

"De l'intérieur comme de l'extérieur de son groupe, l'individu stigmatisé se voit donc présenter une identité pour soi, en termes essentiellement politiques dans le premier cas, psychiatriques dans le second. Il s'entend dire que s'il adopte la ligne juste (laquelle dépend de qui parle), il se réconciliera avec lui-même et deviendra un homme complet: un adulte digne et conscient de sa valeur.
Et certes il aura alors accepté un moi; mais un moi qui n'est et ne peut être qu'un immigrant, l'une des voix du groupe qui parle pour et à  travers lui.
Il est vrai, (...), que nous exprimons tous le point de vue d'un groupe. Mais ce qu'il y a de particulier dans la situation de l'individu stigmatisé, c'est que la société lui dit qu'il fait partie du groupe le plus large, ce qui signifie qu'il est un être humain normal, mais qu'en même temps il est dans une certaine mesure "différent", et qu'il serait vain de nier cette différence. Différence qui, cela va sans dire, a d'ordinaire son origine dans cette même société, car elle n'importerait guère si elle n'avait d'abord été collectivement conceptualisée."

Erving Goffman, Stigmate; les usages sociaux des handicaps, Paris: Les Editions de minuit, 2012, (1975), (Printice-Hall, 1963), p. 146

N'y-a-t'il pas une voie médiane entre l'exclusion et la conformisation?

(Pas facile de s'assumer dans une société qui ne s'assume pas...)

 
#25 Posté par : similana 16 septembre 2015 à  23:30

Jean C a écrit

Tu as raison, l'identité d'une personne peut varier souvent, même dans une journée, car suivant dans quel contexte on se trouvera, les gens ne nous percevront pas de la même manière et nous ne nous présenterons pas non plus de la même manière lorsque nous nous retrouvons avec des types de personnes différentes. Néanmoins, quand on est porteur d'un stigmate (des marques visibles qui feront que les autres personnes nous assimilerons immédiatement à  tel ou tel groupe de personnes, c'est beaucoup plus compliqué. En outre, quand on a une étiquette de drogué, dans sa communauté, (son village, son quartier, sa famille...), c'est très compliqué d'avoir une autre identité: l'étiquette de drogué ou de toxicomane devient un statut et aux yeux de la plupart des personnes de la communauté, son identité se résume à  cela...

Un Valaisan adulte est soit alcolo, soit alcolo et toxico. Pour nous, tu nr vaux pas moins que tes voisins. Merci de te montrer plus mature que moi et ne pas me renvoyer les stéréotypes des bernois en pleine gueule hein!

J'ai eu passé du temps en VS et sais qu'on ne s'y fond pas dans la masse si on est natif, mais j'en déduis que dans l'ensemble tu y vis bien. J'ai ne suis pas retourné vivre à  Bienne après ma cure, ça aurait emmerdé la famille, puis moi par extension.

Je conclus en me répétant : je m'en tape le cul par terre de comment ou quoi je suis dans la tête des gens. Parce que comme tu le soulignes fort à  propos, une parole, un acte ou un objet ou habit sert de top départ à  la distribution d'avis. Difficile à  garder pour soi, exprimé inutilement. Etre perméable c'est de l'énergie qui s'évapore.

En janvier, à  l'essai, j'ai opté pour une source alternative de revenus, J'en parle très peu, quand je me sens d'humeur taquine. Mon travail, c'est un vice, une dépendance qui confirme le reste. Les 52 cartes du hold'em. Les thunes on ne me demande pas souvent, mais jusqu'à  combien d'heures par jours, quelle fréquence et si j'ai encore le contrôle de moi, à  savoir m'arrêter quand je veux. La vérité, c'est que non, et sans avoir le temps de dévelloper je capte certains regards dépités. Comment faire autrement que s'en taper (j'évite le cul par terre avec ces gens :-) , le mode tournoi s'arrête quand il ne reste qu'un joueur. Une identité de quoi dans le fond, si tu sais que la carte se joue ou se jette.

Et je confesse qu'en plus, on m'a pris pour un con, paraiît qu'on l'est toujours un peu selon la rumeur. Ta quête d'identité sera le profil d'un schizo dont chaque personnalizé est schizo. Légion est leurs noms. Faut que je retrouve un texte, "Nous les quelques-uns qui"


Atchô


 
#26 Posté par : Jean C. 17 septembre 2015 à  00:31
Similana,

Je ne suis pas en quête d'identité: j'ai fait le choix de m'afficher tel que je suis parce que ça ne m'allait pas de jouer constamment un rôle, surtout quand j'entends des personnes qui ont des propos irrespectueux envers les usagers de drogues.

Et actuellement, ce que les gens pensent de moi, je m'en tape le cul par terre.

Mais si j'ai raconté mon histoire, ça n'était pas pour dire que je suis en quête d'identité. C'était simplement pour montrer comment, étant enfant on m'a fait me sentir profondément anormal et comment étant ado on m'a traité comme un paria en me collant une étiquette de drogué alors que je ne consommais encore aucune drogue, et comment, plus tard, j'en suis venu à  commencer à  fumer des joints simplement pour me faire accepter par l'un des seuls groupes qui ne me rejetaient pas alors qu'à  ce moment-là , les drogues me faisaient encore peur. Ce que je voulais montrer, c'est comment je suis devenu "toxicomane" sans pour autant avoir été dépendant à  une autre drogue que la clope.

En d'autre termes, ce que je voulais soulever, c'est le rôle de la société dans la fabrication des drogués.

Mais aujourd'hui, je suis plutôt bien affirmé (peut-être même un peu trop, mais j'ai décidé de prendre le risque).

Par contre, ce que signifiait la citation de Goffman, en fait, c'est assez profond. Cela renvoie à  ce que sont la plupart des thérapies: des entreprises de conformisation, implanter "un moi qui ne peut être qu'un immigrant" dans la tête des gens. Personnellement, j'appelle ça de l'individualisation de problèmes sociaux. Cela permet de renvoyer "l'entière responsabilité" de sa situation sur l'individu, ou à  la rigueur, l'individu et sa famille, tout en évitant soigneusement de se demander quel est le rôle de la société dans la détérioration de la situation d'une personne.

Bien sûr, il y a d'autres moyens pour tenter de conformer les personnes: la prison, les camps de redressements les asiles psy, etc.

Mais si on refuse de se conformer et qu'on le revendique, ce que je fais, on prend un très gros risque... Mais ça vaut le coup: si je dois participer à  une société qui ne me plaît pas, j'aimerais au moins ne pas avoir à  m'aliéner pour le faire.

En fait, mon identité de drogué, ça faisait longtemps que je ne l'avais plus, mais je me suis mis récemment à  la revendiquer pour des raisons essentiellement politiques et professionnelles (me faire engager tel que je suis, avec mon histoire, afin que je puisse parler librement de mon expérience et donner mon avis tout en le faisant reposer sur cette expérience). (Les domaines qui m'intéressent sont la recherche en sciences sociales sur les questions liées aux drogues; et la réforme des politiques des drogues).

A part ça, cela fait bien longtemps que je ne vis plus en Valais et je n'aurais aucune envie de vivre à  nouveau dans le petit village où j'ai grandi.

Là  où je vis maintenant, je pense que l'identité qui prédomine, c'est surtout celle de père de famille au chômage... Les flics sont bien venus ramasser mes plants de beu une fois, mais c'est uniquement avec la personne qui a appelé les flics que nos relations ont changé...

Mais aujourd'hui, je suis adulte et je ne vis plus dans un petit village très catholique du Valais central...

 
#27 Posté par : Jean C. 17 septembre 2015 à  21:33
Bon, eh bien aujourd'hui j'ai appris qu'avant ma génération plusieurs personnes de ma familles se sont faites abuser par un prêtre du village étant enfants.

Ce n'est vraiment pas si exceptionnel que ça et la plupart des gens continuent leur vie comme si rien ne s'était passé.

Je pense que quand des personnes comme Gabor Maté disent que la plupart des personnes dépendantes ont vécu des abus sexuels, elles devraient aussi se demander quelle peut être la proportion de personnes qui ont été abusées étant enfants dans le reste de la société. Ce n'est qu'une impression, mais j'ai bien l'impression que nous sommes très nombreux dans ce cas et que ce n'est pas ça qui est déterminant dans le développement d'une addiction, même si ça peut avoir des conséquences très lourdes sur le développement de l'enfant abusé...

A mon avis, ce qui pousse une personne à  développer une dépendance, c'est sa situation, par exemple le fait d'être isolée socialement, mais je suis convaincu que c'est quelque chose de récurrent, qui a un impact quotidien sur la vie des gens et qui les pousse à  s'abandonner complètement à  la consommation d'une drogue tout en sachant qu'en le faisant elles finiront par ressentir des symptômes de manque. A mon avis, si on se drogue pour échapper à  quelque chose, on ne cherche pas à  échapper au passé, mais bien au présent.

Et vous, qu'en pensez-vous?
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Ce blog est vraiment très intéressant. Continue NP

 
#28 Posté par : Jean C. 17 septembre 2015 à  21:59
Certains de vos blogs m'ont beaucoup touché, au point que ces jours, je déprime un peu... Je me dis que notre modèle de société est quand même une sacré saloperie.

En tous les cas, j'ai besoin de vous dire que je vous aime, que je me sens très proche de vous et que je pense que tout cela est un sacré gâchis parce que nous excluons les personnes qui auraient peut-être le plus à  apporter à  notre société.

Je vous souhaite d'être heureux...

 
#29 Posté par : Jean C. 17 septembre 2015 à  22:18
Bon, bon. Pour me détendre je me suis fabriqué un petit bout de shit: 1er passage de Northern light5 x Haze x Jack Herrer: un vrai délice. C'est un crime d'interdire ça... Je le fume en pensant très fort à  vous.

A+!

 
#30 Posté par : Jean C. 17 septembre 2015 à  22:55
Je reviens à  vous pour compléter mon histoire par une information que je ne peux malheureusement pas beaucoup développer.

En fait, j'ai eu différents statuts "dans le domaine des drogues": j'ai d'abord été drogué, puis "toxicomane" (mais non dépendant), dealer, conjoint de personnes dépendantes, stagiaire dans le domaine des addictions, puis dans celui de la réforme des politiques des drogues. Je commence non seulement à  avoir une idée assez claire des différents discours qui existent sur les "problèmes de drogues". Mais je sais ce que c'est de ne pas savoir si la personne  qu'on aime va rentrer ou non vivante; de continuer de croire qu'elle pourra aller mieux alors qu'il n'y a en apparence aucune raison objective d'y croire; de vouloir aider, puis de se rendre compte qu'on est tellement impliqué sentimentalement qu'on met trop de pression sur la personne qu'on aime et que le meilleur moyen d'aider est de rester en retrait (ça, c'est très dur...); etc. Cela m'est aussi arrivé de me shooter quelques temps dans l'espoir que la personne que j'aimais se ferait autant de souci pour moi que ce que je ne m'en faisais pour elle et que cela la ferait réagir (ça ne marche pas). Mais avec le recul, je me dis que ça valait la peine d'y croire, vraiment...

 
#31 Posté par : snoopy 19 septembre 2015 à  18:32
j'arrive un peu a la bourre pour repondre a tes questionnements, et je ne sais meme pas si ca va t'etre utile......

quand j'ai commencé a fumer le bedo, je ne me sentais pas droguée, encore moins tox; ensuite, suite a un deces d'une personne tres chere a mes yeux de ma famille, j'ai commencé a m'enfiler du lexomil comme des smarties, j'etais a l'ouest clairement, mais toujours pas d'etiquette de droguée par ma famille......
comme j'etais en bts commercial, les cours etant ardus et le lexomil n'aidant pas a rester eveillée pour suivre, je me suis mise au speed, et là , paf ! je me suis retrouvée etiquetée droguée (c'etait le debut de ma periode punk dont je ne suis toujours pas sortie, j'avais "la tete de l'emploi" quoi.....

quelques années plus tard, j'avais trouvé ma drogue de predilection, et j'y etait bien accro : la coke !! (j'etais suivie depuis l'episode du lexomil par une psychiatre qui me filait masse de medocs, donc vive les melanges de substances......) j'etais une droguée toxicomane....

pour expliquer mes dires, je doit citer ma psychiatre (la meme depuis le debut de l'histoire) : quand elle parle de drogues avec moi (ou de "consommations") elle les appelle "les toxiques" (cf toxico), et quand elle me parle de mon traitement, elle me parle de drogues.....

ce qui fait que ce sont deux mots que j'entends assez souvent, qui, pour moi, on la meme definition ou presque : je suis toxicomane car a ce jour je consomme du subutex plus certaines petites choses sympas de temps a autres, et je suis aussi une droguée, car j'ai un traitement composé de medicaments eux aussi psychoactifs (mais eux, legaux, car venant de la pharmacie)
je ne sais pas si je suis tres claire dans mon explication ?

et pour l'histoire de l'etiquette, j'en ai tellement entendu, sur mon poids, ma taille, mes coupes de cheveux, mes fringues, que quand sont arrivées celles de droguée et de toxicomane, je n'avais pas encore fumé mon premier joint (depuis je me suis rattrapée, mais mon look general fait que ces etiquettes sont susceptibles d'etre restées;

par exemple, j'ai 34 ans, j'ai les cheveux a moitié rasés, suis assez maigre et suis toujours ou presque habillée en noir mais ai repris mes etudes pour etre educatrice specialisée, et je suis bonne eleve;
dans mon centre de formation, on me dit "excentrique", mais je serai prete a parier que si un jour je faisais un malaise genre crise d'hypoglycemie, une des premieres questions seraient : a t'elle pris quelque chose ?

donc, je laisse dire, parfois c'est blessant, mais les gens ne s'arretent visiblement qu'a des details physiques plutot que de creuser un peu, c'est ainsi, il faut passer outre.....

pour revenir au sujet premier, a ce jour peu de personnes savent que je consomme encore des substances psychoactives "illegales", mais plus nombreux sont ceux qui savent que je prends des medocs;
pour tous ces bien pensants, je ne suis plus ni droguée, ni toxicomane, alors que pour moi, personnellement, je me considererais plus comme droguée quand j'arreterai les medocs, et plus toxicomane quand j'arreterai de consommer des "toxiques" (cf ma psychiatre)

dans mon cas, JE me colle MOI MEME les etiquettes qui me paraissent justifiées, sans pour autant les montrer, ce qui me permet d'obtenir la seule etiquette "d'excentrique" (cf mon look general)

amicalement,

snoop'

 
#32 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  20:29
Merci Snoop pour ce témoignage!

C'est très intéressant.

Ainsi, c'est quand tu as commencé à  avoir un look punk que les gens ont commencé à  te voir comme une droguée...

L'inconvénient avec ce genre d'étiquettes, à  mon avis, c'est qu'elles sont généralement accompagnées d'un statut qui englobe l'ensemble de la personne: on est toxicomane et on ne peut pas être autre chose, notre personne se résume à  cela, même si on pourrait être plein de choses différentes... Un autre inconvénient est aussi que l'étiquette de toxico s'accompagne de toute une série de représentations communément partagées par la société du genre: "le toxicomane est voleur"; "on ne peut pas lui faire confiance", "il tuerait père et mère pour s'acheter de la drogue", etc.

Je dirais aussi que l'important n'est pas, à  mon avis, de ne plus consommer de produits du tout, mais simplement de ne plus être dépendant. Plutôt que de viser l'abstinence à  tout prix, peut-être que parfois il vaut mieux apprendre à  consommer différemment...


A moi aussi, je pense que l'étiquette d'excentrique me va bien, ou peut-être que celle de marginal m'irait mieux, dans le sens où je préfère nettement les marges au reste de la société... wink

Tu serais d'accord de creuser un peu les différentes étiquettes que tu as eues avant celles de droguée et comment tu l'as vécu et aussi la période où tu as commencé à  avoir un look punk et à  être vue comme une droguée? Cela m'intéresse beaucoup...

En tous cas, merci pour ton témoignage.

A+!

 
#33 Posté par : snoopy 19 septembre 2015 à  21:42
creuser les differentes etiquettes que j'ai eues avant celle de droguée ? mouais, pourquoi pas, mais je crains de partir en hors sujet a un moment donné.....je vais faire mon possible

ma premiere etiquette je crois a été celle d'une enfant tres timide et tres reservée, la plupart du temps muette (cela s'explique en lisant ton autre blog sur lequel j'ai temoigné), je le vivais plutot bien car on me laissait tranquille et on ne me posait pas de question, on disait "qu'est ce qu'elle est sage", alors que c'etait en realité "qu'est ce qu'elle est terrorisée" (je ne voulait pas qu'on sache ce secret) donc ca m'arrangeait......

"garcon manqué" aussi, car toujours habillée en pantalon, j'entends encore ma mere me dire non on ne se tient pas comme ca en robe (les jambes ecartées), tu mets un pantalon (là  encore, ca ne me derangeait pas qu'on ne se pose pas la question de pourquoi j'etais sauvage et avait la facheuse "habitude" d'avoir les genoux écartés.......merci mon geniteur)

sont venus le college et le lycée, j'avais beaucoup grandi mais j'etais epaisse comme un clou, là , hormis les gentils mots de mes camarades (ironie quand tu me tiens), tout le monde disait de moi que j'etais anorexique, periode tres mal vecue, pour moi qui ne supportait deja pas mon corps, je m'echinais a me muscler pour remplacer la masse graisseuse mais rien n'y faisait, j'etais celle qui ne mangeait rien (faux), qui avait des problemes d'adolescence, qui devait passer sa vie sur une balance a checker le moindre gramme pris en mangeant......on me regardait de travers, on me rabaissait, j'etais tout le temps seule......

puis sont venues les années du bts et du lexomil, j'etais toujours considerée comme anorexique car je ne mangeais pas le midi (pas assez de thunes), donc souvent des coups de mou, des crises d'hypoglycemie, normal, j'etais soit disant anorexique !! (non, juste pas de fric pour aller tous les jours a la cafet'), je me contentais de fumer mon bedo pendant la pause dej';
mais là  encore, manque de jus, donc je suis passée au speed (mon cfa etait en plein paris, a coté de chapelle, barbes, chateau rouge, et j'habitais un foyer a coté de bastille), là  j'ai rencontré pas mal de "beau monde" , des creteux a chiens, les mecs les plus sympas que j'avais jamais rencontré! et en qui j'avais confiance ! alors hop, rasée la tete, laissé juste de quoi faire une petite crete pour faire couleur locale..........et sitot virée du cfa !

imagines le tableau : une grande nana a crete super maigre qui zone avec des gars braillards qui picollent en pleine rue et sont dechirés a 15h.......j'etais devenue punkette, donc forcement toxico, a faire la manche et voler les sacs des petites vieilles pour me payer mes doses.......au debut, tant d'intolerance et d'incomprehension m'ont choquée et blessée, et puis j'ai appris a m'en foutre, comme ils disent :FOKOF !! vivre libre ou mourir ! et je me sentais enfin libre de vivre, sans plus aucune menace;

les railleries ? s'il y en avait, je repassais en mode sauvage et je me battais, je tapais des scandales, et les gens autour se disaient "m'voyez les jeunes d'aujourd'hui, defoncés toute la journée a foutre le bordel dans les rues, bandes de bons a rien"........tous voleurs, menteurs, mendiants et compagnie !
a cette epoque, je me suis dis a force d'entendre ca que je n'etais sans doute bonne qu'a me defoncer et je m'y suis donc appliquée.......en se defoncant, on devient insensible a tous les mots et maux apres tout.....

j'ai toujours tres mal vecu les jugements, c'est pourquoi je cache beaucoup de mes ressentis et pensées, mais maintenant, a 34 ans, meme toujours mince et avec la tete a moitié rasée, je suis passée au dessus de tous ces jugements (on m'a meme dit une fois que j'etais skin !! nan mais vraiment......!!)

ce que je pense des etiquettes ? "heureux sont les simples d'esprits"

(c'est parti dans tous les sens en hors sujet je pense, sorry)

amicalement,

snoop'

 
#34 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  22:58
Merci Snoop!

Cela n'était pas du tout hors sujet, bien au contraire... Je pense qu'on a vécu quelque chose de similaire, moi, d'abord avec mon statut d'enfant à  problèmes et toi d'anorexique (peut-être que cela signifie malade dans la tête des gens), puis, notre statut de drogué. Même si je n'avais encore consommé aucune drogue illégale quand j'ai été affublé de cette étiquette, toi non-plus, tu n'étais pas dépendante à  un produit.

A mon avis, cela va dans le sens de mon hypothèse de départ:le plus souvent, la "toxicomanie", au départ, c'est une étiquette apposée sur des personnes qui n'ont encore aucun problème de dépendance. Es-tu d'accord avec moi si je dis que ça a aussi une grande influence sur la manière dont on se perçoit, et surtout, sur les sphères de la société auxquelles on aura accès ou non, ou sur les personnes avec qui on va pouvoir entrer en relation?

En tout cas, ce qui me turlupine c'est qu'il me semble bien que, socialement, on devient un toxicomane bien avant d'avoir un problème de dépendance...

En fait, il me semble bien que nous avons beaucoup de points communs quant à  notre vécu. Cela me fait très plaisir que nous puissions le partager. Si ça te fais du bien d'en parler je suis dispo. Merci beaucoup pour ton témoignage. Et puisque tu es punk, je terminerai ce commentaire de cette façon: Vive la liberté! Vive l'anarchie! (C'est marrant: je ne t'ai jamais rencontrée, mais je me sens proche de toi. C'est un peu comme si je voyais une partie de moi en toi...)

 
#35 Posté par : snoopy 20 septembre 2015 à  00:04
pas de hors sujet ? ouf !!

effectivement, cette etiquette de toxicomane semble nous etre collée avant meme que nous soyons dependant a quelconque substance !! constat effrayant pour le coup !

oui, je suis d'accord avec toi sur le fait que ca a une grande influence sur la maniere dont on se percoit (comme un enfant se croyant stupide parce qu'un de ses parent lui a dit), et sur les spheres de la societé auxquelles on aura accès ou non, ou sur les  personnes avec qui on va pouvoir entrer en relation; c'est d'ailleurs cela qu'il faut changer, changer profondement les mentalités des gens sur les drogues et leurs usages, demistifier toutes les idées recues et les stereotypes pour faire enfin comprendre aux non consommateurs que les UD ne sont pas moins capables que d'autres a occuper des postes a responsabilités, a en avoir dans le crane, et a savoir bien se tenir en societé

mais dans ce cas, qu'est ce qui nous "range" socialement dans la case toxicomanes, si nous y sommes rangés avant meme d'etre dependant a quoi que ce soit ? le fait que nous ayons une quelconque et infime difference avec les autres ? moutons blancs et moutons noirs ?

et en effet, il semblerait que nous ayont plus d'un point commun, et je suis heureuse de pouvoir partager tout ceci avec toi, mon jumeau celeste wink

vive l'anarchie ! et no future !! punk-headbang

snoop'
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Chat noir/chat blanc aussi ;) (excellent film d'ailleurs)

 
#36 Posté par : Jean C. 20 septembre 2015 à  10:56
Chère Snoop,

Je t'adore... trop cool!

Je pense que tu as 100% raison quand tu dis que les mentalités des gens sur les drogues doivent changer. Je pense que les "toxicomanes" sont très largement créés par la société et que, malheureusement, il me semble bien qu'au sein de la société, la cohésion sociale, le "nous", se construit par rapport à  un "eux" qui est défini comme différent. Pour obtenir de bons moutons, il faut définir des parias, des moutons noirs à  exclure. Je crois bien que nous sommes ces parias et qu'au lieu de nous laisser détruire par tout ça, nous devrions être fiers de ce que nous sommes et nous affirmer en tant que groupe social. A ce propos, malgré le fait que quelques associations d'usagers existent, très largement, les consommateurs de substances sont inexistants ou très largement sous-représentés dans les débats internationaux sur la réforme des politiques des drogues et, au, lieu de ça, ce sont toutes sortes de professionnels de tous bords qui tiennent un discours sur nous, discours dans lequel j'ai beaucoup de peine à  me reconnaître...

Je pense que nous devrions plutôt occuper la première place dans ces débats...

C'est un vrai plaisir de parler avec toi, jumelle céleste wink

Vive l'anarchie! Et j'espère que nous arriverons à  construire un futur qui nous conviendra...

Ne te laisse surtout pas abattre par toutes les choses moches qui nous entourent. Le monde a besoin de personnes comme toi...

A+!

 
#37 Posté par : Cusco 20 septembre 2015 à  23:09
Jean/Snoopy

Je suis bien d'accord avec vous sur vos commentaires.
Parfois même, en plus de l'étiquette de "toxico/drogué" s'apparente une autre image, celle de la folie.
Certaines personnes voient aussi les UD dans une sorte de folie (la drogue les rend fous...) ce qui n'est pas une généralité bien sûr.
A cette étiquette de "folie" se confond la bi-polarité, schizophrénie...
Les amalgames sont malheureusement vite établis dans certaines têtes, ce qui est bien domage.
Prenez soin de vous.

NP
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Très pertinent et ces diagnostics sont souvent posés par des non-spécialistes...

 
#38 Posté par : snoopy 21 septembre 2015 à  05:36
no punish,

ton commentaire me fait reflechir sur plusieurs points; il est vrai que les drogués/toxicomanes sont aussi apparentés a la folie, et cela je pense pour plusieurs raisons :

deja comme tu le fait remarquer, certaines personnes pensent effectivement que la drogue rend fou, sans doute de part les reactions qu'un UD peux avoir sous certaines substances, ou quand il est en craving et qu'il "pete les plombs" pour avoir sa dose (je grossis la chose volontairement),

le fait d'etre souvent confondu avec des maladies telles que la bipolarité, la schizophrenie, car parfois les "jeunes consommateurs" peuvent develloper certaines de ces maladies en avancant dans l'age, ce qui n'est pas non plus une generalité, mais pourtant est une idée recue tres populaire,

le fait de consommer/se faire du mal aussi peux coroborer le point de la folie, en rapprochement a du masochisme, pris par certains comme une deviance, une "folie" en quelque sorte.....

le fait que nombre de malades bipolaires ou schizo consomment pour se sentir mieux (idée inversée),

et sans oublier un point particulier (comme je l'ai ecris plus haut sur les propos de ma psy sur les drogues et les toxiques : drogues=medicaments (drugs en anglais), et "toxiques"=drogues illegales......

et j'allais oublier un point qui me parait crusial : perso, toutes les personnes que je connais et moi meme, quand nous sommes parti(e)s en cure, on nous a hospitalisé non pas dans un service reservé aux problemes de toxicomanie, mais en psychiatrie, avec les malades bipolaires, schizophrenes, anorexiques, boulimiques, suicidaires, autodestructeurs etc......normal ?

il y a aussi celles et ceux qui ont trop chargé la mule et sontb restés "perchés"......

il y a tant a dire sur ce sujet !!

amicalement,

snoop'
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Tellement pertinent...

 
#39 Posté par : Jean C. 21 septembre 2015 à  12:45
Peut-être est-ce plus facile d'exclure une partie de la société si on la définit comme malade mentale (ce n'est que très récemment que la psychiatrie a cessé de considérer le fait d'aimer une personne du même genre comme une maladie mentale: honteux et ça en dit long sur la psychiatrie et la manière dont elle définit les maladies mentales...).

Je dirais aussi que c'est beaucoup plus facile de poser un diagnostic de malade mental et de bourrer une personne de médocs que de s'intéresser à  ce qui la fait souffrir et à  sa situation... (et en plus, c'est bien payé).

Il faut ajouter à  cela que, quand un médecin pose un diagnostic, même si le diagnostic est mal posé, les médecins suivants ne remettront généralement pas en question le diagnostic posé, qui opérera comme un stigmate et poursuivra la personne étiquetée de la sorte. Je pense que tout le monde sera d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas bon pour l'image qu'on a de soi-même d'être défini comme un malade mental. Cela ne fait qu'en rajouter une couche à  une réalité déjà  très difficile (et on ose appeler ça aider). Mon père, médecin, me disait lui-même que, par exemple, le diagnostic de "borderline" est souvent très mal posé, par des médecins qui ne sont pas des spécialistes, (par exemple médecin de famille), et qu'il est souvent utilisé comme un synonyme de marginal...

Ce qui me fait très mal au c œur, c'est que bien souvent, des personnes très intelligentes et sensibles en viennent à  se percevoir comme des malades et même, à  ne se voir que comme cela alors qu'elles pourraient être tellement d'autres choses...

En tous cas, merci pour vos contributions. Elles sont très constructives!

Dernière modification par Jean Croisier (22 septembre 2015 à  09:27)


 
#40 Posté par : bighorsse 21 septembre 2015 à  17:54
On pourrait dire que nous sommes des fous intermittents ...
Fous d amour pour la défonce
Fous d angoisse quand elle n est plus la ..comme un amoureux finalement
Fous de douleur quand elle manque au corps ...c est peut être le seul vrai état de folie passagère où tout est possible , tout peut être risque pour en obtenir ...bien que la plupart du temps j ai plus vu de gens écroulés sur un canapé qu un flingue à  la main ....
Fous de délires mais juste avec certaines drogues

Les vrais fous eux d abord croient dur comme fer à  leurs voix intérieures , à  leurs hallu aussi....nous on joue avec....

Et les traitements pour fous qu on tente de nous coller à  tout prix finissent bien souvent dans les wc ..la ou est leur bonne place ...
Car malheur à  celui qui s y soumet....il se transforme en zombie ...

 
#41 Posté par : Jean C. 22 septembre 2015 à  08:39
J'ajouterais que, même si on finit par développer une dépendance à  un produit, à  mon avis, nous sommes perçus comme des malades bien avant cela. En ce qui me concerne, à  chaque fois que j'ai dû arrêter de consommer des produits, cela n'a pas été trop difficile et je n'ai jamais ressenti de symptômes de manque. Mais j'ai été perçu comme un drogué dans mon village plusieurs mois avant de fumer mon premier joint, simplement parce qu'un villageois m'a vu fumer du tabac dans une pipe à  eau avec des amis... J'ai aussi fait deux thérapies pour éviter de passer encore plus de temps en prison. La folie se situe d'abord dans le regard de l'autre...

Une personne qui m'est très chère a été diagnostiquée borderline. Elle préfère se considérer comme une personne qui a de la peine à  gérer ses émotions et qui doit l'apprendre. Elle refuse de prendre des médocs et ça se passe très bien comme ça. En même temps, elle est pleinement consciente qu'une partie de sa vie continue à  la faire souffrir et qu'elle a encore des choses à  digérer. Elle a 100% raison. C'est facile de poser un diagnostic sur les gens, mais ça demande beaucoup plus d'efforts de comprendre ce qui ne va pas dans leur quotidien...

Alors, le conseil que je donnerais aux personnes qui ont été affublées d'un diagnostic de ce genre, c'est de ne pas trop lui accorder d'importance et de se concentrer surtout sur ce qui les fait souffrir. A mon avis, ce qui est important de nommer, c'est la souffrance. Cela n'apporte rien de définir des personnes comme des malades. Malheureusement, c'est plus commode de définir quelqu'un comme un malade que de regarder cette souffrance en face et de réfléchir sur ce qui la provoque, car cela nécessiterait de remettre grandement en question notre modèle de société...

Donc, si votre médecin vous voit comme des malades, rien ne vous oblige à  vous percevoir de la même manière.

Peut-être aussi que considérer les gens qui souffrent comme des malades est un bon moyen de ne pas voir que cette souffrance est causée par la société et que c'est bien la société qui est malade...

Ne vous laissez pas réduire à  une identité de malade, vous êtes formidables et c'est peut-être aussi pour ça que vous souffrez: vous êtes sensibles et intelligents. Épanouissez-vous. Soyez fiers de ce que vous êtes parce que le monde a grandement besoin de personnes comme vous.

 
#42 Posté par : Jean C. 22 septembre 2015 à  08:52
Ou peut-être que, comme le dit si bien Gilles Deleuze, nous sommes tous un peu déments et que c'est le petit grain de démence que tout le monde a qui fait notre charme. Mais si être humain, c'est être dément, alors pourquoi nous sentons-nous obligés d'appeler ça de la démence?


 
#43 Posté par : Jean C. 23 septembre 2015 à  13:01
En 1967, l'ethnométhodologue Harold Grafinkel publiait son ouvrage intitulé Recherche en ethnométhodologie.

L'un des chapitres de son livre est consacré à  une recherche qu'il a menée dans un hôpital psychiatrique. Pour faire court, il a demandé à  ses étudiants de tenter de se faire admettre dans un hôpital psy renommé, pour voir s'ils allaient se faire admettre et selon quels critères. Pratiquement tous les étudiants se sont fait admettre et se sont fait poser un diagnostic de malades mentaux.

Quand Garfinkel a informé l'hôpital qu'il avait mené cette recherche, les étudiants ont pu quitter l'hôpital, mais ils ne se sont pas fait retirer leur diagnostic. Au contraire, le personnel médical a spécifié qu'ils étaient en rémission!

Suite à  cette première phase de recherche, la direction de cet hôpital psy a déclaré qu'ils avaient pris des mesures et qu'une telle situation ne pourrait pas se reproduire. Garfinkel a alors informé la direction de l'hôpital qu'il allait reproduire la recherche, mais cette fois, il n'a envoyé aucun étudiant et il a décidé d'examiner minutieusement les taux d'admission de l'hôpital: suite à  son annonce, les taux d'admission ont chuté de manière impressionnante....

http://www.amazon.fr/Recherches-en-ethn … 2130561500

Je pense qu'il est utile de mentionner cette recherche... Malheureusement, je n'ai pas trouvé d'article gratuit qui en parle... Mais je vous conseille vivement cette lecture...

 
#44 Posté par : Cusco 23 septembre 2015 à  13:09
Jean C, l'encyclopédie vivante de psychoactif smile
C'est un très bon blog, à  mon avis...

 
#45 Posté par : Jean C. 23 septembre 2015 à  18:30
Merci wink

 
#46 Posté par : similana 24 septembre 2015 à  04:03

Jean C a écrit

Similana,
Je ne suis pas en quête d'identité: j'ai fait le choix de m'afficher tel que je suis parce que ça ne m'allait pas de jouer constamment un rôle, surtout quand j'entends des personnes qui ont des propos irrespectueux envers les usagers de drogues.

Et actuellement, ce que les gens pensent de moi, je m'en tape le cul par terre

Loin de moi cette idée, ça ne m'a pas effleuré l'esprit une seule seconde. Une quête d'opinions ou d'avis d'autres personnes sur le sujet, ton blog questionne à  ce sujet. Je ne suis pas toujours clean & sober quand j'écris sur ce forum, si je t'ai donné cette impression dans mes écrits, c'était pas pas mon intention.


Pour revenir à  ce que tu dis au sujet de l'enfance, j'ai devellopé le même ressenti que le tien. Plus précisément, c'est ce qu'on s'est acharné à  m'enfoncer dans le crâne de diverses manières. Je n'aime pas aborder mon contexte familial par écrit, mais dans les grandes lignes il y a eu les années où mes parents étaient dans une secte, il y a eu les politiciens qui font que porter mon nom a été plus un handicap qu'un avantage, il y a eu le reste qui te fait te sentir en marge et pas normal. Pas normal comme pas dans les normes, je ne me suis jamais senti anormal. A décharge de mes géniteurs, ils n'ont fait que reproduire ce qu'ils ont vécu, ils sont plus à  plaindre qu'à  blâmer.

J'ai appris à  correspondre à  l'image qu'on attendait de moi quelque soit la situation, pas dans le but de plaire, mais dans le but de ne pas prendre de coups et d'éviter divers tracas. Je n'ai pas dévellopé des personnalités multiples genre schizo, c'est pas moi qui ai eu ça, mais la finalité reste mal équilibrée.

Par contre je refuse d'en conclure que c'est parce que j'ai été abîmé trop tôt que je suis tombé dans la drogue. J'y suis venu par hasard, et y suis resté parce que j'aimais ça.

Dans ma vie d'adulte, je faisais attention à  mon image dans certaines situations professionnelles. Dans les salons horlogers je m'adapte aux codes vestimentaires, le reste de l'année j'impose le mien. Mais là  aussi je suis hors norme, parce que j'exerce un métier rare et recherché.

Je ne me cache pas d'être un drogué, mais n'en fait pas étalage non plus. Et pour citer un de mes auteurs préféré, je suis un vieux foeutus usé, la vie m'aura servi de leçon ; je ne recommencerai plus.


 
#47 Posté par : Jean C. 24 septembre 2015 à  14:56
Similana,

Merci beaucoup pour ce témoignage et ces précisions.

Tu dis:

"Par contre je refuse d'en conclure que c'est parce que j'ai été abîmé trop tôt que je suis tombé dans la drogue. J'y suis venu par hasard, et y suis resté parce que j'aimais ça."

Je pense qu'il y a une grande différence entre prendre des drogues parce que l'on aime ça et avoir une identité sociale de "toxicomane" ou de "drogué".

A mon avis, l'identité précède la dépendance. Qu'en penses-tu?

 
#48 Posté par : Cusco 29 septembre 2015 à  21:32

Jean C a écrit

Ou peut-être que, comme le dit si bien Gilles Deleuze, nous sommes tous un peu déments et que c'est le petit grain de démence que tout le monde a qui fait notre charme. Mais si être humain, c'est être dément, alors pourquoi nous sentons-nous obligés d'appeler ça de la démence?

Je remarque que Gilles Deleuze a souvent été cité en exemple sur psychoactif sur des sujets plus ou moins récents. Je vais surement m'intéresser un peu + à  cet attachant personnage wink

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Très bonne idée: une pensée puissante sur la vie

 
 
#50 Posté par : Jean C. 11 mai 2016 à  23:38

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