Pourquoi j'ai consommé? Question difficile s'il en est, mais question que chaque UD devrait se poser. En y réfléchissant bien, cela permet d'en apprendre un peu plus sur soi. Je me suis retrouvé dans pas mal de vos histoires et j'ai beaucoup aimé lire le topic qui traite de la question. J'ai vu que certains ont à juste titre déballé leur sac, alors je me permets de faire de même, en espérant rester le plus clair et circonscrit possible.
Depuis gamin je suis attiré par les modifications de la perception et les phénomènes hallucinatoires. Les pokémons psys et leurs capacités de télékinésie m'ont très tôt fasciné. J'ai toujours été un grand fan des histoires farfelues qui traitent de l'absurde et de l'onirisme. Encore aujourd'hui j'éprouve de la nostalgie lorsque je repense à ces moments naïfs de mon enfance où je passais des journées devant la télé à regarder Alice aux pays des merveilles, les aventures de Gulliver, le voyage de Chihiro, Kirikou et j'en passe. Pas besoin de produit pour proder, pas besoin de voyage pour voyager. Ah, la bonne époque !
Une fugue puis deux, et j'ai vite appris à contenir mes besoins d'évasion dans l'audiovisuel. Ma première "addiction" fut celle des jeux video. D'abord avec la GameCube, où je m'amusais à partager les aventures de Mario, qu'il s'agisse des mondes de papier ou des îles de soleils. De même pour les Zelda ; je rêvais d'être ce Link qui parcourt les mers ou celui qui s'enfonce dans les bois perdus en quête de quelque princesse. Plus tard, à l'adolescence, j'ai pris la décision d'envoyer valdinguer mes consoles Nintendo afin de me convertir à la foi ultime : celle du Dieu-ordinateur, notamment à travers une pratique pour le moins assidue à des MMO en tout genre. C'est ainsi que WoW & LoL furent mes meilleurs amis, au collège puis au lycée.
En parallèle j'ai développé une puissante envie de m'ouvrir aux autres, ce qui peut sembler paradoxal. En dépit de mes problèmes psychologiques , j'ai tenté de nouer des liens avec les gens, de sortir la tête des livres et des écrans. Mais je n'y arrivais pas. Trop timide, trop peu assuré de qui j'étais. J'en souffrais terriblement. La solution? L'
alcool, évidemment. Profiter des moments festifs du lycée pour se murger la gueule, et utiliser cet effet illusoire pour se désinhiber afin de faire rire la galerie. Ça n'a pas manqué, si bien que je me suis payé une réputation de pochtron-avant-l'heure jusqu'à la fin du secondaire.
Suite à cela j'étais encore moins fier de qui j'étais, et je me suis mis à haïr davantage les autres et la société. Je me suis encore plus enfoncé dans l'
alcool, les jeux vidéo et les livres. J'ai aussi commencé la bédave grâce aux quelques teufeurs que j'avais rencontrés en soirée et qui m'avait initié à ce rituel de la jeunesse. À cette époque, je n'hésitais pas a me coller une mine seul devant mon ordinateur pendant un raid de Wotlk ou à fumer des spliffs en lisant les paradis artificiels de Baudelaire.
Arrivèrent les études et avec elles l'impossibilité de glandouiller. Pourtant, à mes heures perdues il m'arrivait de faire des recherches sur les délirogenes. Un soir d'automne j'ai même tenté la fameuse
amanite. Mais ce ne fut pas un franc succès : après m'être endormi comme une merde, je me réveillai seul, pommé dans la forêt, au beau milieu de plusieurs flaques de vomis.
Du reste, quelques
joints les soirs d'hiver, à potasser des bouquins de méthode qui ne m'ont finalement jamais bien servi. Quelques verres de blancs au bord de la Seine, pour me donner cet air de lettreux que la campagne ne m'avait jamais suggéré. Quelques clopes à la sortie des cours, histoire de passer le temps et de faire comme tout le monde.
Mais toujours m'habitaient cette phobie sociale, cette anxiété générale, cette incapacité a bien dormir, cette hypersensibilité. Si fortes d'ailleurs qu'il fallait agir au plus vite
. Moult psychologues et médecins inutiles, médicaments et antipsychotiques futiles : je devais trouver un autre moyen de lutte. Pas très loin de chez moi se trouvait une immense pharmacie. Un jour je me suis dit : "tiens, pourquoi pas y faire un tour?" Après m'être fait allègrement envoyé chier, j'ai compris que ce ne serait pas aussi simple. Mais une fois la technique maîtrisée, je me suis retrouvé avec un bon stock de
codéine.
S'en est suivie une consommation plus ou moins raisonnable, avec la traditionnelle
CWE puis différentes méthodes de potentialisation :
DXM,
benzodiazépines,
antihistaminiques ainsi que le tres célèbre jus de
pamplemousse blanc qu'on ne présente plus. Quelques excès par-ci par-là :
héroïne de rue ou traitements
opiacés obtenus par le biais de méthodes plus ou moins honnêtes. Le tout servant à masquer un mal-être constant. Mais tout fonctionnait relativement bien... Jusqu'à l'inévitable dérapage. Une consommation quotidienne, puis je suis devenu véritablement accro. Pire, j'étais accro à un prod qui ne me faisait presque plus d'effet, et ce même à des doses faramineuses - trois à quatre boîtes d'un coup. J'ai donc tenté pas mal de méthodes pour arrêter : cold turkey,
DXM,
méthode chinoise... Échecs sur échecs, situation psychologique de plus en plus instable. En plus, je perpétrais mes expériences divinatoires avec les graines de
LSA et la
kétamine, et ayant rencontré par chance un illustre cultivateur de
weed et de cubensis, il m'arrivait de faire quelques soirées dégustations d'herbes. Du
cannabis à la
salvia en passant par l'
iboga et d'autres joyeusetés exotiques, elles m'ont toutes beaucoup appris.
Puis vint 2017 et l'envie de me reprendre en main. Une fois de plus, je tentai la
méthode chinoise, mais cette fois-ci de manière très progressive. Un cachet de moins par jour, tout en mangeant sainement et en pratiquant des activités sportives. Arrêt total des autres produits - sauf le
cannabis et les
benzodiazépines. J'ai ainsi repris près de 10kg en quelques mois et j'ai réussi à arrêter totalement la
codéine peu après l'arrêté ministériel, qui ne m'a donc pas trop affecté. La sécrétion d'endomorphines m'était plus profitable que les effets pitoyables de la
codéine, ou les effets trop forts des autres
opiacés que de toute façon je ne pouvais plus me procurer. Mais l'anxiété et la peur des autres étaient encore là.
Premier
craving. J'ai pris la décision d'acheter un ticket de train. Puis un second. Je me suis éloigné de toute tentation. J'ai beaucoup voyagé. Ce fut d'ailleurs l'ultime remède. J'ai repris foi en l'humanité en rencontrant des gens fabuleux dont la pauvreté n'avait d'égale que la générosité. J'ai repris confiance en moi en m'apercevant que j'étais capable de sociabilité. Admirer notre monde tel qu'il est vraiment et non pas tel qu'il devrait être selon mon idéal illusoire m'a remis les pieds sur terre. Constater la précarité physique et psychique dans laquelle certains individus se trouvent m'a permis de relativiser et de comprendre que ma situation n'avait rien d'insurmontable.
J'ai donc pu démarer cette nouvelle année scolaire avec confiance, assurance et sérénité. J'étais plein de bonne volonté pour l'avenir, mais je fus bien vite rattrapé par la réalité. La sphère étudiante m'est apparue tout aussi nauséabonde qu'auparavant. Heureusement, j'ai rapidement trouvé des gens qui partageaient ma vision des choses. Mais ça n'a pas été facile tous les jours. Et ça ne l'est toujours pas.
Dans les quelques aventures que j'ai pu vivre, j'ai découvert la
cocaïne, qui m'a apporté un soutien formidable dans l'affrontement des devoirs du quotidien : les soirées débiles, entre autres. Puis un jour j'ai eu la bonne idée de baser la poudre, ce qui ne m'a pas aidé, sans surprise. S'en suivirent plusieurs nuits blanches consacrées à rechercher l'effet de la première pipe, puis une anxiété générale, des crises d'angoisse et une énorme fatigue. Sans compter les multiples dommages physiques : sensations de poumons brûlés, douleurs abdominales, paranoïa vis-à-vis de mon corps etc. Étant donné que j'avais conservé une pratique sportive régulière, je ne pouvais pas me permettre d'infliger ça a mon corps et à mon esprit. J'ai donc décidé de tout arrêter avant qu'il ne soit trop tard. J'ai fait un bilan auprès de mon généraliste, à mon grand étonnement tout allait pour le mieux.
Aujourd'hui, je suis déprimé. La seule et unique fille qui avait voulu de moi m'a finalement largué. En ces temps de fêtes, je culpabilise beaucoup de mes consos, cachées de tout mon entourage... Je creuse les derniers minerais de mon gisement d'étizolam pour masquer les angoisses passagères et éviter de trop lourdes insomnies.
Cela fait plus d'un an que je n'ai pas touché à l'
alcool, sept mois que j'ai délaissé la
codéine, deux mois que je n'ai plus fumé de
beuh, un mois que je n'ai pas pris de
cocaine... Les autres remontent à plus loin. Seuls restent les
benzodiazépines. Je n'en suis pas dépendant, mais il faut dire que ce sont de bons jokers. Pour l'instant, je n'ai pas envie de m'en débarrasser. Je redoute simplement l'usage compulsif que je pourrais en faire, comme c'était le cas avant, avec tout le reste.
Je ne vous cache pas que le
craving me prend parfois les tripes. Et dans ces moments-là, ce n'est pas sans peine que je lutte contre l'envie de consommer, surtout la
cocaïne qui ne sort pas de ma tête. Je ne rêve que d'une seule chose, partir loin. Très loin. Mais ce n'est pas aussi simple, malheureusement.
En tout cas, merci à ceux qui auront pris le temps de me lire. J'espère que de votre côté, tout va pour le mieux.
Y.