Comment je me suis mise à la shooteuse

Catégorie : Tranche de vie
14 octobre 2025 à 21:31

Je voudrais dans ce post expliquer les raisons et le contexte qui m'ont amené à la shooteuse.

Je ne me souviens pas exactement quand la drogue est rentrée dans ma vie. Je dirais il y a à peu prés 25 ans. Je suis une fumeuse de cannabis et consommatrice d'alcool depuis le début. Mais dès que l'occasion se présentait, n'importe quelle drogue me satisfaisait. Je consommais les drogues dites "dures" de manière récréative. Et j'ai continué comme ça quelques années.

Il y a environ 10 ans, j'ai commencé à prendre de la cocaine plus régulièrement, en journée, au travail et petit à petit c'est devenu quotidien. J'avais l'impression d'avoir des super pouvoirs, d'executer une semaine de travail en une soirée (je suis développeuse, et mes horaires sont très flexibles). J'adore mon taf alors avec cette potion magique je prenais mon pied. Cela fait maintenant 8 ans que j'en consomme quotidiennement. Au plus haut j'en étais à 1g / 1g5 par jour.

Ca a duré quelques temps, jusqu'aux douleurs nasales. Ma cloison s'est progressivement perforée et aujourd'hui j'ai un joli trou entre mes 2 narines. Les douleurs étaient atroces mais je continuais à consommer. Seule une trace me calmait 10 min puis ça me relançait en pire. Je savais que ma santé me lâchait et que je devais arrêter ou au moins calmer.

Je me suis inscrite au CSAPA et j'ai commencé à voir un psychiatre addictologue. Il m'a beaucoup aidé, je me sentais moins seule et moins honteuse. Après quelques mois, j'ai entamé une cure. J'ai tenu presque 3 mois sans cannabis, ni alcool et surtout sans cocaine. Je reprenais le contrôle. Puis la cure s'est terminée et j'ai repris ma vie là ou je l'avais laissée. Je n'ai pas tenu bien longtemps avant de recommencer à consommer et à encaisser les douleurs qui en découle.

Malgré tout, je suis parvenue à baisser la cadence et à faire des jours "off". Néanmoins, le mal était fait et parfois une seule trace me torturait toute la soirée.

Un soir d'ennui, et sous l'effet d'un melange benzo/alcool, je parcours mon répertoire téléphonique à la recherche d'une vieille connaissance à recontacter (je ne savais pas qui) et je tombe sur celui qu'on nommera Toto. On parle quelques heures et on décide de se voir le weekend suivant avec un stock de drogues. Toto se shoote et il me demande la permission de le faire ce que j'accepte bien évidemment. Moi je traçais à côté. Mais toujours en souffrant de ce foutu nez.

2 jours après, Toto était toujours la et je cède à la tentation de tester ce mode d'administration. Je lui demande de m'en faire un. Il commence par un 0.1 et je suis déçue. Je n'ai ressenti quasiment aucun effet. Puis on en fait un autre à 0.15. Flash, ça y est je comprends. L'enveloppe cotonneuse qui m'envahit de sa chaleur réconfortante et le second effet qui me donne l'énergie sans l'énervement me mettent en adoration.

On décide de se revoir le weekend suivant et on remet ça en augmentant les doses. Je ne sais pas me piquer alors il le fait et j'adore encore plus ça. Sa concentration, son attention et sa tendresse dans le geste me font d'autant plus d'effet. Je veux tester mes limites et on atteint le 0.27. J'y prends un plaisir fou. Puis la fin du weekend arrive et il repart.

Je décide de me lancer seule (j'était deja bien sous substance ce jour là). C'est un carnage. Je n'y arrive pas, je me blesse, mais j'insiste ne voulant pas être assiegée par la frustration. C'est un désastre. Je n'y connais rien, je dose mal, je tremble ... C'est frustrée que je me résous à abandonner.

Finalement, c'est le lendemain, à jeun, que j'y parvient. Il m'a fallu pas loin de 6h avant d'avoir le cran de m'enfoncer cette aiguille dans le bras et de réussir mon premier taquet. C'est le début de mon aventure avec la shooteuse. Je me dis que j'ai trouvé l'alternative au snif et que je vais pouvoir sauver mon nez. Je revois Toto et je lui annonce que je sais dorénavant me piquer. Il n'était pas très content. Ce weekend là, il me fait une sorte de déclaration d'amour. On était à 10g de conso par weekend. Il part le dimanche et sans raison apparente me ghoste plusieurs jours (me bloque même).

J'en deviens dingue et malgré la promesse que je m'étais faite de ne pas me piquer en semaine, je le fais à fortes doses, pesées à la louche. Je suis complètement déprimée, je pars en crise psychotique, je ne comprends pas pourquoi il me lâche de cette façon si abrupte et je tombe dans un cycle d'auto destruction. De janvier à avril nous nous sommes fréquentés puis silence radio. Le coeur brisé, j'enchaine les shoots. Aujourd'hui, le 14 octobre, je suis toujours dedans. J'ai eu beaucoup d'effets négatifs allant de crises psychotiques durant lesquelles je ne dors plus et ne m'alimente plus jusqu'aux oedemes et phlébites.

J'en suis entre 0.25 et 0.40 par shoot mais j'arrive à m'en passer quelques jours. Je suis toujours en lien avec la CSAPA mais aussi avec SAFE qui m'aide beaucoup. Vis à vis de Toto, mes sentiments sont opposés. Je lui suis d'un coté reconnaissante de m'avoir fait gouter au taquet mais je lui en veux de m'avoir abandonner avec ça sans aucun conseil ou enseignement. Mon mentor m'a laissé tomber sans préavis et sans sécurité. J'ai découvert par moi même la RDR et l'applique assidument (Toto pouvait utiliser jusqu'à 15 fois la même seringue).

J'écris ce post car il me semble important de rappeler la responsabilité qu'il y a derriere l'initiation au shoot. Prendre la décision d'initier quelqu'un est comme délivrer une arme. Il est important de former la personne et de la suivre dans son apprentissage. Piquer quelqu'un pour la première fois devrait être un geste engageant. Je ne le vois pas de la même manière qu'apprendre à quelqu'un à se piquer. L'intimité et la confiance ne sont pas les mêmes.

Svp, si vous initiez quelqu'un, faites le prudemment en étant très transparent sur les risques et les conséquences. Apprenez lui les règles d'hygiène et suivez sa progression pour lui épargner de grandes souffrances.

Je vous kiss

Toto

Commentaires

Toto moula a écrit

Je lui suis d'un coté reconnaissante de m'avoir fait gouter au taquet mais je lui en veux de m'avoir abandonner avec ça sans aucun conseil ou enseignement.

C'est clair, après est-ce un cadeau ... J'en doute
C'est comme ça aussi que j'ai été initié, je l'explique ici :
https://www.psychoactif.org/blogs/Un-sh … html#b9208
Et pourtant, à mon tour, je l'ai fait, bien plus tard, sur une amie... Une seule fois, mais une fois de trop.

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