j ai fêté mes 21 ans en prison
cette année là Mitterrand venait de soulever l espoir de milliers de personnes .La France chantait la rose, n imaginant pas une seconde qu au fond des geôles des gamin à peine adulte se confrontaient au pire du pire ..
de la garde à vue de 4 jours et 4 nuits à degueuler tripes et boyaux , le corps brisé de manque, l'esprit assailli de la haine distillée par ses interrogateurs, assez sadiques pour
fumer des clopes sous ton nez alors que toi tu n y avait pas droit (sauf si tu te mettais à table...mais j avais pas faim de ce repas là ) à la prison de la ville, je n ai pas reconnu les rues...le sentiment d etrangeté, d irréalité qui m assaillit ne me quitta plus durant tous les mois , si longs, d emprisonnement.
Du greffe à ma cellule, je ne vois que des kepis ; hommes puis femmes sous l uniforme bleue nuit qui les rendaient tous identiques ; la prison quand on y entre enlève à chacun son identité..;même aux matons; ils ne sont plus que "personnels de la penitentiaire"...malgre leur fanfaronnade, eux n en sortaient jamais..
nous, les entôlés avions droit à une chemise de nuit de mèmère après une douche fort bien venue...
je n oublierai sans doute jamais les longs couloirs au lino brillant, aux portes à oeilleton s alignant gentiment sur un seul coté, les bruits de radio à fond, et celui des clefs, ces fameuses clefs longues et lourdes, tenues en main par la matonne, qui aimait tant les faire tinter....
clak...le verrou de la 10 s ouvre..on me pousse là dedans...clack ..le verrou se referme..ma premiere vision est pour l espece de fenetre , tout en haut du mur jaune pisse, qui me fait penser , à ce moment là precis, à victor hugo , et son livre notre dame de paris où esmeralda danse devant le bossus qui lui l observe depuis un soupirail ...
je me sens en cave ! la fenetre devenue soupirail me jette dans l horreur d être enfermée dans une cave où nul ne viendra plus me chercher....je pourrirai là pour l eternité....le manque remonte illico et ne me quittera plus pendant 3 mois .
Mon regard descend au raz des objets :table, deux chaises, deux lits face à face, un petit placard, une boite de café soluble dont je ne peux plus boire une seule
goutte depuis, mais qui deviendra un de nos meilleurs soutiens durant ces mois. On n imagine pas les bienfaits d un verre de cafe soluble , quand il est le seul point de chaleur dans une cellule glaciale ; jamais le soleil n y penetre...il n est pas fou le soleil , il sait bien que ces lieux sont maudits.
Sur le lit, et les chaises, cinq vieilles édentées, moches , échevelées, maquillées pour certaines outrageusement, donnant à l ensemble une impression d épouvante..je ne suis pas loin d hurler...mais c est inutile bien sûr..la porte sommeille..;elle ne s ouvrira pas ..;pas maintenant...
ces dames sont "en visite" ; là pour m accueillir ; c est gentil non ? et leur sport favoris c est de se présenter aux nouvelles, de cette façon là ...groupées...y a une raison...le motif de leur incarceration...elles en ont fait leur gloire et moyen de terroriser certaines jeunettes..et j en suis....
"On sait que t es là pour la drogue; c est pas bien de vendre de la mort à nos enfants.." leurs crimes s expliquaient, le mien se condamnait....
je m appelle A....moi j ai tué mon connard de mari à coup de marteau...
moi, c est G.....j etais SDF j ai 60 ans; je me rappelle plus mais on dit que j ai tué mon mari avec mon amant..je m en rappelle plus ..on avait bu tellement...je ne sais plus...je suis bien ici....c est propre, et pis on mange bien....
moi c est C.....j ai voulu mourir mais y a que mon fils de 4 ans qui est mort....
moi c est D.....on s est bien amusé à faire de la soupe avec le con de ma fille , d ailleurs mon mari est de l autre coté (quartier hommes) ..tu connais pas la soupe? tu enfiles des carottes et des trucs dans le c..de la gamine...on faisait ça...j ai pris 30 ans....
à ce moment là je crois , je suis même sûre que je discutais avec le Diable! car il n y avait aucun remord , juste une fierté d être l auteure d un acte monstueux...
elle etait à vomir..les autres etaient plus deficientes mentales , manipulées et manipulables facilement, par des hommes sans scrupules...j appris à les ..aimer pour certaines...;mais pas la derniere, non , elle etait une veritable ordure , sadique et servant de balance à la penitentiaire...
j aurai voulu mourir!
disparaitre de ce trou à ..assassinats...
on m avait servi!
heureusement on me changea vite de cellule et je fis ma peine avec une fille qui devint une vraie amie...
j aimerai tant la revoir!
joyeux anniversaire!