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La dictature du bonheur 



Il y a peu m’est venue une question : quelle est cette pression sociale qui nous incite allègrement au bonheur ? Peut-être cette question prend fondement dans la nature mélancolique et désabusé que je suis, mais elle mérite tout de même d’être posée. En fait, ce qui me préoccupe plus dans cela, ce n’est pas tant l’absurdité de vouloir être heureux. Cela, je ne le conçois pas vraiment, il est vrai sûrement vrai que le contentement est le principe souverain comme pouvait le dire Aristote, mais ce qui me terrifie c’est plutôt la répulsion directe et sans droits d’objection à la tristesse dont font preuve mes congénères face à celle-ci. Il est fréquent que l’on nous reproche de tirer la gueule, d’être mou, apathique, et emprunt d’un chagrin qui, selon eux, n’est incurable que pour nous.
Or, depuis quand la tristesse est-elle tant à fuir et si apeurante qu’il faut fustiger d’aigri toute personne qui en ferait l’expérience. À vrai dire, le malheur n’est pas si mauvais pour nous. Je ne m’attarderai pas sur un éloge de la tristesse ici, mais je me contenterai de dire que ce malheur nous est nécessaire, dans un processus dialectique, pour apprécier notre joie et ainsi atteindre le bonheur. On ne peut évaluer ce qui est joyeux si l’on n’a jamais fait l’expérience du chagrin. Or là n’est pas la question, ce que je critique c’est bien l’attitude naturelle que peuvent avoir les autres en sermonnant lorsque nous sommes malheureux. Plus qu’être une très mauvaise méthode pour que quelqu’un se sente mieux qui se résumerait à dire à un os cassé de se reconstruire en lui criant dessus, c’est aussi la preuve d’une peur effarante envers cet état. Cette répulsion naturelle qui juge quiconque est atteint de chagrin semble prendre ses racines dans la même conception que de croire que le  bonheur est contagieux : si le bonheur est contagieux alors le chagrin l’est lui aussi. Je ne récuse pas cette dernière proposition bien que j’y sois un tantinet sceptique, en revanche j’affirme tout de même que le malheur n’est pas une mauvaise chose et qu’il faut laisser les gens en profiter. Pourquoi donc ? Car ce malheur a une dimension esthétique dans les deux sens du terme.
Autant, elle est esthétique, car elle est un sentiment dont nous faisons l’expérience, un sentiment qui est aussi nécessaire au bonheur que l’est le plaisir comme vu précédemment.
Mais elle est aussi esthétique au sens où elle a une dimension artistique selon un point de vue rétrospectif. En effet, le monde est triste à être, mais beau à voir. C’est d’ailleurs aussi par cette dimension artistique que nous pouvons trouver un certain plaisir dans notre tristesse que l’on nommera mélancolie. Mais ce plaisir face à la beauté est encore plus fort lorsque nous sommes dans un rapport d’extériorité et pour exprimer cela, je n’invoquerai qu’une phrase de ce cher Musset : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux./et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots »
Bref, je m’excuse de la piètre qualité de mon argumentation, mais tout simplement, car ce n’en est pas une. C’est simplement une réflexion que je me pose et à laquelle je pourrai sûrement
mieux répondre un jour pour mieux exprimer la légitimité de la tristesse.

Catégorie : Opinion - 08 novembre 2020 à  01:21

#Bonheur

Reputation de ce commentaire
 
Super réflexion ! Le ying et le yang sa fait le charme de la vie bkk2012
 
J'ai bien aimé : Carambar



Commentaires
#1 Posté par : prescripteur 08 novembre 2020 à  12:20
Bonjour, je suppose que tu as lu Kierkegaard!

https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%B8re … %A9sespoir

http://fr.psy.co/atteindre-le-bonheur-c … gaard.html

https://www.cairn.info/magazine-science … e-33.html#

Dans "ou bien ou bien"   https://www.les-philosophes.fr/ou-bien-ou-bien.html

La porte du bonheur ne s'ouvre pas vers l'intérieur, et il ne sert donc à rien de s'élancer contre elle pour la forcer. Elle s'ouvre vers l'extérieur. Il n'y a rien à faire.

Amicalement


 
#2 Posté par : Morning Glory 08 novembre 2020 à  12:55
Yop,

Pour moi la tristesse est adaptative tant qu'elle ne devient pas handicapante ni ne fait surface sans raison ou trop longtemps. Etre triste lors d'un deuil pendant six mois, oui. L'être pendant deux ans, non.
Je trouve que cette émotion est moins stigmatisée dans lesdites situations, mais je suis d'accord que notre société voit la tristesse comme un aveux de faiblesse, et ouai ça c'est la merde.

Mais je crois que tu confonds tristesse et mélancolie, ou alors c'est moi qui aie mal compris? Parce que dans la seconde partie de ton post, tu parles clairement d'un état durable de mélancolie il me semble, pas d'un simple état transitoire? Je ne trouve pas que l'on traite quelqu'un "d'aigri" lorsque son comportement n'est pas ancré sur la durée, et donc sur la personnalité perçue par l'entourage.

Pour traverser une dépression depuis onze ans maintenant (fufu joyeux anniversaire, super >_>), je trouve que la galmourisation de la douleur est aussi néfaste que celle du bonheur. Dans notre société la consommation a remplacé la religion, avec parfois des codes similaires d'ailleurs. Donc pour être heureux, on va te vendre un max de trucs inutiles en te faisant croire que ça améliorera ton aptitude à aimer ta vie. Donc entre le manque de sens à la vie causé par la perte de vitesse des religions, et le capitalisme qui veut te vendre des trucs, vouaip on sacralise le bonheur et le plaisir^^
Mais la tendance inverse j'y trouve pas beaucoup mieux parce que ça incite pas à aller mieux. Pour soit ou pour les autres d'ailleurs (parce que la déprime, au bout d'un moment c'est contagieux et je sais pas pour toi, mais perso ça me pourrit mes relations). D'ailleurs même la santé physique est au bout d'un moment impactée.
L'idée du grand artiste torturé qui n'aurait pas pondu quoi que ce soit de potable sans son horrible vécu, je la trouve dangereuse, bien que difficilement réfutable faute de pouvoir refaire l'histoire^^
Je pense qu'il faut savoir accepter les émotions et sentiments qui semblent adaptés à une situation, mais ni rechercher l'une à tout prix, ni se complaire dans l'autre.

Après je comprends particulièrement bien le passage où tu parles de plaisir dans la mélancolie pour l'avoir vécue les premières années de ma dépression, javais parlé de sentiment "enivrant" à ma psychiatre de l'époque qui était un peu débile et ne m'a d'ailleurs pas du tout aidée à comprendre ça (ni en général d'ailleurs), elle l'a carrément nié bref.
Du coup j'ai passé des années à me complaire dans ma souffrance eeet, il m'a fallu pas mal de temps avant de comprendre que c'était en train de me ronger, psychologiquement, socialement, et enfin physiquement.

Voilà, c'est mon avis selon mon vécu et mes réflexions sur le sujet^^

 
#3 Posté par : Drim 08 novembre 2020 à  17:57
Salut salut
J'ai comme MG traversé une dépression pendant je dirais a posterioris de mes 15 à 22ans et pour en être sorti j'ai dû adopter un mode de fonctionnement différent de celui que j'avais et faire un travail conscient pour comprendre comment je fonctionnais. Ca a débouché sur une belle décompensation.
Aujourd'hui le bonheur, la tristesse, la mélancolie, ce sont des phases pour moi. Et chacune appelle la suivante. Le bonheur ne dure jamais. C'est plus la récompense d'un objectif pour moi et quand plein d'objectifs sont remplis en même temps je suis  heureux je crois.
La tristesse est surement la phase la plus introspective ou je suis en contact avec moi-même. C'est à ce moment que je rumine et que je me construit. Ça peut durer des mois comme quelques minutes, et je cherche un état mental et organisationnel qui me fasse me sentir bien sur un sujet plus ou moins large. C'est un jeu d’échange de travaux entre ma conscience, mon inconscient et leur réalisation. Et je sais que cet objectif ne sera qu'éphémère si je l'atteins. Soit stopper par moi ou le monde qui change, par un événement quel qu'il soit, ou par finalement ma fin. Mais dans tout les cas le bonheur ça décroche de la réalité je trouve. Quand on est heureux on est con je crois. C'est pas vraiment un état souhaitable a long terme.

Le bonheur ne va pas sans malheur, ça me permet de me donner des buts qui me permettent d'avancer quand je suis dans des situations desquelles je veux sortir. Le sentiment de tristesse pour moi c'est la conséquence d'un processus du cerveau qui traite et résous les problèmes : quand je suis triste c'est que quelque chose ne va pas, et quand je résous ce qui ne va pas je suis simplement content je crois, c'est mon corps qui me dit merci. Le bonheur en vision ultime pour moi c'est la récompense d'avoir avancé et d'être bien dans l'instant en ayant réalisé toutes les tâches qui me permettent paradoxalement et ultimement de me sentir libre.
Des fois je suis heureux longtemps, je fini par me sentir endormis et je mets un coup de pieds dans le tabouret. Et dans les phases de remise en question je remets tout en perspective et parfois elle sont pas bien bien drôles ce qui me ramène a des phases de tristesse.

Alors j'imagine qu'on peut très bien ne pas avoir ce mode de pensée et qu'il y en ait autant de différents que de gens. On peut très bien vivre seulement dans la tristesse j'imagine. Mais c'est triste :-(

 
#4 Posté par : Bkk2012 13 novembre 2020 à  01:30
Salut .

Alors pour moi la tristesse c'est quelque chose que j'ai cherché voir même cultiver étant ado pour me sentir vivant .

Puis en grandissant j'ai cherché le bonheur pour pas me foutre en l'air  .

Le signe du ying et du yang ma toujours intriguée étant enfant/ado et par la suite sa ma beaucoup aider une fois que j'ai décrypter sa réel signification!
(je lis assez peu malheureusement  car à moitié hyperactif du coup les images ésotériques l'art et les  icônes  chrétiennes mon toujours fasciné  bien plus que les écrits )

Puis mon premier voyage a Madagascar ma vraiment montrer que la tristesse la dépression  les benzo , les psy  , les centres pour dépressifs etc c'est devenue en grande partie un bizness du malheur
Particulièrement en Occident.

Les malgaches savent que leurs plus grande richesses c'est leurs joie (car souvent  très pauvre avec tout les soucis qui vont avec)

alors que en Occident la tristesse des autochtones fais la richesse de certains et sa personnellement je veux pas le cautionner/financer même si c'est dur .

J'adore  mon pays la France mais je garde toujours en moi cette joie et cette foi en la vie  et c'est pas la republique française qui me la  inculquer  c'est  limites un acte de résistance pour moi d'être "heureux" souriant et avenant malgré les tuiles qui s'enchaînent sad
7
Comme dis la chanson : me Gusta la vida loca !  Je dis sa   Car la musique et la religion catholique personelement mon vraiment aider a accepter la souffrance humblement a la façon de Jésus .
sans haine et dans la joie toujours.

En tout cas je souhaite à tous les
dépressifs de trouver la joie dans leurs cœur et de s'éloigner du suicide  force a vous  :)

 
#5 Posté par : Bambou91 13 novembre 2020 à  11:15
Beejour !

Tu parles de tristesse et de malheur, mais pour moi, c'est pas la même chose même si les deux sont liés... Si il m arrive un malheur bah sûr ça va me rendre triste mais je peux aussi être triste sans qu un malheur n arrive.

 
#6 Posté par : prescripteur 13 novembre 2020 à  11:16
Bonjour, je rappelle la citation d'Epictete , le stoicien

Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux.

Amicalement


 
#7 Posté par : Morning Glory 27 novembre 2020 à  20:04


Squick.

 
#8 Posté par : Zizanie 02 décembre 2020 à  16:00
Hey Salut,salut

Ça me rappelle des souvenirs tout ça, cette vidéo merveilleuse, tourne en boucle dans ma tête depuis deux ans maintenant ! super

 
#9 Posté par : Zizanie 02 décembre 2020 à  16:13

 
#10 Posté par : Finn Easter 12 décembre 2020 à  02:00
Salut à tous, merci pour vos commentaires. C'est un texte qui date d'il y a quelques années dans une période assez particulière pour moi ce qui peut expliquer son ton polémique. Quoi qu'il en soit, ça me fait grandement plaisir que le post ait pu être un espace où chacun reporte son expérience et sa pensée sur le sujet, je ne pouvais pas espérer mieux. J'ai lu avec grande attention, merci à vous.

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