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Découverte et anormalité: parcours d'un enfant abusé 



Bien que les abus sexuels auxquels j'ai été exposés étant enfant ne permettent pas à  eux-seuls d'expliquer comment je suis devenu un toxicomane aux yeux de la société, ils ont contribué au fait que je me sente profondément anormal pendant longtemps, en fait, jusqu'à  ce que je me retrouve en prison, seul avec moi-même. Ils ont donc joué un rôle  dans le processus, mais pas le rôle central.

Pour cette raison, et aussi parce que quand les gens se trouvent face à  une personne qui a subi des abus, elles se disent que c'est terrible et que ça a dû être un traumatisme, je me suis décidé à  écrire quelque chose sur le sujet. En fait, je pense que dire que c'est un traumatisme et que c'est terrible, ça peut être une partie de la réponse pour certaines personnes (je pense en particulier lorsqu'il y a de la violence), mais je pense aussi que c'est une manière simpliste de voir les choses, car il y a plein de mécanismes très fins et souvent indirects qui vont affecter (qui m'ont affecté) le développement de l'enfant abusé, notamment le fait de découvrir sa sexualité beaucoup plus vite que les autres enfants, mais il y a aussi le fait que, physiquement, on peut ressentir du plaisir et qu'on peut ensuite se sentir coupable d'avoir participé à  quelque chose de mal, etc. Il faut vous préparer à  un récit qui se situe en-dehors de la morale, une analyse froide et distancée des événements, résultat de nombreuses années de réflexion.

Je n'arrive pas à  me souvenir l'âge exact que j'avais quand ça a commencé. Je devais avoir, je pense, environ 4 ans. J'étais en vacances chez un homme d'environ 25 ans, de la famille éloignée, que j'adorais parce qu'il jouait tout le temps avec moi, nous faisions des bonhommes de neige l'hiver, etc. Je dormais dans son lit et il m'a "mis la main au paquet". (J'ai encore un souvenir très clair de tout cela, même si j'étais très petit). Au début, ça m'a dérangé et je lui ai demandé ce qu'il faisait. Et il m'a dit "tu verras, c'est agréable". Comme je l'appréciais beaucoup et que je faisais confiance à  l'adulte qu'il était, je me suis laissé faire. (Il n'a jamais été plus loin que des attouchements et fellations, mais il me faisait lui faire la même chose...). J'ai ressenti du plaisir tout en étant conscient de participer à  quelque chose de mal (dans le sens de réprouvé moralement dans la société). Très troublant et très déstabilisant comme mélange d'émotions pour un enfant.

Ma mère avait remarqué que j'étais toujours relativement excité (dans le sens ingérable, et boule d'énergie) avant et après que j'allais en vacances chez cette personne, mais j'ai continué à  y aller plusieurs fois par an, jusque vers l'âge de peut-être 7 ou 8 ans, (là , ma mère m'a dit après coup que ça intéressait moins cette personne de m'accueillir pour les vacances...). En fait, au quotidien, j'étais déjà  un peu comme ça, parce que je me sentais différent des autres, mal dans ma peau, mais quand j'allais chez lui, c'était encore un cran au-dessus.

Cette personne m'a fait découvrir ma sexualité beaucoup trop vite et j'en redemandais, c'est ça aussi qui a été compliqué à  accepter pour moi. C'est que ça me plaisait parce que je ressentais du plaisir physique. J'ai reproduit cela avec d'autres enfants de la famille, entre enfants, il y a eu donc aussi un phénomène de reproduction de tout cela entre nous, les enfants (parmi eux, certains avaient aussi été abusés par cette personne). Tout ça a été très difficile à  assumer...

Je l'ai déjà  évoqué dans mon post précédent, le fait de découvrir ma sexualité beaucoup trop vite m'a aussi fait rechercher trop vite des relations amoureuses empreintes de sexualité avec les filles. Je me prenais des râteaux continuellement et j'en suis venu à  perdre complètement confiance en mes capacités à  séduire une fille, au point de d'en venir à  penser que je n'étais pas aimable (dans le sens où je pensais qu'on ne pouvait pas m'aimer). J'en suis arrivé à  avoir beaucoup de difficultés à  parler avec des femmes et encore plus à  en aborder que je ne connaissais pas. C'est possible que je me sois fait draguer et que, tellement convaincu qu'aucune femme ne s'intéressait à  moi, je ne l'aie même pas remarquer... A posteriori, je dirais que c'est certainement le cas (en repensant à  certaines situations).

J'ai connu ma première copine en after, dans un club, à  Bern, durant la phase dite de "réinsertion" de ma première thérapie résidentielle. Si ça a marché, c'est certainement que je n'ai rien eu à  faire. D'abord, c'est une de ses copines qui m'a approché et qui a commencé à  me draguer de manière explicite. Ensuite, elle est venu et m'a mis la main aux couilles. C'est comme ça que ça a commencé. Avec elle, j'ai pu expérimenter pour la première fois la sexualité avec une femme, à  l'âge de 21 ans, si je me souviens bien, ou tout juste pas. Je l'aimais beaucoup, mais je n'étais pas amoureux. Elle m'a aidé à  prendre confiance en moi. Quand je lui ai expliqué mon parcours, elle a été étonnée et elle m'a dit que "je savais tout" (j'avais déjà  regardé des films de culs quand même...). Cela m'a regonflé à  bloc.

Pendant plusieurs mois, je passais mes week-ends, pour ma fin de thérapie, à  Bern, où, avec ma copine on alternait afters et baise (nous n'étions jamais fatigués wink ). Au bout d'un moment, j'ai compris qu'elle se prostituait. Parfois j'entendais son mac lui parler au téléphone et lui demander sur un ton agressif si elle était encore avec ce "gringo"... Elle m'appelait son "bandito" (elle était brésilienne). Un jour, elle est tombée en ceinte. Je ne sais pas s'il était de moi ou non, mais ça m'a troublé pendant longtemps. C'est possible qu'au bout d'un moment elle ait été amoureuse de moi, parce qu'elle essayait de me tester pour voir si je l'étais. Un jour, elle m'a largué et elle est partie avec quelqu'un d'autre. Après cette expérience, mes rapports avec les femmes ont été beaucoup plus faciles, mais j'ai continué à  avoir de la peine à  draguer en parlant... (en dansant c'était plus facile, mais là , ça fait plus de 13 ans que je n'ai plus dragué).

Un autre impact du fait que j'ai découvert ma sexualité beaucoup trop tôt, dans un cadre transgressif réside dans le fait que je n'arrive plus vraiment à  ressentir un vrai orgasme depuis que je suis adulte: j'éjacule, mais je peux continuer un moment sans problème. Rien à  voir avec les orgasmes que je ressentais étant enfant, au tout début que je découvrais ma sexualité, où mon engin était devenu tellement sensible que je pouvais à  peine le toucher quand j'allais pisser... Par contre, pour moi c'est vraiment devenu faire l'amour, dans le sens de faire un "gros calinou", mais je m'applique pour celle à  qui tout cela est destiné prenne son pied. En fait, je prends mon pied sans réel orgasme (une éjaculation qui ressemble plus à  quelque chose de mécanique et qui ne pose aucun problème pour poursuivre l'acte un moment...). C'est assez troublant en fait, mais avec toutes (3... ; ) ) les femmes avec qui j'ai eu des relations sexuelles ça s'est passé comme ça. Je pense que cette partie de moi (celle des "vrais" orgasmes) est morte, définitivement. Mais en fait je m'en fous, parce que j'éprouve quand même du plaisir quand je fais l'amour. Le désir n'a pas été tué non plus: j'ai régulièrement très envie de faire l'amour. Donc, je vis très bien comme ça, mais je pense que c'est un aspect dont il faut parler et qu'il faut prendre en compte dans l'analyse.

Voilà , inutile d'entrer dans des détails qui n'apporteraient rien à  la réflexion. Je ne cherche pas non plus à  être plaint ou à  trouver du soutien, parce que j'ai fait mon chemin par rapport à  ça et aujourd'hui, j'arrive à  en parler de manière plutôt détachée. Mais je voulais montrer que, en tout cas dans mon cas, penser en termes de traumatisme pour comprendre l'impact qu'ont eu ces abus sexuels sur ma personne ne permettent pas d'aller bien loin. C'est très fin, très complexe, il y a plein de mécanismes indirects, beaucoup plus sournois que quelque chose d'aussi clair qu'un traumatisme qui entrent en jeu. Le traumatisme, pour certaines personnes, c'est fondé, mais il faut aller beaucoup plus loin que ça. Il faut comprendre tous ces effets indirects que les abus peuvent avoir sur la construction de l'enfant. Pour réellement comprendre, il faut se distancer, aller au-delà  de la morale et analyser froidement les faits: ça prend beaucoup de temps parce qu'il faut déjà  digérer les faits.

A ce propos, pendant longtemps j'ai considéré la personne qui m'a abusé comme la responsable de tous mes malheurs. Quand elle s'est faite attraper par la police pour avoir abusé d'un groupe d'enfants d'un club sportif pour lequel elle travaillait, j'avais 13 ou 14 ans. Quand ma mère est venu m'en parler et qu'elle m'a dit qu'il avait dit que ça c'était aussi passé avec moi, j'ai été terriblement gêné et je n'ai pas voulu en parler. J'ai dit que ça n'avait pas été un problème pour moi et que j'avais pardonné. En fait, je lui en voulais et je m'en voulais pour tout ce qui s'était passé, pour le fait que nous l'avions aussi fait entre enfants de la famille etc. Pendant une bonne partie de mon adolescence j'écrivais des poèmes où il était question de mon innocence et de mon enfance volées...

Voilà , il me semble avoir dit le principal. Si quelque chose me vient à  l'esprit, je l'ajouterai.

Il me vient encore quelque chose: après que cette personne ait été arrêtée et que ça se soit su dans la famille, après sa sortie de prison (peine raccourcie parce qu'elle a accepté de suivre une thérapie), cette personne a continué à  être invitée à  la maison pour les repas de famille, etc. Sur le moment, alors que je n'étais déjà  pas bien du tout dans ma peau, je me suis vraiment dit que j'étais moins important aux yeux de mes parents que la cohésion de la famille (au sens large). Plus tard, quand j'étais en thérapie, je l'ai dit à  mes parents et mon père à  exclu cette personne de notre domicile, mais ça n'était pas ce que j'attendais: c'était beaucoup trop tard pour que ça ait du sens...

Dernière modification par Jean Croisier (20 septembre 2015 à  00:11)

Catégorie : Témoignages - 18 septembre 2015 à  22:40



Commentaires
#1 Posté par : zapeline1 18 septembre 2015 à  23:16
Bonsoir Jean, bonsoir les psychos,

Belle prise de recul & réflexion sur ce sujet qui fait écho pour moi. Une des rares choses non abordée en thérapie & qu'il ne le sera probablmt pas.
Pck pas de souvenirs du "début" d'abus par un adulte (mais par des voisins à  peine + âgés que moi, et peut-être d'être plongée dans la sexualité débordante & débridée de ma mére & ses nombreux amants, dés mes 7 ans). I dont know...

L'impact sur ma sexualité & comment j'aborde les autres. Complétmt sauvage pr draguer ou l'être mais capable de passer trés vite à  l'acte dés attirance physique. Mm avec le pire des cons ! Pas tout à  fait com toi, juste trop cette capacité à  faire du sexe com 1 animal & de pas vraiment assumer. Sans parler de la dépendance affective, la + forte. 

Et tjrs pareil à  presque 40 ans.
Heureusement que j'ai eu la chance d'être en couple (avec la mm personne), de mes 19 à  37 ans, ça m'a suremt bcp protégé.

Me revoila en roue libre, les travers tjrs autant présents... alors qu'il y a telmt d'autres priorités à  gérer. 

Merci pr ta sincérité & ton analyse, juste & distanciée, com tu dis.

Bon we à  tou(te)s
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Merci de m'aider à  aborder ce sujet sensible

 
#2 Posté par : Jean C. 18 septembre 2015 à  23:44
Zapeline,

Merci beaucoup pour m'aider à  aborder ce sujet sensible. Pas forcément évident, mais éventuellement utile...

Ce genre d'événements peut avoir un impact de différentes façons sur le développement d'un enfant.

Mais avoir une sexualité débordante et débridée n'est pas une tare si ça t'apporte du plaisir (si c'est le cas, profites-en, c'est bon pour la condition physique wink ). En revanche, le faire pour se faire accepter (j'ai connu certaines personnes pour qui c'était le cas), ça peut être mauvais pour l'estime de soi. (Je parle simplement du ressenti de la personne).

En tous les cas, je te remercie beaucoup pour ta contribution et je te souhaite beaucoup de bonheur.

A+!

 
#3 Posté par : snoopy 19 septembre 2015 à  14:28
bonjour jean, et merci pour ce post

je tenais avant toute chose a te dire que tu m'impressionne au plus haut point tant tu sembles avoir pris du recul sur tout ca et avoir reussi a "l'analyser" de cette facon....

ce sujet fait aussi echo en moi, mais je n'ai pas autant de recul que toi sur la situation (il faut dire-tu en parles d'ailleurs-que pour moi c'etait accompagné de violences, et qu'etant une femme, ou une toute petite fille a cette epoque, les "gestes" subis n'ont pas été les memes, et par mon propre pere), et que je n'en ai jamais tiré de plaisir, car cela se passait toujours sous contrainte

pour moi, on peux clairement parler de traumatisme, et pourtant j'apprend chaque jour a vivre avec ce passé, en lui accordant (du moins j'essaie) de moins en moins d'importance; ce n'est pas facile tous les jours, mais en serrant les dents et en pensant a autre chose, ca finit toujours par passer.....

comme toi, j'ai une ou deux fois reproduit ces gestes (approximativement) sur d'autres enfants étant gamine, de maniere innocente car ne comprenant pas bien moi meme les frontieres a ne pas depasser, où s'arrete le mal, etc..... idem pour le coté "chaud lapin" ou plutot dans mon cas "chaude lapine", j'aime le sexe et je n'ai pas honte de le dire, par contre jamais avec un homme (j'ai deja essayé dans ma periode puberté, je paniquais), ce pourquoi je me suis tournée vers les femmes et leur douceur (ce que je ne regrette absolument pas!) par contre, j'ai developpé tres vite une immense dependance affective, qui vient bizarrement contre carrer un profond sentiment d'abandon et de denigrement de moi meme et de mon corps

c'est vrai ce que tu decris quand tu dis qu'avoir été exposé au sexe dans une si petite enfance nous fait aborder ce sujet plus "simplement" que d'autres, plus a l'aise pour en parler, moins de tabous (sauf quelques points trop douloureux), en un sens avoir une sexualité que je dirai plus liberée, on "ose" plus de choses, on teste, et ce, en ressentant du plaisir, mais un plaisir particulier, un plaisir coupable en quelque sorte (enfin, moi je le ressens comme ca)

je m'arrete là  avant de deraper, mais saches que tu as toute mon admiration d'avoir acquis autant de recul sur tout ca, de pouvoir en parler de maniere detachée et le courage de le partager avec nous,

je te remercie fortement pour ce post qui va me faire reflechir longtemps sur le "comment digerer et passer a autre chose", tes mots m'ont été d'une grande aide, merci pour ca, vraiment,

amicalement,

snoop'
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Merci beaucoup pour ce témoignage

 
#4 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  14:57
Bonjour Snoopy,

Merci beaucoup pour ce témoignage. J'ai connu des personnes pour qui ça a été un traumatisme, et il y a d'abord eu toute une phase où elles ont dû reconstruire les événements, parce qu'elles les avaient occulté. Des souvenirs mélangés et confus leurs revenaient pendant longtemps, par exemple des rêves où elles ne revivaient pas exactement ce qui s'était passé: elles vivaient un abus mais dans un autre contexte, avec des personnes différentes de ce qui c'était passé dans la réalité. Elles ont dû faire réémerger ce qu'elles avaient refoulé.

Ensuite, je pense qu'il y a toute une phase de digestion, puis d'acceptation de ce qui c'est passé (ça a été le cas pour moi), où l'on commence par être très révolté et à  se voir comme une victime permanente, puis, à  accepter ce qui est passé pour, progressivement, le considérer comme une simple partie de son existence. Ensuite, on peut prendre du recul et pousser l'analyse plus loin.

On ne peut pas dire qu'on passe à  autre chose, cela fera toujours partie de nous, mais au bout d'un moment, on peut l'accepter comme une partie de notre histoire et se "reconstruire" avec ça tout en ayant une image positive (ou pas trop négative) de soi-même et en reprenant confiance en soi si on l'avait perdue. Cela devient une partie de notre histoire, mais notre attention n'est plus focalisée là -dessus. Mais cela change plein de choses, y compris le regard qu'on peut avoir sur le monde...

Autrement, si le plaisir intervient entre des adultes consentants, je pense qu'il n'y a pas à  se sentir coupable, au contraire, on a quand même besoin de quelques petits plaisirs dans la vie, non?

En tous cas, je te souhaite plein de bonheur et merci pour ton témoignage.

A+!

 
#5 Posté par : snoopy 19 septembre 2015 à  15:52
c'est etonnant que tu en fasse mention, mais il est vrai que pour pouvoir supporter ce poid, etant enfant, une fois mon pere parti de la maison familiale (liberté a 11 ans pour moi), mon cerveau a occulté tout ce qui s'etait passé pendant un temps, jusqu'a mes 15/16 ans en fait

puis tout m'est revenu en memoire, par bribes d'abord, puis des scenes entieres d'abus (un vrai cauchemar), sans que je cherche a retrouver la memoire ni meme y penser.....
un mot, un geste (par exemple il est encore a ce jour impossible de me toucher la nuque et le cou, certains mots me font frémir, et j'en passe, la liste est longue), et tout me revient en memoire;
dans ces cas là , je peux dire que je revis vraiment la scene, avec les memes sensations de malaise, de peur, de degout de moi meme, de n'etre qu'un objet dont on se sert et qu'on jette jusqu'a la prochaine fois, dans ces moments où j'ai mes "flashs" comme je les appele, j'ai de nouveau entre 5 et 11 ans, et ca me paralyse....

il m'arrive aussi de retrouver certains souvenirs la nuit quand je dors (cauchemars), dans ces cas là  je me reveille en sursaut et en sueur, comme statufiée

peut etre que je me trompe, si c'est le cas n'hesites pas a me le dire, mais tu as sans doute plus de recul que moi car dans ton cas cela a été decouvert vers tes 14/15 ans, tu as donc pu grandir et devenir, te construire adulte avec ca derriere toi, alors que dans mon cas, j'ai toujours gardé le silence, caché ce secret que je savais etre quelque chose de mal, et me suis construite sur ces decombres et avec cette honte;

je n'en ai enfin parlé a ma mere qu'en 2009, a l'age de 28 ans......j'en ai 34 a ce jour, je n'ai pas ton recul (malheureusement), mais j'ose esperer que ca viendra, (d'où mon admiration pour ta facon de vivre bien dans tes pompes malgrès ces episodes du passé)

quoi qu'il en soit, encore tout mon respect pour toi d'avoir abordé avec recul et intelligence ce sujet epineux, ca me permet d'entrevoir de nouvelles portes s'entrouvrir et matiere a reflechir......

amicalement,

snoop'

 
#6 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  17:38
Chère Snoopy,

Merci pour tes compliments qui me font très plaisir. C'est un sujet délicat à  traiter et je ne savais pas trop quelles seraient les réactions.

J'espère vraiment que tout cela te fera moins souffrir.

J'ai connu une personne qui se réveillait la nuit complètement paniquée parce qu'elle revivait ses abus mais sous une autre forme (en fait, ses souvenirs se mêlaient à  son imagination). Quand elle a réussi à  reconstituer ce qui c'était passé, ça a commencé à  aller mieux...

C'est une bonne idée d'en parler (avec toute personne avec qui tu te sens suffisamment en confiance pour le faire). Cela permet de verbaliser, d'extérioriser, de digérer tout ça et aussi de comprendre à  chaque fois un peu mieux ton histoire.

En tous cas, sens-toi libre de partager tout ce que tu veux ici et, si tu as envie de me parler moins publiquement, tu peux aussi m'envoyer un message privé. Cela ne me dérangera absolument pas. Mais je pense que c'est très important que tu puisses extérioriser tout ça...

Merci de t'ouvrir à  nous. C'est un beau cadeau que tu nous fais.

A+!

 
#7 Posté par : Bicicle 19 septembre 2015 à  18:42
Waou, franchement je suis stupéfaite par ton témoignage, il mériterait d'être mis en avant dans les morceaux choisis de Psychoactif, c'est vraiment super bien écrit (suffisamment rare pour être noté !!) et tu es vraiment clair et très "clinique", comme tu le dis toi même, dans tes explications.

J'ai vraiment apprécié de te lire, ton témoignage est vraiment très constructif et ton détachement par rapport à  ces abus montre quand même que le temps t'as fait maturer les choses et prendre un certain recul. On dirait que tu es quand même beaucoup dans la voie de l'acceptation, que tu as laissé la honte et le tabou de côté, franchement bravo car on imagine vraiment bien à  quel point ce genre d'abus peuvent perturber et chambouler complètement la construction d'une personne sur bien des plans (et pas que sexuels)...

J'espère que tu continueras d'écrire quelques articles dans ce blog, quel que soit le thème d'ailleurs, car tu écris très bien et c'est un vrai + pour nous tes lecteurs :)

 
#8 Posté par : snoopy 19 septembre 2015 à  18:45
je dirais plutot que ce sont les sujets de tes blogs qui sont des beaux cadeaux, ca pousse a reflexion, et pour avancer, il faut obligatoirement du mouvement!

de plus, c'est toi qui t'es lancé et confié le premier, c'est a toi que reviens le merite wink

snoop'

ps je viens poster sur ton blog precedent (etiquettes drogués/toxicomanes)

 
#9 Posté par : mona987 19 septembre 2015 à  18:47
"Pour réellement comprendre, il faut se distancer, aller au-delà  de la morale et analyser froidement les faits: ça prend beaucoup de temps parce qu'il faut déjà  digérer les faits. "

hello,

Pourrais-tu un peu détailler cela ? Penses-tu qu'une grande part du traumatsime peut être du au fait d'avoir pris du plaisir à  qq chose de réprouvé par la oral ?

Mon copain est adicct au porno et cc, il s'est fait abusé par sa mère enfant, lui aussi a mentionné comme toi le plaisir(mais il ne l'a dit qu'une fois, bien pété), comme toi il a reproduit. Sa sexualité est assez exacerbée bien que je crois que lorsqu'il tire pas il a carrément plus trop envie d'avoir des relations sexuelles, mais c'est un peu flou pour moi cela. Par contre il m'a dit que si il n'a pas de cc il mate pas de porno, mais la pause de midi c'est branlette obligatoire.

Il m'a raconté sa fascination pour une fille plus agée que lui rencontré lorsqu'il avait 12 ans et qui lui laissait la tripoter, comme un fou il était, son départ a été un vrai drame pour lui.

Te lire me sors de mon isolation quant à  son histoire.

Bien à  toi.

Mona

 
#10 Posté par : Bicicle 19 septembre 2015 à  19:32
Il accepterait d'aller voir un psychologue ton copain ? Je pense qu'il y a matière à  aller voir quelqu'un pour aborder le sujet car on dirait que c'est vachement refoulé et que ça a une certaine incidence sur sa vie actuelle (conso de coke et porno excessif).

Après, s'il a du mal à  parler (ce qui se comprend aisément), rien ne l'oblige à  parler au 1er venu et à  la 1ère séance, ça peut prendre du temps de trouver un bon psy avec qui la confiance et la bienveillance règne.

 
#11 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  19:33
Bicicle,

Merci!

C'est vrai que ça prend beaucoup de temps, beaucoup de temps pour ne plus se sentir coupable d'avoir participé à  quelque chose de sale, etc., beaucoup de temps aussi pour sortir de la phase de révolte où l'on est une victime permanente: il faut sortir de ce statut de victime: reprendre le gouvernail, ne plus laisser partir le bateau à  la dérive, devenir le seul maître à  bord (ne plus laisser tout cela conditionner notre quotidien...).

J'ai vécu pas mal de trucs dans ma vie et je pense que je publierai encore sur psychoactif...

En tous cas, merci pour ton intérêt et ton soutien à   ma démarche!

 
#12 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  19:36
Merci Snoop,

ça me fait vraiment plaisir. L'important n'est pas qui commence à  en parler mais simplement que ça peut nous faire du bien d'en parler et que ça peut être utile wink .

J'irai voir ce que tu as posté sur mon blog.

Je te souhaite beaucoup de bonheur.

A+!

 
#13 Posté par : Jean C. 19 septembre 2015 à  19:55
Salut Mona,

En ce qui me concerne, je ne sais pas si on peut vraiment parler clairement de traumatisme, même si ça a eu un impact énorme sur ma vie.

Mais une grande partie du malaise provient effectivement du fait qu'on a participé à  quelque chose de réprimé par la morale, même étant abusé, si l'on ressent du plaisir, on considère quelque part au fond de notre tête que l'on a participé et que l'on est, si l'on peut dire, coresponsable. Bien souvent, les personnes qui ont été abusées ont une piètre image d'elles-mêmes, elles se sentent sales... Tout ça est difficile à  assumer... C'est dur de faire la part des choses, de prendre du recul. Il faut beaucoup de temps pour pouvoir le faire...

Concernant ton copain, il y a bien des chances pour que son passé ait eu une influence sur sa sexualité. Mais j'ai aussi remarqué, notamment en thérapie, où il y avait des bouquins de cul dans tous les coins, que la masturbation, quand on traverse une période difficile, peut être utilisée comme une drogue: se donner un plaisir immédiat pour ne plus penser à  ce qui ne va pas (par exemple...). En tous cas, en thérapie un peu tous les mecs se branlaient beaucoup... Peut-être qu'il peut y avoir un peu de ça aussi...

Mais peut-être que le mieux c'est encore d'essayer d'en parler avec lui, sans le brusquer, pour éviter qu'il se ferme... Parfois, on est pas encore prêt à  parler et si quelqu'un veut nous forcer à  le faire on peut facilement le ressentir comme une agression ou une intrusion trop poussée dans notre intimité, même si la personne est la conjointe. Mais comme vous avez déjà  commencé à  en parler, ça serait peut-être plus facile...

En tous cas, j'espère que vous arriverez à  trouver ensemble une manière de gérer cela et que vous serez très heureux.

 
#14 Posté par : bighorsse 20 septembre 2015 à  03:32
Merci d avoir partage avec nous cette partie de ta vie

Tu as soulève un problème qui est souvent dissimule par les familles ..le plaisir coupable ressenti par le jeune enfant lors de séduction sexuelle et passage à  l acte avec un adulte
Certains adultes savent s y prendre avec l enfant ..moins il y a de violence dans l abord du sexe plus l enfant sera séduit par ce qu il va ressentir ..comme il manque de langage pour éclairér ce qu il vit , le plaisir attaché à  l acte peut ou sombrer dans le refoulement ou devenir coupable ....le contexte de silence d interdit accentué cet aspect de culpabilité

Dans certains cas , a l age adulte ,le plaisir ne se retrouve pas ...sauf dans certaines conditions particulières qui rappellent le passe ...

Être séduit très jeune éveille à  une sexualité très sensuelle et qui désire être vécu avec d autres ...de séduit on devient le séducteur ( initiateur ) avec les autres enfants ...du même sexe ...
La découverte de la sexualité avec l autre sexe peut devenir alors problématique...il va manquer toute la part de sexualité refoulée dans l enfance ...un sentiment d incomplétude peut en naître

Le chemin qui mène à  une vie adulte équilibre a été miné ....

 
#15 Posté par : majama 20 septembre 2015 à  09:06
Merci à  vous pour vos témoignages vraiment boulversants et votre courage d'oser aborder un sujet si délicat .. Respect !
Je vous tire mon chapeau pour la pertinence de vos réflexions.
On ne peut que penser en voyant votre façon surprenante de faire face avec autant d'aplomb que ce qui ne tue pas rend plus fort ..
Bien à  vous et encore merci de vous livrer avec autant de sincérité ça pourra forcement qu'aider,donner un peu de confiance/espoir aux personnes ayant traversé des drames pareil !

 
#16 Posté par : Jean C. 20 septembre 2015 à  10:22
Merci Bighorsse pour ces réflexions très pertinentes.

En ce qui me concerne, ce qui, je pense, a été le plus dur, c'est de perdre complètement confiance en moi, de rechercher trop tôt des relations sexuelles avec les filles et de me faire rejeter constamment. Au bout d'un moment, j'ai vraiment commencé à  me sentir profondément anormal. Je pensais vraiment qu'une femme ne pouvait pas aimer quelqu'un comme moi. Je me sentais comme la pire des merdes. Le pire, c'est que ces dernières années, je me suis quand même fait draguer quelquefois quand je sortais, mais maintenant, c'est hors de question que j'aille avec quelqu'un d'autre que ma femme, non pas que je pense que les seules relations sexuelles valables sont celles que l'on a avec sa conjointe, (je ne suis pas vieux jeu à  ce point), mais je sais que pour elle ça serait vécu comme une trahison, que je l'aime et que je n'ai aucune envie de la trahir. Mais quand une personne me drague et que je dois lui faire comprendre que ça ne m'intéresse pas, je repense à  tous les râteaux que je me suis pris, à  l'impact que cela eu sur l'image que j'avais de moi-même, etc., et ça me fait vraiment chier pour la personne de devoir faire ça...

Autrement, en ce qui concerne l'acte sexuel à  proprement parler, j'ai découvert d'autres manières d'avoir du plaisir: se montrer de manière corporelle que l'on s'aime, rechercher et donner de l'affection, tout en veillant à  ce que ma partenaire prenne son pied, ce qui me fait prendre mon pied à  moi aussi. La première fois que j'ai pu avoir une relation sexuelle avec une femme, ce qui m'a fait le plus de bien, c'est de me sentir normal, comme les autres, d'être capable moi-aussi de donner du plaisir à  une femme. En ce sens, c'était une vraie libération.

Je pense avoir trouvé mon équilibre, mais je n'ai pas trouvé mon équilibre dans ce que la société avait à  me vendre. Je me suis davantage construit dans les marges que dans la société et, de ce fait, j'ai beaucoup de peine à  trouver ma place dans la société, parce que j'aime beaucoup plus les marges, pas parce qu'on y consomme des drogues, mais simplement parce que je me sens beaucoup plus compris et accepté dans les marges que dans le reste de la société. En fait, je n'aime pas notre modèle de société et le compromis qui me permettrait de m'intégrer à  la société professionnellement, c'est de faire quelque chose pour mon groupe (vous). Mais c'est très dur de trouver ma place, parce qu'il faut tout de même travailler avec des personnes qui n'ont pas notre vécu et devoir supporter au quotidien leurs préjugés à  la con sur ce que nous sommes sensés être pour eux. Cela commence à  devenir très compliqué, parce que mon père ne pourra bientôt plus nous aider financièrement et qu'il faut bien que je trouve une solution pour faire vivre ma famille (il me manque 1 mois de cotisations pour avoir droit au chômage et je ne peux pas non plus toucher l'aide sociale: un vrai casse-tête). Tout ça pour dire que j'ai trouvé mon équilibre, mais que je ne l'ai pas trouvé dans la société et que je n'aurais pas pu le trouver dans ma société, tout simplement parce que j'ai un vécu qui ne me permet pas d'adhérer aux normes et représentations de notre société à  la con...

Merci pour tes réflexions en tous cas.

A+!

 
#17 Posté par : Jean C. 20 septembre 2015 à  10:27
Majama,

merci à  toi pour ton soutien: ça fait chaud au c œur.

Ce que j'aime sur Psychoactif, c'est qu'on peut discuter avec des personnes beaucoup moins connes que ce qu'on peut trouver dans le reste de la société. Dommage que ça soit ces personnes qui souffrent le plus...

Bon dimanche et A+!

 
#18 Posté par : bighorsse 20 septembre 2015 à  10:54
J aimerais voir un jour l ouverture d un lieu de vie pour usagers de drogues ...ou les ex tox seraient l encadrement
Dans un village abandonné ...
Se sentir utile tout en étant loin de la société que bcp rejettent .....
Manque le nerf de la guerre ..l argent

 
#19 Posté par : Jean C. 20 septembre 2015 à  11:10
Alors là , Bighorsse, tu me rejoins.

Je rêve moi-aussi d'une alternative, pas forcément définie comme un lieu de vie pour usagers de drogues, mais un lieu de vie alternatif où les minorités rejetées (aux usagers de drogues, on pourrait par exemple ajouter les personnes qui ont des identités de genre non conventionnelles, les réfugiés, et bien d'autres...) pourraient s'organiser selon leurs propres convictions, selon leurs propres règles, décidées si possible en recherchant le consensus et, en dernière instance, à  la démocratie directe, à  main levée, mais une vraie démocratie directe, à  laquelle tout le monde pourrait participer: personnes de toutes nationalités, enfants, femmes, hommes. Les décision ne devraient porter que sur des aspects pratiques (p.ex. comment s'organiser pour construire un pont d'un point A à  un point B) et pas sur des considérations morales. A mon avis, la seule règle morale utile est le refus de toute forme de domination (ce qui englobe évidemment le refus de la violence, à  part pour se défendre; le rejet de toutes formes d'abus, etc.).

Enfin voilà , tout ça pour dire que moi aussi, j'aspire à  une alternative. Je n'en peux plus de notre système social. Je ne m'y reconnais pas.

Merci Bighorsse. Tes réflexions sont très sensées...

A+!

 
#20 Posté par : bighorsse 20 septembre 2015 à  11:21
Oui un phalenctere....
J ai vécu dans un lieu comme tu decries ....ce fut le meilleur moment de ma vie même si tout n y était pas parfait ...

 
#21 Posté par : Jean C. 20 septembre 2015 à  11:50
Bighorsse,

Rien n'est jamais parfait, peut-être simplement parce que nous avons tous une conception différente de ce qu'est la perfection. Nous devons composer avec ça...

Mais ça m'intéresserait beaucoup d'en savoir plus sur cette expérience, si ça te dit de développer.

A+! wink

 
#22 Posté par : bighorsse 23 septembre 2015 à  18:25
Je ferai un post spécial alors...ça s appellera " le moulin "
Reputation de ce commentaire
 
Je me réjouis de te lire

 
#23 Posté par : Jean C. 24 septembre 2015 à  00:44
Merci! Trop cool!

T'es top wink

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